Les cancers posent un véritable problème de santé publique à cause de leur grande fréquence et de leur pronostic grave. On estime sur la base des données d’incidence et de mortalité les plus récentes à 10,1 millions le nombre de nouveaux cas de cancer, et à 6,2 millions le nombre de décès par cancer dans le monde [20]. Il existe de grandes disparités de fréquence et de répartition des cancers entre pays développés et pays en développement. L’incidence des cancers a été longtemps sous-estimée dans beaucoup de pays sous-développés à cause du manque de moyens diagnostiques. De plus, tous les cas ne sont pas notifiés à cause du problème de la gestion des registres des cancers qui sont soit insuffisants, soit encore inexistants dans certains pays. Enfin, les maladies non transmissibles (maladies cardiovasculaires, cancers), malgré leur grande fréquence, ne constituent pas des préoccupations majeures de la médecine dans ces pays pauvres où les maladies infectieuses et parasitaires telles que le paludisme, la tuberculose et le SIDA, représentent, par leur très grande fréquence, les dangers les plus imminents. En Afrique subsaharienne, il existe une grande disparité de répartition des cancers. Les données disponibles en Afrique de l’ouest montrent une forte incidence du cancer du foie dans cette région, et une grande fréquence des cancers du col de l’utérus.. Au Sénégal, malgré les résultats du registre de Dakar de 1974 [70], et l’étude de SANKALE sur la répartition des cancers dans les hôpitaux de Dakar entre 1960 et 1970 [57], la distribution et la fréquence de tous les cancers restent peu connues.
LES SOURCES EN EPIDEMIOLOGIE
L’épidémiologie cancérologique prend naissance en Angleterre dès 1629 avec la tenue des registres d’état civil indiquant les causes de décès « bills of mortality ». En France, ce n’est qu’en 1840 que les premières études statistiques sur la fréquence du cancer dans la région parisienne sont publiées par FANCHOU. A partir de 1930, sont définies les bases de l’étude épidémiologique moderne des cancers .
DEFINITION DE L’ EPIDEMIOLOGIE
L’épidémiologie est l’étude de la distribution des maladies et des facteurs qui contrôlent leur fréquence (qui?), leur répartition géographique (où?), leur histoire naturelle (quand?). L’épidémiologie décrit la situation de la maladie au niveau d’une population, et permet de générer un certain nombre d’hypothèses étiologiques. L’épidémiologie descriptive fait appel à l’utilisation des indicateurs de santé permettant d’apprécier l’état de santé des populations. La nécessité de comparer les valeurs de ces indicateurs (entre populations, dans le temps) justifie l’utilisation de taux standardisés [55]. La standardisation consiste à appliquer ces taux (spécifiques par tranches d’âge), observés dans une population étudiée, aux effectifs des classes d’âge d’une population de référence, puis d’en déduire les taux qui auraient pu être observés dans cette population de référence .
DONNEES DES ETUDES EPIDEMIOLOGIQUES
Les données statistiques jouent un rôle essentiel dans l’établissement et le développement des politiques de santé, l’identification des programmes de lutte contre le cancer, les décisions sur les priorités de prévention et de traitement, et dans leur évaluation [42].
L’origine des données utilisées pour les études épidémiologiques revêt une importance considérable, tant elle est source de biais statistiques [24].
DONNEES DE MORTALITE
Elles sont fondées sur le dénombrement des décès selon la cause, elles existent dans tous les pays et ont été utilisées avec succès. Ces données dérivent de registres de décès où le fait et la cause de décès sont certifiés généralement par un médecin. La Classification Internationale des Maladies (CIM) fournit un système uniforme de codification et de nomenclature. L’exploitation des causes de décès est confiée à des organismes. Cependant, si le dénombrement des décès est réalisé de façon rigoureuse, la déclaration des causes reste plus imprécise (la cause de la mort et les circonstances favorisantes du décès sont rarement univoques, le diagnostic de cancer peut être insuffisamment documenté.). Les statistiques de mortalité restent une des bases fondamentales des études épidémiologiques. Elles permettent une surveillance relativement efficace de la fréquence des cancers pour lesquels la mortalité est importante. Elles n’ont pas trop d’utilité pour les cancers dont la mortalité est faible, tels que les cancers de la peau, ou dont l’évolution est profondément modifiée par le traitement, tels que les lymphomes ou les leucémies. Le grand avantage des statistiques de mortalité est leur disponibilité. En 1990, près de 42% de la population mondiale était couverte par des registres de décès produisant des statistiques de mortalité par cancer [43]. Mais les registres n’ont pas la même qualité dans tous les pays. Dans certains pays, la couverture de la population est incomplète et les taux de mortalité produits sont moindres, dans d’autres la qualité des informations des causes de décès est mauvaise.
DONNEES DE MORBIDITE
Les statistiques de morbidité sont fondées sur le dénombrement de tous les cas de cancers apparaissant (incidence) ou existant (prévalence) à un moment donné. L’enregistrement exhaustif et permanent des nouveaux cas de cancers, effectué à partir d’organismes de soins dans une région géographique donnée, constitue un registre des cancers. Les premiers essais de dénombrement des cancers sont identifiés à Londres en 1728 et le premier registre des cancers est présenté en 1844 par Rigoni STERN à Vérone (1760-1839). Ce dernier comparait l’incidence des cancers du sein et celle des cancers de l’utérus chez les femmes mariées ou célibataires. Les registres, sous leur forme actuelle, ont vu le jour à Hambourg (Allemagne) en 1927, et dans le Massachusetts (USA) une année plus tard. Ces pays ont été suivis par la Grande Bretagne en 1930, le Connecticut (USA) et la Colombie Britannique (Canada) en 1935, New York en 1940 et le Danemark en 1942 [27]. Le dernier volume de Cancer Incidence In Five Continents de l’International Agency for Research on Cancer (IARC) de l’organisation mondiale de la santé, paru en 2002, recense 230 registres des cancers répartis dans 58 pays dans le monde [48]. Il existe plusieurs types de registres en fonction du nombre de localisations tumorales recensées (une, quelques unes ou toutes), de la source des informations (basée ou non sur toute la population), du type de recueil et surtout de son but général (application ou recherche).
– Registres nationaux ou régionaux
Ce sont en théorie les documents les plus fiables. Le caractère prospectif de tels registres permet l’enregistrement et la validation de la majorité des données relatives au cancer. La pesanteur et le coût de ces registres de population ne doivent pas être sous-estimés. Le nombre important de données impose l’emploi de matériel informatique puissant et le recours à un personnel qualifié. Des contrôles de cohérence, d’homogénéité de la saisie et de l’expression des données sont nécessaires. Le plus souvent, le registre des cancers couvre certaines régions [43]. Aux EtatsUnis, ces registres sont souvent étatiques collectant les données de toute une population. En France, des registres ont été ouverts dans plusieurs départements [27]. Dans les pays en développement en particulier, la couverture est souvent confinée au niveau de la capitale et de ses environs [43]. La qualité d’un registre se mesure à la proportion de cas collectés par rapport à l’ensemble des cas, d’où la nécessité de recourir à toutes les sources possibles d’information (laboratoires d’anatomopathologie, hôpitaux publiques et privés, centres anticancéreux, spécialistes et généralistes, caisse d’assurance maladie, données de mortalité) [27]. Selon les estimations de 1990, environ 18 % de la population mondiale est couverte par des registres dont 64% pour les pays développés et 5% pour les pays en développement. Néanmoins, cette situation change d’année en année [43].
– Registres hospitaliers
Ils reposent sur l’enregistrement de données fournies par les hôpitaux. Ces registres donnent des enseignements précis sur l’histologie, l’extension de la tumeur, la surveillance des patients, la valeur des moyens diagnostiques ou thérapeutiques dans un type de cancer. Ils comportent cependant des biais importants dans la répartition des cancers selon l’âge, l’origine géographique, la catégorie socioprofessionnelle des sujets atteints. Leur intérêt est donc limité sur le plan strict de l’épidémiologie descriptive. En l’absence de registre de population et de statistique de mortalité, quelques notions sur le profil du cancer, dans un pays ou une région, peuvent être obtenues à partir des registres hospitaliers qui fournissent notamment des informations sur la fréquence relative de différents types de cancer, l’âge et le sexe des patients. Ils peuvent répertorier les cas reçus sur une période donnée mais du fait qu’ils ne peuvent être décrits comme une population à risque, il est impossible de calculer l’incidence. Ces données donnent une indication sur l’importance relative de différents cancers, mais posent un problème dans l’extrapolation des résultats sur la population générale, et présentent différentes formes de biais de sélection. Les séries hospitalières incluent les cas pour lesquels les thérapeutiques sont disponibles et souvent excluent les cancers avancés ou incurables [42,43]. Les séries anatomopathologiques sont similaires aux séries hospitalières, mais ne comprennent que les informations sur le diagnostic histologique des cancers. Il est possible d’inclure tous les diagnostics histologiques dans une population (plusieurs registres nationaux anatomopathologiques ont été créés) [43].
– Registres autopsiques
Ils ne sont pas représentatifs de la population générale. En effet les autopsies ne sont pas systématiques, même chez les sujets décédés à l’hôpital. Néanmoins, ils apportent des renseignements précieux sur la latence de certains cancers, sur leur extension anatomique et permettent de définir éventuellement une stratégie de diagnostic précoce, voire de dépistage.
– Registres particuliers
Ils recensent les informations spécifiques à une localisation tumorale ou répondent à un but précis (registre de sarcomes osseux, registre des lymphomes de Burkitt, registre français des mésothéliomes, registre des cancers des voies aérodigestives supérieures de la région du Nord de la France) .
STATISTIQUES DE SURVIE
Les statistiques de survie sont obtenues soit activement, soit en confrontant les certificats de décès aux cancers notifiés et en supposant que les cas restants sont en vie. Ces chiffres sont disponibles dans beaucoup de régions dans les pays développés, comme le SEER Programm (Surveillance Epidemiology and End Results Programm) qui couvre 10% de la population américaine, Eurocare II qui comprend 17 pays européens. Des données de survie pour les populations de Chine, de Philippines, de Thaïlande, d’Inde et de Cuba sont publiées par SANKARANARAYANA .
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Table des matières
I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME