Définitions
Le terme épilepsie myoclonique progressive (EMP) regroupe un ensemble très hétérogène de maladies rares caractérisées par un syndrome myoclonique associé à des crises d‟épilepsie, le plus souvent généralisées, ainsi qu‟à une atteinte neurologique progressive de sévérité et de pronostic très variables [3]. Selon la ligue internationale de lutte contre l’épilepsie en 2014, l‟épilepsie est une maladie cérébrale définie par l‟une quelconque des manifestations suivantes :
1) Au moins deux crises non provoquées (ou réflexes) espacées de plus 24 heures,
2) Une crise non provoquée (ou reflexe) et une probabilité de survenue de crises ultérieures au cours des 10 années suivantes similaire au risque général de récurrence (au moins 60 %) observé après deux crises non provoquées ;
3) Diagnostic d‟un syndrome épileptique [11].
Une crise épileptique est une présence transitoire de signes et/ ou symptôme due à une activité neuronale excessive ou synchrone anormale dans le cerveau[11].
Épidémiologie et fréquence de distribution des EMP
Les EMP sont des maladies rares et les controverses nosographiques historiques sont liées en grande partie à la faible incidence des EMP dans les pays développés et aux différences d‟expérience des équipes. La prévalence des différentes formes d‟EMP varie d‟un pays à l‟autre et même d‟une région à l‟autre. Celles transmises de façon autosomique récessive peuvent avoir une forte prévalence dans des isolats géographiques avec un effet fondateur important, comme c‟est le cas pour la Ceroïde-lipofuscinose neuronale (CLN) en Scandinavie, la MUL à l‟île de la Réunion ou dans des cultures qui favorisent les mariages consanguins, comme le cas de la MUL en Afrique du Nord ou la ML dans l‟État de Karnakata au Sud de l‟Inde [8].En France, la MUL est la forme la plus fréquente avec une prévalence d‟environ 1/500 000 Hbts [6]. Celle de la ML est faible estimée à moins de 1/1 000 000 [6,9] et 0,9/100 000 pour MERRF en Europe [14]. Certaines étiologies peuvent se concentrer dans un groupe ethnique ou une région géographique bien déterminés. L‟atrophie dentato-rubro-pallido-luysienne (DRPLA) [15] et la galactosialidose ont été observées principalement au Japon et dans d‟autres pays asiatiques. Mais, ces formes d‟EMP ont été diagnostiquées ailleurs récemment [7]. D‟autres formes rares ont, en revanche, été rapportées dans des populations très variées : maladie de Gaucher, par exemple, ou le MERRF [16]. La forme juvénile de CLN est fréquente en Scandinavie, alors que la forme infantile tardive est retrouvée dans beaucoup d‟autres régions [7]. Il faut noter aussi que certains patients « négatifs » sur le plan génétique, chez lesquels on avait diagnostiqué une EMP classique, comme la MUL, ont permis la découverte de nouvelles formes rares d‟EMP [7]. Des familles isolées, présentant un tableau d‟EMP particulier, ont été décrites. De nos jours, il y a encore de nombreux cas sans diagnostic précis [7]. La fréquence réelle des EMP n‟est pas vraiment connue [7], en particulier dans le tiers-monde, car elles n‟y sont pas toujours diagnostiquées de façon précise. Dans la population suivie au Centre Saint-Paul à Marseille, les EMP représentent moins de 1% de tous les cas d‟épilepsie. Parmi 2273 patients nouvellement adressés, présentant une épilepsie confirmée, évalués entre 1986 et 1995, 22 patients présentaient une EMP dont 11 avec MUL, 6 ML, 3 CLN, 1 MERRF et 1 DRPLA.
Cervelet
Fonctions générales Le cervelet est un centre nerveux régulateur de la fonction motrice, au sens large (mouvement, posture, équilibre). Il reçoit des informations de tous les segments du névraxe (moelle épinière, tronc cérébral, cerveau). Il traite ces informations pour donner aux programmes moteurs du mouvement une organisation chronologique et somatotopique (organisation temporo-spatiale) [18]. Il assure ainsi la régulation :
– Des activités musculaires du mouvement volontaire global
– Des activités musculaires toniques de la posture
– Des activités musculaires réflexes du maintien de l‟équilibre.
Situation du cervelet Il est disposé sous une forte toile fibreuse dépendant de la dure-mère, appelée latente du cervelet. Le cervelet est placé dans la fosse crânienne postérieure ou fosse cérébelleuse de la boite crânienne. Il est recouvert par les 3 méninges classiques ; entouré par l‟espace sous-arachnoïdien contenant le liquide céphalo-rachidien (LCR). Autour du cervelet, cet espace constitue des cavités plus vastes appelées : citernes [18,19].
Morphologie externe Il est situé à la face postérieure du tronc cérébral. Il est en connexion avec la moelle allongée, le pont et le mésencéphale par l‟intermédiaire des pédoncules cérébelleux inférieur, moyen et supérieur. Il est composé d‟un lobe médian appelé vermis et de deux lobes latéraux très volumineux les hémisphères cérébelleux ou lobes cérébelleux. Il existe en plus un petit lobe antérieur à disposition transversale appelé lobe flocculo-nodulaire (Figure 4).
Morphologie interne Le tissu nerveux du cervelet se présente sous 3 aspects :
o L‟écorce du cervelet : les cellules principales de l‟écorce sont appelées cellules de Purkinje. Elles sont en relation synaptique avec les fibres nerveuses afférentes au cervelet et avec des cellules d‟association.
o La substance blanche : elle contient les fibres nerveuses myélinisées. Certaines sont efférentes ; ce sont les axones des cellules de Purkinje. Elles se rendent aux noyaux gris du cervelet. D‟autres fibres sont afférentes, elles viennent de toute la hauteur du névraxe, de la moelle épinière, du tronc cérébral et du cerveau. Elles s‟articulent avec les dendrites des cellules de Purkinje [20].
o Les noyaux gris centraux : au nombre de 4, de chaque côté de la ligne médiane :
Le noyau du toit ou noyau fastigial
Le globulus et l‟embolus
Le noyau denté (appelé aussi noyau dentelé) situé au milieu de chaque hémisphère cérébelleux
Anatomie des noyaux gris centraux (NGC) ou ganglions de la base (GB)
Les NGC sont un groupe de noyaux sous-corticaux richement interconnectés. Ils sont gris parce qu’ils contiennent essentiellement les corps cellulaires des neurones. Ils jouent un rôle capital dans la motricité [53]. On en distingue quatre noyaux : le striatum, le pallidum, le noyau sous-thalamique et la substance noire (locus niger) [4], en plus de quelques autres structures encéphaliques dont l’appartenance aux NGC est controversée (Certains auteurs incluent le thalamus parmi les ganglions de la base [39, 66], mais la plupart le traitent séparément). Le striatum est divisé en putamen et noyau caudé par la capsule interne, et est d‟origine télencéphalique [32, 64]. Le globus pallidus est divisé en partie interne (GPi) et partie externe (GPe) par la lame médullaire interne [37]. Le noyau sousthalamique (corps de Luys) est situé sous le thalamus et au-dessus du mésencéphale. Il a la forme d‟une lentille biconvexe de petit volume et est un dérivé diencéphalique [64]. La substance noire a une origine mésencéphalique ; elle est subdivisée en pars compacta (SNpc) qui contient les neurones dopaminergiques et pars reticulata (SNpr) qui contient des neurones GABaergiques [38]. La sortie des ganglions de la base comprend 3 composants différents (Figure 6) :
(1) Une division dorsale, le faisceau lenticulaire (LF).
(2) Une division moyenne, le faisceau sous thalamique, qui se projette à travers la capsule interne au noyau sous-thalamique.
Anatomie du thalamus
Le thalamus est un complexe nucléaire qui occupe une grande partie du diencéphale [40, 54]. Il assure un relais impératif à la grande majorité des afférences sensorielles qui remontent jusqu’au cortex cérébral [1, 38, 40]. Il joue aussi un rôle très important dans la motricité [40, 75] et l’élaboration des émotions. Le thalamus est constitué de deux masses de substance grise [42], droite et gauche ayant chacune une forme ovoïde [2, 36, 66]. Ces deux parties sont souvent reliées au centre par l‟adhésion inter-thalamique (nucléus reuniens) [38, 43]. Le thalamus marque la paroi latérale du troisième ventricule [38, 24] et est entouré en haut et en avant par le corps et la corne frontale de chaque ventricule latéral [43,66]. Anatomiquement, il est divisé en trois grandes parties par une lame de substance blanche appelée lame médullaire interne (LMI). Cette lame se divise en deux branches en avant. Elle subdivise le thalamus en trois grandes régions :
– La région antérieure qui est compris entre les deux branches antérieures de division de la lame.
– La région médiale se trouve en dedans de la lame médullaire interne.
– La région latérale, en dehors de la LMI.
Le thalamus comporte plusieurs noyaux [2, 76], qui sont :
– Le groupe antérieur entre les deux branches antérieures de la LMI
– Le groupe médial en dedans de la LMI
– Le groupe latéral en dehors de la LMI
– Les noyaux intra laminaires, dans la LMI
– Le noyau réticulaire thalamique à la face latérale du thalamus
– Les noyaux de la ligne médiane, à la face médiale du thalamus.
– La lame médullaire externe recouvre la face latérale du thalamus.
Anatomie fonctionnelle des GB
Le système des GB a une polarité fonctionnelle qui est à la base du modèle classique de leur organisation anatomo-fonctionnelle [22,23]. Les informations provenant du cortex se projettent sur 2 structures d‟entrée : le striatum et le noyau sous-thalamique (NST). Les informations une fois traitées se dirigent vers 2 structures de sortie principales qui sont le GPi et la SNr. Le striatum reçoit ses afférences de l‟ensemble du cortex, de l‟hippocampe, de l‟amygdale et des noyaux intra-laminaires du thalamus. Deux compartiments existent dans le striatum dorsal: les striosomes et la matrice [24]. Le striatum ventral est divisé en 2 parties, core et shell. Le striatum est composéprincipalement des neurones épineux moyens (96%) qui sont pour la plupart GABAergiques [25,26]. Ces neurones peuvent également contenir de la substance P, de la dynorphine et des enképhalines. Les neurones du cortex cérébral font synapses au niveau de la tête des épines des neurones épineux du striatum. Les axones des neurones épineux présentent une arborisation collatérale, contactant des neurones épineux voisins. D‟autres neurones sont présents au niveau du striatum, il s‟agit d‟interneurones GABAergiques et de neurones cholinergiques toniquement actifs (TANs : Tonically active neurons) [27]. Le NST représente l‟autre structure d‟entrée GB où les afférences corticales se projettent. Le NST est une structure de forme biconvexe,glutamatergique entourée par des faisceaux denses de fibres myélinisées [28] (Figure 7). Lesafférences corticales proviennent principalement du cortex moteur primaire (M1) et de l‟aire motrice supplémentaire (AMS) [29]. Les projections provenant du cortex préfrontal et pré-moteur sont plutôt situées ventro-médialement et sont peu nombreuses. Les neurones localisés dans la partie dorso-latérale du NST traitent les informations sensorimotrices, les neurones provenant de la partie ventromédiane traitent les informations associatives et enfin, les neurones de la partie médiane traitent les informations limbiques [30]. D‟autre part, le noyau sousthalamique présente des connexions réciproques avec le GPe et le noyau pédonculopontin (NPP) sur la partie médiane et les régions motrices sur la partie latérale et caudale du NST [31]. Les fibres du cortex moteur primaire liées à la jambe, au bras et à la face sont représentées dans la partie latérale, médiane et latérale du NST, respectivement [32]. La partie médiane du noyau reçoit aussi les fibres de l‟AMS [32] (Figure 8). La projection du pallidum externe au NST représente l‟une de ses afférences majeures avec une projection sur l‟ensemble du NST [30]. Les projections principales du thalamus au NST proviennent des noyaux para-fasciculaire et centro-médian du thalamus [33].
Physiologie du myoclonus
La notion de myoclonie d’origine sous-corticale n’est pas nouvelle : Van Bogaert note que cette généralisation des ondes lentes synchrones, suivie de lagénéralisation des pics, permet de supposer que l’instabilité corticale est principalement déterminée par l’instabilité de certains mécanismes sous-corticaux à effet diffus, responsable des ondes lentes [40]. Par la suite, Watson et DennyBrown ont décrit un cas de myoclonus chez un patient ayant une maladie du stockage des lipides et des lésions neuronales dans le thalamus ainsi que dans les noyaux dentelés, concluant que l’instabilité du système neuronal sous-cortical diffuse est essentielle dans un processus épileptique des crises myocloniques [41]. Chauvel dans sa revue des crises d’origine frontale, a commenté que les récents problèmes de la physiologie du système moteur placent le cortex moteur principal dans une position clé, dans un grand ensemble de zones corticales reliées, interconnectées. Avec des boucles de rétroaction, de projections efférentes thalamiques, des structures cérébelleuses et du tronc cérébral, des voies efférentes de projection vers les noyaux sous-corticaux (en tant que relais des boucles internes), et vers la moelle épinière à travers des réseaux inter-neuronaux plus ou moins directs.
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Table des matières
1. INTRODUCTION
2. OBJECTIFS
2.1. Objectif général
2.2. Objectifs spécifiques
3. GÉNÉRALITÉS
3.1. Définitions
3.2. Historique
3.3. Épidémiologie et fréquence de distribution des EMP
3.4. Rappel anatomique et physiologique
3.4.1. Cervelet
3.4.1.1. Fonctions générales
3.4.1.2.Situation du cervelet
3.4.1.3.Morphologie externe
3.4.1.4.Morphologie interne (Figure 5)
3.4.2. Anatomie des noyaux gris centraux (NGC) ou ganglions de la base (GB)
3.4.3. Anatomie du thalamus
3.4.4. Anatomie fonctionnelle des GB
3.4.5. Les modèles classiques de fonctionnement des GB
3.4.6. Physiologie du myoclonus
3.4.7. Physiopathologie du myoclonus
3.5. Rappels conceptuel et terminologique
3.5.1. Classification des crises épileptiques et épilepsies
3.6. Démarche diagnostique
3.7. Clinique et classification
3.7.1. Maladie d‟Unverricht-Lundborg
3.7.1.1.Historique
3.7.1.2.Épidémiologie
3.7.1.3.Physiopathologie
3.7.1.4.Neuropathologie
3.7.1.5.Diagnostic
3.7.1.6.Génétique
3.7.2. Maladie de Lafora (ML)
3.7.2.1.Historique
3.7.2.2.Épidémiologie
3.7.2.3.Physiopathologie
3.7.2.4.Diagnostic
3.7.2.5.Génétique
3.7.3. Atrophie dentato-rubro-pallido-luysienne (DRPLA)
3.7.3.1.Historique
3.7.3.2.Épidémiologie
3.7.3.3.Neuropathologie
3.7.3.4.Diagnostic
3.7.3.5.Génétique
3.7.4. Ceroïdes lipofuscinoses neuronales (CLN)
3.7.4.1.Historique
3.7.4.2.Épidémiologie
3.7.4.3.Physiopathologie
3.7.4.4.Neuropathologie
3.7.4.5.Diagnostic
3.7.4.6.Génétique
3.7.5. Épilepsie myoclonique à fibres rouges en lambeaux ou Myoclonic epilepsy with ragged-red fibers (MERRF)
3.7.5.1.Historique
3.7.5.2.Neuropathologie
3.7.5.3.Diagnostic
3.7.5.4.Génétique
3.8. Diagnostic différentiel
3.9. Examens complémentaires
3.9.1. Hiérarchie des examens à visée diagnostique
3.9.1.1.Explorations biochimiques
3.9.1.2.Explorations génétiques
3.9.1.3.Électroencéphalogramme (EEG)
3.9.1.4.Imagerie cérébrale
3.10. Prise en charge
3.10.1. Traitement médicamenteux
3.10.2. Psychothérapie
3.10.3. Physiothérapie/Kinésithérapie
3.11. Pronostic
3.12. Conseil génétique et diagnostic anténatal
4. MÉTHODOLOGIE
4.1. Cadre et lieu d‟étude
4.2. Type et période d‟étude
4.3. Population d‟étude
4.4. Critères de l‟étude
4.4.1. Critères d‟inclusion
4.4.2. Critères de non inclusion
4.5. Procédure de collecte des données
4.5.1. Enrôlement
4.6. Examens clinique et paraclinique
4.7. Génétique et biologie moléculaire
4.8. Variables
4.9. Recueil et analyse des données
4.10. Considération éthique
4.11. Les limites de l‟étude
5. RESULTATS
5.1. Données sociodémographiques
5.1.1. Fréquence
5.1.2. Âge moyen des patients au moment du diagnostic
5.1.3. Sexe
5.1.4. Origine géographique
5.1.5. Groupe ethnique
5.1.6. Notion de consanguinité
5.1.7. Mode de transmission
5.2. Examen clinique
5.2.1. Age moyen de début des symptômes
5.2.2. Motif de consultation
5.2.3. Signes cliniques à l‟examen
5.3. Données paracliniques
5.4. Analyse génétique
5.5. Traitement
5.5.1. Médical
5.6. Évolution
5.7. Résumé de quelques observations
Observation 1
Observation 2
Observation 3
6. COMMENTAIRES ET DISCUSSION
7. CONCLUSION ET PERSPECTIVES FUTURES
8. RECOMMANDATIONS
RÉFÉRENCES
SERMENT D‟HIPPOCRATE
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