Le risque de rupture utérine engage le pronostic vital materno fœtal lors de l’essai de l’accouchement par voie basse sur utérus cicatriciel ou épreuve utérine [1]. Cependant, même la césarienne programmée avant l’entrée en travail n’est pas dépourvue de ce risque materno-fœtal [2]. La morbidité fœtale et maternelle est élevée quel que soit la voie d’accouchement lors d’un accouchement sur utérus cicatriciel. Ainsi, à part ce risque materno-fœtal, la probabilité et le pronostic d’une grossesse ultérieure et plus d’autres facteurs doivent également être mis en considération lors du choix de la voie d’accouchement sur utérus cicatriciel. [3].
Le taux de la césarienne ne cesse d’augmenter depuis quelques années dans la grande majorité des pays développés et en voie de développement. Cette évolution expose de façon croissante le nombre de femmes porteuses d’utérus cicatriciel [4]. Dans la plupart des pays, ce taux se situe bien au-delà de 15 %, seuil longtemps défini comme optimal par l’Organisation Mondiale De La Santé (OMS) [5]. Pour Madagascar, au Centre Hospitalier Universitaire de Gynécologie Obstétrique de Befelatanana (CHUGOB), le taux de la césarienne était de 6,3% [6] en 1998 et augmenté jusqu’ à 33,45% en 2012 [7]. Ce taux atteint 32% aux États-Unis, 21% en France et 18,4% en Afrique [8-10]. En Afrique, 5 à 14 % des femmes se présentant en salle de travail seraient porteuses d’utérus cicatriciel [2]. A Madagascar, la proportion des utérus unicicatriciels due à la césarienne est de 81,82% à 86,8% [11, 12] dont 60,89 % d’entre elles sont césarisées pour la seconde fois de façon prophylactique ou après échec de l’épreuve du travail .
L’accouchement sur utérus cicatriciel est actuellement une question de pratique quotidienne vu cette hausse du taux de la césarienne. L’antécédent de césarienne constitue un facteur de risque de complications obstétricales lors des grossesses ultérieures, et cela de façon croissante avec le nombre de cicatrice [3]. Mais en 2010, l’AHRQ ou Agency for Healthcare Research and Quality a conclu lors d’une conférence destinée à faire le point sur les bénéfices et les risques des différentes modalités d’accouchement en cas d’utérus cicatriciel, que l’accouchement par voie vaginale est un choix raisonnable et sûr pour la majorité des femmes avec utérus cicatriciel .
FREQUENCE DE L’EPREUVE UTERINE SUR UTERUS UNICICATRICIEL
Selon le dernier rapport de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) incluant des indicateurs de santé pour 30 pays en 2009 montre des taux de césarienne variant d’environ 15 % aux Pays-Bas, Finlande et Islande à plus de 40 % au Mexique, Turquie, Chine et Brésil [14] et de 10% en France en 2010 [9], 33,45% à Madagascar en 2012 .
En général, le nombre de patientes enceintes présentant un utérus cicatriciel a proportionnellement augmenté et concerne près de 10 % des patientes admises en salle de naissance [15]. L’épreuve utérine était de 1,41 % des accouchements au CHUGOB selon notre étude, qui reste stable par rapport au résultat en 2014, estimée à 1,44%, lors d’une étude faite au même centre [7]. Notre résultat était comparable à celui de Cisse à Dakar de 1,5% [16]. Plus élevée à Burkina Faso de 5,92 [2], et au Nigeria de 7,5% [17]. En France en 2010, le taux de l’épreuve utérine d’utérus uni-cicatriciel est de 47 %. [7] Notre chiffre bas de 1,41% d’épreuve utérine s’expliquerait par la promotion des césariennes prophylactiques en cas d’utérus cicatriciel, estimée à 33,17 % en 2014 [7]. Cette attitude est motivée par la grande probabilité d’échec de l’épreuve utérine jusqu’à 41,48% en 2014 [7], et de 37,87% dans notre étude. Alors que la réussite était aux alentours des 75 % en France et dans plusieurs Pays Américains [13]. De plus, l’absence d’un plateau technique adapté à une prise en charge en extrême urgence des complications majeures de l’épreuve utérine, comme la rupture utérine, expose les parturientes et les fœtus à des risques vitaux évitables, limitant ainsi l’accord de la patiente et la motivation de l’obstétricien à la pratique. Même en France, (données ENP 2010) [3], la proportion de l’épreuve utérine augmente selon le type et niveau de maternité, estimée à 49 %, 55 % et 69 % respectivement types 1, 2 et 3. Par contre, une étude rétrospective de cohortes a rapporté le taux de succès de l’épreuve du travail sur utérus cicatriciel en fonction du niveau et des caractéristiques de la maternité d’accouchement, aucune différence significative du taux de l’épreuve utérine ni de son succès n’a été retrouvée entre les trois groupes de maternités de niveau différent [18] Ainsi, le niveau de maternité ne devrait pas être un facteur limitant l’essai de la voie basse, ni un facteur déterminant l’échec de l’épreuve du travail.
CARACTERES SOCIO-DEMOGRAPHIQUES
Âge maternel
Nous avions dans notre étude un âge moyen de 27,78 + 4,92. Notre population est jeune dont les 72,72% était entre 20 et 30 ans. Sensiblement similaire à celui de la littérature. La population d’étude de Rakotozanany en 2014 avait un âge moyen de 28 ans dans le même centre que la nôtre [7]. En Afrique, 28 ans et de 29,5 ans [19, 20]. En France, les études faites par Perrotin [21] et Rosenberg [22] retrouvaient respectivement un âge moyen de 27 ans et de 32,4 ans. Selon notre étude, l’âge maternel n’avait pas de corrélation statistique significative (p=1) avec l’échec à l’épreuve utérine même si le risque d’échec semble moindre pour les patientes âgées plus de 35 ans (OR=0,87).
Dans la littérature, l’âge avancé même jusqu’à 40 ans, est un facteur prédictif de réussite l’épreuve utérine selon Flamm [23] De plus, Singh stipule que l’âge maternel ne peut être jugé comme facteur de risque influençant le mode d’accouchement sur un utérus cicatriciel [24]. Mais pour d’autres, l’âge plus avancé expose à un risque plus élevé d’échec à l’épreuve utérine. [25]. Rozenberg affirme que l’âge maternel élevé est un des facteurs de risque d’échec de l’épreuve utérine [26]. Shipp et al. [27] ont montré que le risque d’échec de l’épreuve utérine, par rupture utérine était de 1,4 % (p= 0,02) parmi les femmes âgées de 30 ans ou plus, alors qu’il n’était que de 0,5 % parmi les femmes âgées de moins de 30 ans [27]. Bujold et al. confirment que les patientes ≥ 35 ans sont plus exposées à avoir une épreuve utérine échouée [28]. Les plus jeunes ont moins de risque d’échec à l’épreuve utérine [29,30]. Notons que, huit études de cohorte ont rapporté en analyse uni- ou multi-variée un lien entre âge maternel et taux de succès de l’épreuve utérine [23, 31, 37]. Le taux de succès était plus élevé parmi les femmes jeunes dans cinq de ces études, particulièrement par rapport aux femmes de plus de 40 ans (NP3) [23, 31, 33, 34, 36]. Trois études n’ont pas retrouvé de différence significative sur le taux de succès en fonction de l’âge maternel .
Si on se limite à ces données, l’échec de la tentative de la voie basse sur utérus cicatriciel a un lien avec l’âge avancé de la patiente, mais le seuil précis d’âge limite n’a pas été déterminé. Aucun donné dans la littérature ne nous fournisse pas suffisamment d’éléments pour limiter l’âge maternel au-delà duquel l’épreuve utérine serait vouée à l’échec .
Profession
Les parturientes étaient ménagères dans presque la moitié de la population d’étude (92 soit 46,46 %) Même répartition stable à 54,95% depuis 2014 [7]. Et Niambelé à Bamako qui a retrouvé 61,4% des ménagères [39]. Vu que notre lieu d’étude est un Centre publique, il y a plus de fréquentation par les parturientes de statut socio-économique basse, expliquant cette répartition. Et selon Gupta, dans les pays en voie de développement, les parturientes admises pour accouchement sur utérus uni cicatriciel sont provenues dans la majorité des cas (52,3%) d’un statut niveau socio-économique bas [40].
Dans notre étude, les parturientes autres que ménagères auraient plus de risque d’échec à l’épreuve utérine sans corrélation statistique significative (OR=1,17 ; p=0,65). Mais notons que, ces parturientes ayant comme profession ménagère arrivaient aux urgences pour pertes d’eaux dans la plus grandes majorité des cas. Or dans notre résultat, c’est plutôt la présence de rupture des poches des eaux qui serait protecteur à l’échec de l’épreuve du travail, sans corrélation statistique significative (OR = 0,69 ; p= 0,24).
Cette relation entre l’issue de la tentative d’accouchement par voie basse sur utérus uni-cicatriciel et la profession des parturientes n’a pas été bien définit dans la littérature. Selon Rakotozanany, les parturientes ménagères ont plus de chance de réussir une épreuve utérine comparées aux parturientes exerçant d’autres professions [7].
LES ANTECEDENTS OBSTETRICAUX
Parité
Plus que la moitié des parturientes (64,14%) étaient à leur deuxième accouchement, toutes avec un antécédent de césarienne. Une parité moyenne égale à 1 a était enregistré lors d’une étude sur le travail sur utérus cicatriciel faite dans notre centre en 2014 et la pauciparité prédominaient dans 90,10% des cas [7]. Diadhiou rapporte la prédominance des paucipares (80%) [41] et des primipares pour Adjahoto (53,7%) [10]. Une autre étude avait eu une parité moyenne plus élevée à 2,9 [22]. Dans notre contexte, la multiparité est une contre-indication non formelle de l’essai de la voie basse sur utérus cicatriciel, vu que c’est un facteur associé à un risque de rupture utérine et d’hémorragie grave par le biais des modifications histologiques de l’utérus qui devient fibreux et moins tonique [26], alors que notre plateau technique ne permet pas leur prise en charge adéquate. Cela explique la prédominance des paucipares dans notre étude. Dans notre étude, il parait que la pauciparité semble associée à l’échec de l’épreuve utérine (OR = 1,25), mais la corrélation statistique n’est pas significative (p = 0,66). Rekoronirina rapporte que le taux d’accouchement par voie basse sur utérus cicatriciel ne change pas de façon significative avec la parité croissante [12]. Selon Aisien, le mode d’accouchement sur utérus cicatriciel n’est pas influencé par l’augmentation de la parité [17]. Le CNGOF avance que la grande multiparité est associée au succès de l’épreuve utérine [38] et que la primiparité constitue un facteur liés à l’échec (OR=169 ; p= 0,04) [10]. Cependant, la pauciparité pourrait être associée à l’échec de l’épreuve utérine sur utérus cicatriciel.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. METHODOLOGIE
I. 1. CADRE D’ETUDE
I.2. TYPE D’ETUDE
I.3. PERIODE D’ETUDE
I. 4. POPULATION D’ETUDE
I. 5. CRITERES D’INCLUSION
I. 6. CRITERES D’EXCLUSION
I. 7. CRITERES DE NON INCLUSION
I. 8. VARIABLES ETUDIES
I. 9. COLLECTE DES DONNEES
I. 10. ANALYSE DES DONNEES
I. 11. LIMITES DE L’ETUDE
I. 12. CONSIDERATION ETHIQUE
II. RESULTATS
I.1.RESULTATS DESCRIPTIVES
I.2. RESULTATS ANALYTIQUES
III. DISCUSSIONS
III. 1. FREQUENCE DE L’EPREUVE UTERINE SUR UTERUS UNI-CICATRICIEL
III. 2. CARACTERES SOCIO-DEMOGRAPHIQUES
III. 3. LES ANTECEDENTS OBSTETRICAUX
III. 4. DEROULEMENT DE LA GROSSESSE
III. 5. DEROULEMENT DE L’EPREUVE UTERINE
III. 6. ISSUE DE L’EPREUVE UTERINE SUR UTERUS UNICICATRICIEL
CONCLUSION