L’épistémologie est destinée à traiter des fondements de la science (Thiétart, 1999, p.12), de ses critères et de sa méthode (Kremer-Marietti et Drombres, 2006). Dans la littérature en sciences de gestion, précisément dans des écrits se rapportant à la méthodologie de recherche, il existe en général cinq principaux courants épistémologiques : le rationalisme, l’empirisme, le positivisme, le constructivisme et le réalisme. En sciences de gestion, deux courants « s’opposent » (Saunders et al., 2000) : le positivisme et le constructivisme. Ils sont différents, mutuellement exclusifs et les deux ont un rôle très important à jouer dans le processus de recherche en sciences de gestion. Leur différence réside sur la relation entre l’objet et le sujet d’étude.
Avant d’édifier les différentes démarches empruntées pour réaliser l’objectif de notre étude, rappelons qu’une démarche de recherche n’est pas automatiquement reliée à un paradigme (Thiétart, 1999, p.144). En d’autres termes, il n’existe pas de lien simple entre le positionnement épistémologique du chercheur et l’utilisation d’une démarche particulière. Ces propos aident à comprendre les choix restreints utilisés pour mener de bout en bout notre raisonnement dans cette recherche.
Notre préoccupation dans cette recherche concerne particulièrement l’appropriation des outils technologiques avec connexion (téléphonie, Internet et Intranet). Nous souhaitons évaluer les problèmes qui découlent des différentes manipulations effectuées sur ces outils au sein des entreprises. D’un point de vue méthodologique, cette problématique poserait un certain nombre de difficultés d’obtention de réponses fiables que nous ne saurons évoquer en totalité dans ce développement. Toutefois, nous admettons entre autres que, d’abord, l’appropriation d’outils s’impose et se vérifie dans le temps et de manière récursive. Ensuite, la compréhension de la situation d’appropriation d’outils par les acteurs dans toute sa complexité nécessite de tenir compte d’un bon nombre d’aspects liés à la vie des salariés dans la structure qui les emploie. Enfin, la dispersion géographique des membres de notre cible limite la praticabilité de certaines approches permettant d’observer directement le comportement des utilisateurs d’outils. À cause de ces démarcations, il serait utile de détailler certains contours du phénomène d’appropriation pour faciliter la compréhension des répondants afin d’obtenir des réponses qui se rapprocheraient de la théorie exploitée jusqu’ici ; d’où l’adoption d’une démarche hypothético-déductive.
Le cadre d’application ou le champ d’observation d’une étude délimite le milieu à étudier dans le temps et dans l’espace. Pour fixer notre cadre d’étude dans cette recherche, nous sommes partis de plusieurs constats. Dans les pays développés, la manière d’user des caractéristiques d’un outil et plus particulièrement, l’attitude de l’usager envers l’outil mis à sa disposition, a fait l’objet de nombreuses recherches cette dernière décennie (Ouattara, 2005). Contrairement aux pays en développement, les études relatives à ce domaine sont presque inexistantes et le champ de recherche de management des systèmes d’informations et d’organisations reste encore peu exploré de nos jours dans ces pays. Ces constats incitent à examiner la façon dont les outils technologiques sont appropriés par les acteurs. En nous appuyant au secteur financier camerounais nous envisageons émettre d’éventuelles améliorations sur ses diverses manières de s’approprier les outils dans ses activités. L’étude relative à l’appropriation d’outils technologiques par les entreprises financières au Cameroun serait donc d’actualité et bénéfique aux managers des organisations.
Usage des outils technologiques au Cameroun
À l’aide des informations fournies par les entreprises de télécommunications en place au Cameroun, celles des ministères camerounais et des études empiriques effectuées avant la nôtre, cette section reconsidère à la fois le patrimoine TIC et leur utilisation dans les entreprises financières installées au Cameroun. Nous complèterons ces informations théoriques empiriques par celles qui nous seront fournies par les enquêtés qui accepteront de répondre à nos questions dans le dernier chapitre de cette partie. L’intérêt de cette section réside ainsi au niveau de la connaissance de l’objet de notre étude dans ce développement.
Description des outils technologiques utilisés
État des infrastructures technologiques
Jusqu’en 2004, les réseaux de télécommunications filaires de la sous-région Afrique centrale et ceux du Cameroun étaient discontinus et obsolètes avec des coûts d’utilisation prohibitifs pour le pouvoir d’achat de leur population et un manque d’investissements dans les infrastructures de base. Dans un programme institué par l’Union Européenne (UE) et l’Union Internationale de Télécommunications (UIT) visant entre autres la mise en œuvre des plates formes d’utilisation des transactions électroniques sécurisées, il a été retenu : l’implantation au Cameroun d’une infrastructure à Clé publique (ICP) , le déploiement du réseau et la création d’une autorité de certification nationale d’une part et d’autre part, l’implémentation des services de l’État en ligne et l’aménagement d’un cadre législatif et réglementaire nécessaire à l’utilisation des TIC dans un environnement sécurisé. Le Cameroun et le Gabon sont les seuls pays de la sous-région à profiter d’un point d’arrimage au câble sous-marin SAT3/WASC/SAFE qui relie l’Europe à l’Asie en contournant le continent africain. Ce câble facilite des communications internationales dix fois moins coûteuses qu’une liaison par satellite et fait des deux pays des futures plateformes de télécommunications pour toute cette sous-région. La Cameroon Telecommunications (CAMTEL), opérateur historique national qui détenait le monopole des télécommunications au Cameroun avant la vague des libéralisations des années 1990, a prévu d’étendre son réseau en zone rurale et a lancé la construction d’une jonction en fibre optique entre les deux capitales du pays. Les connexions des utilisateurs s’effectuent par VSAT, réseau téléphonique public commuté (RTPC), par liaison spécialisée radioélectrique ou filaire ou par Wireless. Une cinquantaine d’antennes VSAT ont été installées en 1988 avec deux fournisseurs d’accès étrangers INTELSAT (France) et IPNET (Israël). Ces fournisseurs offrent un bon nombre de services au Cameroun à l’instar de : la connexion au réseau Internet, la fourniture des services Intranet, la téléphonie par Internet ; le développement et l’hébergement des sites Internet ; le transfert des fichiers.
Les infrastructures qui existent dans les villes de Douala et Yaoundé, respectivement capitales économiques et politiques, sont uniquement rappelées dans cette section ; les raisons de ces deux villes choix sont indiquées plus loin dans ce chapitre 3 (section3, 1.3). En 2003, CAMTEL possède 95200 lignes téléphoniques fixes avec 0,59% de télédensité (UIT, 2004). L’enquête menée par l’ANTIC en 2006 sur le territoire national camerounais avait inventorié les investissements de télécommunications appartenant à Douala et à Yaoundé, de la manière suivante. Sur 10 centres numériques que possède la CAMTEL, 4 centres numériques pour le transit international et 4 centres numériques pour le transit national appartiennent à Douala et à Yaoundé. Sur 25 centres analogiques existants, 21 reviennent à ces deux villes. Des multiplicateurs d’accès ADSL aussi bien dans ces capitales que dans 15 autres localités de la nation. En plus, ces deux villes possèdent 12 centres numériques autonomes pour le raccordement des abonnés et l’acheminement du trafic, qui n’existent pas ailleurs dans ce pays. Toujours de l’opérateur CAMTEL, plusieurs autres infrastructures de télécommunications sont offertes uniquement dans les villes de Douala et de Yaoundé .
Dans l’architecture infrastructurelle de connexion au Cameroun, les villes de Douala et Yaoundé détiennent à elles seules près de 60 % de l’infrastructure câble du réseau de transmission de CAMTEL . Les communications internationales sont assurées par des liaisons satellites et par fibres optiques-SAT3. La capacité du réseau téléphonique fixe est limitée à 175 000 lignes encore incapables de satisfaire la demande nationale. Les villes de Douala et de Yaoundé sont considérées en ce sens comme des plaques tournantes de l’activité du secteur des télécommunications au Cameroun.
En 1997 , le parc informatique camerounais avait été évalué à près de 10 000 microordinateurs avec un taux de pénétration de 0,5 % de micro-ordinateurs par an. En 2006, la banque mondiale avait estimé qu’il y avait 1,1 micro-ordinateur pour 100 camerounais. Selon l’enquête menée par le MINPOSTEL en 2006, moins de 7 % des entreprises enquêtées disposaient chacune d’au moins un ordinateur alors que 27.6 % disposent d’un seul. Ces derniers résultats avaient montré que le taux de pénétration des ordinateurs dans les institutions camerounaises était encore très faible quoique progressif. Ce ratio insignifiant peut se justifier à plus d’un titre. Déjà, près de 48 % de la population vivent en deçà du seuil de pauvreté. Ensuite, l’acquisition des ordinateurs occupe une place marginale dans les budgets d’investissements à cause des contraintes budgétaires dans les administrations publiques. Enfin, l’absence d’une culture électronique et informatique des cadres de ces institutions est indubitable et la réticence des employés à automatiser les tâches de peur de perdre certains avantages liés à leur fonction ou leur position au sein de l’entreprise reste toujours une réalité non voilée.
|
Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
PREMIÈRE PARTIE FONDEMENTS THÉORIQUES DE L’APPROPRIATION D’OUTILS TECHNOLOGIQUES PAR LES ACTEURS
Présentation de la première
CHAPITRE 1 LITTERATURE SUR L’APPROPRIATION D’OUTILS PAR LES ENTREPRISES
Section 1 – Usage d’outils dans l’entreprise
Section 2 – Appropriation d’outils dans les entreprises
Section 3 – Modèles d’analyse de l’appropriation d’outils
CHAPITRE 2 OUTILS TECHNOLOGIQUES ET PHENOMENES DE LEUR APPROPRIATION DANS LES ENTREPRISES
Section 1 – Outils technologiques de l’entreprise
Section 2 – Phénomènes liés à l’appropriation d’outils par les acteurs
Section 3 – Évaluation de l’appropriation d’outils dans les entreprises
Récapitulatif de la première partie
SECONDE PARTIE EXAMEN DE L’APPROPRIATION D’OUTILS TECHNOLOGIQUES PAR LES ENTREPRISES DU SECTEUR FINANCIER AU CAMEROUN
Présentation de la seconde partie
CHAPITRE 3 ÉPISTEMOLOGIE ET CHAMP D’OBSERVATION DE L’APPROPRIATION D’OUTILS TECHNOLOGIQUES
Section 1 – Usage des outils technologiques au Cameroun
Section 2 – Positionnement épistémologique choisi
Section 3 – Méthodologie de l’examen de l’appropriation d’outils par les acteurs
CHAPITRE 4 PRESENTATION ET DISCUSSIONS DES RESULTATS DE L’APPROPRIATION D’OUTILS TECHNOLOGIQUES
Section 1 – Contrôle des variables d’appropriation d’outils technologiques
Section 2 – Résultats de l’appropriation d’outils technologiques
Section 3 – Discussions et implications de l’appropriation d’outils par les acteurs
Récapitulatif de la seconde partie
CONCLUSION GÉNÉRALE