François Rothenfusse, le tisserand
Malheureusement, les recherches sur les parents de Jean George, François Rothenfusse et Marie Anne Greiner, n’ont pas donné de résultats pleinement satisfaisants. En cherchant dans les registres paroissiaux de Brouderdorff, nous n’avons trouvé que les actes de naissance de deux enfants, Jean George et Anne Marie.
Comme l’acte de mariage restait introuvable, nous avons émis l’hypothèse qu’il avait eu lieu dans une autre commune, et que ces deux enfants étaient peut-être les derniers d’une fratrie plus importante. Nous avons alors mené des recherches dans les communes les plus proches, et avons pu mettre au jour l’ensemble de la fratrie, dont les premiers sont nés dans la commune voisine de Troisfontaines.
Jean George est donc en réalité l’avant-dernier d’une fratrie de sept enfants :
1. Marie Magdelaine, née le 5 octobre 1726 à Troisfontaines,
2. Christine, née le 5 janvier 1728 à Troisfontaines,
3. Marie Eve, née le 9 juillet 1730 à Troisfontaines,
4. Pancrace, né le 4 juin 1733 à Brouderdorff,
5. Anne Marie, née le 8 décembre 1735 à Brouderdorff,
6. Jean George, né le 10 décembre 1739 à Brouderdorff,
7. Anne Marie, née le 16 janvier 1744 à Brouderdorff.
Le couple s’est donc installé à Brouderdorff entre 1730 et 1733. Malheureusement, nous ne sommes pas parvenu à trouver davantage d’informations. Il n’y a pas d’acte de mariage à leur nom ni à Brouderdorff, ni à Troisfontaines, ni dans aucune des communes limitrophes. Nous pouvons simplement supposer, à partir des données fournies par les actes des registres paroissiaux concernant la naissance de leurs enfants, que François est né vers 1700 et Anne Marie Greiner vers 1695. Mais ces approximations sont invérifiables, car pour Trois fontaines comme pour la majorité des communes consultées, il n’y a pas d’archives conservées avant 1720.
Il est certain qu’ils étaient déjà mariés en 1726 à la naissance de Marie Magdelaine, puisqu’elle est présentée dans son acte de naissance comme « fille légitime ». Mais il reste difficile, dans l’état actuel de nos recherches, d’en dire davantage.
Nous savons toutefois que François était tisserand, comme son petit-fils Caspar après lui, et comme en attestent plusieurs actes notariés dans lesquels il figure.
Nous disposons en particulier d’un acte dressé par maître Mangin, notaire de la commune de Brouderdorff, le 13 août 1732, par lequel François Rothenfusse se fait l’acquéreur d’une maison et d’un jardin. Il y est désigné comme « François Rotenfouse, m[aîtr]e tisserant dem[euran]t à Hartzviller ». On y apprend donc également qu’avant de s’installer à Brouderdorff, François et son épouse ont séjourné dans la commune voisine d’Hartzviller. C’est donc sans doute dans cette commune qu’il faudrait chercher la naissance de François et la date de son mariage, mais les registres de Hartzviller n’étaient pas davantage conservés. François est donc un artisan qualifié, peut-être maître d’un atelier. Il semble assez bien intégré dans la vie civile de la commune de Brouderdorff.
Ainsi, nous avons par exemple retrouvé son nom dans un acte notarié en date du 3 février 1746. Il s’agit d’un événement communautaire important à Brouderdorff : on a remplacé les cloches de l’église du village, qui vont être bénies et inaugurées lors d’une cérémonie villageoise en présence de quelques représentants officiels. Or dans l’acte notarié qui immortalise cet événement, on retrouve bien François parmi les signataires.
Enfin, la lecture de ces registres notariés de Brouderdorff nous apprennent un dernier élément sur ce personnage : il s’agit d’un petit propriétaire. Il n’a pas été possible de vérifier ces informations sur des documents cadastraux, non conservés pour la commune à cette époque.
Cependant, plusieurs actes notariés se font l’écho de l’achat d’une terre par le couple dans la commune au printemps 1744.
L’exil de la famille Schweitzer : de Sarrebourg à Essonnes
Revenons à notre couple de référence, Antoine Schweitzer et Anne Rothenfusse, qui prononcent leurs voeux le 30 octobre 1849 dans la commune de Sarrebourg. Tous deux originaires de communes différentes (Antoine est né à Cernay mais vit à Réding au moment de son mariage, Anne a grandi à Guntzviller), ils s’installent à Sarrebourg après leur mariage, puisque c’est là que vont naître leurs premiers enfants. Ces derniers naissent à un rythme très régulier, et tous survivent jusqu’à l’âge adulte, ce qui indique un niveau de vie relativement correct. On trouve dans l’ordre de naissance :
1. Madeleine, née le 12 janvier 1850. Nous n’avons pas trouvé d’informations sur sa vie, hormis qu’elle accompagne sa famille lorsqu’elle migre en direction d’Essonnes (cf. ci-dessous).
2. Antoine, né le 14 septembre 1851. Il se marie le 9 mars 1878 avec Marie Adeline Cossin, dans la commune d’Essonnes (Seine)53. Ils ont ensuite quatre enfants : Antoine Edmond (né en 1878), Léonie (1885), Marceline Adeline (1888) et Raymond André (1894).
3. François, né le 21 octobre 1853. Il se marie le 26 juillet 1879 avec Marie Antoinette Boulay, à Rambervillers (Vosges). Ils auront trois enfants : Alfred (né en 1881), Marie Victorine (1883) et Henri (1885).
4. Agathe, née le 24 décembre 1855. Elle se marie le 24 août 1878 à Essonnes avec Alfred Cordier, un maçon qui semble très proche de la famille car il apparaîtra dans presque tous les actes d’état-civil qui la concerne. Ils ont un fils, Henri, né avant leur mariage en 1875.
5. Émile, né le 27 février 1858. Il se marie avec Marie Gilbert à une date que nous n’avons pas pu établir59, et avec laquelle il aura quatre enfants : Émilie (née en 1882), Fernande (1887) et Georges Émile (1892).
6. Louis, né le 30 avril 1860. Il se marie deux fois : la première fois avec Berthe Adèle Humeau à Essonnes le 9 septembre 1891, dont il n’aura aucun enfant et qui décède en 1899 ; la seconde fois au même endroit avec Ernestine Gaudrion le 28 avril 1900, avec laquelle il aura un fils, André Louis Ernest, né en 1901. 7. Marie, née le 3 septembre 1862. Elle épouse Eugène Houblout le 13 mars 1893 à Essonnes ; ils auront deux enfants : Hélène (née en 1895) et Raymond (1897).
8. Clémence, née le 12 août 1864. Elle se marie avec Louis Desbarres le 4 avril 1885 à Essonnes66. S’ils eurent des enfants, nous n’en avons pas encore retrouvé la trace car les époux quittent rapidement la ville d’Essonnes après leur mariage.
9. Constant, né le 22 novembre 1866. Il épouse Ernestine Bombarde le 16 juin 1894 à Essonnes. Ils auront un fils, Roger, né en 1900.
A ce stade de la recherche, avec cette fratrie déjà bien complète, nous pensions avoir fait le tour des descendants d’Antoine et Anne. En réalité, nous avons découvert, par le plus grand hasard, qu’ils avaient eu d’autres enfants par la suite, dont aucun n’a survécu jusqu’à l’âge adulte (ce qui explique que nous ne soupçonnions même pas leur existence, au vu de leur absence dans toutes les sources consultées).
C’est donc entre mars 1872 (date du décès de Charles à Rambervillers) et 1875 (première trace de la famille Schweitzer à Essonnes, grâce aux répertoires de maître Charles Jozon) que la famille s’installe à Essonnes.
Cet exil progressif depuis Sarrebourg est très certainement lié au conflit franco-prussien qui touche durement la Lorraine et les Vosges. Avec l’annexion de la région par la Prusse en janvier 1871, les habitants sont soumis à un choix difficile : continuer à vivre sur place, en acceptant de devenir des sujets de l’empire prussien ; ou bien choisir la nationalité française, auquel cas ils étaient contraints de migrer. La famille Schweitzer a opté pour cette dernière solution. Ils font donc partie de ceux que l’on appelle alors les « optants à la nationalité française ». Nous en avons la certitude grâce à des listes qui ont été établies, et sur lesquelles nous voyons apparaître l’ensemble de la famille.
On constate d’emblée sur cette liste les origines très diverses des optants installés à Rambervillers. Cette ville semble avoir fait fonction d’étape dans leur migration.
On trouve ici, dans l’ordre de la liste (donc par ordre alphabétique) : Agathe, Antoine (père), Antoine (fils), Clémence, Constant, Émile, François, Louis, Madeleine et Marie ; autrement dit toute la famille hormis la mère, dont nous avons supposé qu’elle avait dû être classée à son nom patronymique. Ils ont fait leur déclaration tous ensemble, le 8 mars 1872. Étrangement, nous n’avons jamais pu retrouver dans cette liste le nom d’Anne Rothenfusse, même si nous savons par
ailleurs qu’elle migre effectivement avec le reste de sa famille. Plusieurs membres de sa fratrie feront le même choix d’opter pour la nationalité française. La plupart des Alsaciens contraints de fuir leur région d’origine se sont déplacés soit vers la Lorraine encore sous souveraineté française, soit vers la région parisienne. La famille Schweitzer a donc fait les deux choix successivement : ils s’installent d’abord à Rambervillers, avant de regagner Essonnes. Ce second exil semble lié à des impératifs économiques. Il est certain que le travail était plus abondant dans le département de la Seine, en pleine essor industriel. De plus, certains enfants du couple (notamment François et Antoine) exercent déjà le métier de « papetier ».
En effet, en prenant en compte les dates auxquelles la famille réside à Rambervillers, nous en avons déduit que les deux fils aînés, Antoine et François, avaient dû y faire leur service militaire en 1871 et 1873.
Nous avons aisément retrouvé Antoine (fils) dans les listes alphabétiques du recrutement militaire de 1871.
En tout cas, les fils de la famille (ou au moins certains d’entre eux) semblent avoir déjà adopté la profession de papetier lorsqu’ils résident à Guntzviller. Peut-être ont-ils souhaité migrer en direction de la plus grande industrie du papier en France, l’usine d’Essonnes, qui était sans doute une promesse de travail pour ces ouvriers expérimentés.
La famille accomplit donc une seconde migration vers la ville d’Essonnes entre 1872 et 1875. Antoine (père) décède le 16 avril 1890 à Essonnes à l’âge de 68 ans ; Anne Rothenfusse s’éteint le 15 septembre 190775, toujours à Essonnes, à 79 ans.
C’est donc l’histoire de cet exil que nous allons faire dans la suite de ce mémoire, l’histoire de l’installation et de l’adaptation de cette famille lorraine dans la ville d’Essonnes, qui accueille alors la plus grande industrie papetière de France.
Histoire générale de la ville d’Essonnes
Essonnes fait son apparition dès l’Antiquité en tant que petit bourg, à l’époque gauloise. On sait grâce à la numismatique notamment que la ville portait alors le nom d’ « Exona », nom certainement emprunté au fleuve qui la traverse.
Aux environs de l’an Mil, elle est dotée de fortifications qui engendrent un regroupement de la population. Les futures villes de Corbeil et Essonnes, encore indifférenciées, se créent donc au confluent de deux fleuves, la Seine et l’Essonne. Cette situation géographique favorable lui permet de se développer assez rapidement.
Comme beaucoup de bourgs français, la ville connaît un développement important entre le XIème et le XIIIème siècle en lien avec l’essor du commerce, dont elle profite grâce à sa situation de confluence. Elle devient alors la tête d’un petit comté. Intégrée au coeur d’une grande région viticole, la ville entretient des liens commerciaux privilégiés avec la capitale, ce qui lui permet de s’enrichir. Elle va même accueillir des personnages très importants du royaume, puisque c’est à Corbeil que l’abbé Suger est nommé au début du XIIème siècle. Avec la construction d’un château, elle devient même progressivement une résidence royale.
À partir du XVIème siècle, les deux communes se différencient. On voit apparaître les premières industries : des moulins sur le fleuve, on passe aux filatures textiles et aux imprimeries. C’est en 1840, grâce à l’ouverture d’une ligne de chemins de fer reliant Corbeil et Paris, que les deux communes de Corbeil et Essonnes s’intègrent complètement dans un monde en pleine industrialisation. À Essonnes, la vie s’organise autour de grandes industries, notamment une immense papeterie. La population est très majoritairement ouvrière.
La commune dans laquelle s’installe la famille Schweitzer au début des années 1870 est donc celle d’Essonnes. Aujourd’hui disparue, cette dernière a été fusionnée en 1951 avec la commune limitrophe de Corbeil.
Le blason actuel de la commune illustre bien cette histoire complexe marquée par les restructurations territoriales, car on y retrouve les armes de Corbeil et celles d’Essonnes, associées sur un blason parti : en un, d’azur au coeur de gueules chargé d’une fleur de lys d’or (anciennes armes de Corbeil) ; en deux, d’azur aux trois épis d’or disposés en éventail (anciennes armes d’Essonnes).
On a fait de même pour les devises des deux communes, qui ont simplement été accolées : « cor bello paceque fidum; crescet ad huc ».
Les origines de l’industrie du papier
La présence d’activités économiques à Essonnes est très ancienne. Selon l’instituteur qui rédige en 1899 une monographie sur la commune, Essonnes et son annexe de Moulin-Galant existeraient depuis les Mérovingiens. On y trouverait alors, toujours selon cet auteur, des activités très particulières, notamment un atelier monétaire. Si l’auteur semble peu à l’aise avec les témoignages de cette époque, il tient toutefois à souligner les origines très lointaines de la commune.
Mais c’est rapidement l’activité de fabrication de papier qui s’installe dans la commune, profitant de la présence d’eau, mais aussi de la proximité de Paris. En effet, c’est à partir de chiffons que l’on fabrique du papier pendant une grande partie de l’époque moderne. La présence d’une ville de forte densité à quelques kilomètres d’Essonnes lui permet d’avoir recours aux services des chiffonniers, qui récupèrent les tissus usagés pour les revendre. C’est à partir de ce matériau que les premiers ateliers et fabriques élaborent du papier. Selon l’auteur de la monographie, les premières papeteries se seraient installées dès Moyen-Âge, vers le XIIIème siècle, en concomitance donc avec le développement de la ville de Paris.
La manufacture à l’époque moderne
La manufacture se développe tout au long de l’époque moderne, passant aux mains de nombreux entrepreneurs, et obtenant même le statut de manufacture royale par un acte du 10 avril 1769. En 1775, elle est reprise par les frères Sauvade, qui veulent établir une manufacture utilisant les cylindres « hollandais ». Malgré cette innovation technique, cela aboutit à une première faillite de la manufacture.
La manufacture est rachetée en 1789 par l’imprimeur parisien Pierre François Didot, qui en confie la direction à son fils, Léger Didot. D’abord favorisée par les événements de la Révolution (la manufacture se voit notamment confier une partie de la production du papier des assignats), elle emploie alors une soixantaine d’ouvriers et autant d’ouvrières. Elle compte alors parmi ses employés un certain Louis Nicolas Robert, nommé « premier commis de la manufacture » en 1794, et qui invente en 1798 une « machine à fabriquer le papier d’une très grande longueur »88. C’est une véritable innovation technique.
L’usine connaît donc une phase d’enrichissement sous la direction de la famille Darblay, qui s’exprime aussi par une extension spatiale des installations. La Papeterie prend désormais une place centrale dans la commune (cf. documents 27 et 28). Grâce à toutes ces innovations, la Papeterie domine complètement le marché du papier en France à l’aube du XXème siècle : avec un chiffre de vente d’environ 23 millions de francs, elle dépasse de très loin ses premiers concurrents91. En 1900, elle emploie environ 2 500 ouvriers. Avec ses 23 machines, elle devient la plus importante papeterie d’Europe.
La Papeterie d’Essonnes au XXème siècle
L’usine ne cesse de s’étendre jusqu’à la Première Guerre Mondiale, avec la création d’usines annexes (à Echarcon, dans l’annexe de Moulin-Galant, à Bellegarde puis aux Tarterêts), mais aussi d’une immense cité ouvrières à Essonnes, baptisée « Cités Darblay ». Mais l’industrie du papier subit de plein fouet la crise des années 1920 et 1930. La fabrication n’est plus vraiment rentable à Essonnes, puisque ce site avait été choisi dans l’optique de produire du papier à partir de chiffons ; désormais, il faut se rapprocher des sources d’approvisionnement en bois. Malgré tout, l’usine reste essentielle dans l’économie de la commune : en 1937, elle emploie encore plus d’un millier d’ouvriers. Elle est finalement restructurée au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale dans l’optique d’une diversification de ses activités. C’est notamment en son sein qu’est inventé en 1946 le Sopalin (Société du Papier Linge). Mais ce n’est qu’un dernier sursaut. L’usine dépose son bilan en 1980, à la suite du premier choc pétrolier qui a un impact désastreux sur ses activités. C’est en 1996 qu’elle ferme définitivement.
La zone va rester pendant longtemps une immense friche industrielle, qui est devenue propriété de la ville de Corbeil-Essonnes en 2005. Des travaux de construction et d’aménagement ont fait disparaître les traces de l’ancienne Papeterie ; le seul vestige encore visible est le bâtiment des pompes d’Essonnes, installé en bord de Seine, et aujourd’hui protégé comme élément du patrimoine industriel de la région Île-de-France. Malgré des projets de mise en valeur, ce bâtiment reste assez difficile d’accès et n’est ouvert au public qu’une fois par an, dans le cadre des Journées Européennes du Patrimoine.
Vivre et travailler à Essonnes aux XIXème et XXème siècles
Un paysage industriel
La ville d’Essonnes est fortement marquée dans son paysage par le nombre important de voies de communications qui la desservent. Les voies maritimes sont les plus anciennement utilisées (la Seine et l’Essonne) ; mais on trouve aussi de nombreuses voies terrestres, et notamment le chemin de fer. C’est ce caractère intermodal qui permet à la ville de se développer dans un contexte d’industrialisation. Cela est très bien décrit par l’instituteur à l’origine de la monographie communale.
Mais le bourg d’Essonnes est en réalité le centre d’un complexe plus large, avec un réseau de hameaux et d’annexes de l’usine dans des communes voisines. Le hameau le plus important est celui de Moulin-Galant, qu’il convient de présenter ici car certains des membres de la famille Schweitzer y résideront. D’après Turgan, cette annexe de l’usine est l’endroit « où l’on fabrique le papier-goudron avec les matières les plus grossières ». C’est donc une zone secondaire mais très active de la papeterie.
Le hameau se trouve au sud-ouest d’Essonnes et comprend environ un millier d’habitants à la fin du XIXème siècle (sur les 9 000 habitants de la ville d’Essonnes). On trouvera à la page suivante (document 30) le plan fourni dans la monographie de la commune, qui permet de mieux situer ce lieu.
Les conditions de travail
Lorsqu’il visite la papeterie dans les années 1860, Turgan note le nombre colossal d’ouvriers employés par l’usine, mais aussi une division du travail qui accorde une place très importante aux ouvrières. Regroupées par tâches, elles exercent des fonctions très variables, en général sous la direction d’un homme.
Une famille dans l’industrie du papier
Au terme de la migration qui les amène à s’installer à Essonnes, dans le département de la Seine, les hommes (et certaines femmes) de la famille Schweitzer vont donc s’engager dans l’industrie locale la plus importante, la Papeterie d’Essonnes. Tous les fils du couple vont, au moins dans un premier temps, travailler dans ce domaine. C’est le cas par exemple d’Antoine, le fils aîné, dont nous allons suivre la trajectoire ; sur son acte de mariage daté de 1878 (donc quelques années seulement après l’arrivée de la famille à Essonnes), on peut lire.
On constate ici qu’il existe une forme d’endogamie sociale à Essonnes à cette époque, dans le cercle particulier des employés de la Papeterie, qui vivent tous dans des lieux proches et créent des liens particuliers. Tous les Schweitzer sont papetiers de père en fils, et parfois aussi de mère en fille ; même chose de toute évidence dans la famille Cossin, dont est issue l’épouse d’Antoine, puisque les deux parents de Marie Adeline ainsi que ses frères sont eux-mêmes papetiers.
Le phénomène se vérifie si l’on enquête sur les autres fils d’Antoine Schweitzer et Anne Rothenfusse : Louis est désigné comme « conducteur de machine à papier » lors de son second mariage en 1900, Constant également. Pour le cas de Constant, on constate que lui aussi, comme Antoine, épouse une papetière, fille de papetiers.
L’étude des registres de recensement de la commune d’Essonnes est très instructive à ce propos, en particulier à partir de 1901. En effet, à cette date, une nouvelle colonne fait son apparition dans les registres et indique le statut professionnel. Il suffit de parcourir très rapidement les registres pour s’apercevoir que la famille Darblay est, de très loin, le premier employeur de la ville. On remarque aussi très clairement que des quartiers entiers sont occupés par des ouvriers de la Papeterie, de façon quasiment exclusive.
Les familles Schweitzer et Cossin : un lien conservé avec la région d’origine ?
Avant de nous pencher plus en détails sur le destin d’Antoine Schweitzer (fils), il convient d’aborder un élément structurant, omniprésent dans les recherches menées sur cette famille. Beaucoup d’éléments semblent indiquer un regroupement avec des familles elles aussi originaires des Vosges, et en particulier avec la famille Cossin, dont est issue l’épouse d’Antoine.
En effet, l’acte de mariage d’Antoine fils et Marie Adeline Cossin informe que Marie Adeline est née à Arches (Vosges) le 18 novembre 1857. Or cette localité se trouve à mi-chemin entre Sarrebourg, lieu d’origine d’Anne Rothenfusse, et Cernay (Haut-Rhin), lieu de naissance d’Antoine, et dans la même région culturelle des Vosges. Il semble donc y avoir un rapprochement lié à des origines similaires. À partir de là, il serait toutefois hasardeux de supposer que les deux familles avaient déjà des liens avant leur exode ; cela indique au moins un regroupement, à Essonnes, entre personnes d’origine commune.
Et la famille Cossin n’apparaît pas seulement dans le cas du mariage entre Antoine et Marie Adeline…
Le cas de Marie Victorine Schweitzer
Marie Victorine est la nièce d’Antoine, fille de son frère François (et d’une femme qu’il a épousée dans les Vosges). En 1900, alors âgée de 16 ans, la jeune fille donne naissance à un fils naturel prénommé Raymond. Si l’acte de naissance de cet enfant a retenu notre attention, c’est surtout grâce aux notes marginales.
Ces dernières indiquent que l’enfant, né le 17 janvier 1900, est reconnu par sa mère le 6 février, le père n’étant pas dénommé ; il sera ensuite « légitimé par le mariage de Henri Edouard Cossin et de Marie Victorine Schweitzer » le 23 août 1915. Encore un membre de la famille Cossin.
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Table des matières
Dédicaces et remerciements
INTRODUCTION
– Détermination du sujet d’étude
– Difficultés rencontrées
– Angle d’approche sur le plan méthodologique
– Arbre généalogique simplifié des familles Rothenfusse / Schweitzer
PREMIERE PARTIE – ROTHENFUSSE : DES VOSGES A LA SEINE
1. L’union d’Antoine Schweitzer et Anne Rothenfusse
a) Un mariage en Lorraine au milieu du XIXème siècle
b) La jeunesse des époux
2. Le mystère Christine Schweitzer
3. Augustin Rothenfusse, le charron
4. Caspar Rothenfusse, le tisserand
5. Jean George Rothenfusse, le manoeuvre
6. François Rothenfusse, le tisserand
7. L’exil de la famille Schweitzer : de Sarrebourg à Essonnes
DEUXIEME PARTIE – ESSONNES : UNE VILLE AU COEUR DE L’INDUSTRIE DU PAPIER
1. Histoire générale de la ville d’Essonnes
2. Histoire de la Papeterie d’Essonnes
a) Les origines de l’industrie du papier
b) La manufacture à l’époque moderne
c) L’ère Darblay
d) La Papeterie d’Essonnes au XXème siècle
3. Vivre et travailler à Essonnes aux XIXème et XXème siècles
a) Un paysage industriel
b) Les conditions de travail
c) Vivre dans une cité ouvrière
TROISIEME PARTIE – SCHWEITZER : PAPETIERS DE PERE EN FILS ?
1. Une famille dans l’industrie du papier
2. Les familles Schweitzer et Cossin : un lien conservé avec la région d’origine ?
a) Le cas de Marie Victorine Schweitzer
b) Le cas de Marceline Adeline Schweitzer
c) La question de l’orthographe du nom
QUATRIEME PARTIE – ANTOINE SCHWEITZER (FILS) ET SES DESCENDANTS : VERS UNE ASCENSION SOCIALE ?
1. Antoine Schweitzer, portrait d’un entrepreneur
a) Première approche : l’état-civil
b) L’acquisition du fonds de commerce
2. Les descendants d’Antoine Schweitzer
a) Marceline Adeline Schweitzer
b) Raymond André Schweitzer
CONCLUSION
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