Essais d’érosion par suffusion en laboratoire

Essais d’érosion par suffusion en laboratoire

Les études expérimentales sur la migration de grains fins dans un sol ont commencé à partir d’analyses de compatibilité entre un filtre et un sol de base. Dans ces recherches expérimentales, non seulement les caractéristiques géométriques du sol ont été prises en compte, mais aussi l’influence de la vitesse d’écoulement, de la direction d’écoulement et du gradient hydraulique.

Dispositifs d’essais

La plupart des auteurs ont mené leurs essais sur l’instabilité des sols en utilisant un perméamètre (Chapuis et al., 1996 ; Garner & Sobkowicz, 2002 ; Ke & Takahashi, 2012 ; Kenney & Lau, 1985 ; Li, 2008 ; Moffat, 2005 ; Skempton & Brogan, 1994 ; Wan & Fell, 2004, 2008). Ce dispositif comprend généralement une cellule cylindrique à paroi rigide connectée à des capteurs pour mesurer la variation de la pression interstitielle. Pour éviter tout écoulement parasite, une membrane en caoutchouc ou une couche de graisse peut être introduite entre la paroi rigide et l’échantillon. Le sol testé peut être soit au-dessus d’une couche filtrante, soit placé en sandwich entre deux couches filtrantes. La cellule constituant le perméamètre est souvent transparente, ou partiellement transparente, afin de permettre la visualisation du processus d’érosion interne, c’est-à-dire l’advection de particules érodées à travers l’échantillon et le filtre. Dans le cas d’essais d’érosion sur sols non-cohérents avec un écoulement descendant, les particules érodées sont collectées directement à la base du perméamètre. Pour un essai avec un écoulement ascendant, un courant d’air peut être appliqué au sommet de l’échantillon pour empêcher la sédimentation des grains érodés (Sterpi, 2003). Pour résoudre les difficultés liées à l’installation d’un système de collecte des particules érodées qui permettrait de mesurer leur masse, en particulier pour l’essai à écoulement ascendant, une méthode graphique a été proposée par Kenney & Lau (1985) pour évaluer approximativement le pourcentage de grains fins érodés, ainsi que la taille du plus grand grain érodé, en se basant sur le changement des courbes granulométriques après érosion par rapport à la courbe originale. Dans le cas de sols cohérents, un capteur optique peut être connecté à la sortie de la cellule pour mesurer le flux de petites particules évacuées hors de l’échantillon par l’écoulement (Bendahmane et al., 2008 ; Marot et al., 2011). Les inconvénients du perméamètre à paroi rigide sont la présence d’écoulements parasites à la paroi et l’impossibilité d’appliquer une contrainte de compression sur la paroi latérale de l’échantillon. Au contraire, un perméamètre à paroi souple peut d’un part réduire les fuites parasites et permettre l’augmentation du degré de saturation du sol testé en appliquant une contre pression pendant la phase de saturation. Il permet d’autre part un contrôle de la contrainte verticale et de la contrainte de confinement latéral afin de tester un échantillon de sol sous différents états de contrainte. On perd en revanche les possibilités de visualisation de l’échantillon au cours du processus.

Sanchez et al. (1983) sont les premiers à avoir modifié une cellule triaxiale pour étudier le potentiel d’instabilité interne d’un sol. Une pression de confinement est appliquée durant l’essai afin de simuler l’état de contrainte d’un sol réel dans un ouvrage. Plus récemment, plusieurs essais d’érosion utilisant l’appareil triaxial modifié ont été développés (Bendahmane et al. (2008) ; Richards & Reddy, 2010 ; Xiao & Shwiyhat, 2012 ; Chang & Zhang, 2011, 2012 ; Luo et al., 2013 ; Ke & Takahashi, 2014a, 2014b). En général, un système de drainage est ajouté à l’embase inférieure de l’appareil triaxial afin de collecter l’effluent évacué pendant l’essai d’érosion. La masse de sol érodé est ensuite déterminée après séchage de l’effluent. Ce dispositif permet la saturation, la consolidation et la mesure du changement de volume de l’échantillon provoqué par la suffusion.

Types de sols étudiés

La suffusion est a priori susceptible de concerner tous les types de sol mais, pour l’heure et dans la plupart des cas reportés, ce sont des sols granulaires sans cohésion qui ont été étudiés. Les sols naturels sont généralement hétérogènes et spécifiques à un site, ce qui pose le problème de la généralisation des résultats obtenus sur matériaux modélisés et de la répétabilité des essais. Lafleur et al. (1989) et Tomlinson & Vaid (2000) ont simulé le sol par des billes de verre, de façon à obtenir une très bonne répétabilité pour la préparation des échantillons. Cependant, le frottement et l’écoulement entre particules granulaires sont fonction de l’angularité des grains qui ne peut être reproduite de façon réaliste par des billes de verre. Kenney & Lau (1985), Lafleur (1999), Skempton & Brogan (1994), Chang & Zhang (2011, 2012), Luo et al. (2013), Ke & Takahashi (2014a, 2014b) ont testé des échantillons compactés de sols naturels pulvérulents composés de sable et de gravier. Ayadat et al. (1998), Reddi et al. (2000), Bendahmane et al. (2008), Xiao & Shwiyhat (2012) ont pour leur part reconstitué des sols cohérents par mélange d’argile et de sable. Concernant la méthodologie de préparation des échantillons, la plupart des recherches utilisent la méthode du damage humide  lors de la fabrication de l’échantillon afin d’éviter la ségrégation entre particules fines et grossières dans l’échantillon. Il n’y a pas de données disponibles dans la littérature concernant l’influence de la méthodologie de préparation des échantillons sur le comportement du sol vis-à-vis de la suffusion.

Nature de la sollicitation hydraulique

L’écoulement interstitiel imposé dans l’échantillon de sol est en général unidirectionnel, soit ascendant, soit descendant par rapport à la gravité. Pour éviter de provoquer le phénomène de boulance (ou fluidisation) dans le sol testé qui est souvent pulvérulent, la plupart des auteurs ont sollicité leurs échantillons par un écoulement hydraulique descendant. Parfois, une légère vibration est également appliquée sur l’échantillon pour assurer une bonne évacuation des particules érodées (Kenney & Lau, 1985). L’écoulement est contrôlé soit par un débit constant, soit par un gradient hydraulique constant. Les essais à débit constant ne sont pas représentatifs de la réalité car, sur site, c’est le gradient hydraulique global qui reste inchangé. Toutefois, ces essais à débit constant peuvent permettre de s’affranchir de la variation de la perméabilité au cours d’essai qui est induite par les modifications de porosité. L’utilisation d’eau désaérée à température constante est souvent recommandée pour ces essais. Les gradients hydrauliques maximaux imposés dans les tests de suffusion varient, selon les cas, de 1 à 30 (Lafleur et al., 1989). La nature des matériaux testés influe grandement sur la durée d’un essai. Généralement, il faut un gradient hydraulique critique à l’érosion plus élevé pour les sols cohérents par rapport aux sables.

Mécanismes de la suffusion

Pour que l’érosion par suffusion se produise, trois critères résumés par Wan & Fell (2008) doivent être satisfaits. Les deux premiers critères sont des critères « géométriques », et sont liés à la granulométrie du sol. Le troisième est un critère « hydraulique » qui, lui, est lié aux forces hydrauliques causant le détachement et le mouvement des particules fines du sol. Ces critères, purement qualitatifs, sont les suivants :
– La taille des particules du sol doit être inférieure à la taille des constrictions entre les grandes particules qui forment la structure primaire du sol.
– La quantité de particules fines doit être inférieure à celle permettant de combler l’ensemble des vides de la structure primaire.
– La vitesse d’écoulement à travers la matrice du sol doit être suffisamment élevée pour éroder et transporter les particules fines à travers les constrictions entre les grandes particules du milieu.

Dans la littérature, plusieurs critères quantitatifs ont été proposés pour estimer l’initiation et le développement de l’érosion interne par suffusion. Les approches sont multiples et reposent essentiellement sur la géométrie du sol, à travers l’étude granulométrique des matériaux, ou sur la sollicitation exercée par l’écoulement, via l’évaluation d’un gradient hydraulique critique d’érosion.

Critères géométriques : évaluation de la susceptibilité d’un sol à la suffusion 

Les critères géométriques s’appuient sur une comparaison entre les tailles des particules fines et les tailles des grandes particules sur la courbe granulométrique d’un sol. En théorie, si des constrictions dans le réseau poreux sont plus grandes que la taille de particules fines, alors ces dernières peuvent potentiellement être transportées par l’écoulement à travers l’échantillon. Plusieurs approches existent dans la littérature pour décrire ces conditions géométriques nécessaires, mais non suffisantes, à l’occurrence d’une instabilité interne par suffusion dans le sol. Tout d’abord, Istomina (1957) a proposé une méthode simple pour évaluer la stabilité interne du sol en utilisant le coefficient d’uniformité Cu (Cu = d60/d10, où d60 et d10 sont les tamis correspondant à 60% et 10% du passant cumulé sur la courbe granulométrique, respectivement). Il n’y a pas de suffusion si Cu ≤ 10 ; la suffusion est possible si Cu ≥ 20 ; si 10 ≤ Cu ≤ 20, le sol est considéré comme un matériau dans un état intermédiaire. Kézdi a proposé une méthode pour évaluer la stabilité interne des sols en 1969, décrit plus en détail par Kézdi (1979). Dans cette méthode, le matériau est divisé en deux composants à un point arbitraire sur sa courbe granulométrique : le composant grossier et le composant fin. Si les deux composants satisfont au critère de limitation D’15/d’85 < 4 préconisé par Terzaghi (1939), alors le sol est considéré comme stable. Dans cette méthode, D’15 est le diamètre de particules du composant grossier à 15% du tamisat, d’85 est le diamètre de particules du composant fin à 85% du tamisat. En réalité, il n’est pas nécessaire de diviser la courbe granulométrique originelle en deux parties parce que d’85 et D’15 peuvent être obtenus directement à partir de cette courbe. A un point arbitraire S0 (Figure 1.6), le tamisat correspondant est F0. Selon la définition, le tamisat (en %) pour le composant fin peut être exprimé par Ff = 100F/F0, et le tamisât pour le composant grossier peut être exprimé par Fc = 100(F-F0)/(100-F0).

Conditions hydrauliques : apparition de l’érosion par suffusion

Il est difficile de déterminer précisément les variations locales de perméabilité dans un ouvrage et le gradient hydraulique global apparait comme le seul paramètre facilement quantifiable. Les auteurs cherchent donc à identifier la valeur seuil de ce gradient au-delà de laquelle peut se déclencher l’érosion interne par suffusion. Selon Kovacs (1981), un critère géométrique défavorable ne signifie pas une forte susceptibilité à la suffusion parce que les forces de contact entre grains fins (frottement, cohésion) limitent fortement leur déplacement. Par conséquent, un gradient hydraulique relatif relativement élevé est nécessaire pour initier le mouvement des particules. Certains ouvrages hydrauliques construits avec des matériaux potentiellement instables peuvent ainsi ne pas présenter d’instabilité interne dans la pratique. Par conséquent, il peut être acceptable d’utiliser des matériaux potentiellement instables dans des projets où les gradients hydrauliques ne sont pas censés être problématiques.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1. ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE
1.1. Introduction
1.2. Essais d’érosion par suffusion en laboratoire
1.2.1. Dispositifs d’essais
1.2.2. Types de sols étudiés
1.2.3. Nature de la sollicitation hydraulique
1.3. Mécanismes de la suffusion
1.3.1. Critères géométriques : évaluation de la susceptibilité d’un sol à la suffusion
1.3.2. Conditions hydrauliques : apparition de l’érosion par suffusion
1.3.3. Couplage des conditions géométriques, hydrauliques et mécaniques
1.3.4. Cinétique de la suffusion
1.3.5. Influence des propriétés du sol sur la cinétique de suffusion
1.3.6. Influence de l’état de contrainte du sol sur la suffusion
1.4. Comportement mécanique d’un sol érodé par suffusion
1.5. Conclusion
CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPERIMENTALES
2.1. Essai de suffusion
2.1.1. Dispositif d’essai : perméamètre de suffusion
2.1.2. Matériaux étudiés
2.1.3. Protocole d’essai de suffusion
2.1.3.1. Reconstitution des échantillons
2.1.3.2. Saturation de l’échantillon
2.1.3.3. Application de la sollicitation hydraulique
2.2. Essais mécaniques sur sols érodés et non érodés
2.2.1. Dispositif triaxial
2.2.2. Procédure d’essai
2.2.2.1. Sols non érodés
2.2.2.2. Sols érodés
2.2.2.3. Mesure des variations de volume
2.2.3. Mesures, acquisitions et traitements des données
2.3. Techniques optiques
2.3.1. Matériau modèle : verre borosilicate cassé
2.3.2. Dispositif expérimental
2.3.3. Protocole d’essai
2.4. Tomographie à rayons X
2.4.1. Investigation de la suffusion dans le tomographe
2.4.2. Matériau testé
2.4.3. Procédure d’essai et visualisation
2.5. Conclusions
CHAPITRE 3. SUFFUSION A L’ECHELLE DE L’ECHANTILLON
3.1. Chargement hydraulique par paliers constants
3.1.1. Ecoulement ascendant
3.1.2. Ecoulement descendant
3.1.3. Comparaison entre l’érosion par écoulement ascendant et écoulement descendant
3.2. Chargement hydraulique par rampe
3.3. Comparaison entre chargement par rampe et chargement par paliers
3.4. Influence des paramètres de contrôle
3.5.1. Influence de la teneur en fines
3.5.2. Influence de la densité
3.5. Conditions d’initiation de l’érosion
3.6. Conclusions
CHAPITRE 4. SUFFUSION A L’ECHELLE MICRO-STRUCTURELLE
4.1. Visualisation de la suffusion par techniques optiques
4.2. Visualisation de la suffusion par tomographie à rayons X
4.2.1. Visualisation des images brutes
4.2.2. Calcul des fractions en particules fines et en grains grossiers
4.2.3. Teneur en fines, indice des vides et indice des vides inter-granulaires à l’échelle de l’échantillon
4.2.4. Distribution verticale de la teneur en fines, de l’indice des vides et de l’indice des vides inter-granulaires
4.2.5. Distribution radiale de la teneur en fines, de l’indice des vides et de l’indice des vides inter-granulaires
4.2.6. Champs de déformations
4.2.7. Champs spatiaux de la teneur en fines, de l’indice des vides et de l’indice des vides inter-granulaires
4.3. Conclusion
CHAPITRE 5. COMPORTEMENT MECANIQUE DES SOLS NON ERODES ET ERODES
5.1. Comportement mécanique drainé
5.1.1. Sols non érodés
5.1.1.1. Influence de densité
5.1.1.2. Influence de la contrainte de confinement
5.1.1.3. Influence de la teneur en fines
5.1.2. Sols érodés
5.1.2.1. Influence de la densité
5.1.2.2. Influence de la contrainte de confinement
5.1.2.3. Influence de la masse de fines érodés
5.1.3. Sols « érodés » reconstitués
5.1.4. Analyse de la résistance des sols non érodés et érodés en conditions drainées
5.1.4.1. Angle de frottement interne au pic de résistance
5.1.4.2. Angle de frottement interne à l’état critique
5.1.4.3. Analyse de la ligne d’état critique
5.2. Comportement mécanique non drainé
5.2.1. Sols non érodés
5.2.1.1. Influence de la densité
5.2.1.2. Influence de la contrainte de confinement
5.2.1.3. Influence de teneur en fines
5.2.2. Sols érodés
5.2.2.1. Influence de la densité
5.2.2.2. Influence de la contrainte de confinement
5.2.3. Sols « érodés » reconstitués
5.2.4. Analyse de la résistance des sols non érodés et érodés en conditions non drainées
5.2.4.1. Angle de frottement interne au pic de résistance
5.2.4.2. Angle de frottement interne à l’état critique
5.2.4.3. Analyse de l’état critique
5.3. Méthode d’évaluation de la résistance au cisaillement
5.4. Conclusion
CONCLUSIONS

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