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DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
Epidermolyse staphylococcique ou Lyell staphylococcique
L’épidermolyse staphylococcique en anglais « staphylococcal scalded skin syndrome » (SSSS) est une éruption généralisée provoquée par des toxines (épidermolysines) produites par certaines souches de staphylocoque dore (Staphylocoque aureus, essentiellement phage du groupe II), atteignant essentiellement le nourrisson, parfois l’enfant, exceptionnellement l’adulte.
L’éruption se manifeste par un érythème en nappe d’où se détachent des lambeaux épidermiques avec un signe de Nikolsky positif. Il n’y a pas de lésions ciblées et le décollement est superficiel. Les muqueuses ne sont pas atteintes à l’exception d’une habituelle conjonctivite.
A l’histologiquement, le décollement est sous corné, donc plus superficiel que dans la NET [18].
L’Erythème pigmente fixe (EPF) bulleux généralisé
L’EPF bulleux prête souvent à confusion avec la NET, ce qui a d’ailleurs été le cas pour un des patients de la publication originale de Lyell. Elle est plus rare que le syndrome de Lyell, et se présente cliniquement par de grands placards érythémateux à bordures bien limitées, de topographie volontiers asymétrique prédominant à la face et au tronc, associés à de larges décollements épidermiques. L’atteinte muqueuse est modérée, l’état général est conservé et il n’y a pas de fièvre. Le pronostic est meilleur que dans la NET.
L’examen histologique montre une nécrose kératinocytaire pouvant être responsable d’un décollement sous-épidermique. L’infiltrat polymorphe du derme superficiel et profond associant lymphocytes, polynucléaires neutrophiles ou éosinophiles est plus abondant que dans la NET.
L’EPF cicatrise en laissant une hyperpigmentation séquellaire et récidive au même endroit à la réintroduction de la molécule incriminée.
Les dermatoses bulleuses auto-immunes
Les dermatoses bulleuses auto-immunes, telles que la pemphigoide bulleuse, la dermatose à IgA linéaire et le pemphigus, peuvent parfois mimer une NET. L’histologie et surtout l’IFD permettent de les différencier de la NET.
La pustuleuse exanthématique aigue généralisée (PEAG)
C’est une toxidermie qui se caractérise par une éruption pustuleuse fébrile. Dans les formes sévères, elles sont parfois confondues au syndrome de Lyell du fait de la confluence des pustules qui peuvent entrainer des décollements superficiels avec pseudo signe de Nikolsky. Le respect des muqueuses, le caractère superficiel du décollement ainsi que l’histologie mettant en évidence des pustules spongiformes sous ou intra cornées permettent d’écarter ce diagnostic.
Réaction Aiguë du greffon contre l’hôte (GVH)
C’est un processus pathologique multi organique (les principaux organes comprennent la peau, le foie et le tractus gastro-intestinal), résultant des interactions des lymphocytes T dérivés des donneurs contre les antigènes exprimés sur les cellules du receveur hôte. Elle survient chez les patients ayant subis une transplantation de moelle osseuse et de cellules souches hématopoïétiques allogéniques, habituellement 2 semaines après la transplantation. Les cas sévères de GVH présentent des symptômes semblables à ceux du SJS / TEN (clinique et histologique): érythrodermie diffuse, desquamation, bulles, signe Nikolsky positif et ulcérations des muqueuses. Histologiquement, le grade IV (GVH) implique une nécrose épidermique en pleine épaisseur et à des résultats histologiques identiques à ceux de SJS / TEN.
Le contexte clinique permet de différencier la réaction aigue du greffon contre l’hôte du syndrome de Lyell [27].
TEN -Like Lupus ou Lupus – Lyell
Cette entité a été décrite pour la première fois en 2003 [28]. Il s’agit d’une éruption cutanée subaiguë ou aiguë, suivie de lésions bulleuses et d’un clivage épidermique, résultant d’une lésion inflammatoire épidermique de la couche basale due à une extension accrue de la dermatite d’interface caractéristique du lupus érythémateux. Il a été signalé chez des patients atteints d’un lupus érythémateux systémique dont le diagnostic était établi. Contrairement au SJS / TEN, il y a une absence d’atteinte muqueuse [29].
Brulures et bulles chez les patients comateux
Les brulures du second degré, notamment chimiques, et les bulles survenant chez les patients comateux peuvent ressembler à la NET. Les muqueuses ne sont habituellement pas atteintes et la topographie des lésions est limitée aux zones exposées à l’agent brulant ou aux zones de pression chez les patients comateux [18].
DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE
Terrains favorisants
Infection à VIH
Les patients infectés par le VIH présentent une incidence plus élevée de réactions cutanées aux médicaments. Cette augmentation de fréquence est liée d’une part à la polymédication et d’autre part à la baisse de l’immunité.
Au début de l’endémie du VIH, l’incidence de la NET était 1000 fois plus élevée que dans la population générale [10].
Les principaux médicaments responsables de la NET étaient les sulfamides antibactériens (cotrimoxazole), avec un risque estimé à 0,1 % [30, 31, 32]. En Afrique, la thiacetazone, qui est un antituberculeux, était une cause fréquente de NET dans la population VIH. Dans la dernière décennie, la névirapine, qui est un antirétroviral, est devenue la molécule le plus souvent en cause. Le pronostic de la NET est aggravé par l’infection à VIH [33, 34].
La corticothérapie au long cours
Plusieurs études ont montré que la corticothérapie constitue un facteur de risque de survenue de NET. Une étude rétrospective portant sur 179 cas de NET a montré que 13 patients (7,6%) étaient traités par corticothérapie générale avant le début de la NET. Chez ces patients, le délai entre la prise médicamenteuse et le début de la NET est allongé ainsi que le délai entre les premiers symptômes et l’hospitalisation. En revanche, la corticothérapie générale n’empêche pas l’apparition de la NET et ne diminue pas son intensité [35].
Facteurs génétiques
De nos jours, il est identifié un certain nombre de système HLA qui expose à la survenue de syndrome de Lyell concernant certains médicaments. C’est en l’occurrence du système HLA5701 vis à vis de l’Abacavir et du HLAB75 pour la Carbamazépine [69, 70].
Médicaments responsables
La principale cause de la NET est médicamenteuse. Cependant, ce n’est pas la seule car toutes les grandes séries ont rapporté quelques cas survenus sans aucune prise médicamenteuse (Lyell idiopathique). De nombreux médicaments ont été rapportés comme responsables de syndrome de Lyell. En 1993, une revue de la littérature anglophone et francophone a dressé une liste de 146 médicaments responsables de NET [7, 36]. Depuis lors, de nombreux autres médicaments ont été rapportés dont les plus connus sont : la griséofulvine, le fluconazole, le thiabendazole, le methotrexate, la bléomycine et des antibiotiques tels que les quinolones et les tétracyclines. Cependant, pour la plupart de ces médicaments, il ne s’agit que de cas isoles.
Les résultats de l’étude SCAR (Severe Cutanenous Adverse Reactions) ont permis de mieux quantifier la responsabilité de ces médicaments dans la NET. [3, 37]. En comparant les médicaments utilisés chez 245 cas de SJS ou de NET aux médicaments utilises par 1147 témoins, cette étude a montré que le risque de SJS ou de NET était important lors de l’utilisation des sulfamides antibactériens, des anti-comitiaux en particulier la carbamazepine, le phénobarbital et la phénytoine, des AINS de la famille des oxicams, de l’allopurinol et des corticoïdes [18].
En revanche, le risque avec les antibiotiques courants est plus faible, en particulier avec les amino-penicillines dont le risque relatif est comparable à d’autres antibiotiques comme les quinolones, les céphalosporines ou les tétracyclines. (Tableau III)
Depuis cette étude, deux nouvelles molécules semblent être associées à un risque élevé de SJS/NET. Il s’agit de la névirapine et de la lamotrigine. La nevirapine est un anti-retroviral utilisé chez les malades atteints par le VIH. La lamotrigine est un nouvel antiépileptique qui peut entrainer des éruptions cutanées dans 10 % des cas [33, 38, 39].
Traitement symptomatique
La réhydratation
Sa précocité est un déterminant majeur du pronostic. Tout retard peut aggraver le pronostic en favorisant la survenue de défaillances multiviscérales [47]. Le protocole de remplissage des 24 premières heures est de 2ml/Kg/% de la surface cutanée atteinte avec des solutions d’électrolytes. Les solutions d’albumine humaine sont moins utilisées et leurs bénéfices ne sont pas démontrés et leur innocuité est controversée.
Au-delà des 24 premières heures la réhydratation est adaptée au bilan des pertes insensibles et à la diurèse.
Prise en charge de la douleur
Une évaluation systématique de la douleur est effectuée à l’aide d’une échelle numérique. Cette évaluation est répétée toutes les quatre heures et permet d’initier un traitement antalgique adapté [48].
Les douleurs cutanées et muqueuses sont intenses, permanentes et exacerbées lors des soins. Elles majorent le stress. Leur prise en charge se fait avec des doses adéquates de morphine par voie intraveineuse.
Apports nutritionnels
Dans la NET, la prise en charge nutritionnelle est difficile pour plusieurs raisons
– les besoins énergétiques sont élevés en raison des pertes exsudatives, de la réponse hypermétabolique associée et du sepsis.
– la muqueuse gastro-intestinale est atteinte dans 20% des cas, les ulcérations oropharyngées et la douleur entrainent des difficultés d’alimentation et de mise en place de sonde gastrique [49].
Comme dans les brulures, les besoins nutritionnels dépendent du pourcentage de la surface cutanée atteinte [49].
Des apports nutritionnels hypercaloriques et hyperprotidiques sont indispensables pour compenser les pertes protéiques et favoriser la cicatrisation. Ils reposent essentiellement sur l’alimentation entérale continue sous faible débit par sonde gastrique siliconée.
Prévention des infections
Elle se fait par des soins locaux adéquats, effectués par une équipe paramédicale bien formée, avec des gants stériles pour réduire le risque d’infection nosocomiale. Idéalement, les malades doivent être en chambre d’isolement.
Toutes les voies d’abord doivent être changées à intervalles réguliers et mises en culture.
Les antiseptiques tels que la Chlorhexidine à 0,05% et les solutions aqueuses de nitrate d’argent à 0,5%, sont utilisés en bain ou en application locale. Leur efficacité est contrôlée par des cartes bactériennes réalisées tous les 2 jours.
En raison de l’imputabilité fréquente des sulfamides dans la NET, les topiques sulfamides sont à évités. L’antibiothérapie prophylactique à large spectre est à proscrire afin d’éviter la sélection de germes multi-résistants [50]. Les antibiotiques choisis dépendent des germes retrouvés sur les cartes bactériennes et de leur antibiogramme.
Réchauffement
L’élévation de la température extérieure à 30-32 °C, bains chauds de 35 à 38°C, lampe infrarouge et lit fluidisé permettent habituellement le réchauffement. Le lit fluidisé possède également un effet antiseptique, asséchant, améliore le confort du malade et présente des propriétés sédatives. Il est essentiellement indiqué dans les grands décollements du dos et du périnée.
Autres mesures
L’héparinothérapie à dose préventive, les antiacides, l’aspiration bronchique et la kinésithérapie respiratoire sont indispensables.
Traitement local
Par comparaison avec les brulés, certaines équipes débrident chirurgicalement les zones d’épiderme pathologique.
D’autres équipes conservent la couverture épidermique, même médiocre et réalise un recouvrement par des pansements biologiques des zones décollées.
La prise en charge des lésions oculaires et leur surveillance sont réalisés conjointement avec les ophtalmologues: collyres antiseptiques et/ou antibiotiques et ablation régulière des brides conjonctivales permettent habituellement d’éviter les séquelles.
Les bains de bouche sont utilisés pour les lésions endobuccales.
Traitement de fond
Il n’existe pas de traitement spécifique de la NET.
La corticothérapie
La corticothérapie générale, parfois en « bolus », est utilisée par certaines équipes [51]. L’un des protocoles proposés est la thérapie par impulsion intraveineuse de dexaméthasone 1,5 mg / kg (administrée pendant 30 à 60 minutes) pendant trois jours consécutifs [52].
Les immunoglobulines intraveineuses (IGIV)
Des études in vitro ont montré que les immunoglobulines intraveineuses pourraient empêcher le processus d’apoptose en bloquant le récepteur Fas avant que l’interaction Fas/Fas-ligand ne déclenche le processus d’apoptose [53].
La cyclosporine
La cyclosporine inhibe l’activation des lymphocytes T CD8 et possède également une activité anti-apoptotique. Plusieurs publications ont rapportées l’utilisation de la cyclosporine à la dose de 3 à 10 mg / kg par jour. Les patients traités avec la cyclosporine avaient un temps de rémission plus court et un taux de mortalité significativement plus bas [54, 56].
Le traitement par la cyclosporine semble prometteur, mais des essais plus importants sont nécessaires pour confirmer les résultats préliminaires.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
I. HISTORIQUE
II. EPIDEMIOLOGIE
III. DIAGNOSTIC POSITIF
III.1. Manifestations cliniques
III.1.1. Atteintes muqueuses
III.1.2. Lésions cutanées
III.1.3. Atteintes systémiques
III.1.3.1. Atteinte pulmonaire
III.1.3.2. Atteinte digestive
III.1.3.3. Atteinte rénale
III.2. Manifestations paracliniques
III.3. Evolution- Pronostic
III.3.1. Evolution
III.3.2. Pronostic
IV. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
IV.1. Epidermolyse staphylococcique ou Lyell staphylococcique
IV.2. L’Erythème pigmente fixe (EPF) bulleux généralisé
IV.3. Les dermatoses bulleuses auto-immunes
IV.4. La pustuleuse exanthématique aigue généralisée (PEAG)
IV.5. Réaction Aiguë du greffon contre l’hôte (GVH)
IV.6. TEN -Like Lupus ou Lupus – Lyell
IV.7. Brulures et bulles chez les patients comateux
V. DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE
V.1. Terrains favorisants
V.1.2. La corticothérapie au long cours
V.1.3. Facteurs génétiques
V.2. Médicaments responsables
V.3. L’imputabilité
VI. TRAITEMENT
VI.1. Traitement symptomatique
VI.1.1. La réhydratation
VI.1.2. Prise en charge de la douleur
VI.1.3. Apports nutritionnels
VI.1.4. Prévention des infections
VI.1.5. Réchauffement
VI.1.6. Autres mesures
VI.2. Traitement local
VI.3. Traitement de fond
VI.3.1. La corticothérapie
VI.3.2. Les immunoglobulines intraveineuses (IGIV)
VI.3.3. La cyclosporine
VI.3.4. Autres traitements spécifiques
VI.4. Traitement des séquelles
VI.5. Nécrolyse épidermique toxique et utilisation future des médicaments
DEUXIEME PARTIE
I. OBJECTIFS
II. MATERIELS ET METHODES
II.1. Cadre d’étude
II.2. Type d’étude
II.3. Critères d’inclusion
II.4. Critères de non inclusion
II.6. Analyse statistique
III. RESULTATS
III.1. Données générales sur les toxidermies en hospitalisation
III.1.1. Fréquence
III.1.2. Age
III.1.3. Sexe
III.1.4. Formes cliniques
III.2. Résultats syndrome de Lyell
III.2.1. Aspects épidémiologiques
III.2.1.1. Fréquence
III.2.1.2. Répartition du nombre de cas de Lyell en fonction des années .
III.2.1.3. Répartition selon le sexe
III.2.1.4. Répartition selon l’âge
III.2.1.5. Répartition selon l’âge et le sexe
III.2.1.6. Origine géographique
III.2.1.7. Niveau scolaire
III.2.2. Antécédents et terrain
III.2.2.1. Terrains
III.2.2.2. Les médicaments habituellement consommés
III.2.2.3. Allergies médicamenteuses connus
III.2.2.4. Tares familiales
III.2.3. Circonstances de la prise médicamenteuse
III.2.3.1. Indication de la prise médicamenteuse
III.2.3.2. Lieu de prescription du médicament
III.2.3.3. Prescripteur
III.2.4. Médicaments en cause de la survenue du Lyell
III.2.5.1. Délai d’hospitalisation
III.2.5.2. Signes cliniques
III.2.5.3. Signes généraux
III.2.6. Paraclinique
III.2.6.1. Syndrome inflammatoire
III.2.6.2. Hémogramme
III.2.6.3. Troubles ioniques
III.2.6.4. Autres anomalies biologiques
III.2.6.5. Sérologie
III.2.6.6. Tests allergologiques
III.2.7. Evolution
III.2.7.1. Troubles ioniques
III.2.7.2. Complications infectieuses
III.2.7.3. Complications tardives
III.2.7.4. Le décès
III.3. Etude analytique
III.3.1. Facteurs de risque
III.3.1.1. Age
III.3.1.2. Le sexe
III.3.1.3. Corrélation entre la survenue du syndrome de Lyell et taux de lymphocytes
III.3.1.4. Influence de l’automédication sur la survenue du syndrome de Lyell
III.3.2. Facteurs pronostiques
III.3.2.1. Impact du sexe et de l’âge sur la survenue de décès
III.3.2.2. Surface cutanée atteinte et décès
III.3.2.3. Délai d’hospitalisation et décès
IV. DISCUSSION
IV.1. Limites
IV.2. Aspects épidémiologiques
IV.2.1. Fréquence globale
IV.2.2. Age
IV.2.3. Sexe
IV.2.4. Origine géographique
IV.3. Aspects cliniques
IV.3.1. Délai d’hospitalisation
IV.3.2. Atteinte cutanée
IV.3.3. Atteinte muqueuse
IV.4. Etiologie
IV.5. EVOLUTION-PRONOSTIC
CONCLUSION
RECOMMANDATIONS
REFERENCES
ANNEXES
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