Équation de Schrödinger des états stationnaires

Entre 1979 et 1989, le “Grand Tour” des sondes spatiales Voyager 1 et 2 a permis la découverte de la présence de molécules simples dans notre univers. En effet, le manteau des planètes telles que Neptune et Uranus présente une couche de “glaces chaudes” majoritairement composée d’eau (H2O), d’ammoniac (NH3) et de méthane (CH4). Connaissant les conditions de pression et de température extrêmes régnant au sein de ces astres (20-800 GPa, 2000-5000 K), il en a résulté un regain d’intérêt quant à la compréhension de ces intérieurs planétaires visant à déterminer l’origine précise des champs magnétiques générés par les géantes gazeuses. S’il est avéré que des composés moléculaires sont mélangés à haute pression et haute température, des questions se posent quant à de possibles réactions chimiques complexes menant à la formation de molécules organiques, et pourquoi pas, la création d’acides aminés.

Aujourd’hui, grâce aux progrès théoriques (Théorie de la Fonctionnelle de la Densité), numériques (supercalculateurs) et expérimentaux (cellules à enclumes de diamant, techniques d’analyse), on sait que la pression peut briser des liaisons chimiques. L’eau et l’ammoniac solide appartiennent au groupe des glaces moléculaires à liaison hydrogène les plus simples. Leur comportement à haute pression et dans un large domaine de température est très complexe et résulte de la compétition entre les liaisons intramoléculaires fortes (liaisons covalentes, notées X-H) et les liaisons intermoléculaires, les liaisons hydrogène (notées H· · · X ou X-H· · · X). Jusqu’à présent, seules les glaces pures (H2O et NH3) ont été étudiées en détail. Ces travaux ont mis en évidence d’intéressantes et surprenantes propriétés : trois phases “exotiques”, dénommées ionique, symétrique et superionique, ont été découvertes autour de 100 GPa. Dans ces états, les liaisons chimiques, qu’elles soient covalentes ou des liaisons hydrogène, sont fortement modifiées. En particulier, la phase superionique observée dans l’eau et l’ammoniac est un état spectaculaire de la matière, présentant à la fois un caractère cristallin et liquide. Les glaces superioniques sont prédites comme de très bons conducteurs protoniques et leur existence permettrait d’expliquer en partie les champs magnétiques observés sur les géantes gazeuses.

En plus de son intérêt en planétologie et en physique de la matière condensée, ce projet de thèse devrait avoir de fortes retombées dans plusieurs disciplines incluant la chimie, la science des matériaux et la biologie. En effet, les mélanges sont des modèles pour étudier des liaisons hydrogène importantes telles que O-H· · · O, O-H· · · N, N-H· · · O, N-H· · · N ou N-H· · · F. Ce sujet a des applications directes et permettrait de mieux comprendre des phénomènes aussi diversifiés que la forme des protéines, la photosynthèse ou le mécanisme de repliement de l’ADN. Les études sous haute pression sont pertinentes car elles permettent de faire varier la force de la liaison hydrogène, grâce à la réduction des longueurs des liaisons sous pression, tout en préservant l’environnement chimique.

Dans cette thèse, nous avons effectué un travail essentiellement théorique. Néanmoins, en collaboration avec des expérimentateurs de l’IMPMC, des expériences de diffraction et de spectroscopie ont été entreprises. Afin d’aider à la compréhension et à l’interprétation des résultats expérimentaux obtenus, la simulation s’est imposée comme un outil incontournable. Elle permet en effet de faire le lien entre propriétés microscopiques du système (positions atomiques, réactions chimiques et structures locales) et observables macroscopiques (comme les données d’expériences de diffraction ou de spectroscopie), tout en incluant l’aspect statistique si important dans la structure des cristaux.

Dans ce contexte, notre étude s’intéresse à la simulation par l’utilisation de plusieurs méthodes ab initio de cristaux composés, d’une part, d’ions ammonium et d’ions fluorure, d’autre part, de molécules d’ammoniac et de molécules d’eau. Ce projet mettra l’accent sur l’étude d’un solide ionique : NH4F et d’un mélange binaire : NH3.H2O. Nous proposons d’explorer les propriétés de ces cristaux sur des pressions de plusieurs dizaines de gigapascals et des températures inférieures à 300 K. Si l’ion fluorure n’a pas été découvert comme un élément constitutif du manteau des géantes gazeuses, il est plus difficile de positionner dans un contexte planétaire l’étude d’un cristal dont la maille contient les cations NH₄⁺ et les anions F−. Néanmoins, le diagramme de phases de ce composé ionique fait preuve d’une remarquable similarité avec le diagramme de phases de la glace d’eau. Quant au mélange de l’eau et de l’ammoniac, nous chercherons à déterminer si le processus d’ionisation, prédit à très haute pression dans la glace d’ammoniac (140 GPa), a lieu dans dans des conditions thermodynamiques beaucoup plus douces.

Équation de Schrödinger des états stationnaires

Une description dite from first principles d’un solide se base sur des équations de la mécanique quantique. Les ingrédients fondamentaux d’un solide sont les Ne électrons et les Nn noyaux atomiques qui le composent.

Approximation de Born-Oppenheimer

Il y a un terme qui peut être négligé par rapport aux autres, il s’agit du terme Tn. Ce terme est inversement proportionnel aux masses des noyaux qui en comparaison sont bien plus élevées que la masse des électrons. Ainsi, en première approximation le terme propre à l’énergie cinétique des noyaux peut être négligé devant le terme associé à l’énergie cinétique électronique. Il s’avère alors possible de résoudre l’équation de Schrödinger pour une configuration fixée des noyaux dans ce qu’on appelle l’approximation de Born-Oppenheimer [1]. On peut écrire l’équation de Schrödinger du mouvement électronique à l’aide d’un Hamiltonien électronique He :

He = Te + Ve,n + Ve,e (1.4)

Théorie de la fonctionnelle de la densité

Dans les années 1960, les travaux de Paul Hohenberg, Walter Kohn et Lu Sham ont permis de donner une approche théorique quant à la résolution de l’équation électronique aux valeurs propres de He. Les concepts fondamentaux de la théorie de la fonctionnelle de la densité ont été rédigés dans les articles originaux de P. Hohenberg, W. Kohn et L. Sham [7, 8] qui font notamment référence aux théorèmes de Hohenberg-Kohn. Cette théorie a eu un impact majeur dans le calcul des structures électroniques des solides et à ce jour elle continue à être améliorée. Le physicien W. Kohn, fondateur principal de la théorie de la fonctionnelle de la densité, a obtenu le prix Nobel de Chimie en 1998 avec le chimiste et numéricien J. A. Pople.

Les théorèmes de Hohenberg-Kohn

L’idée de départ de la théorie de la fonctionnelle de la densité consiste à reformuler la question de la résolution de l’équation de Schrödinger dans l’approximation adiabatique. Au lieu de chercher directement à résoudre cette équation qui dépend de la fonction d’onde poly-électronique ψe , la théorie de la fonctionnelle de la densité propose une alternative en considérant comme quantité de base pour la description du système la densité électronique n(r). Ceci permet de réduire le nombre de degrés de liberté de 3Ne à 3 puisque la densité électronique est définie en un point donné de l’espace. La théorie de la fonctionnelle de la densité est basée sur deux théorèmes qui ont d’abord été présentés et démontrés par P. Hohenberg et W. Kohn en 1964 [7] puis reformulés par R. M. Martin [9] en 2004 :

Théorème. Pour un système d’électrons en interaction, le potentiel externe Vext(r) est déterminé de façon unique, à une constante près, par la densité électronique de l’état fondamental notée n0(r).

Corollaire. Si le Hamiltonien du système est connu, il s’ensuit que la fonction d’onde poly-électronique associée à l’état fondamental et aux états excités peut être déterminée. Toutes les autres propriétés du système sont déterminées par la densité électronique de l’état fondamental.

Équations de Kohn-Sham

La fonctionnelle F[n(r)] dépend de l’énergie cinétique des électrons Te[n(r)] et de l’interaction coulombienne mutuelle des électrons du système, Ve,e[n(r)]. L’approche choisie par W. Kohn et L. Sham en 1965 pour déterminer F[n(r)] et obtenir l’énergie du niveau fondamental consiste à introduire l’énergie cinétique totale Ts[n(r)] d’un système d’électrons fictifs Ss sans interaction mais de même densité électronique que le système réel noté Se. La fonctionnelle F[n(r)] est construite à partir d’une somme de trois termes dont l’énergie cinétique Ts[n(r)], un terme d’interaction coulombienne nommé également terme de Hartree EH[n(r)] et une fonctionnelle notée Exc[n(r)] :

F[n(r)] = Ts[n(r)] + EH[n(r)] + Exc[n(r)] (1.27)

où la fonctionnelle Exc[n(r)] est la fonctionnelle d’échange et corrélation qui contient des termes de correction sur l’énergie cinétique et l’interaction coulombienne :

Exc[n(r)] = Ex[n(r)] + Ec[n(r)] = (Ve,e[n(r)] − EH[n(r)]) + (Te[n(r)] − Ts[n(r)]) (1.28)

La fonctionnelle Exc[n(r)] est un terme qui, premièrement, prend en compte les effets d’échange. La fonction d’onde poly-électronique doit être antisymétrique par l’échange de deux électrons. Une conséquence importante est que deux électrons de spins parallèles ne peuvent pas occuper la même position. Ainsi, l’antisymétrisation de la fonction d’onde a pour effet de produire une séparation spatiale des électrons de spins parallèles ce qui réduit l’énergie coulombienne du système. On donne parfois de ce phénomène une représentation imagée selon laquelle un électron est entouré d’un “trou de Coulomb” et d’un “trou de Fermi” qui annihile, plus ou moins, l’apparition dans son voisinage d’un autre électron même spin. Cette réduction de l’énergie coulombienne du système correspond à l’énergie d’échange qui s’exprime comme la différence de l’énergie d’interaction Ve,e propre au système réel moins l’énergie de Hartree EH. Deuxièmement, l’énergie coulombienne du système peut encore être modifiée en augmentant la distance de séparation des électrons présentant des spins anti-parallèles. Cependant, la diminution des interactions coulombiennes s’accompagne d’une augmentation de l’énergie cinétique du système réel. La différence d’énergie entre le système réel et l’énergie du système calculée dans l’approximation Hartree-Fock est appelée énergie de corrélation (Ec[n(r)] = Te[n(r)] − Ts[n(r)]).

La fonctionnelle Exc[n(r)] n’est pas connue exactement, et le choix d’une fonction d’échange et corrélation approximée constitue l’un des principaux choix d’approximation en théorie de la fonctionnelle de la densité.

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Table des matières

Introduction générale
1 Méthodes de modélisation
1.1 Introduction
1.1.1 Équation de Schrödinger des états stationnaires
1.1.2 Approximation de Born-Oppenheimer
1.2 Théorie de la fonctionnelle de la densité
1.2.1 Les théorèmes de Hohenberg-Kohn
1.2.2 Équations de Kohn-Sham
1.2.3 Approximations sur la fonctionnelle d’échange et corrélation
1.2.4 Application de la théorie de la fonctionnelle de la densité au cas des solides cristallins
1.2.5 Approximation des pseudo-potentiels
1.2.6 Résolution itérative des équations de Kohn-Sham
1.2.7 Optimisation de la position des noyaux
1.3 Phonons et spectroscopie vibrationnelle
1.3.1 Décomposition en modes propres
1.3.2 Modes propres de vibration dans un cristal
1.3.3 Calculs de spectres infrarouge et Raman
1.4 Dynamique moléculaire : approche empirique et ab initio
1.4.1 Ensembles thermodynamiques et thermostats
1.4.2 Dynamique moléculaire classique
1.4.3 Dynamique moléculaire ab initio
1.5 Prédiction de structures cristallines
1.5.1 Introduction au problème de la prédiction
1.5.2 Principe général de la méthode AIRSS
1.5.3 Exemple d’application dans NH4F
1.6 Propriétés structurales et dynamiques
1.6.1 Liaison hydrogène
1.6.2 Notions élémentaires sur les transitions de phase
1.6.3 Fonction de distribution radiale
1.6.4 Densité spectrale vibrationnelle
1.7 Dispositifs expérimentaux et techniques d’analyse
1.7.1 Principe général de la cellule à enclumes de diamant
1.7.2 Techniques d’analyse structurales et vibrationnelles
2 Désordre protonique et transition ordre-désordre de NH4F
2.1 Le cristal ionique NH4F : un système peu étudié
2.1.1 Diagramme de phases
2.1.2 NH4F/H2O : une possible similarité structurale
2.2 Paramètres des calculs et techniques expérimentales
2.2.1 Paramètres des calculs
2.2.2 Études expérimentales
2.3 Prédiction de structures
2.3.1 Résultats
2.3.2 Effet des fonctionnelles d’échange et corrélation sur la stabilité thermodynamique
2.4 Mise en évidence du désordre au sein de la phase III
2.5 Étude des modes de vibration par spectroscopie Raman
2.6 Transition ordre (NH4F V) – désordre (NH4F III)
2.6.1 Étude par la spectroscopie Raman
2.6.2 Simulations de diffractogrammes des rayons X
2.7 Stabilité thermodynamique
2.8 Prédiction à très haute pression : une analogie NH4F/H2O conservée
2.9 Discussion
2.10 Conclusions et perspectives
3 Propriétés exotiques du mélange NH3.H2O sous pression
3.1 Introduction
3.1.1 Planétologie des glaces moléculaires
3.1.2 Les glaces denses d’eau, ammoniac et méthane : état de l’art
3.1.3 Diagramme de phases de l’AMH
3.2 Paramètres des simulations et méthodes expérimentales
3.2.1 Paramètres des simulations
3.2.2 Techniques expérimentales
3.3 Prédiction de structures
3.3.1 Résultats
3.3.2 Effet des fonctionnelles d’échange et corrélation sur la stabilité thermodynamique
3.3.3 La structure P4/nmm : un cristal équivalent à une phase VI ionique ?
3.4 Études vibrationnelles et structurales
3.4.1 Preuve de l’ionisation à basse pression
3.4.2 Désordre substitutionnel et orientationnel
3.5 AMH VI0 : un cristal ionique, moléculaire et désordonné
3.5.1 Démarche et paramètres des simulations
3.5.2 Coexistence entre espèces moléculaires et ioniques
3.5.3 Analyse topologique : un système frustré
3.5.4 Densités d’états vibrationnels
3.6 Discussion
3.7 Conclusions et perspectives
Conclusion générale

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