Fabrication de nanofils III-V par une approche « Top-down »
Cette méthode a pour principe de transférer les motifs d’un masque sacrificiel vers la surface du semiconducteur. Le type de masque doit être choisi de sorte qu’il résiste au mieux au procédé de transfert. La définition des motifs peut se faire au moyen d’une lithographie (optique ou électronique) ou éventuellement par voie chimique par l’utilisation de copolymères blocs.
Pour le transfert du motif, la gravure chimique par voie humide a d’abord été utilisée pour la fabrication de microstructures. La sous-gravure inhérente à cette technique empêche cependant l’obtention de structures à l’échelle de quelques dizaines de nanomètres (Figure 1.1a). Le recours à la gravure sèche, basée sur un plasma d’ions réactifs et beaucoup plus directive, permet de réaliser des structures avec des flancs plus verticaux. Cette méthode s’accompagne cependant d’une augmentation significative de la rugosité dans le fond de gravure ou sur les flancs des mesas qui peut altérer les performances des composants (Figure 1.1b). De plus, ce type de gravure attaque toute la surface, y compris le masque. Il est donc nécessaire de bien choisir le matériau utilisé comme masque, et d’adapter les procédés technologiques pour obtenir des rapports d’aspect hauteur/largeur suffisamment élevés pour accéder à des largeurs de taille nanométrique. En combinant une attaque sèche de type plasma et une finition par gravure digitale (plusieurs cycles d’oxydation de la surface/gravure chimique de l’oxyde), on peut obtenir des structures verticales avec un bon état de surface.
Le principal avantage de ces procédés « top-down » réside dans la maîtrise de l’épitaxie du matériau. La croissance des matériaux III-V, que ce soit par épitaxie par jets moléculaires (EJM) ou épitaxie en phase vapeur aux organométalliques (EPVOM), peut se faire dans des conditions standards largement maitrisées depuis des décennies. La difficulté ne réside donc pas dans la croissance du matériau, mais plutôt dans l’étape de gravure.
Au MIT, les développements réalisés dans ce domaine par l’équipe du Professeur Del Alamo ont permis la fabrication de transistors verticaux à base de nanofils d’InGaAs [2]. Ces composants ont été réalisés à partir d’une homojonction n-i-n d’In0.53Ga0.47As en accord de maille sur un substrat InP. La résine utilisée (hydrogénosilsesquioxane ou HSQ), permet la formation de piliers avec un rapport hauteur/largeur >100. Sa polymérisation sous forme de SiO2 la rend très résistante aux plasmas pouvant être utilisés pour la gravure des matériaux IIIV. Suite à une attaque plasma et une gravure digitale à base de H2SO4, des nanofils verticaux de 290nm de haut pour 20nm de diamètre ont ainsi été obtenus [3]. Une gravure digitale à base de H2SO4 et de méthanol a ensuite permis de réduire le diamètre du fil à 5 nm (Figure 1.2a) [4]. La Figure 1.2b montre les caractéristiques électriques relevées sur des transistors MOSFET réalisés à partir de nanofils de 20 et 40 nm de diamètre, pour lesquels une pente sous le seuil minimale de 70 mV/dec a été démontrée, s’approchant de la limite intrinsèque de 60 mV/dec pour un transistor basé sur un mécanisme d’injection thermoïonique. Il est également possible de fabriquer des nanostructures horizontales par procédé topdown. Profitant de la diversité des matériaux III-V, des empilements alternant matériau utile et matériaux artificiel peuvent être aisément réalisés par épitaxie. C’est le principe des « transistors 4D » réalisés par l’Université de Purdue en 2012 dans le système InGaAs/InP [5] . De même, l’élaboration « top-down » de structures de type FinFET à base d’In(Ga)As a également été démontrée [6]–[8]. Nous pouvons citer en exemple les performances des composants fabriqués par F. Chouchane et al. avec un canal de type FinFET de 10nm de large en InGaAs sur substrat silicium [6], et celles des FinFETs en InGaAs de 7nm de large pour une longueur de grille de 20 nm de A. Vardi et al. [8] (Figure 1.3a-b). Dans les mêmes dimensions, l’équipe de M. Passlack a élaboré des FinFETs avec dix canaux nanofilaires d’InAs de 25nm de large pour 20nm d’épaisseur sur substrat d’InAs[9] . Cette structure permet d’obtenir une résistance ON de 1200Ω.µm pour une longueur de grille de 1µm mais avec une pente sous le seuil de 180 mV/dec .
Nanofils III-V élaborés par croissance VLS
Croissance VLS
Le principe de la VLS (Vapeur-Liquide-Solide) a été découvert par Ellis et Wagner en 1964 [13]. Une goutte d’or déposée sur la surface catalyse la formation d’un alliage Au-Si à partir du silicium présent en surpression. Cet alliage possède un point eutectique à 360°C pour une concentration en Si de 18% [14] , permettant ainsi d’obtenir une goutte liquide à plus faible température. L’élément gazeux est adsorbé sur la surface liquide et diffuse dans la goutte. Quand la goutte est sursaturée en silicium, l’élément en excès cristallise à l’interface liquide solide. En continuant à alimenter la goutte en silicium, il se forme alors un nanofil (Figure 1.6). Ce mécanisme fonctionne également pour les composés III-V [15] .
Cependant, l’or est connu pour créer des défauts dans le silicium, ce qui dégrade ses propriétés [16] et en fait un élément rejeté par les industriels de la microélectronique. Dans certains cas, suivant le matériau, la croissance du nanofil se produit sans que la bille métallique ne soit fondue : il s’agit alors d’une croissance de type VSS (vapor-solid-solid) [17]. Il est également possible de réaliser une croissance en utilisant un autre matériau métallique comme catalyseur [18],[19], mais la croissance se fait à une température différente. Enfin, pour les composés III V, la croissance peut être initiée à partir d’une bille de l’élément III : on parle alors de croissance auto-catalysée [20] . La croissance de ces structures se fait généralement suivant les directions <111> pour les éléments IV [21] et <111>B pour les composés III-V en maille zinc-blende (ZB) [22] car l’énergie d’interface catalyseur-semiconducteur pour une croissance dans cette direction cristallographique est la plus faible [23]. De ce fait, sur un substrat orienté (111) ou (111)B, la croissance est le plus souvent verticale (Figure 1.7). Dans certaines conditions, la croissance peut se faire en maille wurtzite (WZ) [24],[25] . La taille du catalyseur doit être maîtrisée afin de contrôler le diamètre du nanofil [26] , mais également sa direction de croissance. En effet, sous un certain seuil, l’interface goutte semi conducteur peut changer de plan, la croissance passant de la direction <111> à <110> [27] . La taille de l’interface entre le matériau et le catalyseur peut être contrôlée par la taille de la goutte lors de son dépôt, ou plus rarement pendant la croissance en appliquant un champ électrique sur celle-ci [28]. Par ce procédé, il est possible de réaliser des hétérostructures de deux manières. La première est la fabrication d’hétérostructures axiales. La contrainte entre le fil et le substrat doit dans un premier temps être minimisée, soit en choisissant des matériaux avec des paramètres de maille proches, soit en optant pour des catalyseurs de très petite taille. [29]. L’avantage de cette méthode de production est que la jonction s’établit sur la section du nanofil, et sera donc suffisamment petite pour éviter les dislocations à l’interface [30],[31]. Il est ainsi possible de réaliser des hétérostructures à jonction unique [32], des super-réseaux [33] ou des fils contenant des boîtes quantiques[34]. Cependant, la procédure est différente selon les associations de matériaux souhaitées. Pour une hétérostructure à élément III commun, une simple commutation de l’élément V durant la croissance suffit car le catalyseur contient très peu d’élément V qui est donc très rapidement consommé [35]. Dans ce cas, une croissance auto-catalysée est possible. En revanche, pour une hétérostructure avec des éléments III différents, le catalyseur doit être vidé du premier élément III avant de débuter la croissance avec le 2e élément, sinon il y a formation d’un alliage ternaire à l’interface entre les 2 couches. De plus, il est important de vérifier la compatibilité énergétique entre les 3 matériaux en jeu [36]. En effet, si l’énergie d’interface entre le catalyseur C et le premier semiconducteur A (γA-C) est plus grande que la somme de l’énergie d’interface entre le catalyseur C et le 2e matériau B (γB-C) et de celle entre les matériaux A et B (γA-B), la croissance se fera de manière axiale (Figure 1.8a). Dans le cas contraire, la croissance du matériau B se fera de sorte que les interfaces C-B et A-B soient minimisées et que l’interface de faible énergie C-A soit préservée. Ceci aura pour effet de sortir le catalyseur de l’axe du nanofil et de se poursuivre en branche suivant [1-11]B (Figure 1.8b).
Il est possible également de réaliser des hétérostructures radiales afin de produire des structures cœur-coquille. En ajustant les conditions de croissance [37], le mode VLS n’est plus effectif et la croissance peut avoir lieu sur les facettes latérales [15]. Cependant, les interfaces entre les couches sont de tailles plus imposantes qu’en croissance axiale. Les relaxations élastiques sont donc plus difficiles [37] et les probabilités de créer des défauts dus à une relaxation plastique dans la structure sont d’autant plus importantes [38],[39] (Figure 1.9). La maille cristalline de la coquille ainsi produite a toutefois la même structure que celles du cœur : un cœur WZ donnera une coquille WZ et un cœur ZB donnera une coquille ZB [40]–[42].
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : ÉTAT DE L’ART SUR LA SYNTHESE ET CARACTERISATION ELECTRIQUE DE NANOFILS III-V
I. FABRICATION DE NANOFILS III-V PAR UNE APPROCHE « TOP-DOWN »
II. NANOFILS III-V ELABORES PAR CROISSANCE VLS
II.1 Croissance VLS
II.2 Caractérisation de dispositifs électroniques à partir de nanofils élaborés par VLS
III. NANOFILS III-V ELABORES PAR EPITAXIE SELECTIVE (SELECTIVE AREA EPITAXY OU SAE)
III.1 Mécanismes de sélectivité et morphologies des micro- et nanostructures
III.2 Croissance sélective de nanostructures III-V par épitaxie en phase vapeur aux organométalliques (EPVOM)
III.2.1 Spécificités
III.2.2 Croissance sélective par confinement diélectrique
a) ART (Aspect-Ratio Trapping)
b) TASE (Template-Assisted Selective Epitaxy)
III.2.3 Croissance sélective libre (CSL)
c) Structures verticales
d) Croissance sélective de nanostructures planaires avec masque HSQ
III.3 Croissance sélective de nanostructures III-V par épitaxie par jets moléculaires (EJM)
III.3.1 Croissance de matériaux binaires
a) Structures verticales
b) Structures planaires
c) Nanostructures planaires en désaccord de maille
d) Croissance planaire de matériaux assistées par hydrogène atomique
III.3.2 Croissance de matériaux ternaires
a) Structures verticales
b) MME (Metal modulation epitaxy)
c) Croissances planaires de matériaux assistées par hydrogène atomique
IV. METHODES DE MESURE DE LA MOBILITE ELECTRONIQUE DANS LES STRUCTURES
IV.1 Mesures par effet Hall
IV.2 Mesures par effet de champ
V. OBJECTIFS DE LA THESE
BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE 1
CHAPITRE 2 : ÉPITAXIE SELECTIVE PAR JETS MOLECULAIRES ASSISTEE PAR HYDROGENE ATOMIQUE
I. PRESENTATION DES BATIS EJM
II. FABRICATION DES MASQUES POUR LA CROISSANCE SELECTIVE
II.1 Masque d’oxyde de silicium déposé par PECVD (type A)
II.2 Masque d’hydrogénosilsesquioxane (HSQ) (type B)
III. CROISSANCE SELECTIVE D’INGAAS SUR SUBSTRAT INP SEMI-ISOLANT
III.1 Conditions de croissance
III.2 Croissance d’In0,53Ga0,47As sur InP
IV. PROPRIETES OPTIQUES DE PUITS QUANTIQUES INGAAS EPITAXIES SOUS HYDROGENE ATOMIQUE
IV.1 Influence de l’hydrogène atomique sur la désoxydation de la surface
IV.2 Photoluminescence sur épitaxies standards
IV.3 Photoluminescence sur épitaxies localisées
V. CARACTERISATION ELECTRIQUE D’INGAAS ET GA(AS)SB EPITAXIES SOUS HYDROGENE ATOMIQUE
V.1 Influence de l’hydrogène atomique sur les propriétés électriques d’InGaAs sur InP
V.2 Influence de l’hydrogène atomique sur le dopage au carbone de Ga(As)Sb sur InP
VI. CROISSANCE SELECTIVE DE GASB SUR INP SEMI-ISOLANT
VII. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE 2
CHAPITRE 3 : CARACTERISATION ELECTRIQUE DES NANOSTRUCTURES INGAAS
I. TECHNOLOGIE DE FABRICATION DES COMPOSANTS
I.1 Contacts métalliques
I.2 Dépôt de grille
I.3 Nanostructures cœur-coquille InGaAs/InP avec contacts dopés
I.3.1 Fabrication
I.3.2 Analyses en microscopie électronique à transmission (MET)
II. CARACTERISATION DES COMPOSANTS
II.1 Mesure de la résistivité des nanostructures d’InGaAs par la méthode TLM
II.2 Mesures sur structures 4-pointes
II.3 Caractérisations des transistors MOSFET
II.3.1 Transistors MOSFET à nanofils d’InGaAs légèrement dopés au tellure
II.3.2 Transistors MOSFET à base d’hétérostructures cœur-coquille
a) Caractérisation électrique des structures TLM avec recroissance de contacts dopés
b) Caractérisation électrique des transistors
i. Topologie des transistors
ii. Influence des aspects géométriques sur les caractéristiques électriques
iii. Exploitation des caractéristiques électriques en régime passant (VGS > VT)
iv. Exploitation des caractéristiques électriques en régime bloqué (VGS < VT)
III. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE 3
CHAPITRE 4 : CROISSANCE SELECTIVE ET CARACTERISATION ELECTRIQUE D’HETEROJONCTIONS PLANAIRES
I. HETEROSTRUCTURES RADIALES
I.1 Élaboration des composants
I.2 Caractérisation électrique des jonctions radiales
I.2.1 Caractérisation du cœur InGaAs:Si
I.2.2 Caractérisation électrique des hétérostructures cœur/coquille
II. HETEROJONCTIONS AXIALES
II.1 Élaboration des composants
II.1.1 Croissance des nanofils InGaAs et masquage
II.1.2 Gravure chimique sélective des nanofils d’InGaAs
II.1.3 Croissance sélective de GaSb:Si
II.1.4 Dépôt des contacts
II.2 Caractérisation électrique des hétérojonctions axiales
II.2.1 Mesure de la résistivité des matériaux épitaxiés
II.2.2 Mesures sur les hétérostructures
III. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE 4
CONCLUSION GENERALE
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