Histoire du suicide
Le comportement suicidaire a connu au cours du temps bien des controverses et des explications différentes. Dans l’Antiquité Grecque, il est interdit aux médecins de prescrire un poison pour n’importe quelle raison, afin d’éviter les abus de crime et de suicide. Pour Aristote, le suicide est synonyme de lâcheté, lorsque le sujet y recourt pour tenter de fuir ses souffrances (Ethique à Nicomaque) ; le suicide est condamnable en toute circonstance : « le suicide affaiblit la cité en en retranchant un citoyen utile » (Vandevoorde, 2013). Platon est plus modéré, il considère que le suicide permet un soulagement important surtout en cas de maladie douloureuse et incurable. Il admet le suicide rationnel soumis aux magistrats (Vandevoorde, 2013). Au IVe siècle avant Jésus Christ, Epicure considère que le suicidé doit être compris ; pour lui « le bonheur réside dans le plaisir » et le seul but de l’homme « doit être d’éviter les douleurs et les tourments, quand ils sont intolérables et persistants, le suicide est la ressource suprême. »(Martin Monestier, 1995).
Sous l’Empire romain, au fil du temps, le suicide est de plus en plus approuvé, et ce, sous contrôle du Sénat. Le suicide est alors autorisé pour les citoyens mais il est cependant interdit pour les esclaves. On observe qu’après chaque bataille perdue, elle est immédiatement suivie par un nombre important de suicides. Plus tard, l’Eglise décide que le suicide est une violation des lois divines. Il est donc considéré comme un crime. Vers le Xème siècle et jusqu’XVIIIème siècle, en Europe, le suicidé est excommunié et privé de rites religieux. Le corps du suicidé est même parfois humilié.
Sous le règne de Louis XIV, les corps des hommes du peuple qui se sont suicidés sont humiliés en les trainant dans la rue avant d’être pendus ou jetés et leurs biens confisqués. Quant aux nobles suicidés, ils seront faits roturiers. D’une manière générale, les religions (christianisme, judaïsme, islam) rejettent universellement le meurtre, et donc par extension le meurtre de soi (Caillard et Chastang, 2010). Au cours du XVIIIème siècle, les philosophes se heurtent aux idées de l’Eglise, Morus admet la légitimité du suicide, Schopenhauer le décrit comme seul remède aux maux de la vie. En France, Montaigne, puis Voltaire, et Rousseau écriront aussi en sa faveur (Martin Monestier, 1995).
Grâce à Emile Durkheim à la fin du XIXème siècle, le suicide devient un phénomène uniquement social. En effet, on admet qu’une personne saine d’esprit peut attenter à ses jours pour ses propres raisons. Il effectue une analyse précise et objective des comportements suicidaires dans la société, et y cherche des solutions et des facteurs de risque suicidaires. On peut citer Durkheim (1897) : « On appelle suicide tout cas de mort qui résulte directement ou individuellement d’un acte positif ou négatif, accompli par la victime elle-même, et qu’elle sait devoir produire ce résultat. » C’est une définition moderne du suicide.
En 1958, Scheidman créé le « Los Angeles Center for Suicide Prevention » et pose les bases de la « suicidologie », définit par la recherche scientifique sur le suicide pour comprendre et prévenir le phénomène (Vandevoorde, 2013). En 1961, une première association mondiale pour la prévention du suicide est créée : l’Association Internationale pour la Prévention du Suicide (IASP). Depuis il en existe de nombreuses et notamment en France, SOS Amitié, UNAFAM, GEPS, PHARE Enfants-Parents, Suicide Ecoute, SOS Suicide Phénix, La Porte Ouverte, Le Refuge, Contact, France-Dépression… De nos jours, on trouve de nombreuses structures spécialisées dans le suicide, comme des unités hospitalières prenant en charge spécifiquement ce trouble.
Définitions
Le suicide, vient du mot latin suicidium correspondant à sui « soi » et caedere «tuer». C’est donc une mort causée par soi-même. Il y a délibérément une intention de mourir, à distinguer d’un comportement auto-infligé sans réelle intention létale (automutilation par exemple). Le suicide est synonyme du terme autolyse, du grec αὐτο/auto, signifiant « soimême », et λύσις/lyse, signifiant «destruction ». La tentative de suicide est le passage délibéré à l’acte du suicide. Cependant il n’y a pas nécessairement d’issue fatale. L’acte suicidaire regroupe à la fois le suicide et la tentative de suicide. L’expression est utilisée quand une personne essaie de se suicider ou se suicide avec l’intention de mourir.
Selon l’OMS, « l’acte de se suicider est un attentat contre sa propre personne, avec un degré variable dans l’intention de mourir. Le suicide est un acte suicidaire avec une issue fatale. La tentative de suicide est subdivisée en trois entités : le suicide simulé, le suicide tenté, le suicide manqué. » Les idées suicidaires regroupent n’importe quelles pensées, images, croyances, voix, ou autres cognitions rapportées par une personne concernant la fin de sa vie. Le suicide se présente alors comme une solution à sa situation ou bien à sa douleur morale que la personne trouve insupportable.
Le suicidaire est l’individu ayant des idées ou exprimant des menaces de suicide.
Le suicidant est un individu ayant déjà réalisé au moins une tentative de suicide.
Le suicidé est celui qui s’est donné la mort volontairement.
La crise suicidaire est définie comme une crise psychique dont le risque majeur est le suicide par l’Agence Nationale d’Analyse et d’Évaluation des Soins (ANAES) en 2000. C’est un état psychique réversible, qui peut durer plusieurs semaines, d’où l’importance de la prévention du suicide. Il est difficile de la diagnostiquer, et cela requiert une surveillance importante, dans laquelle tout professionnel de santé y trouve son rôle. L’idéation suicidaire peut être définie comme un cheminement de pensées chez un patient concernant un désir et une méthode de suicide (Courtet, 2010). La « suicidalité » regroupent différentes caractéristiques cognitives et comportementales tels que les pensées suicidaires, l’idéation suicidaire, le plan, les tentatives de suicide et le suicide accompli (Courtet, 2010).
Le taux de suicide est un marqueur souvent utilisé pour quantifier le suicide dans différentes régions ; il correspond au nombre de suicides pour 100 000 habitants. Les phénomènes iatrogènes sont des troubles provoqués par un acte médical ou par les médicaments, même en l’absence d’erreur d’un médecin. L’iatrogénie médicamenteuse regroupe les effets indésirables et parfois mortels des médicaments.
Épidémiologie sur le suicide
Le suicide dans le monde
Données relatives au suicide
Environ 800 000 personnes se donnent la mort par suicide dans le monde chaque année. En 2012, on comptait 804 000 suicides aboutis, ce qui correspond à un suicide toute les quarante secondes environ. Le taux de suicide est de 11,4 suicides pour 100 000 habitants (soit 15 chez les hommes, et 8 chez les femmes (Organisation mondiale de la santé, 2014). Le suicide est la treizième cause de décès à l’échelle de la planète (Vandevoorde, 2013). Cependant, ces chiffres sont sous-estimés dans certains pays. Cela serait dû à plusieurs raisons, comme le fait que le suicide soit mal perçu par la population, soit illégal, que les procédures d’enregistrement de décès soient plus complexes ou bien que les pays ne disposent pas d’un état civil complet. Les régions du monde où l’on retrouve un taux de suicide parmi les plus élevés en 2012 sont le Guyana (44,2), la Corée du Nord (38,5), la Corée du Sud (28,9), l’Inde (21,1), la Russie (19,5) et les pays de l’Ouest de l’Europe, le Japon (18,5), et enfin l’Est de l’Afrique du Soudan (17,2), au Mozambique (27,4). A l’inverse, on note que les pays les moins touchés, sont ceux du Maghreb, du Moyen-Orient, d’Afrique du Sud, d’Indonésie, et d’Amérique centrale.
On observe aujourd’hui, si l’on compare pour le monde entier, la richesse mesurée par le niveau du PIB en fonction du taux de suicide, que plus un pays est riche, plus le taux de suicide est élevé (Baudelot, 2006)(Courtet, 2013). Cependant, en 2012, les pays à revenu faible et intermédiaire regroupent 75,5% du nombre total de suicides, puisqu’ils concentrent la plus grande partie de la population mondiale. Et cela même si le taux de suicide est supérieur dans les pays à revenu élevé (Organisation mondiale de la santé, 2014).
Données relatives aux tentatives de suicide
En ce qui concerne les tentatives de suicide, on évalue leur nombre à vingt fois plus élevé que les suicides aboutis. L’OMS a effectué différentes enquêtes sur la santé mentale. Au cours de ces enquêtes, la prévalence des tentatives de suicide dans la population générale a pu être estimée de différentes manières.
Une première enquête basée sur une auto-déclaration des comportements suicidaires a permis d’estimer la prévalence des personnes âgées de 18 ans ou plus (étude menée entre 2001 et 2007) ayant fait une ou plusieurs tentatives de suicide au cours des douze derniers mois à 0,3% chez les hommes et femmes dans les pays à revenu élevé, 0,3% chez les hommes et 0,6% chez les femmes dans les pays à revenu intermédiaire, et de 0,4% pour les deux sexes dans les pays à revenu faible. Cette étude était menée grâce à des données provenant de dix pays à revenu élevé (échantillon de 52 484 personnes), six pays à revenu intermédiaire (au total 25 666 personnes) et cinq pays à revenu faible (portant sur 31 227 personnes au total)(Organisation mondiale de la santé, 2014). L’autre moyen de collecter des données sur les tentatives de suicide est de les rassembler auprès des services d’hospitalisation (urgences ou consultations externes des établissements de santé). Il n’existe cependant aucune uniformisation de l’enregistrement de ces données, et leur fiabilité est plus faible. De telles données ont pu être récupérées dans seulement quatre pays qui sont la région flamande de Belgique, l’Irlande, les Etats-Unis, et la Suède. La létalité des comportements suicidaires variait de 4,7% (en Suède) à 17,8 % en région flamande (Organisation mondiale de la santé, 2014).
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Table des matières
1 Introduction
2 Chapitre 1 : Généralités
2.1 Histoire du suicide
2.2 Définitions
2.3 Épidémiologie sur le suicide
2.3.1 Le suicide dans le monde
2.3.2 Le suicide dans l’Union Européenne
2.3.3 Le suicide en France
2.3.4 Le suicide en Haute-Normandie
2.4 Mode de suicide
2.5 Facteurs de risques et facteurs protecteurs 43
2.5.1 Tentatives de suicide, idéations suicidaires antérieures
2.5.2 Suicide et troubles psychiatriques
2.5.3 Suicide et autres pathologies
2.5.4 Suicide et adversité sociale
2.5.5 Suicide et genre
2.5.6 Suicide et Age
2.5.7 Suicide et génétique
2.5.8 Suicide et travail
2.5.9 Suicide et saison, rythme circadien
2.5.10 Suicide et médicaments
2.5.11 Facteurs de protection
2.5.12 Suicide et religion
2.5.13 Suicide et autres
2.5.14 Interaction entre facteurs (cumul…)
2.5.15 Facteurs de risque du suicide versus tentatives de suicide
2.6 Tentatives de suicide en France
2.6.1 Épidémiologie
2.6.2 Prise en charge et traitement
2.6.3 Prévention
2.7 Tentatives de suicide par médicaments
2.7.1 Prise en charge du patient
2.7.2 Traitement aigu
2.7.3 Médicaments les plus retrouvés
2.7.4 Evolution
2.8 Délivrance des médicaments, en statistiques
2.8.1 En France
3 Chapitre 2 : Etude de cas
3.1 Matériels et Méthodes
3.2 Résultats et Discussion
3.2.1 Présentation de la population observée
3.2.2 Analyse des médicaments ingérés
3.3 Limites
3.4 Conclusion
4 Conclusion
BIBLIOGRAPHIE