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Epidémiologie, physiopathologie, sémiologie et traitement de l’angor stable
° Epidémiologie
La prévalence et l’incidence de l’angor stable sont difficiles à évaluer et varient suivant les études, en fonction de la définition qui est utilisée 8.
La prévalence de l’angor stable augmente avec l’âge dans les deux sexes : de 5 – 7% chez les femmes âgées de 45 – 64 ans à 10 – 12% chez les femmes âgées de 65 – 84 ans et de 4 – 7% chez les hommes âgés 45 – 64 ans à 12 – 14% chez les hommes âgés de 65 – 84 ans 8, 17.
L’incidence annuelle de l’angor stable est environ de 1% dans les populations occidentales chez les hommes âgés de 45 – 65 ans, avec une fréquence légèrement plus élevée chez les femmes âgées de 45 – 65 ans. Il existe une forte augmentation de l’incidence avec l’âge chez les hommes et les femmes âgés de 75 – 84 ans, atteignant près de 4% 8, 17-18.
° Physiopathologie
Différents mécanismes physiopathologiques sont impliqués dans l’angor stable :
– une obstruction athéromateuse sur une ou plusieurs artères coronaires,
– un spasme focal ou diffus d’une ou plusieurs artères coronaires normales ou athéromateuses,
– une dysfonction micro – vasculaire 8. (Figure 2)
Ainsi, l’angor stable correspond le plus souvent à une aggravation lente et progressive d’une lésion athéromateuse stable. L’ischémie myocardique et l’hypoxie dans l’angor stable sont causées par un déséquilibre transitoire entre l’apport de sang et la demande métabolique 8.
° Clinique
La douleur thoracique de l’angor stable est habituellement une douleur survenant à l’effort et cédant à l’arrêt de l’effort dans le cadre d’un angor d’effort, habituellement médio – thoracique, rétrosternale, possiblement latéro – thoracique gauche, irradiant vers le membre supérieur gauche et/ou le cou et la mâchoire 8, 14, 19. Il s’agit d’une douleur constrictive, en « étau », à type de pesanteur, semblable à un « coup de poignard » 3, 8, 14, 19. Elle est souvent trinitro – sensible, ce qui peut être mis en évidence par la prise de Trinitrine sublinguale, entrainant une régression partielle ou complète de la douleur 8, 20, 21. Cependant, il faut garder à l’esprit qu’il existe des formes tout à fait atypiques (siège latéro – thoracique droit ou épigastrique, à type de brûlures ou de
picotements…) 2, 8, 9, 22. (Figure 3)
La présence de plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire renforce la suspicion d’angor stable et donc d’une origine coronarienne de la douleur 2, 8, 23.
° ECG
Les examens complémentaires sont généralement peu informatifs en dehors des crises. L’ECG de repos est le plus souvent normal. On s’attachera cependant à rechercher l’existence de séquelles d’ischémie ou de nécrose myocardique à l’ECG (ondes T négatives, ondes Q) 8, 9, 24.
° Troponine
Chez un patient hospitalisé aux Urgences, le dosage biologique des marqueurs d’ischémie myocardique : CPK, fraction MB des CPK (non dosés en systématique au Centre Hospitalo – Universitaire (CHU) de Rouen), Troponine I (non dosée au CHU de Rouen) ou Troponine T (ultrasensible) sera réalisé et aura une valeur à la fois diagnostique et pronostique. Celle – ci sera le plus souvent normale. 8, 25-29.
° Traitement
L’hospitalisation n’est pas obligatoire. En externe, un coroscanner, une épreuve d’effort ou un test ischémique (échographie d’effort ou dobutamine, scintigraphie myocardique, IRM cardiaque) seront alors recommandés en vue de confirmer le diagnostic, stratifier le risque et discuter d’une éventuelle revascularisation coronaire 8.
Epidémiologie, physiopathologie, sémiologie et traitement de l’angor instable et du SCA
Ce sont l’ECG et la Troponine qui permettent de classer une douleur thoracique angineuse en angor instable, syndrome coronarien aigu sans sus décalage du segment ST (SCA ST-) ou syndrome coronarien aigu avec sus décalage du segment ST (SCA ST +) 5, 6. (Figure 4)
° Epidémiologie
Les données des registres montrent que le SCA ST – est plus fréquent que le SCA ST + (IDM). L’incidence annuelle du SCA ST – est de 300 pour 100.000 habitants, contre 70 pour 100.000 habitants pour le SCA ST + 5, 6, 30-36.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), sur 50 millions de décès annuels dans le monde, les cardiopathies ischémiques sont la première cause de mortalité toutes causes confondues avec 7,2 millions de décès d’origine coronaire (12,8% des décès toutes causes confondues) 5, 6, 30-36.
° Physiopathologie
Le SCA résulte d’une thrombose coronaire aiguë (persistante en cas SCA ST +) secondaire à une rupture de plaque d’athérome entrainant l’agrégation plaquettaire puis l’occlusion coronaire, concomitante ou non d’une vasoconstriction, provoquant une réduction brusque critique du flux sanguin.
Cette rupture de plaque survient à partir d’une lésion athéromateuse préexistante. Dans le processus complexe de la rupture de la plaque, l’inflammation est un élément clé physiopathologique 5, 6, 37, 38.
La plaque d’athérome est un épaississement localisé au niveau de l’intima artérielle et se compose de deux parties : le corps lipidique au centre de la plaque (les lipides sont localisés à l’intérieur de monocytes et de macrophages spumeux) et une chape fibreuse entourant le corps lipidique (faite de cellules musculaires lisses et de collagène) 5, 6, 37, 38. On distingue la plaque « dure » très riche en collagène et pauvre en lipides et la plaque « molle » riche en lipides et recouverte d’une mince chape fibreuse 5, 6, 37, 38. Cette chape fibreuse est souvent plus fine sur les bords de laplaque, instable et donc susceptible de s’ulcérer et de se rompre plus facilement 5, 6, 37, 38. La rupture de cette chape entraîne une dissection de l’intima par introduction de sang luminal dans le cœur lipidique de la plaque 5, 6, 37, 38. Un thrombus intracoronaire riche en plaquettes mais aussi en globules rouges et fibrine se forme dans l’intima aboutissant à une expansion de la plaque 5, 6, 37, 38. Au niveau du site de rupture de plaque, un thrombus se forme sans occlure initialement la lumière 5, 6, 37, 38. L’évolution secondaire sera soit l’occlusion complète de l’artère, soit la dissolution du thrombus, soit une cicatrice de fissuration avec stabilisation de la plaque devenant cependant plus volumineuse 5, 6, 37, 38. (Figure 5)
Le mécanisme de formation d’un thrombus est lié soit à une rupture / fissuration de plaque, soit à une érosion de plaque :
– la rupture / fissuration de plaque est impliquée dans plus de 85% des thrombi chez des hommes ayant une dyslipidémie 39, mais également dans la mort subite survenant pendant l’effort 40. Elle est liée à une déchirure de la plaque avec exposition du cœur lipidique thrombogène à la lumière artérielle. Le thrombus se forme au sein de la plaque puis s’étend vers la lumière artérielle. Ces lésions tendent à être plutôt excentriques.
– l’érosion est retrouvée dans 50% des thrombi chez les femmes. Dans ce cas, il y a une dénudation endothéliale sur un segment athéromateux concentrique avec un thrombus qui sera adhérent sur la plaque 41. Ces érosions sont le plus souvent associées à des micros – embols distaux notamment dans les vaisseaux de taille inférieure à 120 microns, en comparaison à la rupture de plaque 41. Notons qu’en cas d’érosion, la plaque est macroscopiquement intacte.
La vulnérabilité d’une plaque dépend plus de son type que de sa taille. Certains facteurs augmentent cette vulnérabilité : un large cœur lipidique (plus de 50% du volume de la plaque), une chape fibreuse fine, une accumulation de cellules inflammatoires.
Les études autopsiques montrent une absence de corrélation entre la sévérité de la plaque et sa vulnérabilité, ce qui explique que le caractère serré des lésions évaluées par la coronarographie est faiblement prédictif de l’évolution vers une occlusion coronaire 42. Des études angiographiques ont montré que 68% des occlusions surviennent sur des lésions jugées auparavant comme de taille inférieure à 50% 43.
Les conséquences myocardiques sont la destruction cellulaire se propageant de l’endocarde jusqu’à l’épicarde 5, 6, 37, 38. Cette destruction est rapide, débutant 30 à 45 minutes après le début de la thrombose, et en moyenne 50% de la zone à risque est détruite en 2 heures et 80% en 12 heures 5, 6, 37, 38. Cette vitesse de destruction est cependant variable d’un patient à l’autre car dépendante de la circulation collatérale 5, 6, 37, 38.
La nécrose myocardique entraine le plus souvent une altération de la fonction ventriculaire gauche, plus ou moins importante selon l’étendue de la nécrose 5, 6, 37, 38. Si la nécrose myocardique est rapidement irréversible, il peut parfois persister des territoires ischémiques viables, pouvant récupérer après revascularisation myocardique 5, 6, 37, 38. La conséquence de cette nécrose est l’apparition d’une zone myocardique fibreuse non contractile (akinétique) et donc une altération de la fraction d’éjection du ventricule gauche 5, 6, 37, 38.
° Clinique
La douleur thoracique du SCA est caractérisée par son début brutal, spontané, au repos, souvent nocturne, sa résistance à la Trinitrine et sa durée prolongée (souvent supérieure à 20 minutes) 5, 6. Il s’agit habituellement d’une douleur de repos, médio – thoracique, rétrosternale, constrictive, en étau, à type de pesanteur, semblable à un « coup de poignard », irradiant dans le membre supérieur gauche et/ou le cou et la mâchoire 5, 6, 44-46. (Figure 6)
Cette douleur thoracique peut être atypique ou accompagnée de signes digestifs à type de nausées ou de vomissements (notamment dans les infarctus inférieurs) 5, 6, 22, 47.
Le SCA peut être également « silencieux » (indolore), notamment chez les patients diabétiques 5, 6. La présence de plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire renforce la suspicion de SCA et donc d’une origine coronarienne de la douleur 5, 6, 23.
° ECG
Le diagnostic est conforté par l’ECG qui peut montrer l’apparition d’ondes T symétriques positives dans le territoire ischémique, suivie de l’apparition d’ondes de Pardee (sus décalage du segment ST, convexe, dans au moins deux dérivations consécutives) avec un miroir dans les dérivations opposées en cas de SCA ST + récent, qui évolueront sans traitement vers l’apparition d’ondes T négatives puis d’ondes Q de nécrose 5, 6, 46, 48-54.
En cas de SCA ST -, l’ECG peut être normal, montrer des ondes T négatives ou un sous décalage du segment ST 5, 6, 46, 48-50, 56.
° Troponine
Le diagnostic est facilité par le dosage biologique des marqueurs d’ischémie myocardique : CPK, fraction MB des CPK (non dosés en systématique au CHU de Rouen), Troponine I (non dosée au CHU de Rouen) ou Troponine T (ultrasensible). Celle – ci est alors supérieure à la normale, beaucoup plus élevée en cas de SCA ST + (où se produit une véritable ischémie myocardique prolongée) qu’en cas de SCA ST – 5, 6, 57-66.
° Traitement
Le diagnostic de SCA est urgent devant la nécessité de la mise en place d’un traitement approprié urgent (anti – agrégants plaquettaires, héparine, statine, bêta – bloquants +/- IEC) et d’une revascularisation coronaire urgente dans le cas d’un SCA ST +, semi – urgente (dans les 24 à 48 heures) dans le cas d’un SCA ST – sauf si à haut risque ischémique, avec dans la plupart des cas une angioplastie et une mise en place d’une endoprothèse (stent) dans l’artère coronaire responsable dans le cadre d’une hospitalisation aux Soins intensifs de Cardiologie , 6, 67-72. (Figure 7)
Algorithme décisionnel devant une douleur thoracique suivant les recommandations de l’ESC en 2013
Suivant les recommandations de l’ESC en 2013, la conduite à tenir devant une douleur thoracique est résumée dans l’algorithme suivant 8 : (Figure 8)
Objectifs de l’étude
Compte tenu des étiologies diverses des douleurs thoraciques, de la fréquence et de la gravité potentielle du SCA, celles – ci représentent un réel problème de santé publique avec la nécessité d’un diagnostic précoce pour la mise en place d’un traitement médicamenteux approprié urgent et d’une revascularisation coronaire efficace urgente ou semi – urgente.
L’objectif principal de cette étude descriptive était de : déterminer quels étaient les facteurs prédictifs cliniques, électrocardiographiques et biologiques aux Urgences impliqués dans une hospitalisation en Cardiologie chez tous les patients ayant consulté pour une douleur thoracique aux Urgences médicales du CHU Charles Nicolle de Rouen pendant 1 mois.
Les objectifs secondaires étaient de :
– réaliser une « photographie » des Urgences à un moment M afin de déterminer la prévalence des douleurs thoraciques d’origine cardiaque aux Urgences du CHU Charles Nicolle de Rouen,
– déterminer le pourcentage de patients consultant de façon spontanée aux Urgences sans consultation préalable auprès de leur médecin traitant (un pourcentage élevé pouvant expliquer la sur – fréquentation des Urgences à Rouen et en France),
– évaluer la qualité des soins pour les patients consultant pour douleur thoracique aux Urgences : prise en charge puis orientation dans les différents services de soins ou pour leur retour à domicile en les contactant par téléphone à un mois dans le cadre d’un suivi,
– confirmer le problème de démographie médicale en Haute – Normandie en déterminant le pourcentage de patients ayant revu leur médecin généraliste et un cardiologue à 1 mois,
– déterminer l’utilité éventuelle d’un Centre de douleur thoracique au CHU Charles Nicolle de Rouen,
– établir un score permettant aux Urgences d’orienter précocement un patient se présentant pour une douleur thoracique en Cardiologie.
Ainsi, tous les patients ayant consulté aux Urgences médicales du CHU Charles Nicolle de Rouen pour une douleur thoracique pendant un mois (du 7 octobre au 7 novembre 2013) ont été inclus puis joints par téléphone à 1 mois de leur consultation aux Urgences afin de déterminer leur devenir.
MATERIELS ET METHODES
Inclusion
L’étude observationnelle, prospective, unicentrique a donc été réalisée aux Urgences médicales du CHU Charles Nicolle de Rouen du 7 octobre au 7 novembre 2013.
Tous les patients consécutifs ayant consulté aux Urgences durant cette période avec comme motif principal une douleur thoracique ont été inclus dans l’étude.
Il a été constaté 380 entrées aux Urgences médicales pour douleur thoracique durant cette période, soit 372 patients différents. En effet, 6 patients ont consulté deux fois aux Urgences durant cette période pour douleur thoracique et 1 patient trois fois.
Recueil
Il avait été remis aux médecins urgentistes (externes, internes, chefs de
cliniques, praticiens hospitaliers) un questionnaire comprenant : (Figure 9)
– les caractéristiques générales : nom, prénom, sexe, date de naissance, date d’entrée aux urgences du patient, numéro de CPAGE (codage informatique de chaque patient), numéros de téléphone (fixe et portable),
– les antécédents personnels cardiologiques : les antécédents ou non de cardiopathie ischémique, les facteurs de risque cardiovasculaire : un tabagisme actif ou sevré, une dyslipidémie, une hypertension artérielle (HTA), un diabète, un surpoids (défini comme un Indice de Masse Corporelle (IMC) supérieur à 25 kg/m²), une coronaropathie familiale,
– le mode d’arrivée aux Urgences (amené par le SAMU ou les pompiers, adressé par le médecin traitant ou arrivant directement de son domicile),
– les caractéristiques de la douleur thoracique (la durée, l’intensité, la trinitro – sensibilité, constrictive ou non, la localisation médio – thoracique, rétrosternale, l’irradiation dans le bras gauche, le cou, la mâchoire, le dos, l’augmentation à l’inspiration profonde, la présence au repos et / ou à l’effort, la similarité avec une douleur thoracique antérieure, coronarienne ou non),
– le traitement habituel cardiologique (antiagrégants plaquettaires (Kardégic®, Plavix® (Clopidogrel), Efient® (Prasugrel), Brilique® (Ticagrelor)), Statine, Bêta – bloquants, Inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC)),
– la description de l’ECG (per critique ou non, normalité ou anormalité, sus décalage du segment ST, sous décalage du segment ST, négativation des ondes T, onde Q de nécrose),
– le dosage de la Troponine T ultrasensible (un seul dosage ou un cycle avec un deuxième dosage à trois heures du premier),
– la demande éventuelle de l’avis de l’interne de cardiologie de garde, s’étant déplacé ou par téléphone,
– le diagnostic final, le mode de sortie (domicile, hospitalisation dans un service, notamment en Cardiologie),
– le traitement de sortie.
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Table des matières
I) Introduction
a. Démarche diagnostique devant une douleur thoracique
b. Etiologies des douleurs thoraciques
c. Epidémiologie, physiopathologie, sémiologie et traitement de l’angor stable
d. Epidémiologie, physiopathologie, sémiologie et traitement de l’angor instable et du SCA
e. Algorithme décisionnel devant une douleur thoracique (suivant les recommandations de l’ESC en 2013)
f. Objectifs de l’étude
II) Matériel et Méthodes
a. Inclusion
b. Recueil
c. Suivi à 1 mois
d. Analyse statistique
III) Résultats
a. Recueil
b. Analyse démographique
c. Mode d’arrivée aux Urgences
d. Sémiologie de la douleur thoracique
e. Electrocardiogramme
f. Evaluation biologique
g. Avis spécialisé cardiologique
h. Devenir des patients
i. Devenir des patients ayant consulté plusieurs fois
j. Diagnostics de sortie
k. Traitement de sortie des patients ayant eu un SCA
l. Suivi à 1 mois
m. Facteurs prédictifs d’hospitalisation en Cardiologie…
n. Score prédictif d’hospitalisation en Cardiologie
IV) Discussion
a. Epidémiologie
b. Facteurs de risque cardiovasculaire
c. Facteurs prédictifs d’hospitalisation en Cardiologie
d. Mode d’arrivée aux Urgences
e. Evaluation biologique
f. Suivi à 1 mois
g. Intérêt d’un Centre de douleur thoracique?
h. Problèmes de démographie médicale en
Haute – Normandie
i. Score prédictif d’hospitalisation en Cardiologie
j. Biais
V) Conclusion
VI) Bibliographie
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