Essais sur l’efficacité des politiques budgétaires en union monétaire

Crée le 16 mars 1994 à N’Djaména au Tchad en remplacement de l’Union Douanière de l’Afrique Centrale (UDEAC) jusque-là considérée comme la doyenne des organisations sous-régionales d’intégration en Afrique, la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) naît d’une volonté manifeste des différents Etats de la sous-région Afrique Centrale de renforcer leur intégration à travers une coopération économique plus intense. Elle rassemble en son sein le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale, la République Centrafricaine et le Tchad, pays ayant en commun l’utilisation du Franc de la Coopération Financière en Afrique (FCFA), monnaie héritée de la colonisation française et dont la parité est définie de manière fixe par rapport à l’Euro . Dès le 5 juillet 1996, ces différents pays vont signer à Libreville au Gabon la convention régissant l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale (UMAC), même si toutefois elle n’entrera officiellement en vigueur que le 23 juin 1999.

De fait, la CEMAC tout comme sa consœur l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) a cette particularité que face à un quelconque choc exogène, la stabilisation macroéconomique repose essentiellement sur la politique budgétaire. Cela tient du fait que le canal du taux de change qui est l’un des principaux canaux de transmission de la politique monétaire ne peut être fonctionnel dans ce contexte d’union monétaire à régimes de changes fixes. Il ne peut donc pas y avoir d’ajustement par le change, pourtant, les différentes économies de la CEMAC sont reconnues pour leur forte dépendance vis-à-vis de l’extérieur, notamment à travers l’exportation des matières premières.

Ainsi, nous nous fixons pour objectifs dans le cadre de ce chapitre introductif de donner les caractéristiques de la zone CEMAC en tant qu’union monétaire, et de présenter l’évolution des finances publiques tout en mettant un accent particulier sur les contraintes auxquelles elles sont soumises. A terme, ceci nous permettra de dégager la problématique de cette thèse. Pour y parvenir, ce chapitre est organisé autour de trois grandes sections : La première section situe la zone CEMAC par rapport à la théorie des zones monétaires optimales. La deuxième section fait un panorama sur l’évolution des finances publiques dans la CEMAC ainsi que les différentes contraintes auxquelles elles font face. La troisième section présente la contribution de cette thèse en faisant ressortir aussi bien la problématique que les objectifs de recherche.

La CEMAC : Une zone monétaire non optimale 

De nos jours, le monde regorge en son sein un certain nombre de zones monétaires dont les plus connues sont la zone Euro, la zone Dollar et la zone Franc. Cette dernière comporte en son sein outre les îles Comores, la zone UEMOA et la zone CEMAC. Tout comme dans toute union monétaire, la politique monétaire dans la zone CEMAC est commune et confiée à une Banque Centrale supranationale à savoir la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC), qui est chargée de sa mise en œuvre dans les différents pays constituant l’union. Par conséquent, le coût à payer par les pouvoirs publics de ces pays est celui lié à la perte de l’instrument monétaire comme outil de stabilisation. En cas de choc asymétrique, cette perte se traduit essentiellement par le manque de flexibilité d’un pays dans l’élaboration de ses politiques économiques pour relancer l’activité économique réelle, notamment la consommation privée, l’investissement privé, ou encore les exportations.

Afin de mieux appréhender la non optimalité de la zone CEMAC en tant qu’union monétaire, nous partons d’un bref aperçu de la littérature sur la théorie des zones monétaires optimale pour présenter la situation de la zone CEMAC par rapport à un certain nombre de critères répertoriés dans la littérature.

Un bref aperçu de la littérature sur la théorie des zones monétaires optimales 

De façon simple, une zone monétaire optimale peut être définie comme une région géographique dans laquelle il est bénéfique d’établir une monnaie unique. La littérature théorique et empirique sur les zones monétaires optimales (ZMO) se décline en deux principales approches : L’approche dite « traditionnelle » qui découle des travaux pionniers de Mundell (1961) et l’approche dite « moderne » qui remonte à la fin des années 90 suite aux travaux de Frankel et Rose (1998). La première approche suppose que l’optimalité d’une zone monétaire repose sur des conditions ex ante, c’est à dire les conditions qui prévalaient avant la formation de l’union monétaire. La seconde quant à elle, encore qualifiée « d’approche endogène » suppose qu’une union monétaire produit de façon endogène les conditions de son optimalité, et suggère donc que l’analyse de l’optimalité des zones monétaires devrait être faite ex post et non ex ante.

L’approche « traditionnelle » de la théorie des zones monétaires optimales 

Dans la littérature contemporaine, Mundell (1961), McKinnon (1963) et Kenen (1969) sont considérés comme ceux qui ont jeté les jalons de la théorie des zones monétaires optimales. L’apport de Mundell (1961) repose essentiellement sur la mobilité des facteurs de production. Il fut le premier auteur à fournir des critères permettant de juger de l’optimalité d’une zone monétaire. A cet effet, il propose trois critères à savoir : La mobilité de la main d’œuvre, la flexibilité des prix et des salaires, et la synchronisation des cycles économiques entre les différents pays de la zone. Selon lui, ce dernier critère permet de réduire les asymétries dans la zone suite à un choc exogène. En prenant l’exemple de deux pays A et B, il montre qu’ils ont intérêt à former une zone monétaire unique à changes fixes, dès lors que la mobilité des facteurs de production à l’intérieur de la zone par eux formée est plus forte que celle observée vis-à-vis de l’extérieur. Par ailleurs, il souligne que si la mobilité des facteurs de production est plus faible à l’intérieur de la zone monétaire formée par les pays A et B, alors le régime de change le plus avantageux est celui du change flexible.

Pour mieux illustrer ses propos par rapport aux deux premiers critères sus énumérés, il suppose que les pays A et B sont liés par un processus d’intégration et que l’objectif de chacun d’entre eux est de satisfaire à la fois l’équilibre interne (faible inflation et plein emploi) et l’équilibre externe (équilibre de la balance de paiements). Il montre qu’un choc de productivité dans le pays A occasionnera une hausse du chômage et de l’inflation dans le pays B, accompagnée d’une amélioration de la balance commerciale en cas de rigidité des salaires et d’absence de mobilité de la main d’œuvre. En revanche, si la main d’œuvre est susceptible de se déplacer aisément du pays A au pays B et les salaires flexibles, cela pourra aider à diminuer le sous-emploi et l’inflation dans le pays B tout en améliorant la balance des paiements sans aucun recours au taux de change. Ainsi, des Etats gagneraient à former une union monétaire, lorsque la parfaite mobilité de leurs facteurs de production est avérée.

Dans le même ordre d’idées, McKinnon (1963) va proposer le degré d’ouverture de l’économie à l’international comme critère fondamental à l’établissement d’une zone monétaire. Il définit ce degré d’ouverture comme étant le ratio entre les biens échangeables et le produit national brut (PNB). Selon lui, plus le degré d’ouverture d’un pays est élevé, plus il gagne à intégrer une zone monétaire, car il devient plus vulnérable aux fluctuations des prix sur le marché international. En d’autres termes, plus un pays est « ouvert » à l’international, plus il a selon McKinnon intérêt à appartenir à un régime de change fixe et plus il est « clos », plus il a intérêt à appartenir à un régime de change flexible, car les variations du taux de change auraient un important impact sur les prix relatifs des biens échangeables exprimés en unités de devises locales pour les pays relativement ouverts.

A la suite de Mundell (1961) et McKinnon (1963), Kenen (1969) va compléter la théorie traditionnelle des zones monétaires optimales en proposant comme critère d’optimalité la diversification de la production et la consommation, et en élargissant l’analyse de Mundell aux mouvements internationaux de capitaux. Selon lui, les économies diversifiées sont plus aptes à appartenir à une union monétaire que celles qui ne le sont pas (ou le sont moins). En effet, une forte diversification de l’économie atténue l’impact des chocs spécifiques dans un secteur donné de l’économie, l’empêchant ainsi d’avoir une envergure nationale. Dans le prolongement de ces travaux, certains chercheurs vont proposer dans la littérature d’autres critères d’évaluation de l’optimalité des zones monétaires à partir de la fin des années 60. Il s’agit entre autres du degré d’intégration des marchés financiers (Ingram, 1969 ; Mundell, 1973), de la similarité des taux d’inflation (Fleming,1971), et de la flexibilité des prix (Corden, 1972 ; Ishiyama, 1975). Corden (1972) en se basant sur la relation inflationchômage telle que théorisée par la courbe de Phillips, montre par exemple qu’un ensemble de pays présentant des différences en termes de degré de tolérance au chômage et à l’inflation ne sont pas compatibles pour former une union monétaire. Mundell (1973), tout en mettant en exergue le rôle fondamental de la mobilité des facteurs de production dans la formation d’une union monétaire, souligne qu’une forte intégration des marchés financiers des différents pays de l’union réduit l’asymétrie des chocs exogènes. Ishiyama (1975) tout comme Fleming (1971) met un accent particulier sur la nécessité d’une convergence des taux d’inflation pour les pays qui ambitionnent former une union monétaire. La synchronisation des cycles économiques comme condition de création d’une zone monétaire optimale est également réitérée par Blanchard et Quah (1989) et Bayoumi et Eichengreen (1992).

L’approche « moderne » de la théorie des zones monétaires optimales 

L’approche « moderne » de la théorie des ZMO voit le jour vers la fin des années 90. Cette approche remet en cause la théorie traditionnelle des ZMO. Elle soutient que même si les critères d’optimalité ne sont pas vérifiés ex ante, ils peuvent l’être ex post, c’est-à-dire après la formation de l’union monétaire, car les effets bénéfiques de cette dernière peuvent rendre optimale une zone monétaire qui ne l’était pas auparavant. Ainsi, les critères des ZMO telles que définies par l’approche traditionnelle seraient en réalité endogènes de sorte qu’« un examen naïf des données du passé donnerait une idée erronée de l’aptitude d’un pays à intégrer une union monétaire » (Frankel et Rose, 1997).

À partir d’une étude portant sur un échantillon de 21 pays industrialisés, Frankel et Rose (1997) montrent que les pays qui ont un fort degré de commercialisation entre eux ont tendance à avoir des cycles économiques corrélés. Leurs résultats sont corroborés entre autres par ceux d’Artis et Zhang (1995), Fidrmuc (2001), Calderon et al (2003), Imbs (2004), Darvas et al (2005), Baxter et Kouparitsas (2005), Tapsoba (2007) et Inklaar et al (2008). Cette relation positive entre l’intégration commerciale et la synchronisation des cycles a dans la littérature renforcé la thèse de l’endogénéité des critères d’optimalité des zones monétaires. Cette dernière met ainsi en exergue l’un des avantages que peut tirer un pays de son appartenance à une union monétaire, à savoir la suppression des coûts de transaction liés aux opérations de change qui permet d’accroître les échanges commerciaux et les investissements entre les différents pays de l’union.

A l’issue de ce survol de la littérature, on est en droit de se demander quelle est la situation de la CEMAC en tant qu’union monétaire par rapport aux critères traditionnels des zones monétaires optimales.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction générale
ABTRACT
Chapitre 1. Introduction générale et vue d’ensemble
.1 La CEMAC : Une zone monétaire non optimale
.2 Les finances publiques dans la CEMAC : Quelques faits stylisés
.3 Contribution de la thèse
ANNEXES DU CHAPITRE 1
Chapitre 2. Chocs de politique budgétaire et dynamique de l’activité économique dans la CEMAC : Les multiplicateurs budgétaires
.1 Revue de la littérature théorique
.2 Revue de la littérature empirique
.3 Méthodologie et données
.4 Résultats et interprétations
Conclusion du chapitre
ANNEXES DU CHAPITRE 2
Chapitre 3. Consolidations budgétaires et activité économique dans la CEMAC
.1 Consolidations budgétaires et activité économique : Une revue de littérature théorique
.2 Consolidations budgétaires et activité économique : Quelques travaux empiriques
.3 Données et identification des épisodes de consolidations budgétaires dans la CEMAC
.4 Analyse des déterminants du déclanchement des consolidations budgétaires dans la CEMAC
.5 Analyse empirique des effets des consolidations budgétaires sur l’activité économique dans la zone CEMAC
.6 Tests de robustesse
Annexes du chapitre 3
Chapitre 4. Cyclicité de la politique budgétaire dans la CEMAC : Contraintes de financement et facteurs sociopolitiques
.1 Cyclicité de la politique budgétaire : Une revue de littérature théorique et empirique
.2 Méthodologie et données
.3 Résultats empiriques et interprétations
ANNEXES DU CHAPITRE 4
Conclusion générale
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *