Morphologie générale des espèces groupe Calumma nasutum
La particularité morphologique du groupe Calumma nasutum est la présence d’un appendice rostral souple, d’origine dermique et latéralement comprimé. Cet appendice a l’allure d’un ‘nez’, d’où leur surnom anglophone « big nosed chameleons ». Généralement court et arrondi, il peut devenir indistinct ou absent comme chez Calumma vohibola ou encore très long et conique comme celui de Calumma gallus (Glaw & Vences, 1994 ; 2007). Le groupe C. nasutum compte actuellement sept espèces nominatives et on y distingue deux sous-groupes selon la présence ou l’absence de lobes occipitaux. D’une part, on retrouve les espèces possédant des lobes occipitaux et connu jusqu’à lors comme majoritairement localisées dans le Nord de la Grande Ile : c’est le sous-groupe boettgeri (d’où le surnom malgache de « tanakely misy sofina ») composé de C. boettgeri, C. guibei et C. linotum. D’autre part, on a les espèces sans lobes occipitaux, plutôt répartis sur la côte Est sauf C. nasutum dont la distribution peut aller jusqu’au Nord-est : c’est le sous-groupe nasutum (d’où le surnom malgache de « tanakely misy orona ») avec comme membres C. nasutum, C. gallus, C. fallax et C. vohibola. La séparation des groupes par la présence de lobes occipitaux est dérivée des travaux de Brygoo (1971). Les hemipenis sont très similaires entre les deux sous-groupes si bien que le sousgroupe boettgeri est encore inclus dans le groupe nasutum. (Glaw et Vences, 1994 ; 2007).
Choix, localisation et description des sites d’échantillonnage
Les sites ont été choisis suite aux résultats d’une étude de prédictions SIG sur de nouveaux secteurs susceptibles d’avoir un potentiel d’endémisme publiée par Raxworthy et al. en 2003. Essentiellement localisés en des forêts de moyennes et basses altitudes sur la Côte est de l’île, ils sont majoritairement en dehors des aires protégées existantes et n’avaient pas encore fait l’objet d’inventaires herpétologiques jusqu’à cette étude en 2006. Quatorze localités étaient concernées par ces inventaires et réparties dans le Sud, l’Est, le Centre et l’Ouest de la Grande Ile et sont présentées dans le Tableau 1. Les échantillons du groupe Calumma nasutum ont pu être récoltés dans six localités incluant un total de 10 sites dont : Andakibe, Antetezana, Ambavaniasy (Maromizaha), Ambatovary, Vatovavy, Mananjary, Mandraka, Amparafana I (côté Vatomandry), Amparafana II (côté Mahanoro) et Ambodiriana.
Traitement des spécimens sur terrain
Les spécimens collectés sont anesthésiés par injection d’une solution de chloretone (Chlorobutanol ou 1,1,1-Trichloro-2-methylpropan-2-ol, C4H7Cl3O) au niveau du cœur, ce qui provoque la mort par asphyxie en 3 à 5 mn. Ils sont ensuite fixés grâce à une série d’injections d’une solution de formol à 10% dans l’abdomen. Les spécimens sont préétiquetés et numérotés. On sort les hemipenis des spécimens mâles puis on procède à l’étalement des échantillons dans des boîtes en plastique. Les caméléons sont étalés sur le flanc sur un papier buvard au fond de la boîte et sont recouverts ensuite d’un papier buvard imbibé d’une solution de formol à 10%. Les boîtes sont refermées hermétiquement. La fixation dure environ 12 heures (Raxworthy & Nussbaum, 2006).
Sélection des caractères et morphométrie des spécimens
Il est important de considérer avant toute chose que près de neuf ans écartent l’échantillonnage et ses travaux d’identification des spécimens (2006) à la présente cette étude. La plupart des caractères morphométriques utilisés pour effectuer la détermination sur terrain de ces espèces sont encore utilisés actuellement mais comporte une variation quant à la technique de mensuration. Entre temps, quelques tentatives d’études phylogénétiques combinées à des études morphométriques notables ont été réalisées sur plusieurs espèces du groupe-nasutum. (2011, 2014). Les espèces de ce groupe ont tendance à se développer en complexe et plusieurs études des caméléons ont déjà soulevé ce problème et plusieurs autres ont détecté cet état en utilisant la phylogénie (Gehring et al., 2011 et 2012. Eckhard al, 2012).
a. Inventaire par revue bibliographique : Avant la réalisation de la collecte des données morphométriques, il a été nécessaire de procéder à une sélection des paramètres susceptibles d’être utiles à cette étude. Le choix des caractères et leur encodage sont basés sur les informations tirées de l’ensemble des ouvrages et publications suivants : Leviton, 1985 ; Glaw &Vences, 1994 et 2007 ; Bickel & Losos, 2002 ; Tolley et al., 2010 ; Ekhardt et al., 2012 ; Gehring et al., 2012. Ces documents, étant les plus fournis en termes de nombre et de diversité de caractères encodés et décrits. Le standard commun à toutes ces publications est celui de Leviton (1985). Ce stade a permis d’inventorier plus d’une centaine de caractères morphologiques pouvant être classés en deux. D’une part, les caractères quantitatifs regroupant les caractères nombrables ou les structures en série (épines dorsales, tubercules d’une crête, etc.) dits « méristiques » et ceux qui sont mesurables (taille, longueur des appendices, etc.) dits « morphométriques ». Ces données ont permis d’effectuer une analyse quantitative de la forme. D’autre part, on retrouve les caractères qualitatifs tels que la coloration ou la forme des phanères (hétérogénéité des écailles, etc.). Malheureusement, il s’est avéré que des encodages différents pour un même caractère ont été observés à travers la lecture des documents. Le répertoire obtenu a dû être affiné pour éviter les doublons.
b. Sélection des traits morphologiques recensés : Pour obtenir une liste globale de tous les caractères avec les encodages les plus utilisés et les meilleures descriptions de leur mesure, quelques paramètres ont été pris en compte :
S’assurer que tous les documents utilisés sont dans une même langue et inventorier tous les caractères avec leur encodage et leur description dans cette langue ;
Vérifier si plusieurs encodages se rapportent à un même caractère ;
Elaborer une liste globale qui servira de référentiel complet pour la réalisation des mesures ;
Evaluer le facteur humain : chaque caractère est testé avec plusieurs essais de mesures sur quelques spécimens pour évaluer leur précision, leur pertinence et surtout le degré de difficulté rencontré lors de la prise de mesure. Etant donné la taille des spécimens à étudier (Calumma nasutum), la majorité des prises de mesure se font sous une loupe binoculaire. Ce travail préliminaire a permis d’écarter tous les caractères dont les prises de mesures ont une grande probabilité d’être imprécise et non homogènes d’une part. Mais d’autre part, cette étape a offert une occasion de tester de nouvelles manières d’aborder la prise de mesure de certains paramètres pour en augmenter la précision. De plus, une opportunité de tester d’autres mensurations faites dans d’autres groupes d’animaux et d’intégrer des nouvelles mensurations (observations personnelles) à tester s’est présentée. Ainsi, on a pu élaborer une liste affinée de 59 caractères issus de la revue bibliographique avec les précisions apportées (description et prise de mesure) et les nouveaux caractères à tester.
c. Morphométrie des spécimens : Les 59 caractères ont été intégrés dans la morphométrie de l’ensemble des spécimens. Chaque caractère a été mesuré sur chaque individu du spécimen. Les données méristiques ont été exprimées en nombres entiers (nombres d’écailles, épines etc.) et les données qualitatives catégorisées en classe, degré d’hétérogénéité de l’écaillure par exemple, ou degré de développement des crêtes. Toutes les mesures ont été prises du côté droit de l’animal. Les données morphométriques ont été récoltées sur un tableur Excel. On a pu observer deux grands types de caractères :
Quantitatifs : morphométriques (Longueurs exprimés en mm) et méristiques (nombre d’écailles) ;
Qualitatifs (homogénéité, degré de développement).
Les mensurations des spécimens pour les caractères morphométriques ont été réalisées avec un pied à coulisse numérique ± 0,01 mm (Digimatic Caliper MITUTOYO, CD-6’’CS) et une réglette de précision (CASTELL 57/88, A.W. Faber, SCHUL-RECHENSTAB RIETZ N) sous une loupe binoculaire. Quelques sigles ont subi des modifications mineures pour faciliter leur repérage dans la liste et pour éviter surtout toute confusion lors des travaux de mensurations.
d. Elaboration de la liste finale des caractères étudiés : Deux séries d’essais de mensurations et d’analyses statistiques préliminaires sur SPSS ont permis de retenir les caractères les plus pertinents.
Détection des groupements d’individus par Analyse des Composantes Principales
L’Analyse en Composantes Principales (ACP) sur SPSS Statistics version 17.0 (IBM Corporation, 2009) a été choisie pour détecter l’existence de groupements morphologiques ou de morphotypes géographiques dans l’ensemble des spécimens étudiés. Pour synthétiser et extraire les informations que renferment toutes les variables morphologiques (Dytham, 2003), une série de trois Analyses en Composantes Principales (ACP) ont été réalisées : a/ une ACP sur toutes les variables morphologiques retenues dans cette étude ; b/ une deuxième ACP ne tenant compte que des variables morphométriques ; c/ une troisième ACP sur les variables méristiques. Pour chaque analyse on a pris en considération la distribution géographique, la classification et le sexe de chaque individu. L’ACP est basée sur l’analyse de la matrice de corrélation qui conduit à une extraction des facteurs ou composantes principales dont les valeurs propres sont supérieures à 1. Pour commencer, tous les caractères sont inclus pour chaque analyse. Ensuite, pour obtenir une ACP plus révélatrice, on ne retient que les analyses ayant un indice de précision de l’échantillonnage ou indice de Kaiser-Meyer-Olkin (KMO) supérieur à 0,5. Parfois une deuxième analyse est nécessaire pour un indice de KMO inférieur à 0,5. Dans ce cas, toutes les variables dont la valeur de la covariance dans la matrice des anti-images est inférieure à 0,5 sont écartées avant de relancer la nouvelle analyse.
Analyses des paramètres éco-démographiques
Les données exposées dans le tableau 2 permettent de faire ressortir des caractéristiques démographiques de l’ensemble de l’échantillon. La distribution d’abondance des espèces dans les zones d’étude est très variable. Elle va de 1 à 11 individus selon les sites. Les maxima (9 et 11 individus sur 2,5 km de transect) sont observés dans les forêts littorales. Le taux de capture dans ce type de milieu représente à lui seul les 73,7% de l’échantillon (45 individus sur 61). On remarque que C. gallus se rencontre surtout dans les sites d’étude Sud et C. nasutum semble montrer une distribution plutôt large qui s’étale du Sud vers le Nord. Quelques soient les habitats, les individus recensés se perchent en général sur les feuilles ou branches ne dépassant pas 5 m de haut. Le sexe ratio est très déséquilibré ; les femelles sont plus nombreuses que les mâles en cette période d’inventaire. Elle représente 34 sur 59 des individus adultes et sub-adultes capturés, soit 64,5 % de l’échantillon. Quatre femelles sur 34 étaient gravides. Il est à remarquer qu’à Amparafana I et II presque tous les C. gallus sont des mâles adultes et subadultes et à Amparafana II les C. nasutum capturés sont toutes des femelles.
Classement par Analyse Discriminante (AD)
Les six composantes issues de la deuxième analyse ACP avec les 18 caractères méristiques uniquement ont été prises comme variables lors d’une Analyse Discriminante qui été lancée pour vérifier le classement des individus de cette étude. On considère comme groupes, chacun des trois taxa identifiés: C. nasutum (0), C. gallus (1) et C. cf. nasutum (2). Les deux fonctions discriminantes canoniques issues de l’AD ont des valeurs propres respectives de 1,483 et 0,106. La première fonction peut expliquer 93,3 % de la variance totale et la deuxième, 6,7 %. (Annexe V, Tableau C et Figure1). Le résultat du classement des individus par leurs caractères méristiques montre que 70,2% des observations originales en 2006 sont corrects. En ce qui concerne C. gallus, 83,3% des spécimens ont apparemment, été bien classés. Le classement de 71,4% des spécimens en C. cf. nasutum est correct et 65,8 % pour C. nasutum. Ceci suggère une difficulté plus prononcée à identifier correctement les individus de l’espèce C. nasutum en comparaison aux deux autres taxa. En effet, pour C. nasutum, 34,2 % des individus ont été mal classés contre 10,0 % seulement pour C. gallus et 23,7 % pour C. cf. nasutum. Ces résultats pourraient au appuyer les résultats de l’ACP selon lesquels les groupes 0: C. nasutum et 2: C. cf. nasutum ont tendance à être plus hétérogènes tandis que le groupe 1 : C. gallus semble plus homogène.
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Table des matières
RESUME
ABSTRACT
INTRODUCTION
I. Présentation des espèces étudiées
I.1. Généralités sur le groupe nasutum
I.2. Morphologie générale des espèces groupe Calumma nasutum
II. MATERIELS ET METHODE
II.1. Choix, localisation et description des sites d’échantillonnage
II.2. Période d’inventaire
II.3. Méthode d’échantillonnage
II.4. Préparation des spécimens
II.4.a. Traitement des spécimens sur terrain
II.4.b. Echantillon de tissus
II.4.c. Conservation des spécimens
II.5. Identification des spécimensc c
II.6. Sélection des caractères et morphométrie des spécimens
II.6.a. Inventaire par revue bibliographique
II.6.b. Sélection des traits morphologiques recensés
II.6.c. Morphométrie des spécimens
II.6.d. Elaboration de la liste finale des caractères étudiés
II.7. Analyses des données
II.7.a. Les paramètres éco-démographiques
II.7.b. Détection des groupements d’individus par Analyse des Composantes Principales
II.7.c. Analyse discriminante
II.7.d. Comparaison entre les groupes
III. RESULTATS ET INTERPRETATIONS
III.1. Analyses des paramètres éco-démographiques
III.2. Analyses des groupements mis en évidence par ACP
III.2.a. Résultats de l’ACP sur tous les caractères morphométriques et méristiques combinés
III.2.b. Résultats de l’ACP sur les variables morphométriques
III.2.c. Résultats de l’ACP sur les variables méristiques.
III.2.d. Classement par Analyse Discriminante (AD)
III.3. Analyse comparative des paramètres
III.4. Essai d’élaboration d’une clé d’identification
IV. DISCUSSIONS
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES
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