Contraintes phytosanitaires des cultures légumières en France
Les différentes mesures régissant l’utilisation de produits phytosanitaires chimiques (par rapport à l’environnement et à la santé) touchent toutes les cultures. Seulement leurs impacts diffèrent. Selon BENOIT et al en 2005, les grandes cultures ont toujours bénéficié de plus de disponibilité en matières actives que les cultures fruitières et maraîchères (67% contre 10% environ, [BUTAULT et al, 2010]). Autrement dit, ces dernières connaissaient déjà un manque d’homologation. Les productions légumières sont en quelque sorte considérées par les firmes phytosanitaires comme des petits marchés. Ce fait ne les pousse pas à « développer ni de nouveaux outils ni de techniques innovantes pas plus que d’homologuer de nouveaux produits » (INRA, 2009). Les cultures occupant des surfaces relativement très faibles à l’échelle nationale sont même assujetties à l’absence de produits homologués (BENOIT et al, 2005). Le retrait des produits phytosanitaires n’a fait qu’accentuer ce manque. Des rapports publiés par l’INRA en 2009 évoquaient que, sur les 496 usages spécifiques aux cultures de légumes, 53% sont bien pourvus en produits phytosanitaires, 27% sont précaires et 20% sont vides.
Recours aux produits alternatifs pour les producteurs de légumes en France
Les acteurs de la filière légumière se mobilisent alors pour pallier la disparition et l’absence des produits phytosanitaires. A cela s’ajoute la volonté de satisfaire les préoccupations des consommateurs soucieux des résidus chimiques dans les légumes (GIARDINO, 2009). De là, le recours, déjà courant, à l’utilisation de certaines méthodes alternatives aux produits phytosanitaires est encore plus favorisé en cultures de légumes (INRA, 2009). Comme il a été évoqué dans l’introduction, par principe de lutter contre un ravageur par un produit spécifique, le choix parmi les méthodes de lutte alternatives s’oriente vers celles utilisant des produits alternatifs. Actuellement, plus d’une cinquantaine de produits alternatifs sont proposés par les commerciaux sur le marché. Étant tous à base de produits naturels, ils sont de natures diverses : purins, infusions, extraits de plantes, extraits d’algues, huiles essentielles, oligo-éléments, micro-organismes, produits à base de phosphites, produits à base d’essences/extraits d’agrumes, … (JANVIER & TROTTIN-CAUDAL, 2011). Ces produits alternatifs sont reconnus soit en tant que fertilisants soit en tant que produits phytosanitaires .
Existence d’un groupe de travail sur les produits alternatifs – légumes
Des groupes de travail nationaux travaillant sur les produits alternatifs ont été mis en place. Certains rédigent les méthodologies à adopter pour l’évaluation des produits en cause ; d’autres coordonnent les travaux d’expérimentations effectués sur ces produits alternatifs. Ensemble, ils visent à mutualiser les protocoles, les expériences et les résultats. Ces groupes cherchent aussi à identifier les produits intéressants et les essais mis en place. Par ailleurs, ils identifient les « usages non couverts et/ou les besoins de recherche, et les portent à la connaissance des pouvoirs publics et des firmes afin que la situation puisse s’améliorer » (SINOIR & COULOMBEL, 2009). En outre, ces groupes de travail mettent à la disposition des acteurs de la filière les veilles réglementaires concernant ces produits alternatifs.
Pour le secteur légumier, un groupe de travail national expérimentateur « produits alternatifs pour la protection des cultures légumières » a été mis en place depuis 2009. Il est né suite à des sollicitations de la part de certains acteurs de la filière : des producteurs qui s’interrogent sur les produits qu’on leur propose sur le marché, des distributeurs qui veulent des références sur leurs produits, des professionnels qui cherchent à se renseigner auprès des centres spécialisés (comme le Ctifl) sur ces produits. Ce groupe comporte une trentaine de participants, représentants de nombreuses cultures, régions et structures : Ctifl, Unilet , stations régionales, Fredon, Chambres d’Agriculture… dont la CAIF (JANVIER & TROTTIN-CAUDAL, 2011).
Essais de produits alternatifs sur les cultures légumières
Des essais de produits alternatifs sur les cultures légumières ont été et sont encore menés par les membres du groupe de travail prédéfini, dans plusieurs régions de la France. Les usages cibles sont variables suivant l’importance économique de la culture et le problème phytosanitaire récurrent du milieu. Comme il a été indiqué dans l’introduction, les essais qui vont être discutés sont ceux conduits dans la région Île de France (IDF) par le Pôle Maraîcher de la CAIF.
Cultures mises en jeu en IDF
Plus de 40 légumes sont cultivés en IDF. Les salades, le cresson, le radis, l’oignon blanc, les épinards et le chou sont au premier rang en termes d’importance économique. En effet, la région IDF se trouve en première position pour la production de persil, de cresson et de radis en France (HILLAIRET, 2008) et 3e pour l’oignon blanc (AGRESTE ÎLE DE FRANCE, 2010). Ceci dit la production francilienne par rapport à ces cultures s’avère importante pour le marché national. Elle l’est autant pour la région IDF elle-même. Ainsi, la protection de ces cultures est essentielle, surtout face aux problèmes phytosanitaires redoutables engendrant une baisse de production.
Contraintes phytosanitaires
Les cultures précitées (surtout oignon blanc, persil et radis) sont souvent, à chaque saison de culture, attaquées par des maladies fongiques notamment le mildiou et la pourriture blanche (cas de l’oignon blanc). Les dommages sont variables selon l’importance des attaques : les récoltes commercialisables par parcelle peuvent aller de 100 à 0%. A leur tour, ces attaques varient suivant les conditions climatiques pendant les saisons de culture. Face à celles-ci, des produits chimiques sont proposés pour la protection de ces cultures . Seulement ces produits présentent : soit une efficacité limitée (cas des produits contre le mildiou sur oignon blanc et persil), soit ils ne sont pas appropriés aux périodes de besoin (cas du produit utilisé contre le mildiou sur radis ). Par ailleurs, l’efficacité limitée de certains produits ne compense pas leur prix élevé (cas des produits employés contre la pourriture blanche sur oignon blanc). En d’autres termes, ces cultures se trouvent mal pourvues en produits phytosanitaires.
Produits alternatifs potentiellement intéressants face à ces contraintes
Les résultats d’essais déjà échangés au niveau du groupe de travail produits alternatifslégumes évoquent des produits intéressants tels le Phosfik, le Prev-am, le Sémafort, le Sucre et le Trianum face aux problèmes fongiques indiqués précédemment. Les présents résultats ne sont pas exhaustifs. Des résultats n’ont pas pu être obtenus par confidentialité vis-à-vis des firmes avant l’homologation des produits concernés. Et qu’actuellement les produits alternatifs font encore l’objet de beaucoup de travaux d’essais pour confirmer ou infirmer leur efficacité potentielle à contenir des problèmes phytosanitaires. Ceci étant, les résultats sujets de controverse ne sont pas encore publiés de façon décisive.
Le Phosfik a été testé sur plusieurs fruits (fraises, framboises, autres baies, fruits à pépins et noyaux, vigne et raisins de table) et légumes (chou fleur, endives, chou de chine, concombres, carottes, persil, poireaux, salade, ciboulette, asperges, tomates, oignons) sans indication des résultats des essais (BIOLCHIM, 2008). Des essais sont encore menés sur le mildiou de la pomme de terre dans la région Alsace (JUNG et al, 2008 – 2010). Le Prev-am a été testé pour les problèmes de mildiou et oïdium de quelques cultures dont la vigne, les laitues, le radis, la fraise. Les résultats apparaissaient intéressants avec une efficacité de l’ordre de 75% sur mildiou attaquant le radis (selon le Délégué Régional de Vivagro, communication personnelle). Le Prev-am se révélait efficace contre l’oïdium des cucurbitacées en conditions de faible pression (MAZOLLIER et al, 2011). Le Sémafort a été testé sur le mildiou de la laitue et du radis, sur l’oïdium par de nombreux organismes avec des résultats intéressants : efficacité à réduire à plus de 90% les attaques de mildiou sur radis (CDDL, 2010), de 89% le mildiou sur laitue et 88% l’oïdium sur fraisier (BBV, 2007 cité par CORDELOIS, 2010). Le Sucre s’avérait efficace sur des maladies et ravageurs des fruits et légumes tels le carpocapse du pêcher, les thrips du poivron, le virus jaune de la betterave, les nématodes sur les racines des tomates, le Fusarium oxysporum du Lupinus, le botrytis du haricot et de la tomate (DERRIDJ, 2010). Une diminution globale des attaques fongiques a été constatée sur des essais menés sur les grandes cultures. Ceci fait encore parti des produits des essais actuels pour d’autre filière de la CAIF. Le Trianum testé sur des jeunes plants de tomate, concombre et poivron a donné respectivement un gain de rendement de + 36%, + 17% et + 6%. Et aussi que le système racinaire est significativement supérieur dans les cultures traitées, excepté la tomate greffée (PIRON, 2009). Nombreux essais ont confirmé ce gain de rendement obtenu sur tomates et poivrons. En outre, le Trianum appliqué sur salade a donné une reprise à 100% pour 90% de plants contre seulement 40% pour les modalités témoin (OMAG S.A.P, 2010). Les résultats des essais conduits sur d’autres cultures ne sont pas encore disponibles.
Essais menés par le pôle maraîcher de la CAIF sur les produits alternatifs
En 2010, le pôle a commencé à travailler sur deux (Phosfik et Sémafort) des cinq produits précités. Mais faute de conditions favorables aux maladies, les résultats n’ont pas permis de se prononcer sur l’efficacité de ceux-ci. Ainsi, de nouveaux essais ont été (re)lancés sur ces produits alternatifs pour l’année 2011.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. CONTEXTE DE L’ETUDE
1.1. Contraintes phytosanitaires des cultures légumières en France
1.2. Recours aux produits alternatifs pour les producteurs de légumes en France
1.3. Existence d’un groupe de travail sur les produits alternatifs – légumes
1.4. Essais de produits alternatifs sur les cultures légumières
1.4.1. Cultures mises en jeu en IDF
1.4.2. Contraintes phytosanitaires
1.4.3. Produits alternatifs potentiellement intéressants face à ces contraintes
1.4.4. Essais menés par le pôle maraîcher de la CAIF sur les produits alternatifs
2. PROBLEMATIQUE
2.1. Question centrale
2.2. Hypothèses
2.3. Matériels et méthodes
2.3.1. Matériels
2.3.2. Méthodes
3. RESULTATS
3.1. Pour l’hypothèse 1
3.1.1. Essais par rapport au problème de mildiou
3.1.2. Essai par rapport au problème de pourriture blanche
3.1.3. Conclusion sur l’hypothèse 1
3.2. Pour l’hypothèse 2
3.2.1. Essais par rapport au problème de mildiou
3.2.2. Essai par rapport au problème de pourriture blanche
3.2.3. Conclusion sur l’hypothèse 2
3.3. Pour l’hypothèse 3
3.3.1. Produits utilisés contre le mildiou
3.2.4. Produit utilisé contre la pourriture blanche
3.2.5. Conclusion sur l’hypothèse 3
4. DISCUSSION
4.1. Discussion sur la méthodologie
4.1.1. Sur l’expérimentation
4.1.2. Sur l’évaluation économique
4.2. Discussion sur les résultats
4.2.1. Essais des produits Sémafort, Phosfik, Prev-am, Sémafort + Prev-am, Phosfik + Prev-am et Sucre par rapport au problème de mildiou sur radis, oignon blanc et persil
4.2.2. Essai du Trianum sur la pourriture blanche de l’oignon blanc
4.2.3. Évaluation économique
5. RECOMMANDATIONS ET PERSPECTIVES
5.1. Pour les essais menés par le pôle maraîcher
5.1.1. Par rapport aux produits évalués
5.1.2. Par rapport à la conduite des essais
5.2. Pour les essais sur les produits alternatifs
CONCLUSION
GLOSSAIRE
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES