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La plateforme SURFEX
Un gros effort a toujours été réalisé au CNRM pour développer et améliorer la représentation des interactions entre la surface et l’atmosphère. Si de nombreux travaux ont été menés pour traiter le continuum sol-végétation-neige pour les surfaces naturelles avec ISBA, les autres types de surface ont aussi donné lieu à des traitements spécifiques. TEB (Town Energy Balance,Masson, 2000) vise à représenter les échanges entre la ville et l’atmosphère. Des paramétrisation spécifiques des flux air-mer sont disponibles pour traiter les surfaces maritimes.
Les surfaces de type « lacs » peuvent, quant à elles, être gérées via le modèle FLake (Mironov, 2008). Pour rendre disponible à un maximum d’applications ces diverses avancées, ces modèles ont été externalisés des modèles météorologiques proprement dits et mutualisés dans une plateforme appelée SURFEX (pour SURFace Externalisée). SURFEX peut être couplée à un modèle météorologique (AROME, ARPEGE-CLIMAT, Méso-NH,…) mais aussi être utiliséeen mode dit « off-line » forcé par des observations ou des prévisions. C’est ce deuxième mode qui a été utilisé dans notre couplage avec le modèle hydrologique TOPMODEL. En entrée de SURFEX, pour chaque pas de temps du modèle et chaque maille, sont fournis la température et l’humidité spécifique de l’air à 2 m, les composantes horizontales du vent à 10 m, la pression, la quantité totale de précipitation, les rayonnements incidents. SURFEX calcule alors les flux moyennés de chaleur sensible et latente et de quantité de mouvement qui fournissent les conditions aux limites inférieures au modèle atmosphérique éventuel.
Chaque maille SURFEX est composée de quatre fractions : surfaces naturelles, surfaces urbanisées, mers, eaux continentales. Les flux sur une maille SURFEX sont donc des moyennes pondérées des flux de ces quatre fractions de surface. La répartition entre ces fractions est déterminée grâce à la base de données globale Ecoclimap (Masson et al., 2003), ou sa version améliorée Ecoclimap2, qui combine des informations satellitaires et des cartes d’occupation des sols.
Principe général d’ISBA
Pour la prévision numérique du temps, la gestion de l’interface entre atmosphère et surface continentale est cruciale et ce depuis la méso-échelle jusqu’à l’échelle globale des modèles de climat. ISBA, Interaction Sol Biosphère Atmosphère (Noilhan et Planton, 1989), a été développé pour simuler les interactions entre le sol, la biosphère et l’atmosphère dans les modèles atmosphériques. Ainsi les modèles de Météo-France, de recherche comme opérationnels, à méso-échelle ou climatiques utilisent ISBA : les modèles de la famille ARPEGE (Courtier et Geleyn, 1988), ALADIN (Bubnova et al., 1993), Méso-NH (Lafore et al., 1998) et AROME (Seity et al., 2010). ISBA est aussi utilisé dans le modèle du service météorologique canadien, MESH (Pietroniro et al., 2007), et dans le modèle HIRLAM (http://hirlam.org).
ISBA est un modèle de surface à bases physiques qui gère les bilans en eau et en énergie sur des colonnes de sol. Initialement, ISBA disposait de 2 couches de sol : une couche superficielle pour le calcul des flux échangés avec l’atmosphère et une couche racinaire. L’évolution temporelle des variables principales dans un modèle de surface (températures de surface et du sol, du réservoir de stockage de l’eau interceptée, du contenu en eau et en glace des différentes couches de sol ) est basée, dans ISBA, sur la méthode force-restore (Deardorff, 1977).
Le principe est que ces grandeurs évoluent à la suite d’un forçage mais sont rappelées vers une situation d’équilibre (d’où les termes « force » puis « restore »).
La version originale d’ISBA a beaucoup évolué prenant en compte de plus en plus de processus physiques. Le tableau 3.1 résume ces évolutions. Dans la suite de ce chapitre c’est la version utilisée dans cette thèse qui sera décrite à savoir ISBA-3L avec profil exponentiel de conductivité hydraulique à saturation.
Variables nécessaires au forçage et variables pronostiques
En dehors des cas où ISBA est complètement couplé à un modèle atmosphérique, il est utilisé enmode forcé. Il est alors nécessaire de fournir aumodèle les variables atmosphériques de forçage suivantes :
– Rg, rayonnement solaire global
– Ra, rayonnement atmosphérique descendant
– Pr, quantité de précipitations liquides
– Sr, quantité de précipitations solides
– Ta, température de l’air à 2 m
– qa, humidité spécifique de l’air à 2 m
– Va, vitesse du vent à 10 m
– Ps, pression atmosphérique à la surface.
A partir de ces variables de forçage atmosphérique, ISBA prévoit l’évolution temporelle de 11 variables, certaines relatives au sol :
– Ts, température de la surface du sol,
– T2, température moyenne de la couche racinaire,
– wg, w2 et w3, les contenus volumiques en eau de la couche superficielle, de la zone racinaire et du sol profond respectivement,
– wgi1 et wgi2, les contenus volumiques équivalents en eau liquide de la glace dans les zones superficielle et racinaire.
Une variable relative à la végétation :
– wr le contenu en eau du réservoir d’interception.
Enfin pour celles relatives à la neige, le manteau neigeux est discrétisé en trois couches (chacune est notée j, j = 1..3) pour lesquelles sont définis :
– ws j, le contenu équivalent en eau du manteau neigeux,
– ds j, l’épaisseur du manteau neigeux,
– hs j, la quantité de chaleur stockée par la neige.
Caractéristiques physiographiques
La description du système sol-végétation-neige est réalisée via plusieurs paramètres. Des paramètres dits «primaires» découlent de nombreux autres paramètres dits « secondaires ».
Les paramètres primaires sont :
– les types de sol, en terme de texture, qui sont qualifiés par des pourcentages d’argile Xclay et de sable Xsand,
– les types de végétation (prairies, feuillus, conifères, cultures d’été ou d’hiver,…),
– des paramètres dépendant des deux types précédents comme la profondeur des couches de sol (d1, d2, d3 citées plus haut), l’albédo at , l’émissivité de la surface e .
Version adaptée au contexte de l’hydrologie des régions méditerranéennes
Une version de TOPMODEL, baptisée TOPODYN, a été spécifiquement développée au LTHE pour répondre aux caractéristiques des crues rapides méditerranéennes. Cette version prend en compte explicitement la variabilité spatiale de la pluie, qui peut être importante pour les précipitations convectives en région méditerranéenne, en remplaçant l’indice topographique statistique de la pluie par un indice hydrodynamique (Pellarin et al., 2002) : li = ln( ai,tRi,t tan(bi) ) (4.10) Dans cette formulation, la recharge du front de saturation peut varier dans l’espace en 0 et la surface drainée « topographique ») pour chaque pixel. Une autre modification par rapport à la version classique vise à améliorer la conservation de la masse (Saulnier et Datin, 2004 ; Habets et Saulnier, 2001). En effet, dans la version décrite ci-dessus, pour un pixel saturé, on peut aboutir à un déficit local négatif. Donc si la fraction saturée du bassin versant est grande, le déficit moyen peut être négatif. Pour pallier ce problème et pour mieux prendre en compte les cas de sols peu profonds (pour lesquels peu d’eau est disponible pour les écoulements latéraux), Saulnier et Datin (2004) ont introduit la possibilité d’une contrainte de bornes pour le déficit local tel que 0 <di,t <dmax. TOPODYN est utilisé en mode « événementiel » et peut éventuellement prendre en compte la variabilité des caractéristiques des sols sur le bassin versant. Il requiert le calage des quatre mêmes paramètres que TOPSIMPL.
Fonction de transfert
Ces flux d’eau ruisselée et drainée peuvent alors être routés jusqu’à l’exutoire du bassin versant considéré. Le drainage sur une maille ISBA est distribué uniformément sur les pixels correspondants alors que le ruissellement n’est distribué que sur les pixels saturés. On utilise la méthode géomorphologique (chapitre 4.3).
Diverses vitesses d’écoulement sont alors nécessaires. Tout d’abord, les vitesses de l’eau qui transite le long du versant et jusqu’au cours d’eau : Vh est celle de l’eau qui ruisselle en sub-surface (dans les premiers centimètres de sol) et Vg celle qui transite via le sol plus profond. Puis pour finir, la vitesse de l’eau dans la rivière est notée Vr. Ces vitesses ont été déterminées par Bouilloud et al. (2009) (cf. annexe B). La valeur Vg = 0,3 m.s−1 utilisée classiquement dans TOPMODEL sur les bassins cévenols a été conservée. Cette dernière a une influence quasi-négligeable sur les débits simulés par le système dans le cas des crues rapides méditerranéennes car le drainage profond est minoritaire par rapport au ruissellement. Les deux autres, beaucoup plus sensibles, ont été déterminées afin que les débits simulés et ceux observés aient une chronologie d’évolution comparable. On a Vh = 0,1 m.s−1 et Vr = 1 m.s−1.
Domaine ISBA et bassins versants
Le système couplé utilisé dans cette thèse couvre les bassins de la région Cévennes- Vivarais : Ardèche, Cèze, Gardons (Fig. 5.1). Il a été récemment étendu au Vidourle. Le domaine couvert par ISBA dans le système couplé est montré Figure 5.1.
Les données physiographiques utilisées par ISBA proviennent de différentes bases de données disponibles pour les utilisateurs de SURFEX. Pour la topographie, la base GTOPO30 est une base de données globale à la résolution de 1 km2 réalisée via des données satellites.
De la nécessité de calibrer ISBA-TOPMODEL
Le couplage entre ISBA et TOPMODEL permet de réduire le nombre de paramètres à déterminer pour le fonctionnement de TOPMODEL. Dans la version non couplée de TOPMODEL, plusieurs paramètres sont à déterminer (cf paragraphe 4.2) : M, K0, SRmax et INTER.
Les deux derniers paramètres modélisent le fait que toute la pluie n’est pas disponible pour le ruissellement ce qui est géré explicitement par ISBA (cf. 3.3) dans le système couplé. K0 est également déterminé dans ISBA via la texture des sols (cf. 3.5). Il ne reste donc que le paramètre M qui gère la manière dont la conductivité hydraulique décroît avec la profondeur.
Le système couplé est basé sur une version d’ISBA mise au point par Decharme et al. (2006) et Quintana-Seguí et al. (2008) où la conductivité hydraulique à saturation décroît exponentiellement de la surface vers le sol profond (cf. 3.5). Le paramètre M est donc directement lié au paramètre f d’ISBA via la relation : M = wsat −wf c f (5.7)
Il ne demeure donc que les deux paramètres de l’équation 3.27 : f, facteur de décroissance exponentielle et dc, profondeur de compaction. Ces derniers n’ont pas pu être déterminés jusqu’à présent en fonction de paramètres physiologiques. Quintana-Seguí et al. (2008) les a déterminés mais uniquement pour le modèle SIM, c’est-à-dire pour la simulation de débits quotidiens sur des grands bassins versants. Pour appliquer cette formulation pour la prévision de débits horaires, il est nécessaire d’étalonner ces paramètres spécifiquement pour le système couplé ISBA-TOPMODEL. Ce travail a été réalisé pour les trois bassins versants des Gardons à Boucoiran, de la Cèze à Bagnols sur Cèze et de l’Ardèche à St Martin d’Ardèche par Bouilloud et al. (2009).
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Table des matières
I La prévision des crues éclair méditerranéennes
1 Modélisation météorologique et hydrologique
1.1 Les précipitations : modèles météorologiques
1.2 L’évapotranspiration et le stockage : schémas de surface
1.3 Les écoulements : modèles hydrologiques
1.4 Les couplages hydrométéorologiques
1.4.1 Couplages entre modèles météorologiques et hydrologiques
1.4.2 Couplages SVAT/modèles hydrologiques
2 Les incertitudes dans la prévision des crues rapides
2.1 Incertitudes sur les pluies observées
2.1.1 Les données de pluies mesurées par pluviomètre
2.1.2 Les données radar
2.1.3 Les données satellitaires
2.2 Incertitudes sur les pluies prévues
2.3 Incertitudes sur les conditions initiales d’humidité des sols
2.3.1 Mesures d’humidité des sols
2.3.2 Humidité des sols simulée et analyse d’humidité du sol
2.4 Incertitudes de la modélisation hydrologique
2.4.1 Etalonnage des modèles hydrologiques
2.4.2 Equifinalité et estimation des incertitudes en prévision hydrologique
2.5 Prévisions d’ensemble hydrologiques
II Le système couplé ISBA/TOPMODEL
3 Le modèle de surface ISBA
3.1 La plateforme SURFEX
3.2 Principe général d’ISBA
3.2.1 Variables nécessaires au forçage et variables pronostiques
3.2.2 Caractéristiques physiographiques
3.3 Bilan d’énergie
3.4 Bilan en eau
3.4.1 Précipitations efficaces et interception
3.4.2 Evolution du contenu en eau liquide du sol
3.4.3 Evapotranspiration
3.4.4 Drainage
3.4.5 Ruissellement de surface
3.5 Version avec profil exponentiel de conductivité hydraulique à saturation
3.6 La chaîne SIM
4 Le modèle hydrologique TOPMODEL
4.1 Principe général
4.2 Fonction de production
4.3 Fonction de transfert
4.4 Version adaptée au contexte de l’hydrologie des régions méditerranéennes
5 Description du couplage
5.1 Adaptation de la redistribution latérale TOPMODEL
5.2 Génération des écoulements
5.3 Fonction de transfert
5.4 Domaine ISBA et bassins versants
5.5 Calibration d’ISBA-TOPMODEL
5.5.1 De la nécessité de calibrer ISBA-TOPMODEL
5.5.2 Méthode utilisée pour l’étalonnage
5.6 Principales conclusions de l’évaluation
6 Apport du couplage
III Couplage à la prévision atmosphérique à l’échelle convective
7 Les modèles météorologiques Méso-NH et AROME 7
7.1 Le modèle Méso-NH
7.2 Le modèle AROME
8 Evaluation de simulations atmosphériques à haute résolution (projet PREVIEW)
9 Evaluation d’un système de prévision numérique du temps à l’échelle convective
9.1 Description des cas de crues survenues à l’automne 2008 dans les Cévennes
9.2 Configuration de l’expérimentation
9.3 Evaluation pour le cas d’octobre 2008
9.3.1 Simulations à partir des pluies observées
9.3.2 Simulations à partir des prévisions AROME
9.3.3 Utilisation d’autres réseaux AROME
9.4 Evaluation pour le cas de novembre 2008
9.4.1 Simulations à partir des pluies observées
9.4.2 Simulations à partir des prévisions AROME
9.4.3 Utilisations d’autres réseaux AROME
9.5 Conclusions
IV Vers une prévision d’ensemble des crues rapides
10 Utilisation d’une prévision météorologique d’ensemble à l’échelle convective
10.1 La Prévision d’Ensemble ARPEGE
10.2 Les ensembles de prévision atmosphérique à l’échelle convective
10.3 Evaluation des lames d’eau sur les bassins cévenols
10.4 Réponses hydrologiques
10.4.1 Evaluation qualitative
10.4.2 Evaluation objective
10.4.3 Conclusion
11 Une climatologie des erreurs de prévision des pluies par AROME
11.1 Méthode d’évaluation
11.2 Résultats de l’évaluation
11.3 Conclusions
12 Introduction de perturbations dans les champs de pluie prévus pour générer une prévision d’ensemble des débits
12.1 Résumé de l’article à soumettre à NHESS
12.2 Résultats complémentaires et sensibilité
12.2.1 Evaluation des champs de pluie PERT-RAIN
12.2.2 Evaluation objective des débits
Conclusions et perspectives
Références
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