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Rappel sur les explorations respiratoires dans l’asthme
Les explorations fonctionnelles respiratoires dans l’asthme peuvent montrer un trouble ventilatoire obstructif, qui est variable et réversible. Ces anomalies sont le reflet de l’existence d’une hyperréactivité bronchique. Elles peuvent se compliquer d’une distension thoracique. Il est également possible de mesurer l’inflammation des voies aériennes.
Spirométrie
La spirométrie permet de mesurer les volumes mobilisables, de produire la courbe débits/volumes et la courbe débits/temps. Les premiers spiromètres étaient des spiromètres à cloches (Figure 1), inventés dans la première moitié du 20ème siècle et dont la primeur de la découverte fait encore débat (9). Le principe en est simple, le sujet respire dans un tuyau relié à un espace fermé par une cloche qui repose sur de l’eau. Lorsque le sujet expire dans la cloche, elle monte et redescend lorsqu’il inspire. Les mouvements de la cloche sont inscrits sur un rouleau, et les volumes expirés et inspirés en fonction du temps sont ainsi calculés grâce à une calibration préalable.
Aujourd’hui on utilise en général un pneumotachographe qui mesure des différences de pression de l’air avant et après son passage au travers d’une résistance (Figure 2). La différence de pression obtenue permet de calculer les débits et volumes instantanés en utilisant loi de Poiseuille, l’écoulement étant rendu laminaire par le pneumotachographe. Son avantage par rapport au spiromètre est qu’il fonctionne en circuit ouvert et ne nécessite donc pas de compenser les pertes en O2 et le gain en CO2 liés à la respiration du patient.
La capacité vitale est le plus grand des volumes mobilisables, il comportant le volume courant, le volume de réserve expiratoire et le volume de réserve inspiratoire (Figure 3). Ces mesures sont obtenues en pratiquant une spirométrie lente qui consiste à demander au patient, tout en respirant à travers le spiromètre par la bouche, le nez étant bouché par un pince nez, de pratiquer lentement une expiration et une inspiration complètes.
Dans l’asthme, en dehors des formes les plus sévères, ces volumes sont habituellement normaux. Lorsqu’il existe une obstruction fixée on peut observer une diminution de la CV, plutôt au détriment du VRI.
Les courbes débits/volumes et volumes/temps permettent de mesurer le VEMS, la capacité vitale forcée et l’ensemble des débits bronchiques (Figure 4). Ces courbes sont obtenues en demandant au patient, toujours à travers le spiromètre par la bouche, de pratiquer rapidement une inspiration profonde puis d’expirer le plus fort et le plus longtemps possible. Le VEMS correspond au volume que le patient va expirer pendant la première seconde de cette manœuvre.
Dans l’asthme les résultats de la courbe débits/volumes peuvent montrer la présence d’un trouble ventilatoire obstructif, défini par un rapport VEMS/CV inférieur à 0,7 (ou inférieur à la limite inférieure de la normale, car la normalité de ce rapport varie légèrement en fonction de l’âge). Il s’y associe souvent une diminution de la CV forcée, car en cas d’obstruction bronchique, en réalisant une manœuvre forcée, le patient va occlure précocement certaines de ses petites bronches, ce qui aura pour conséquence une rétention d’air en aval et donc une diminution du volume d’air total expiré. Ce trouble ventilatoire obstructif est, dans l’asthme, réversible, c’est-à-dire qu’il existe une amélioration du VEMS au minimum de 12% et de 200 ml après administration par voie inhalée au patient de 200 à 400 µg de salbutamol ou de salmeterol (4). Cette réversibilité doit être recherchée même en l’absence de trouble ventilatoire obstructif car elle existe parfois. La réversibilité peut également être mise en évidence par une amélioration du VEMS de 12% et de 200 ml après un traitement de 4 semaines par glucocorticoïdes inhalés (4). Le trouble ventilatoire obstructif est également variable dans le temps et une différence spontanée de VEMS de plus de 12% et de plus de 200 ml entre deux mesures est en faveur du diagnostic d’asthme (4). Cependant, notamment dans les formes les moins sévères la spirométrie peut être parfaitement normale, une obstruction bronchique après un test de provocation ou en période de crise doit alors être démontrée selon les dernières recommandations (4).
Pléthysmographie.
La spirométrie est habituellement complétée par une pléthysmographie. Elle permet de mesurer les volumes non mobilisables, en mesurant la CRF qui correspond à l’état d’équilibre des pressions thoraciques et pulmonaires au repos. Le principe de la pléthysmographie s’appuie sur loi de Boyle-Mariotte : à température constante, lorsqu’une masse de gaz est comprimée, le produit de la pression et du volume de ce gaz est une constante. Le sujet est donc assis dans un volume fermé, bouche ouverte, et va effectuer des petits mouvements respiratoires contre une valve fermée à la CRF. La cage (pléthysmographe) reste à pression atmosphérique mais lors de mouvements inspiratoires la pression intra thoracique diminue et augmente lors de mouvements expiratoires, cette variation de pression est mesurée grâce à un capteur placé à la bouche. Egalement, le volume intra thoracique varie légèrement et ce changement de volume modifie la pression dans la cage de manière proportionnelle, ainsi grâce à une calibration préalable et une mesure de pression dans la cage, cette variation de volume est connue. Grâce à la loi de Boyle-Mariotte on peut donc établir la formule suivante : PV = (P + !P)(V-!V) où P est la pression alvéolaire et V le volume présent dans le thorax à la CRF. On peut donc calculer V = P x !V/!P. On calcule ensuite la CPT en ajoutant la capacité inspiratoire à la CRF ainsi obtenue.
Une autre méthode pour mesurer les volumes non mobilisables est celle de la dilution d’un gaz inerte. Le sujet va respirer, à travers un spiromètre, un mélange d’air et d’Hélium (gaz neutre qui ne passe pas la membrane alvéolo capillaire) qui va se diluer progressivement dans l’ensemble du volume pulmonaire ventilé. La concentration en Hélium est mesurée en continu jusqu’à obtention d’un équilibre et, connaissant la concentration en Hélium initiale, le volume du circuit dans lequel il était dilué, la concentration en Hélium finale, on peut facilement calculer la CRF.
La CRF mesurée par pléthysmographie et celle mesurée par méthode de dilution à l’Hélium peuvent différer car la pléthysmographie mesure le volume gazeux thoracique total alors que la méthode de dilution à l’Hélium mesure uniquement le volume intra thoracique qui est ventilé. La pléthysmographie mesure donc, en plus, les zones gazeuses non ventilées (pneumothorax, bulles d’emphysème), et parfois même le gaz contenu dans l’estomac et le colon.
Dans l’asthme, les volumes non mobilisables sont généralement normaux, ils peuvent être augmentés en cas de distension secondaire à une obstruction importante.
Mesure des résistances
Lorsque la collaboration du patient (enfant, expertise médico-légale) ne permet pasune manœuvre d’expiration forcée satisfaisante il existe des méthodes permettant de mesurer directement la résistance des voies respiratoires.
La première technique est celle de la mesure de la résistance totale du poumon par ballon œsophagien. Cette mesure est réalisée de façon contemporaine à la mesure de la compliance dynamique pulmonaire. (11)
Une deuxième technique est celle de la mesure de la résistance des voies aériennes (Rva) par pléthysmographie. En effet la résistance des voies aériennes est directement proportionnelle aux variations de pression alvéolaires et buccales qui sont mesurées par le pléthysmographe et le pneumotachographe. On l’obtient par le calcul suivant : Rva = !P alvéolaire – buccale / débit.
Une troisième technique est la mesure de la résistance respiratoire totale (Rrs) par la méthode des oscillations forcées. Un haut-parleur applique des variations de pression périodiques. Ces variations de pressions imposent des oscillations sinusoïdales sur le débit mesuré par un pneumotachographe. La relation entre pression et débit permet de mesurer l’impédance du système respiratoire total. De cette impédance est déduite la résistance respiratoire totale.
Les résistances peuvent également être mesurées par interruption de débit. (Rint).
En dehors du petit enfant et de la réanimation, la mesure de la résistance des voies aériennes est cependant peu utilisée en pratique courante.
Épreuve d’effort incrémentale sur ergocyle.
L’épreuve fonctionnelle à l’effort incrémentale sur ergocycle (EFX) est rarement réalisée chez des patients asthmatiques. Elle est différente du test de provocation à l’effort (Cf ci-dessous) et ne permet, habituellement pas le diagnostic positif d’asthme à l’effort. Cependant des travaux récents ont montré son utilité dans l’exploration de la dyspnée chez les patients asthmatiques. Cet examen peut être réalisé même chez les patients asthmatiques les plus sévères (12). Elle étudie au cours d’un effort dont l’intensité augmente progressivement par paliers l’adaptation des différents paramètres ventilatoires, cardiovasculaires et métaboliques. Ces paramètres sont interdépendants
et la perturbation d’un seul d’entre eux va conduire à une limitation à l’effort et donc à une dyspnée d’effort ressentie par le patient. Des travaux récents ont en effet démontrés que seuls 8% des patients asthmatiques qui réalisaient une épreuve d’effort n’avaient pas de limitation pathologique à l’effort. De plus, seuls 25% des patients (tous stades confondus) présentent une limitation respiratoire liée au trouble ventilatoire obstructif, ce chiffre augmentant chez les patients les plus sévères. Lesautres causes de limitation à l’effort retrouvées sont principalement le déconditionnement musculaire (44% chez les asthmatiques modérés et 34% chez les asthmatiques sévères) et le syndrome d’hyperventilation inappropriée (18% des asthmatiques modérés et 8,5% des asthmatiques sévères) (13).
La réalisation d’une EFX permet également de déterminer la fréquence cardiaque cible d’une éventuelle réhabilitation à l’effort.
Mesure du NO exhalé
La mesure du NO exhalé au débit constant de 50 ml/s est simple, non invasive et applicable en routine. Il est mesuré en particules par milliard (ppb). Le NO détecté dans l’air expiré est synthétisé depuis la L-arginine par les NO synthases (inductibles ou constitutionnelles) qui sont exprimées dans les cellules inflammatoires et activées par des cytokines pro inflammatoires (14). Il existe une bonne corrélation entre le NO expiré et l’inflammation bronchique, notamment à polynucléaires éosinophiles. Cependant le NO expiré est diminué par l’obstruction bronchique et le tabagisme (15). Il peut donc être élevé dans d’autres pathologies bronchiques inflammatoires telles que les dilatations des bronches (16) ou la BPCO (17), et peut aussi être faussement rassurant chez un patient tabagique ou avec une obstruction bronchique importante.
La mesure répétée du NO exhalé chez un même patient a été décrite comme permettant d’améliorer la prise en charge de l’asthme en rajoutant la mesure de l’inflammation bronchique au simple contrôle dans la stratégie de décroissance des corticoïdes inhalés. Elle permettrait en effet de réduire les exacerbations et d’améliorer d’avantage le contrôle sans augmentation globale de l’utilisation de corticoïdes inhalés (18).
Tests de provocations
Ils permettent de mettre en évidence l’hyperréactivité bronchique, caractéristique essentielle de la maladie asthmatique. Il existe des tests de provocation bronchique directs, indirects non spécifiques et indirects spécifiques.
Tests de provocation directs
Les tests de provocation directs cherchent à mettre en évidence une hyperréactivité bronchique en stimulant directement le muscle lisse bronchique. Il s’agit des tests de provocation bronchiques les plus utilisés. Le premier à proposer des tests de provocation directs fut Robert Tiffeneau dans les années 1940, il utilisait alors l’acétylcholine comme agent bronchoconstricteur (19). Une diminution du VEMS de 20% après stimulation était considérée comme significative. Les produits utilisés aujourd’hui sont l’histamine et surtout la méthacholine. La concentration à l’origine d’une diminution de 20% du VEMS par rapport au VEMS de base (PD20) est considérée comme celle provoquant une bronchoconstriction significative. Différentes méthodes existent cependant pour mettre en évidence la PD20. Celle étant la plus utilisée en France est la méthode dosimétrique, elle permet un contrôle plus précis de la dose délivrée et une moindre contamination de l’air ambiant (20). La dose de méthacholine est délivrée par un dosimètre dans un nébuliseur à embout buccal (Figure 5) et le patient va effectuer des inhalations de 5 secondes pour inhaler la dose, en un temps maximum de 2 minutes. La dose délivrée va augmenter de 50 µg (patient à risque) à 100µg pour la première dose à 1500 µg ou 3100 µg (athlète, asthme professionnel ou chute du VEMS comprise entre 15 et 19% après 1500 µg), en doublant la dose à chaque palier (21).
Une autre méthode utilisée est la méthode des 2 minutes de ventilation calme. Elle consiste, via un embout buccal (Figure 6), en la nébulisation pendant 2 minutes de solution avec une concentration de méthacholine progressivement croissante de 0.0625 mg/ml à 16 mg/ml en quadruplant la concentration à chaque palier (22).
Quelle que soit la méthode utilisée, le VEMS est mesuré à 30 et 90 secondes après la fin de l’administration de la méthacholine. Le test de provocation est arrêté à la dose qui provoque une diminution du VEMS de 20% par rapport au VEMS de base du patient, cette dose définissant la DP20 (23). Certaines équipes utilisent l’histamine à la place de la méthacholine, la méthode d’utilisation et l’efficacité étant identique, cependant elle peut être moins bien tolérée par le patient.
Les tests de provocation directs sont particulièrement sensibles et ont une très bonne valeur prédictive négative. Cependant la spécificité est moins bonne de même que la valeur prédictive positive. En effet, une proportion importante de sujets sains présentant une chute de 20% ou plus de leur VEMS à la dernière dose de méthacholine (24). Ceci explique la recommandation de la société française de pneumologie d’utiliser le test de provocation à la méthacholine pour écarter lediagnostic d’asthme mais pas pour le confirmer. Il est à noter cependant que la valeur prédictive positive est, pour des raisons statistiques, meilleure chez les patients avec une forte suspicion d’asthme (25) (la valeur prédictive positive dépendant de la spécificité du test mais aussi de la prévalence de la pathologie dans la population concernée). Chez les athlètes la sensibilité du test à la méthacholine est moins bonne (25).
Tests de provocation indirects non spécifiques
Les tests de provocation bronchiques indirects non spécifiques, vont rechercher une bronchoconstriction, non pas en agissant directement sur le muscle lisse mais sur les cellules de l’inflammation bronchique, principalement les mastocytes. Si elles sont présentes et sensibles au stimulus, elles vont libérer des médiateurs qui eux vont provoquer une bronchoconstriction en agissant sur le muscle lisse bronchique. Le stimulus est le plus souvent de nature osmotique. Les principaux tests disponibles en laboratoire de physiologie sont le test de provocation à l’exercice, le test d’hyperventilation normocapnique, le test de provocation au mannitol ainsi que la nébulisation de sérum salé hypertonique.
Le test de provocation à l’exercice
Il fut le premier test de provocation indirect à être standardisé (26). L’exercice, qui est réalisé soit sur ergocycle, soit sur tapis roulant, doit durer environ 6 à 8 min, le sujet devant être à 40 à 60% de sa ventilation minute maximale théorique (35 x VEMS) pendant les 4 dernières minutes du test. L’air inspiré doit être sec, idéalement de l’air médical et la température ne doit pas dépasser 24°C. Le VEMS est mesuré plusieurs fois jusqu’à 30 minutes après le test. Une diminution de 10% du VEMS par rapport à la valeur pré-test est considérée comme pathologique (20). Le mécanisme physiopathologique est une évaporation accrue pendant l’exercice et une diminution de l’humidification des voies aériennes (respiration buccale) conduisant à une augmentation de l’osmolarité dans les voies aériennes provoquant la dégranulation des mastocytes. Ce test est cependant peu reproductible, rendant sa sensibilité et sa spécificité difficile à calculer. On peut également proposer un test de provocation sur le terrain, pendant lequel le patient va pratiquer son sport. Moins reproductibles et plus difficiles à réaliser, les tests sur le terrain seraient plus sensibles (27).
Le test d’hyperventilation normocapnique.
Il cherche à reproduire les mécanismes du bronchospasme à l’effort de façon plus reproductible et standardisable. Le patient respire un air froid et sec à 5% de CO2 et 21% d’oxygène pendant 6 minutes à 60% de sa ventilation maximale volontaire. Le test est considéré comme positif si le VEMS chute de 10 ou 15% (28). Ce test a une meilleure sensibilité pour le diagnostic du bronchospasme induit par l’effort chez les athlètes par rapport au test de provocation par l’effort (27).
Le test au sérum salé hypertonique.
Le test de provocation au sérum salé hypertonique a été développé pour explorer l’hypothèse selon laquelle un bronchospasme peut être causé par une augmentation transitoire de l’osmolarité notamment pendant l’exercice. L’aérosol est délivré par un nébuliseur ultrasonique, l’aérosol étant délivré pendant une durée de plus en plus longue (0.5, 1, 2, 4, 8 minutes). Une réponse positive est définie par une diminution de 15% du VEMS par rapport au VEMS de base du patient (29). Chez les sujets asthmatiques les résultats sont comparables au test d’hyperventilation normocapnique (30). Un des avantages du test de provocation au sérum salé hypertonique est la possibilité dans le même temps de recueillir une expectoration induite.
Les tests de provocation spécifiques
Les tests de provocation bronchiques spécifiques explorent la bronchoconstriction secondaire à l’activation de la voie Th2. En cas de sujet sensibilisé et asthmatique, l’allergène testé va venir se fixer sur les IgE présentes à la surface des mastocytes par l’intermédiaire du récepteur aux IgE Fc »RI. Ceci conduira à la libération d’histamine bronchoconstrictrice par dégranulation des mastocytes. Le test de provocation spécifique permet aussi d’explorer la réponse retardée qui intervient par le recrutement de nouvelles cellules inflammatoires par les lymphocytes T (31). Il est principalement utilisé dans l’aide au diagnostic de l’asthme professionnel, dans les autres indications son utilisation est cantonnée à la recherche clinique. Il nécessite une hospitalisation du patient, celui-ci devant être surveillé pendant au moins 7 heures après le test de provocation dans un centre disposant du matériel adapté (31). Il existe 3 méthodes validées, toutes peuvent être réalisées avec un nébuliseur débimétrique à 0.13 ml/min, le sujet respirant calmement ou un nébuliseur dosimétrique identique à celle utilisée pour la méthacholine (31).
La première de ces trois méthodes est la méthode incrémentale, la dose va être doublée toutes les 12 minutes environ, le VEMS étant mesuré 10 minutes après chaque dose. Le test est arrêté lorsque le VEMS chute de 20 % au moins par rapport au VEMS de base (32).
La deuxième est la méthode du bolus unique, elle est plus rapide que la méthode incrémentale, mais il existe un risque de développer une bronchoconstriction plus importante. On utilisera préférentiellement un nébuliseur dosimétrique (33).
La troisième consiste à administrer de façon répétée une faible dose d’allergène une fois par jour pendant une durée comprise entre une et deux semaines. Elle permet, en plus de mesurer l’hyperréactivité bronchique de mesurer l’augmentation de l’éosinophilie bronchique et du NO exhalé (34). Cette méthode est cependant réservée aux protocoles de recherche compte tenu la nécessité d’hospitalisation prolongée du patient.
En ce qui concerne la recherche d’un asthme professionnel, certaines équipes proposent également la mise en situation réelle, le patient va reproduire son environnement dans une pièce fermée et s’exposer pour une durée de plus en plus longue. On répète la mesure du VEMS après chaque exposition.
En dehors de l’asthme professionnel, compte tenu de la lourdeur de ces tests de provocation directs, ils sont surtout utilisés en pratique dans le cadre de protocoles de recherche.
Le test de provocation au mannitol (Aridol®)
Le test de provocation bronchique au mannitol provoque une bronchonstriction via l’augmentation de l’osmolarité dans l’épithélium bronchique. Sa particularité est qu’il s’agit d’un test de provocation utilisant un dispositif commercialisé avec un inhalateur et des gélules contenant de la poudre, la dose contenue dans les gélules augmentant progressivement et la dose étant cumulative. Il nécessite donc moins de matériel spécialisé que les autres tests de provocation, un simple spiromètre suffisant, et il est plus reproductible d’une équipe à l’autre. Cependant puisqu’il s’agit d’un test de provocation et qu’il existe un risque théorique de bronchospasme sévère, il doit être réalisé en milieux hospitalier.
Le test se déroule en 9 étapes, après avoir au préalable déterminé le VEMS de base du patient. La première dose est un placebo, puis le sujet va successivement inhaler 5, 10, 20, 40, 80, 160, 160 et 160 mg de mannitol, pour une dose cumulée de 635 mg. La dose maximale contenue dans une gélule étant de 40 mg, pour les dernières doses le patient va inhaler plusieurs gélules de suite. Le test est considéré comme positif en cas de diminution de 15% du VEMS par rapport au VEMS de base, ou en cas de diminution du VEMS de 10% entre deux doses successives. Le test est négatif si la dose cumulée de 635 mg est atteinte sans obtenir ces critères (35).
Pour le diagnostic de l’asthme, le test au mannitol a montré lors de l’étude de phase 3 une sensibilité de 59,8% et une spécificité de 94,5%, la sensibilité était améliorée à 70.1% lorsque l’on excluait les patients qui étaient traités par corticothérapie inhalée au moment du test (36). Ces résultats ont été confirmés par des études ultérieures qui ont montré une sensibilité autour de 60% et une spécificité autour de 95% (37).
Le test de provocation au mannitol est donc un test ayant une meilleure spécificité mais une moins bonne sensibilité par rapport au test à la méthacholine. Il permet plutôt, de ce fait, de confirmer un diagnostic d’asthme, en cas de forte suspicion mais pas de l’infirmer.
Méthodes
Patients inclus
Ont été inclus tous les patients chez qui a été réalisé un test au mannitol dans le service de physiologie digestive, urinaire, respiratoire et sportive du CHU de Rouen entre Juillet 2011 et avril 2014. Ces tests étaient demandés par le médecin qui suivait le patient (pneumologue ou médecin du sport).
Réalisation du test au mannitol au CHU de Rouen
Le test était réalisé sur le pléthysmographe (Masterscreen, Jaeger, Wittsburg, Allemagne) du service de physiologie respiratoire et sportive à l’Hôpital de Bois Guillaume, CHU de Rouen selon la procédure du service qui est la suivante.
Il était réalisé en présence d’un médecin et avec le matériel nécessaire pour une nébulisation de terbutaline, un stylo d’adrénaline et de l’oxygène à proximité. Une fiche d’information était remise au patient par courrier avec la convocation (Annexe 1)
Il était tout d’abord vérifié l’absence de contre-indications :
• Incapacité d’effectuer les manœuvres d’expiration forcée correctement
• Hypersensibilité avérée au mannitol
• Asthme en crise ou instable
• Infection bronchique dans les 15 jours précédents ou une pneumopathie dans les 6 semaines précédentes
• Obstruction bronchique (VEMS < 70 % de la valeur théorique ou <1,0 L) ou état susceptible de s’aggraver en cas de bronchospasme provoqué ou d’expirations répétées
• Hypertension artérielle non contrôlée, anévrysme de l’aorte ou anévrysme cérébral, infarctus du myocarde ou accident vasculaire cérébral au cours des six derniers mois
• Grossesse en cours.
Il était ensuite vérifié que le patient, s’il en prenait, avait bien arrêté :
• Le montelukast 4 jours avant
• Ses antihistaminiques ainsi que le bromure de tiotropium 72 heures avant
• Tout traitement inhalé contenant du formotérol ou du salméterol, et les médicaments contenant de la théophylline 24 heures avant
• Tout traitement corticoïde inhalé (produits contenant de la fluticasone, de la béclométasone, du budésonide) ou l’ipratropium 12 heures avant
• Tout béta 2 mimétique à courte durée d’action 8 heures avant.
Le patient devait également ne pas avoir fumé, ne pas avoir pratiqué une activité physique intense et ne pas avoir consommé de caféine dans les 6 heures précédant le test.
Le patient était ensuite installé dans le pléthysmographe, avec un pince nez. La gélule de 0 mg était ensuite placée dans l’inhalateur et elle n’était percée qu’une seule fois. L’inhalateur était ensuite incliné à 45° vers le bas, la gélule devant tomber dans la chambre d’inhalation (si ce n’était pas le cas on devait taper à l’arrière de l’inhalateur). Après avoir réalisé une expiration profonde en dehors de l’inhalateur le patient réalisait une inhalation profonde et rapide de la poudre suivie d’une apnée de 5 secondes. A la fin de l’apnée, un chronomètre était mis en route. Il était vérifié ensuite qu’il ne restait plus de poudre dans l’inhalateur. S’il en restait le patient devait procéder immédiatement à une deuxième inhalation. Au bout de soixante secondes le patient réalisait deux mesures de VEMS, la meilleure servant de valeur de VEMS basal. Si le VEMS basal était inférieur à 70% de la valeur théorique ou à 1L le test était interrompu et il était alors pratiqué un test de réversibilité sous béta 2 mimétiques. Le VEMS basal et le VEMS cible (85% du VEMS basal) étaient reportés sur la fiche d’examen (annexe 2)
L’étape de la prise et de la mesure à 60 secondes était ensuite reproduite pour la gélule de 5 mg. Le VEMS ainsi obtenu et les 90% du VEMS obtenu étaient reportés sur la fiche d’examen.
La même procédure était utilisée pour les gélules de 10, 20 et 40 mg. Pour la dose de 80 mg, le patient devait inhaler 2 gélules de 40 mg, le chronomètre était déclenché après la fin de l’apnée qui suivait l’inhalation de la deuxième gélule. Pour les trois doses à 160 mg, le patient devait inhaler 4 gélules de 40 mg, le chronomètre était déclenché après la fin de l’apnée qui suivait l’inhalation de la quatrième gélule
Le test était interrompu si un VEMS inférieur ou égal au VEMS cible, ou en diminution d’au moins 10% par rapport à la dose précédente, été obtenu et le test était considéré comme positif. Sinon il était poursuivi jusqu’à la troisième dose de 160 mg (pour 635 mg au total). En l’absence d’obtention d’un VEMS inférieur ou égal au VEMS cible, ou en diminution de diminution d’au moins 10% par rapport à la dose précédente à la dose totale de 635 mg, le test était considéré comme négatif. En cas de test positif, deux inhalations de terbutaline 100 µg étaient réalisées.
Le patient était surveillé durant 15 minutes après la fin du test puis pouvait partir si le VEMS était revenu au niveau du VEMS basal (+/- 5%)
En cas de gêne pharyngée, il était proposé au patient de boire de l’eau pendant le test.
Recueil des données
Les données cliniques et paracliniques des patients ont été recueillies par analyse rétrospective des dossiers. En cas de donnée manquante ou non réalisée, le patient n’est pas pris en compte dans l’analyse statistique concernant cette donnée. Parmi les données paracliniques, ont été recueillies les données des spirométries (VEMS, CV max, CVF, CPT, CRF, VR, DLCO, rapport (CVmax–CVF)/CVmax, DEM 25, 50, 75, DEM 25-75) antérieures à la réalisation du test au mannitol, l’existence d’une réversibilité sous béta 2 mimétiques, le résultat du NO exhalé, la VO2 max et l’existence d’un bronchospasme à l’épreuve d’effort. Les données cliniques recueillies sont l’âge, le sexe, l’existence d’un tabagisme, les antécédents médicaux, le motif de consultation, la présence d’une toux, la présence d’une gêne à l’effort, la réponse à un traitement par corticoïde inhalé ou anti leucotriène et le diagnostic final retenu par le clinicien. Pour les données de la fonction respiratoire, les valeurs théoriques utilisées sont celles des valeurs européennes (38).
Critères de jugement
Le critère principal de jugement est la détermination de la sensibilité et la spécificité du test de provocation au mannitol au CHU de Rouen. Comme il n’existe pas de «gold standard» dans l’asthme et que le test à la méthacholine souvent utilisé comme test de référence n’est pas disponible au CHU de Rouen, il a été décidé d’utiliser comme test de référence le diagnostic final du clinicien.
Des différences entre les patients ayant un test positif et négatif, pour les critères cliniques et paracliniques recueillis, ont également été recherchées.
Analyse statistique
Les analyses statistiques ont été effectuées grâce au logiciel « GraphPad-Prism » de GraphPad Software. inc.. La spécificité et sensibilité ont été calculées par le Test Exact de Fisher. Pour les comparaisons de groupes, étant donnée la faible taille des échantillons, des tests non paramétriques de Mann Whitney ont été réalisés. Un résultat a été considéré comme statistiquement significatif lorsque le risque d’erreur de première espèce p est inférieur 0.05.
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Table des matières
Liste des abréviations
1. Introduction
2. Rappel sur les explorations respiratoires dans l’asthme
2.1. Spirométrie
2.2. Pléthysmographie.
2.3. Mesure des résistances
2.4. Épreuve d’effort incrémentale sur ergocyle.
2.5. Mesure du NO exhalé
2.6. Tests de provocations
2.6.1. Tests de provocation directs
2.6.2. Tests de provocation indirects non spécifiques
2.6.3. Les tests de provocation spécifiques
2.7. Le test de provocation au mannitol (Aridol®)
3. Méthodes
3.1. Patients inclus
3.2. Réalisation du test au mannitol au CHU de Rouen
3.3. Recueil des données
3.4. Critères de jugement
3.5. Analyse statistique
4. Résultats
4.1. Description de la population
4.2. Résultats des tests au mannitol
4.3. Sensibilité et spécificité du test
4.4. Comparaison des patients ayant un test positif ou négatif
4.5. Tolérance
4.6. Histoire clinique des patients
4.6.1. Patients ayant un test au mannitol positif et un asthme
4.6.2. Patients ayant un test négatif et un asthme.
4.6.3. Patients ayant un test négatif et n’ayant pas d’asthme
5. Discussion
5.1. Sensibilité et spécificité du test
5.2. Population
5.3. Résultats de la comparaison des deux groupes.
5.4. Le test d’hyperréactivité au mannitol chez les patients sportifs
5.5. Le test d’hyperréactivité au mannitol chez les tousseurs chroniques
5.6. Limites du travail
5.7. Intérêt du test dans la situation actuelle à Rouen et en France
6. Bibliographie
Annexes
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