Equations integro-differentielles d’évolution

Des modèles discontinus pour l’évaluation d’options ont été introduits pour la première fois en 1976 par Merton [Mer76]. Depuis, des centaines d’articles de recherche ont apparu sur le sujet et l’intérêt des praticiens pour ces modèles est également de plus en plus grand.

Il existe plusieurs explications à cette popularité. Tout le monde s’accorde sur le fait que, dans beaucoup de situations, le modèle classique de Black et Scholes est trop simpliste pour reproduire les phénomènes observés sur le marché. Plusieurs méthodes ont donc été proposées pour généraliser ce modèle. Dans ce sens, les modèles à sauts s’inscrivent dans une liste de modèles qui ont pour vocation de remédier aux défauts du modèle de Black-Scholes. Nous pouvons citer à ce titre des modèles de volatilité  locale ou de volatilité stochastique, le mouvement brownien fractionnaire ou encore des modèles multifractals. Les modèles à sauts ont pourtant un certain nombre d’avantages qui leur ont permis de prendre une place importante dans cette multitude d’outils de modélisation financière.

Commençons par l’argument le plus intuitif . Elle représente l’évolution du prix de l’action de la SLM Corporation, côtée à la bourse de New-York, sur une période de trois mois entre janvier et mars 1993. Nous voyons que le prix subit de temps en temps des changements importants comparés à la variation moyenne (il est naturel d’appeler ces larges mouvements des sauts). Donc, les sauts dans la dynamique des prix sont une réalité du marché et pas seulement un outil mathématique. Il est évident qu’une dynamique de ce type ne peut pas être modélisée correctement par un processus aléatoire continu. En même temps, c’est à ces grands changements imprévisibles dans les prix qu’est associée la partie majeure des pertes liées à l’actif financier. Il est donc important de les prendre en compte pour une gestion efficace du risque.

des longues périodes, l’évolution des prix ressemble de plus en plus à un mouvement brownien. Ceci relève du fait que l’on finit par tomber dans le cadre du théorème central limite. De manière générale, comme il n’existe pas de modèle universel, le choix d’un tel ou tel modèle dépend de l’application visée. Dans notre contexte, l’utilisation des modèles discontinus est surtout justifiée si l’on s’intéresse à des courtes périodes du temps : quelques jours ou mois. Or, c’est précisément l’échelle de la maturité des options.

Un autre exemple où on ne peut pas se passer des modèles discontinus est donné par le marché de l’énergie. nous voyons l’évolution du prix d’électricité sur le marché Nord Pool entre 1995 et 2000. Les grands pics que nous observons sont dus au fait que la production d’électricité ne change pas beaucoup et qu’il n’est pas possible de la stocker, alors que sa consommation peut varier énormément. Par exemple, s’il arrive un hiver très froid en France, la consommation de l’électricité augmente et au bout d’un certain moment elle dépasse la capacité de production d’EDF. Donc, EDF est obligé d’acheter de l’électricité aux producteurs des autres pays qui vont la vendre très cher puisque le producteur français n’a pas d’autre solution. C’est la raison pour laquelle il y a des pics dans la dynamique des prix. Ce comportement est également modélisé avec des processus aléatoires discontinus.

Une autre motivation provient du marché d’options. Rappelons qu’une option est un contrat qui donne droit (mais pas obligation) a celui qui le détient d’acheter ou de vendre un autre actif financier (l’actif sous-jacent) dans le futur au prix fixé d’avance. La date T d’expiration de l’option s’appelle aussi la maturité de l’option. Le prix d’exercice K, en argot financier, est désigné par le terme anglais strike et le rapport K/S₀ du strike sur la valeur courante du sous-jacent s’appelle la moneyness. La valeur de l’option à la maturité est appelée le payoff.

Voici quelques autres mots du vocabulaire lié aux options que nous utiliserons dans cette thèse. Une option d’achat s’appelle un Call et une option de vente, un Put. Une option qui ne peut être exercée qu’à la maturité est dite de type européen. Une option que l’on a droit d’exercer à tout moment jusqu’à sa date d’expiration s’appelle une option américaine.

On appelle les Calls et les Puts européens des options vanilles, par opposition aux produits plus complexes dits exotiques. Les options exotiques que nous avons étudiées sont des options à barrières dont le payoff dépend de la trajectoire du prix du sous-jacent : plus précisément, il dépend du fait que le prix a franchi ou non des barrières, fixées dans le contrat, avant la date d’exercice. Nous présumons néanmoins que le lecteur est familier avec ces notions basiques ainsi qu’avec le modèle de Black-Scholes pour l’évaluation d’options. Pour une bonne introduction dans le sujet, nous renvoyons au livre classique de Hull [Hul97]. En quoi les options ont-elles motivé l’utilisation des modèles à sauts ? Remarquons que les modèles continus conduisent généralement à un marché complet ou qui peut être complété par un ou deux instruments supplémentaires, comme dans des modèles de volatilité stochastique. Cela signifie que, dans un tel marché, tout payoff peut être répliqué exactement. Si c’est le cas, alors l’existence des options devient un paradoxe ! En revanche, ce paradoxe s’explique naturellement si l’on prend en compte des discontinuités. En effet, la présence des sauts dans les prix rend impossible une couverture parfaite et les options permettent aux participants du marché de couvrir les risques qu’ils ne peuvent pas couvrir en utilisant uniquement le sous-jacent. Encore une fois, le phénomène est plus prononcé pour des courtes périodes de temps. On observe que des options à courtes maturités sont cotées sur le marché à des prix relativement élevés ce qui s’explique difficilement dans le cadre des modèles continus. En effet, si le sous-jacent était continu, la probabilité qu’il bouge, disons, de 10% en quelques jours serait très petite et personne ne voudrait payer une prime pour se protéger contre ce risque négligeable. Donc, l’existence des options à courtes maturités indique que les participants du marché reconnaissent le risque de sauts dans les prix.

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Table des matières

1 Introduction
1.1 Modèles discontinus en finance : motivation
1.2 Contexte et contribution de cette thèse
1.3 Structure de la thèse
2 Modélisation financière avec des processus de Lévy
2.1 Processus de Lévy : définitions
2.2 Modèles de Lévy exponentiels
2.3 Exemples de processus de Lévy en finance
2.3.1 Modèles de diffusion avec sauts
2.3.2 Modèles purement discontinus à sauts d’activité infinie
3 Equations intégro-différentielles pour les prix d’options
3.1 Introduction
3.2 Définitions et théorèmes de vérification
3.2.1 Options européennes
3.2.2 Options à barrières
3.3 Manque de régularité dans les modèles à sauts
3.3.1 Options européennes
3.3.2 Options à barrières
3.4 Prix d’options comme solutions classiques des EID
3.4.1 Options européennes
3.4.2 Options à barrières
3.5 Continuité des prix des options à barrières
3.6 Prix d’options comme solutions de viscosité des EID
3.6.1 Définitions
3.6.2 L’unicité des solutions de viscosité
3.6.3 Caractérisation des prix d’options
3.7 Conclusion
3.8 Sommaire des principaux résultats
4 Conclusion

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