Espace public, espace politique…
L’origine même de la définition d’espace public place l’espace public dans une dimension politique. Le Dictionnaire de la ville et de l’urbain souligne alors l’espace public de la Grèce antique ou agora qui est le lieu de « l’affirmation de l’opinion publique distincte de la sphère privée ». La définition d’agora amène à considérer la notion d’espace public à plus qu’un simple lieu. En effet, le terme grec définit à la fois un lieu de rassemblement mais également le même fait de se rassembler.
Ce même ouvrage considère que l’on doit le terme d’espace public à l’allemand J. HABERMAS pour qui l’espace public « était le lieu du politique ». Pour l’auteur allemand, le « lieu n’est pas nécessairement spatialisé car il résulte avant tout du dialogue ». Le Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés rejoint la définition politique de l’espace public en attribuant le « caractère « public » de l’espace [au] fait que du politique y circule ». Les deux auteurs nuancent la forme politique circulant dans les espaces publics puisqu’ils la réduisent à la civilité qu’ils considèrent comme forme politique principale des espaces publics et qu’ils la définissent comme « figure de la retenue silencieuse et de l’évitement circonspect plutôt que de la « publicité » citoyenne ». Les différentes définitions étudiées s’accordent toutes sur l’aspect politisé d’un espace public. Néanmoins, les formes politiques attribuées au lieu sont plus ou moins fortes politiquement et concernent que plus ou moins les décisions politiques. L’espace public peut donc être considéré comme un lieu objet de négociations et d’échanges.
Définition juridique
« Partie du domaine public non bâti, affecté à des usages publics. L’espace public est donc formé par une propriété et par une affectation d’usage [de plus] (…) la notion d’espace public est à mettre en relation avec l’émergence, à partir du XVIIIème siècle, dans la société européenne occidentale, de la notion d’espace privé»
(Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement)
« L’espace public peut être défini de manière simple comme l’espace ressortissant strictement de la sphère privée, c’est-à-dire tout espace n’appartenant pas à une «personne morale de droit privé ». (…) L’espace public urbain est alors caractérisé par les rues, trottoirs, places, jardins, parcs, mais aussi délaissés de voirie, terrains vagues, parkings etc. » « Du simple fait d’être public ou privé, l’espace n’est pas affecté institutionnellement et juridiquement des mêmes potentialités d’usages autorisés. » (Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés)
Juridiquement, le terme d’espace public est défini par son propriétaire et par opposition à l’espace privé. Ainsi, l’espace public appartient au domaine public et représente un espace non bâti. Les biens appartenant au domaine public relèvent donc d’un propriétaire public tel que l’Etat, les collectivités locales et les établissements publics, tous relevant d’un intérêt, d’un usage direct ou d’un service public. Le domaine privé est géré par un propriétaire et n’est, généralement, pas censé desservir l’utilité publique bien que le domaine privé peut être soumis à certaines règles de droit public et qu’il puisse être lié à un service public ou à un usage direct du public. Les droits associés à l’espace public sont différents de ceux applicables à l’espace privé bien que dans les deux cas, le propriétaire puisse être une personne morale de droit public. Ceux-ci ne seront pas détaillés dans ce mémoire.
Définition urbanistique
La définition urbanistique de l’espace public est moins arrêtée que les précédentes et dépend de chaque urbaniste. En effet, au niveau réglementaire, l’espace public n’est pas spécifiquement défini dans le Code de l’Urbanisme . On peut néanmoins dresser les principales caractéristiques qui font de lui un véritable fil conducteur de la ville et en donner une définition qui soulève les difficultés d’une définition précise du terme :
« La notion « d’espace public » qui se substitue à « place publique », « lieu public » est récente (1960) et peu précise. Elle superpose à un statut juridique de propriété un usage particulier, ainsi à l’espace public correspondrait un usage public, mais comment délimiter ce qui révèle du « commun », du « collectif », et pas seulement du « public » ? Et que dire des usages privés de certains morceaux de territoires publics et d’usages collectifs de certains domaines privés ? » (Dictionnaire de la ville et de l’urbain)
L’espace public est le plus généralement un espace vide qui est plus ou moins délimité par des édifices l’entourant. Les différentes définitions s’accordent sur le fait que l’espace public est un élément majeur de la ville et qu’il contribue largement à sa lisibilité grâce aux liens qu’il tisse entre les espaces de la ville mais aussi entre les histoires de l’espace urbain. L’espace public est d’autre part nécessairement ouvert et hiérarchise les axes en donnant à la ville son caractère.
A nuancer par des définitions sociales
Mais un lieu est défini avant tout par les activités et les symboles attachés à ce lieu lui même existant grâce à la pratique des usagers. Les usagers sont, en effet, l’élément essentiel pour donner son aspect public à un espace.
« [Une] caractéristique de l’espace public est l’accessibilité. Un espace public devient possible à partir du moment où ceux qui s’y trouvent peuvent et doivent penser que tous les autres membres de la société pourraient l’y côtoyer. Pratiquer un espace public, c’est donc, pour un individu s’exposer à y rencontrer les individus les plus différents qu’il soit habitant la ville. » (Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés )
L’espace ne peut être public sans qu’il soit social et donc accessible et visible. C’est cette accessibilité, contraire là encore à l’espace privé, qui permet de faire d’un espace public un lieu de vie publique, un espace de représentations sociales où « l’intimité est suspendue » , au contraire de ce qu’elle serait dans la sphère privée. En effet, « Le lieu constitue l’espace de base de la vie sociale » mais il est également le lieu où l’extimité, notion contraire à l’intimité, est dominante. Ainsi, les gens accèdent à l’espace public, s’y rencontrent, s’y parlent mais sans s’y montrer trop intimes puisqu’ils utilisent le lieu public dans un cadre social et non individuel en sachant que toute la société urbaine pourrait s’y rendre. L’espace public peut alors être, grâce au sens social, un espace d’insertion sociale et d’émancipation. Il peut également être lieu de mémoire.
Cette définition tend donc à montrer qu’un espace peut être public par son utilisation, sa fréquentation, sa circulation et par les interactions et relations sociales qui y sont visibles. Dans ce mémoire, nous considérerons donc l’espace public comme espace accessible par tous dont la fonction est publique. Nous considérerons ici, l’espace public comme espace favorisant les rencontres sociales : espace de mouvements, espace d’échanges.
L’espace public, une définition aux multiples facettes
Finalement, les dictionnaires spécialisés étudiés s’accordent à dire que la définition de l’espace public a évolué depuis ses débuts et évoluera encore. Pour le Dictionnaire de la ville et de l’urbain, la définition d’espace public « s’opposant physiquement et géographiquement » au privé n’a plus lieu d’être » . L’espace public est en tous cas un lieu où la mixité des fonctions, mais aussi des utilisateurs et donc de leurs pratiques, est présente.
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Table des matières
Introduction
Partie 1 Définitions et Cadre de la Recherche
1. Espaces Publics
2. Perception
3. Genre
4. Idées reçues
5. Verbes relatifs au domaine du visible
6. Cadre de la recherche
Partie 2 Méthodes Employées
1. Couplage questionnaires/ entretiens
2. Deux terrains d’études
3. Choix de la population analysée
Partie 3 Résultats et Vérification des hypothèses
1. Questionnaires
2. Des hypothèses à nuancer
3. Entretiens
Conclusion
Bibliographie
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