Espace social et structure sociale

ESPACE SOCIAL ET STRUCTURE SOCIALE 

Comme toute étude anthropologique, la structure de la parenté est un point saillant incontournable. Cette parenté noue l’homme et la société. C’est un lien naturel qui donne sens et valeur à la suprématie humaine. Dans ce secteur de l’espace social, la structure est une organisation de la parenté au sein de la vie sociale. Cette analyse de la parenté faisait partie de la conception de l’espace dans cette étude anthropologique. Copans écrivait que :

« Le fil directeur et la discipline fondatrice de l’anthropologie est l’analyse de la parenté » .

SYSTEME D’ORGANISATION DE LA PARENTE

Le système de la parenté est un point essentiel dans les études anthropologiques. Toutes les conceptions malgaches tournaient autour de ce système d’organisation de la parenté. La parenté malgache est très complexe car l’arbre généalogique est indéterminé. La relation de fihavàna est une relation ambiguë qui passe de la consanguinité à la relation sociale. Cette relation sociale ne peut se présenter que sur l’appropriation des terres et la division de l’espace géographique. La vision malgache de droit à l’héritage des terres, tanindraza comme patrie, demande une organisation stricte au sein du lignage et de la famille. Le problème foncier sera la première occupation du système de la parenté dans la hiérarchie des âges. Le pouvoir gérontocratique se dispersa de plus en plus. Le cadre des activités des jeunes se rétrécit aussi. Sur ce, Georges Condominas pensait que :

« Dans cette étude de l’espace social d’un groupe donné, surtout s’il est de faible dimension, on est, par la force des choses, conduit à privilégier l’espace géographique, cadre de ses activités, au détriment du reste de l’univers tel qu’il le conçoit. En effet, la plus grande partie de celui-ci (les cieux et les mondes souterrains auquel s’ajoutent quelques points sacrés du monde d’ici-bas se confond généralement avec l’espace mythique. » .

Nous affirmons que cette conception malgache de l’espace prend sa source dans cet « espace mythique ». Les contes et les mythes, les traditions orales populaires relatent des passés lointains, des temps antiques, pour pouvoir expliquer les origines des choses. Dans cette étude, l’espace social c’est la notion géographique du terroir et du territoire. L’espace social c’est le cadre de vie d’une communauté humaine qui inclut son milieu et son environnement. C’est un espace vital, un territoire revendiqué par le peuple pour satisfaire à son expansion démographique et économique tel que l’écrit Georges Condominas :

« L’espace social inclut la conception du monde comme la projection de la société elle-même. » .

Les Tanosy vivent en groupe, dans un territoire, avec un système de relation organisé, autour de quelques cérémonies culturelles. La hiérarchie des âges et des situations sociales faisait partie de l’ordre spatial. La considération des points cardinaux et le système d’orientation spatiale témoignent tout et dicte la prédestination en rapport avec cet espace social et géographique. L’organisation de l’espace et les activités humaines faisait partie de la conception de l’espace social. Il est connu que la règle de descendance est, en sens unique et irréversible, dans la nomenclature de la parenté. Toutes les règles sociales dépendent de cette existence hiérarchique parce que les parents passent toujours en prioritaire avant les descendants. L’inverse n’existe à jamais dans la vie sociale. Chaque groupe ethnique vit dans sa région différemment. Pour cette vie en société, l’homme doit disposer des outils de conception culturelle afin de pouvoir traduire les divers systèmes de relations qui animent et caractérisent chaque société pour leur propre dynamique. C’est pourquoi Malinowski écrivait que :

« La culture s’agit de cette totalité où entrent les ustensiles et les biens de consommation, les chartes organiques réglant les divers groupement sociaux, les idées et les arts, les croyances et les coutumes. » .

Les Malgaches vivent cette potentialité culturelle dans leur espace sociale. Ils ont leur façon de concevoir l’homme et son espace à vivre, à habiter, à protéger, à exploiter. L’homme a peur des collines, des rivières, des eaux stagnantes, des grands arbres, de la forêt dense et de toutes sortes de forces sacrées. Cette conception est le cadre de plusieurs espaces aménagés par l’homme que soient rural ou urbain.

La parenté (hava, ziva, atihena)

La parenté hava 

Dans la vie sociale malgache la parenté – fihavàna – est la principale sécurité de maintient de l’organisation dans l’espace sociale et le fañazà – respect-. Chez les Tanosy cette parenté hava est très complexe car elle est trop vaste comme terme. Il existe des havan-draza – une extension de la parenté qu’on commence à perdre la généalogie -littéralement : – parent des ancêtres – hava am-panambalia – parent par alliance – ta-troky raiky – parent consanguin – raza raiky – parent de même ethnie – hazomanga raiky – même lignage – dra fa hava ra – ce sont des amis intimes – Il y a trop de nuance très variable dans l’utilisation du mot hava chez les Tanosy et parfois péjoratif et méfiant : – añy le havandrareo iñihô – se dit des gens anormaux ou malades mentales – littéralement : en voilà l’un de vos parents – Nombreux sont les sens du mot parenté hava dans l’usage quotidien du terme mais dans le cadre général c’est la parenté qui est la condition maîtresse de la vie sociale malgache. Sont mpohava, les gens de la même famille, du même lignage, d’un ancêtre commun, par alliance. La nomenclature de la parenté est très variée dans la relation généalogique et par alliance.

Dans la tradition tanosy par les mythes ou les contes, l’origine des termes de parenté rafoza – belle-mère – et ravinato – bru – naît de la plaisanterie. Cette alliance existait depuis longtemps, le mariage existait déjà, mais l’appellation ou la terminologie résulte d’une sorte de plaisanterie. C’était l’histoire d’une fille sauvage, une fille de la forêt d’une beauté sauvage qui a émis un coup de foudre à deux hommes bûcherons sous des conditions coutumières originales. Depuis le monde mythique les malgaches essaient d’interpréter les phénomènes sociaux comme un fait originel, depuis la création du monde.

Dans le texte du Corpus II.4 intitulé Monsieur Précipitation et Monsieur Malin, p. 66, la conception pose que demander la main d’une jeune fille requiert des conditions difficiles ; tuer sa mère. C’est une substitution qui condamne l’homme à se séparer de ses parents et se rapprocher de sa femme. Ce n’est pas un hasard de raconter une fille sauvage, une fille don de Dieu, c’est prouver que le choix du conjoint est destiné. Les deux hommes du conte osent se défier dans deux forces différentes : – l’intelligeance et la précipitation. Le texte prouve que l’intelligence prime sur la précipitation. La nomenclature de la parenté n’est pas unilatérale en tuant sa mère mais elle résulte de la relation entre la mère de l’homme et sa bru. Un texte traditionnel embrasse plusieurs situations dans la vie de l’être sur la terre. La conception traditionnelle y réside.

La tradition malgache est une richesse inouïe déchiffrable et objet de commentaire méditative. Tout est imagée dans les textes mais la logique explicative est si proche de la réalité sociale. Le réflexe imaginatif chez les compositeurs des textes mythiques malgaches est très savant et plus logique que la création. Cette conception traditionnelle devient l’objet d’une réflexion et d’une longue méditation pour pouvoir expliquer l’origine des choses. Actuellement, en dehors de l’explication scientifique, nul ne peut inventer dans son imagination des textes relatant une situation originale des trous de la tête humaine (les yeux, les narines, les oreilles, la bouche) au nombre de sept par exemple. – vohitsy raiky misy lavaky fito – une colline à sept trous – étant une sorte de devinette pour évéiller la curiosité des enfants. C’est la culture traditionnelle qui nous aide à réfléchir sur le passé et l’avenir dans le circuit de la vie sur cette planète.

La parenté à plaisanterie ziva

Pour les Tanosy, la parenté à plaisanterie est appelée ZIVA. Elle est conçue comme une parenté perdue et retrouvée. A l’origine, dans la tradition tanosy, c’est une parenté consanguine, descendant des collatéraux parallèles, issues des deux sœurs. Cette parenté a été rompue après une suite d’événement historique, d’après la tradition tanosy. Elle a perdu la ligne de la nomenclature de parenté par descendance et l’insertion s’avère très difficile. La parenté ZIVA a sorti du cycle normal de la généalogie et de la terminologie de la parenté. Elle n’est ni parenté généalogique, ni parenté par alliance, ni parenté par convention. Elle est conçue comme une extension de la parenté généalogique chez les Tanosy. En tant que telle elle peut être une nouvelle forme de parenté généalogique car ce n’est pas au sein d’une même ethnie. La parenté ZIVA n’est pas le résultat d’une cérémonie quelconque, ou d’une convention mais elle sorta d’un souvenir. Ce souvenir conçu comme ridicule pousse les deux camps à se moquer l’un de l’autre. Cette moquerie devient une plaisanterie. Cette plaisanterie fraternelle s’adresse des paroles offensantes mais limitées à des mêmes générations . Des grands chercheurs ont discuté sur la relation de parenté à plaisanterie chez les malgaches. Dans son travail en pays Masikoro, Lavondès écrivait que :

« La relation de parenté à plaisanterie comporte un certain nombre d’obligations dont la plus spectaculaire est celle d’échanger des injures et la plus importante socialement celle de ne pas s’entre-nuire. Le ziva comporte aussi des obligations positives : entr’aide en cas de famine, dons mutuels de bœufs à l’occasion des cérémonies religieuses et des funérailles… » .

Nombreux sont les malgaches qui entretiennent cette relation de parenté ziva. Hébert a remarqué dans son étude que :

« Les relations à plaisanterie constituent un lien très fort, indestructible entre individus et héréditaire entre groupes sociaux ; ce double caractère permet de leur accorder l’appellation de parenté à plaisanterie. Il faut cependant préciser que ce terme ne doit pas être compris dans le sens de parenté consanguine mais plutôt dans le sens de parenté par alliance. » .

Birkeli a noté que :

« Cette alliance ziva est une sorte d’alliance fraternelle mais d’une forme assez brutale. Un ziva a le droit d’être grossier sans qu’on puisse lui faire reproche. Il peut prendre dans la maison ce qu’il veut sans être traité de voleur… » .

Nombreux sont les auteurs qui traitent la parenté ziva, parenté à plaisanterie à Madagascar. Je vois que cette parenté ziva est une institution complexe qui montre en apparence une relation à plaisanterie mais au fond, chez les Tanosy et les tandroy, des ethnies voisines, dans l’Anosy et l’Androy, au sud de Madagascar, c’est une parenté généalogique perdue mais retrouvée. En pensant au contrat social de Rousseau disant que « la famille est le premier modèle des sociétés politiques », je veux dire que tous les degrés de rapport de parenté sont nés de la famille. Dans la vie humaine tout le monde essaie de comprendre dans sa réflexion ce qu’il ne comprend pas. L’aspect curieux de la parenté ziva c’est cette façon de se comporter devant le partenaire en se lançant des paroles offensantes. Dans quel sens ces mpiziva agissent pour s’insulter à chaque rencontre ?

Dans la relation tanosy, tandroy, le mot ziva n’est pas un mot d’usage tanosy. Chez les Tanosy, ziva signifie opa- injurer- dans les vocabulaires quotidiens on n’entend pas ce mot. Dans l’usage quotidien, le mot ziva ne se traduit pas – plaisanterie – soma en tandroy ou somonga en tanosy- Chez la population du sud malgache, Vezo, Masikoro, Mahafaly, Tañalaña, Tandroy, Sakalava, ziva, manjiva – insulter, injurer, offenser, ne signifie pas plaisanterie car cette action entraîne une dispute. Or chez les Tanosy et les bara on dit ompa ou tera et non pas ziva, mañopa ou mitera c’est une déclaration de guerre. Le ziva est un mot qui ne s’emploie pas souvent qu’au moment de la colère, d’un mécontentement, d’une querelle, d’une mésentente dans une société donnée. La règle de grammaire pour une action réciproque disait : mifanjiva – s’injurer l’un et l’autre. Dans l’usage quotidien s’injurer ne veut pas certainement dire une relation de parenté à plaisanterie, c’est quelque chose de sérieux désaccord. Alors dans cette relation de parenté, l’usage du mot mpiziva est loin du sens de mpifanjiva. Le mot peut prendre le sens de mpihava / mpiziva, dans sa formation.  Ce n’est pas étonnant si la tradition tanosy confirme que les Tanosy et les tandroy sont des descendants des collatéraux parallèles.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : ESPACE GEOGRAPHIQUE ET STRUCTURE DU TERROIR
I.1 ESPACE PERÇU
I.1.1 Les points cardinaux
I.1.2 Sphère linguistique
I.1.3 Le cycle astral
I.1.4 Les arbres et les forêts (hazo, ala)
I.1.5 Les fleuves et les rivières et la mer (rano, riaky)
I.1.6. Les collines et les grottes ( vohitsy, lakàto)
I.2. ESPACE CONÇU
I.2.1. La terre et l’agriculture
I.2.2 Vulgarisation agricole
I.2.3. Communication agricole
I.2.4. Le pâturage et l’élévage
I.2.5. Termes désignant les bovins
I.2.6. Les terroirs d’installation
I.2.6.1 Toponymie
I.2.6.2 Caractérisation de l’espace
CONCLUSION PARTIELLE
DEUXIEME PARTIE : ESPACE SOCIAL ET STRUCTURE SOCIALE
II.1 SYSTEME D’ORGANISATION DE LA PARENTE
II.1.1 La parenté (hava, ziva, atihena)
II.1.1.1 La parenté hava
II.1.1.2 La parenté à plaisanterie ziva
II.1.1.3 La parenté par le sang / atihena
II.1.2. Les noms de naissance
II.1.2.1 Les natifs des signes zodiacaux
II.1.2.2 Les prescriptions divinatoires
II.1.3. Nomenclature et dimension familiale
II.1.3.1 La famille nucléaire
II.1.3.2 La famille élargie
II.1.4. Communication sociale
II.1.4.1 Le droit d’aînesse, droit à la parole
II.1.4.2 Prohibition de l’inceste
II.1.4.3 Le droit à l’héritage des biens
II.1.5. Les alliances prescrites
II.1.5.1 Les destins compatibles
II.1.5.2 Les destins opposés
II.1.6. Organisation du terroir lignager
II.2. SYSTEME DE POUVOIR POLITIQUE
II.2.1. La gérontocratie pérenne
II.2.2. Pouvoir des officiants
II.2.3. Pouvoir des riches et des devins
II.2.4. Règles de passation de pouvoir traditionnel
II.2.4.1 La règle de passation de pouvoir
II.2.4.2 L’appartenance lignagère
II.2.5. Pouvoir de l’administration étatique
II.2.6. Tradition et acculturation
CONCLUSION PARTIELLE
TROISIEME PARTIE : ESPACE CULTUREL ET PHENOMENES CULTURELS
III.1. CULTURES ANTHROPOLOGIQUES
III.1.1. Communication par les textes oraux
III.I.2. Les invocations dans la tradition
III.1.3. Cosmologie et géomancie
III.1.4. Les circonstances de la vie humaine
III.1.4.1 La naissance
III.1.4.2 La circoncision
III.1.4.3 Le hirisofy – incision d’ oreilles
III.1.4.4 Le mariage
III.1.5. Les sites des ancêtres
III.1.6. Les tombeaux modernes (lolom-bazaha)
III.2. CULTURES ARTISTIQUES
III.2.1. Les arts plastiques
III.2.2. Les arts musicaux
III.2.3. Les instruments de musique
III.2.4. La musicothérapie et la transe
III.2.5. L’architecture traditionnelle
III.2.6. Requiems et autres genres
CONCLUSION PARTIELLE
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE

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