La géophysique est l’application des principes physiques à l’étude de la terre [Parasnis, 1986] et plus particulièrement ici, de la proche surface. Ainsi le but de la géophysique est de déduire les propriétés physiques du sol (i.e. électrique, acoustique ou magnétique), à partir de phénomènes physiques associés, afin d’obtenir sa constitution interne. On doit noter que la géophysique est essentiellement utilisée pour détecter les discontinuités de propriétés (spatiales ou temporelles) [Telford et al., 1990]. Pour des investigations de proche surface, cela concerne des changements de nature de sol, d’état du sol ou la détection de structures géologiques comme les failles. Les méthodes géophysiques employées varient selon les propriétés physiques des roches qui constituent ces structures et en fonction des roches alentours. Nous nous intéresserons aux propriétés électromagnétiques du sous-sol : la conductivité électrique σ (S/m), la permittivité diélectrique ε (F/m) et la perméabilité magnétique μ (H/m).
On commence ainsi par une brève introduction des phénomènes électromagnétiques et des lois qui en découlent. La deuxième section présente les méthodes électriques à courant continu, dont l’imagerie de résistivité électrique, principale méthode géophysique utilisée dans cette thèse. Enfin, parmi les méthodes dites électromagnétiques, deux méthodes sont plus détaillées, le radar géologique et le Slingram. Méthodes que l’on a principalement utilisées en renfort de l’imagerie électrique, les méthodes géophysiques étant souvent complémentaires.
Théorie
Équation de Maxwell-Lorrentz
Le sous-sol est le siège de champs électromagnétiques reliés les uns aux autres par les équations de Maxwell-Lorentz. Ces lois, utilisées pour comprendre tous les phénomènes électromagnétiques du sous-sol et ainsi déterminer ses propriétés électriques et magnétiques, permettent de reconstruire la structure interne du sol.
Méthodes de résistivité électrique à courant continu
Résistivité électrique et propriétés des sols
La Résistivité Électrique est une grandeur qui gouverne la diffusion d’un champ électrique à courant continu lors de sa traversée dans le sous-sol. Cette propriété physique dépend des propriétés d’état du sol et en conséquence est un atout majeur pour la caractérisation des matériaux. Les résistivités électriques des sols naturels sont distribuées sur une plage entre 10⁻² et 10⁶ Ω.m (Figure 1). Et bien que la nature du sol soit une influence majoritaire sur la résistivité, celle-ci résulte également de plusieurs propriétés interdépendantes d’état du milieu :
? = (?, ??, ??,???? ?, ?, ??, ?, ???)
où ? représente la porosité du milieu, ?? le degré de saturation en eau du milieu, ?? la teneur en argiles, ???? ? les types d’argiles, ? la température du milieu, ?? la masse volumique sèche, ? la pression et ??? (Total Dissolved Solids) la teneur en ions dissous de l’eau interstitielle (i.e. eau plus ou moins salée).
Historique des méthodes électriques à courant continu
L’application en géophysique de méthodes électriques à courant continu a débuté dans les années 1900 en France avec Conrad Schlumberger (1878-1932) avec le développement d’un système de mesures de résistivité du sol. Des études similaires, menées dans d’autres pays, ont permis d’améliorer cette technique dans le but premier de trouver des ressources minérales. Le principe de la méthode consiste en une mesure du potentiel entre deux points en réponse à l’injection d’un courant continu entre deux sources. Depuis, de nouveaux systèmes automatisés ont vu le jour avec notamment l’utilisation de systèmes multi-électrodes développés dans les années 1980. La mise en œuvre est plus rapide et permet de récolter un nombre important de données en très peu de temps avec un effort modéré [Stummer et al., 2002]. De plus, les domaines d’application sont aujourd’hui très vastes : l’hydrogéologie, le minier, le pétrolier, la géotechnique, l’environnement, l’archéologie… [Loke et al., 2013].
Méthodes de prospection électrique à courant continu
En fonction de la distribution de la résistivité électrique dans le sous-sol, on peut avoir des variations spatiales importantes qui auront une influence non négligeable sur la mesure électrique à courant continu. Ainsi, une étude préliminaire du milieu ausculté nous permet de choisir la méthode de prospection à mettre en place [Samouëlian et al., 2005; Loke et al., 2013]. Nous allons introduire ici les principales méthodes et quelques-uns de leur domaines d’application. Cela ne représente en aucune façon l’ensemble des domaines possibles, notamment parce que l’on ne considère ici que les mesures faites à terre. On remarque également que quelle que soit la méthode de prospection et de représentation employée, une mesure de résistivité est toujours influencée par l’ensemble du milieu, dans toutes ces caractéristiques tridimensionnelles.
Le sondage électrique
C’est une des premières méthodes développées dans le cadre de l’électrique à courant continu [e.g. Cartwright and McComas, 1968; Ginzburg and Levanon, 1976; Kelly, 1976]. Le principe de mesure est d’accroître les distances entre quatre électrodes autour d’un point central ce qui augmente le volume d’investigation. Cette méthode est utilisée pour des structures supposées tabulaires et les données sont représentées sous forme d’une courbe de résistivité apparente ou d’un profil vertical de résistivité (Figure 7). On suppose ainsi un modèle simple mais qui présente souvent de nombreuses solutions [VanOvermeeren, 1989]. Cette méthode est particulièrement utile pour l’étude des eaux souterraines du fait de son faible coût de réalisation et sa facilité de mise en œuvre. Elle permet de caractériser un système d’aquifères, son épaisseur et sa profondeur, les couches imperméables [Jha et al., 2008; Okoro et al., 2010; Egbai, 2011; López Loera et al., 2014]. On peut également déterminer la qualité de l’eau, ce qui rend cette méthode appropriée pour la délimitation des intrusions marines [Edet and Okereke, 2001; Hamzah et al., 2007; Song et al., 2007; Kouzana et al., 2009; Atwia and Masoud, 2013].
Il est souvent nécessaire pour mener à bien cette procédure de la reproduire à plusieurs endroits pour établir une vision latérale de la zone étudiée [Telford et al., 1990]. On peut ainsi utiliser une inversion 1D utilisant des contraintes latérales, sur les résistivités, les profondeurs et les épaisseurs. Cette technique est appelée LCI (laterally constrain inversion) et produit des modèles 2D [Auken and Christiansen, 2004]. Ou encore, lorsque la zone investiguée est proprement échantillonnée (soit recouvrement de la zone par un nombre suffisant de sondages électriques) cela peut mener à une inversion 3D [Monteiro Santos and Sultan, 2008].
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Table des matières
Introduction
Chapitre I. Méthodes géophysiques
1. Théorie
1.1. Équation de Maxwell-Lorrentz
1.2. Les relations constitutives
1.3. Hypothèses générales
2. Méthodes de résistivité électrique à courant continu
2.1. Résistivité électrique et propriétés des sols
2.2. Historique des méthodes électriques à courant continu
2.3. Théorie de la résistivité électrique
2.4. Distribution du courant électrique
2.5. Calcul de la différence de potentiel ΔV pour un demi-espace homogène
2.6. Mise en œuvre des mesures de résistivité électrique à courant continu
2.7. Méthodes de prospection électrique à courant continu
2.8. Configurations d’électrodes
3. Méthodes électromagnétiques
3.1. Théorie de l’électromagnétisme
3.2. Méthodes hautes fréquences en champ proche : le radar géologique
3.3. Méthodes basses fréquences en champ proche : le Slingram
4. Conclusion
Chapitre II.Imagerie de résistivité électrique
1. Modélisation numérique appliquée à l’imagerie de résistivité électrique
2. Problème direct
2.1. Résolution du problème direct
2.2. Méthodes des éléments finis
2.3. Discrétisation du problème direct
3. Problème inverse : reconstruction du modèle
3.1. Introduction au problème inverse électrique
3.2. Stratégie d’inversion
3.3. Méthodes d’inversions : méthodes de descente
3.4. Méthode de calcul de la matrice des dérivées de Fréchet : l’état adjoint
3.5. Régularisation du problème inverse : Modification de Marquardt-Levenberg
3.6. Fiabilité du problème inverse
4. Informations a priori et stratégies d’inversion
4.1. Effets 3D
4.2. Types d’informations a priori
4.3. Méthodologie d’inversion 2D+ et 3D– [Fargier, 2011]
5. Problème inverse en suivi temporel
5.1. Méthodes d’inversion temporelles conventionnelles
5.2. Inversions temporelles simultanées ou 4D
6. Conclusion
Chapitre III. Objets d’études
1. Structures anthropiques : les digues de protection contre les inondations
1.1. Définition et typologie des digues de protection contre les inondations
1.2. Classification des digues de protection contre les inondations
1.3. Types de ruptures de digues contre les inondations
1.4. Méthodes de diagnostic et d’observation
1.5. Le diagnostic des ouvrages hydrauliques en terre par méthodes géophysiques
2. Systèmes côtiers : cordons dunaires et aquifères
2.1. Définition et typologie des cordons dunaires
2.2. Gestion et adaptation du trait de côte
2.3. Hydrogéologie côtière : rencontre entre deux eaux
2.4. Changements climatiques et risques pour les cordons dunaires
2.5. Diagnostic et observation du système côtier par méthodes géophysiques
3. Présentation des sites d’études
3.1. Levée du val d’Authion
3.2. Dune de l’Hommée
4. Conclusion
Conclusion