LES INV ASIONS BIOLOGIQUES
Les invasions biologiques dans les écosystèmes aquatiques constituent l’un des éléments les plus importants du changement environnemental à l’échelle du globe (Duke et Moonley 1999; Davis et al. 2000). Ces changements peuvent être d’ordre écologique (déplacement des espèces indigènes, réduction de la biodiversité locale et même l’extinction des espèces locales) ou socio-économique (dispersion de maladies, coûts élevés destinés au monitorage, au contrôle, à l’éradication des espèces non indigènes et à la restauration des écosystèmes) (Davis 2004; Pimentel et al. 2000). Ces invasions biologiques se présentent quand des organismes natifs d’une région sont transportés en dehors de leurs aires de distribution naturelles, par dispersion naturelle ou par des activités humaines, lesquelles peuvent être intentionnelles ou accidentelles (Kolar et Lodge 2001a). Un des principaux vecteurs mondiaux de ce transfert d’organismes est le transport de marchandises par bateau (Carlton 1985; Carlton et Geller 1993; Chu et al. 1997; Gollasch 2002; Occhipinti 2007). En effet, les navires modernes possèdent des réservoirs de ballast qui sont remplis d’eau de mer (et des sédiments associés), et ces réservoirs sont vidés lors du chargement des marchandises. Les navires commerciaux voyagent à travers tous les océans du monde, couvrant de nombreuses routes,transocéaniques ou continentales, et ils utilisent différentes méthodes pour échanger l’eau des réservoirs de ballast afin de réduire le transfert d’organismes. Cependant, des études scientifiques récentes continuent d’observer des organismes dans les réservoirs de ballast, incluant des espèces phytoplanctoniques telles que les dinoflagellés, dont plusieurs espèces sont considérées comme nuisibles ou toxiques (Doblin et Dobbs 2006; Hallegraeff 1998; Hamer et al. 2001; Kelly 1993). D’ailleurs, plusieurs études ont montré que des espèces de dinoflagellés introduites par les navires ont causé des dommages importants, notamment à l’industrie aquicole, par exemple » sur les côtes de l’Australie (Hallegraeff et al. 1997;Hallegraeff et Bolch 1992). Dans ce pays, sur 80% des navires échantillonnés, 40% contenaient des kystes viables de dinoflagellés et 6% d’entre eux (contenant environ 300 millions de kystes par navire) étaient des kystes d’espèces toxiques telles que Alexandrium catenella et A. tamarense (Anderson 1992).
LE TRANSPORT MARITIME
La section précédente a signalé comment le transport de marchandises par bateaux comporte un des plus importants risques pour le transfert d’espèces non indigènes dans les écosystèmes aquatiques marins et d’eaux douces (Carlton 1985; Mills 1993; Bailey et al.2003; Ruiz et al. 1997). Depuis que l’homme utilise des bateaux pour voyager le long des côtes et à travers les océans, ce transfert d’espèces indigènes a augmenté (par exemple, les Vikings dans les années 1000 AD) (Petersen et al. 1992). Au début, ce transfert impliquait des espèces mélangées avec le sable ou collées aux roches qui servaient de lest (Carlton 2003). De nos jours, ces organismes voyagent dans l’eau et les sédiments des réservoirs de ballast que les navires utilisent afin d’assurer leur stabilité (Gauthier et Steel 1996). D’autre part, l’ouverture du canal de Suez en 1869, de celui de Panama en 1914 et de la voie maritime du Saint-Laurent en 1959, ainsi que l’augmentation de la vitesse des cargos modernes ont réduit considérablement la durée des voyages (Gauthier et Steel 1996). De plus, les études ont démontré que la diversité et l’abondance des espèces contenues dans l’eau et les sédiments de ballast, sont négativement corrélées avec la durée du voyage (Dickman et Zang 1999; Verling et al. 2005; Simkanin et al. 2009). Comme le tonnage d’eau de ballast peut varier de quelques centaines de tonnes à plus de 100 000 tonnes, de grandes quantités d’eau contenant des organismes vivants sont rapidement et continuellement transportées et déchargées dans tous les coins du monde. Ce transfert d’organismes vivants en moins de temps contribue considérablement à l’établissement potentiel d’espèces non indigènes dans les écosystèmes aquatiques.
LES INTRODUCTIONS D’ ESPÈCES NON INDIGÈNES AQUATIQUES AU CANADA
En Colombie-Britannique, les introductions involontaires d’espèces telles que le copépode parasite Mytilicola orientalis, plusieurs espèces de perceurs d’huîtres telles que Limnoria tripunctata , de macrophytes comme Sargassum muticum, Zostera marina, ou Z. japonica ont eu des effets écologiques et économiques importants (Gauthier et Steel 1996). Cette liste inclut également le tunicier Styela clava, envahisseur agressif dont la répartition naturelle se situe dans la partie sud de la mer d’Okhotsk au large de la Russie (Lambert et Lambert 1998) et qui s’est établi avec succès dans les eaux tempérées un peu partout dans le monde. Ce tunicier a été observé pour la première fois à l’extérieur de son aire de répartition d’origine en 1933, sur les côtes de la Californie (Clark et Therriault 2007). Les vecteurs d’introduction les plus probables comprennent les bateaux infestés et les transferts d’huîtres. Le tunicier S. clava est maintenant présent sur les côtes du Pacifique au Canada, particulièrement dans le sud de la Colombie-Britannique, et il est considéré comme une espèce nuisible importante dans le domaine de la conchyliculture puisque ce tunicier étouffe les espèces cibles et salit les engins et l’équipement (Clark et Therriault 2007). Dans les ports de la même région Jamieson (2002) a étudié l’arrivée du crabe vert (Carcinus maenas), prédateur potentiel des mollusques endémiques. Une autre espèce de bivalve exotique (Nuttallia obscurata) arrivée dans les réservoirs de ballast des bateaux, s’est largement répandue le long du détroit de Géorgie (Merilees and Gillispie 1995). Waters et al. (2001) ont mis en évidence la croissance des algues qui provenaient de l’eau et des sédiments des réservoirs des navires. Ces études confirment que les systèmes aquatiques de l’ouest du Canada continuent d’être vulnérables aux invasions des espèces non indigènes (Larson et al. 2003). Cependant, peu d’études ont examiné l’introduction d’espèces non indigènes de dinoflagellés pour cette région.Depuis l’ouverture de la voie maritime du Saint-Laurent en 1959, au moins 43 espèces zooplanctoniques et de protistes non indigènes se sont établies dans les Grands Lacs (Grigorovich et al. 2003; Duggan et al. 2005). En particulier, le système des Grands Lacs a été impacté par l’introduction involontaire de la moule zébrée Dreissena polymorpha, la moule quagga D. bugensis et la lamproie marine Petromyzon marbeus. Les moules ont été introduites par les navires commerciaux et ont affecté les systèmes d’aqueducs des municipalités. Dans le cas de la lamproie marine, son introduction date des années 1830 et affecte principalement l’industrie de la pêche commerciale et sportive. Récemment, de grands efforts ont été déployés afin d’éviter l’invasion des carpes asiatiques Hypophthalmichthys molitrix et H. nobilis dans le réseau des Grands Lacs. Ces espèces proviennent d’Asie et ont été introduites en Amérique du Nord dans les années 1960 et 1970. Au début des années 1990, ces deux espèces se sont échappées d’installations d’aquaculture dans le sud du Mississippi. Depuis, elles migrent vers le nord en recherchant les eaux froides ou à température modérée. Étant donné leurs taux élevés d’ingestion Uusqu’à 40% de leur poids par jour), leur établissement pourrait entraîner le déclin des espèces indigènes par manque de nourriture , et affecter les pêches sportive et commerciale qui ont des retombées économiques en Ontario.
INTRODUCTION DES DINOFLAGELLÉS VIA LE TRANSPORT MARITIME
Plusieurs études ont mis en évidence l’effet du transport maritime dans le transfert de dinoflagellés, dont plusieurs espèces sont considérées comme nuisibles ou encore toxiques (Hallegraeff 1998; Doblin et Dobbs 2006). De plus, des études dans plusieurs régions du monde ont montré les conséquences économiques négatives de ces introductions d’espèces non indigènes, notamment pour l’Australie (Hallegraeff and Bolch 1992), la NouvelleZélande (Hay et al. 1997), l’Angleterre (Hamer et al. 2001) et les États-Unis (Kelly 1993). Au Canada, sur la côte ouest plus spécifiquement, dans le port de Vancouver et le détroit de Juan de Fuca, des monitorages effectués entre 1995 et 1997 (Levings et al. 1998; Piercey et al. 2000) ont montré que des espèces phytoplanctoniques non indigènes, dont plusieurs espèces de dinoflagellés, continuaient d’arriver dans les réservoirs de ballast des navires commerciaux (Lars on et al. 2003). Dans la région des Grands Lacs, Fanhestiel et al. (2009) ont regardé l’introduction des kystes de dinoflagellés via le transport maritime. Cependant, les seuls navires échantillonnés dans cette étude correspondent à la catégorie de navires des«no ballast on board», NOBOB. Cette catégorie (sans eau de ballast à bord) constitue 90% du transport maritime à l’intérieur du réseau des Grands Lacs. Or elle est absente du trafic maritime visitant les côtes canadiennes, ce qui rendait les comparaisons difficiles et c’est la raison principale pour laquelle elle n’a pas été considérée dans cette recherche.
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Table des matières
REMERCIEMENTS
RÉSUMÉ
ABSTRACT
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
LISTE DES ABRÉVIATIONS, DES SIGLES ET DES ACRONYMES
INTRODUCTION GÉNÉRALE
LES INVASIONS BIOLOGIQUES
LE TRANSPORT MARITIME
LES INTRODUCTIONS D’ESPÈCES NON INDIGÈNES AQUATIQUES AU CANADA
INTRODUCTION DES DINOFLAGELLÉS VIA LE TRANSPORT MARITIME
LE CYCLE DE VIE DES DINOFLAGELLÉS
LA PRESSION DE PROPAGULE
CHAPITRES ET OBJECTIFS DE LA THÈSE
CHAPITRE 1 TRANSPORT D’ESPÈCES NON-INDIGÈNES DE DINOFLAGELLÉS VIA LES SÉDIMENTS DE BALLAST SUR LA CÔTE EST DU CANADA
RÉSUMÉ
ABSTRACT
INTRODUCTION
METHODS
RESULTS
DISCUSSION
ACKNOWLEDGMENTS
CHAPITRE 2 LES KYSTES DE DINOFLAGELLÉS DANS LES SÉDIMENTS DE BALLAST: DIFFÉRENCES ENTRE LES CÔTES EST ET OUEST DU CANADA ET LES GRANDS LACS
RESUMÉ
ABSTRACT
INTRODUCTION
METHODS
RESULTS
DISCUSSION
ACKNOWLEDGMENTS
CHAPITRE 3 PRESSION DE PROPAGULES DES DINOFLAGELLÉS (INCLUANT LES ESPÈCES NON-INDIGÈNES) À PARTIR DES NAVIRES VISITANT LES CÔTES EST ET OUEST DU CANADA
RÉSUMÉ
ABSTRACT
INTRODUCTION
METHODS
RESULTS
ACKNOWLEDGEMENTS
CONCLUSION GÉNÉRALE
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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