Dans le cadre des objectifs de développement durable (ODD), de nombreux challenges sont lancés, notamment dans le domaine de l’agriculture. En effet, celle-ci doit permettre d’assurer la sécurité alimentaire mais aussi de réduire les impacts négatifs des activités agricoles sur l’environnement (FAO, 2015). Afin d’atteindre ces ODD, la pratique de l’agroécologie se manifeste comme étant le moyen le plus approprié. En effet, les systèmes inspirés de l’agroécologie sont nombreux pour n’en citer que l’association et la rotation culturale, l’utilisation de fertilisants organiques au niveau des sols, l’agroforesterie ou encore l’intégration agriculture-élevage (Altieri, 1986 ; Dufumier, 2009 ; Dufumier, 2010). De plus, l’optimisation des fonctions écologiques des sols entre dans le cadre de l’agroécologie qui consiste à s’appuyer davantage sur les fonctions naturelles, les interactions biotiques et les processus écologiques (Altieri, 1995 ; Barrios, 2007). Ces systèmes agroécologiques tendent ainsi à promouvoir la durabilité de l’agriculture de façon à répondre aux besoins alimentaires et d’existence des populations tout en limitant les impacts négatifs de l’agriculture sur l’environnement et les ressources naturelles (Nahal, 1998).
Cependant, l’optimisation des fonctions écologiques des sols est d’une importance fondamentale pour réintégrer la durabilité en agriculture (Coleman, 2015). En effet, les fonctions écologiques des sols jouent un rôle clé dans les performances des systèmes agroécologiques (Altieri, 1999 ; Bender et Beller, 2016). Il est largement reconnu que les quatre grandes fonctions écologiques du sol dont (i) la dynamique de la matière organique, (ii) le recyclage des nutriments, (iii) le maintien de la structure du sol et (iv) la régulation des bioagresseurs, ont des impacts positifs sur les fonctions de la plante comme l’absorption au niveau des racines, la respiration, la photosynthèse, etc. (Lavelle et al., 1997 ; Brussaard et al., 2007 ; Kibblewhite et al., 2008 L’optimisation des fonctions écologiques des sols peut être réalisée de deux façons : (i) soit indirectement en améliorant le sol en tant qu’habitat du biote du sol, (ii) soit directement par l’inoculation des organismes du sol. Étant donné que l’inoculation des organismes du sol semble difficile sans une restauration préalable de l’habitat du sol (Lavelle et al., 2001 ; Thuita et al., 2011), il est nécessaire de restaurer l’environnement abiotique du sol via l’adoption de pratiques fournissant de l’énergie aux organismes du sol (Lavelle et al., 2001).
Présentation de la zone d’étude
Localisation
La présente étude a été conduite dans le Moyen-Ouest du Vakinankaratra, dans le district de Mandoto au niveau du Fokontany d’Ivory . Plus précisément, le site d’expérimentation d’Ivory présente les coordonnées géographiques suivantes : 19°33’03’’S et 46°24’37’’E, avec une altitude de 908 m.
Climat
Le climat d’Ivory se caractérise principalement par deux saisons bien distinctes selon le diagramme ombrothermique du site : (i) une saison sèche d’avril à octobre et (ii) une saison humide de novembre à mars . Ce diagramme a été élaboré à partir des données climatiques collectées sur une période de dix ans (2007 à 2017 ; Annexe 1) sur la station météorologique du site expérimental. Annuellement, les précipitations de la zone atteignent un cumul de 1 300 mm. Quant à la température, elle est de l’ordre de 25°C en moyenne au cours de l’année.
Sols
Le sol du site expérimental d’Ivory est un Ferralsol à limon argileux. Selon les analyses effectuées au début de l’essai, les résultats montrent que les sols (profondeur 0-10 cm) sont fortement acides, avec un pH eau de 4,8. La teneur en P assimilable est faible, de l’ordre de 3,86 mg kg-1 , tandis que les valeurs du carbone et de l’azote du sol sont respectivement de 15,22 g kg-1 et de 1,53 g kg-1. La valeur en CEC de ce sol est elle aussi faible : 1,49 cmol kg-1 . Le rapport C/N du sol du site est de 9,94. Cette valeur est légèrement inférieure à 10. Et, il s’agit d’un sol à texture limono-argilosableuse .
Dispositif expérimental
Historique des parcelles
Avant l’installation du dispositif expérimental par le projet SECuRE en 2017, le site expérimental était en jachère depuis cinq ans. Ce terrain été choisi car la végétation de graminées présentes était bien développée, avec une forte densité de touffes, sans traces de ruissellement visibles. Lors de la première saison culturale (2017-2018), les travaux ont été exclusivement axés sur la restauration de l’habitat du sol avec des pratiques SFR basées sur des amendements organiques et/ou minéraux. Cela a permis de tester l’effet de la restauration de l’habitat du sol avant inoculation. Pour cette deuxième année de culture (2018-2019), les essais de restauration de l’habitat du sol avec des nouveaux amendements ont été poursuivis en mettant un accent sur la réhabilitation de la diversité fonctionnelle du sol avec l’inoculation de mutualistes sol-plante (vers de terre et mycorhizes) .
Description du dispositif expérimental
Le type de dispositif choisi est un dispositif à 4 blocs (répétitions). Les blocs ont été placés de manière à s’adapter à la configuration triangulaire du terrain. Au total, 88 placettes de 16 m² (4 x 4 m) ont été installées à Ivory pour tester 22 traitements/pratiques SFR (Soil Function Restauration) . Les parcelles élémentaires sont distantes les unes des autres d’une allée de 1,0 m de largeur. Dans chaque bloc, la répartition des traitements SFR au niveau des parcelles a été effectuée de manière aléatoire.
Traitements étudiés
Les traitements SFR testés dans la présente étude ont été choisis au départ sur la base de pratiques paysannes décrites lors d’enquêtes et choisis également par les scientifiques. Certaines autres SFR paysans ont été intégrés la deuxième année à partir d’ateliers participatifs au sein du Work Package (WP) 1 du projet SECuRE. Quant aux connaissances scientifiques, des essais en laboratoire dans le WP2 ont permis de faire ressortir les pratiques SFR pertinentes à tester sur le terrain. Lors de la première saison culturale (2017-2018), 16 traitements SFR ont été testés :
– Trois pratiques « paysannes » :
❖ poudrette de parc (3 t MS ha-1 ; SFR1)
❖ fumier traditionnel (3 t MS ha-1 ; SFR2)
❖ fumier traditionnel (3 t MS ha-1) + fertilisation minérale (40 kg ha-1 NPK) (SFR3).
– Onze pratiques « scientifiques » qui ont reçu une inoculation de vers de terre :
❖ quatre fertilisants organiques transformés seuls : (i) fumier traditionnel (6 t MS ha1 ; SFR4), fumier amélioré (6 t MS ha-1 ; SFR5), compost (6 t MS ha-1 ; SFR6) et lombricompost (6 t MS ha-1 ; SFR7)
❖ trois assemblages de matières organiques et minérales : (i) fumier traditionnel (6 t MS ha-1 ) + dolomie (500 kg ha-1 ) (SFR9), (ii) fumier traditionnel (6 t MS ha-1 ) + cendres (500 kg ha-1 ) (SFR10) et fumier traditionnel (6 t MS ha-1 ) + prochimad (500 kg ha-1 ) (SFR11)
❖ quatre assemblages de matières organiques dont trois avec ajout de matières minérales : (i) fumier traditionnel (2 t MS ha-1) + compost (2 t MS ha-1) + lombricompost (2 t MS ha-1 ) (SFR12), (ii) fumier traditionnel + compost + lombricompost (2 t MS ha-1 chacun) + cendres (500 kg ha-1 ) (SFR13), (iii) fumier traditionnel + compost + lombricompost (2 t MS ha-1 chacun) + prochimad (500 kg ha-1 ) (SFR14) et (iv) fumier traditionnel + compost + lombricompost (2 t MS ha-1 chacun) + guanomad (500 kg ha-1 ) (SFR15).
– Deux pratiques contrôles :
❖ contrôle positif : fertilisation minérale « adéquate » (100 kg ha-1 NPK et 100 kg ha1 urée en deux apports ; SFR8)
❖ contrôle négatif : sans aucune fertilisation (SFR16) .
Opérations culturales
Préparation du sol
Deux étapes se sont déroulées lors de la préparation du sol: le piquetage et le labour. Le piquetage consiste à délimiter chaque parcelle élémentaire. Quant au labour, l’opération consiste à travailler le sol d’une profondeur moyenne de 20 à 30 cm. Celui-ci a été effectué vers début novembre 2018, soit une vingtaine de jours avant le semis. Les détails de l’installation des parcelles sont décrits dans le lien suivant https://www.secure.mg/videos/installation-des-placettes-de-lessai-au champivory.
Semis
Le semis, réalisé par poquet, a eu lieu le 23 et le 24 novembre 2018. Pour chaque parcelle élémentaire, 400 poquets ont été formés, ce qui équivaut à une densité de semis de 25 poquets par m2 . La distance entre les poquets est de 20 cm. Dans chaque poquet, les semences ont été placées à raison de 5 à 8 graines par poquet. Les intrants sont alors répartis sur les 400 poquets. L’inoculation de mycorhizes s’est fait par enrobage le jour même du semis. Il s’agit du traitement à base de poudre composée de spores mycorhiziens. La dose normale de mycorhize est de 12 g de poudre par kg de riz donc deux spores par graine. L’enrobage consiste à mouiller légèrement les grains de riz avec 20 ml d’eau par kg de semence puis de mélanger ces grains avec la poudre en la répartissant bien sur les grains .
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Table des matières
INTRODUCTION
Chapitre 1 : MATERIELS ET METHODES
1.1. Présentation de la zone d’étude
1.2. Dispositif expérimental
1.3. Opérations culturales
1.3.1 Préparation du sol
1.3.2 Semis
1.3.3 Entretien des cultures
1.4 Mesures effectuées
1.3 Traitements statistiques
Chapitre 2 : RESULTATS
2.1. Les descripteurs écologiques du sol
2.2. Les performances agronomiques du riz
2.3. Impacts de l’inoculation de vers de terre sur les performances écologiques et agronomiques des traitements SFR
2.4. Corrélation entre les performances écologiques et les performances agronomiques
Chapitre 3 : DISCUSSION ET RECOMMANDATION
3.1. Impacts des traitements SFR sur les descripteurs écologiques du sol
3.2. Impacts des traitements SFR sur les performances agronomiques du riz
3.3. Effet de l’introduction de mutualistes sur les performances écologiques et agronomiques des pratiques SFR
3.4. Corrélation des indicateurs des performances agronomiques avec les caractéristiques physico-chimiques et biologiques du sol
3.5. Recommandations et perspectives
CONCLUSION