Epidémiologie et rôle pathogène des dermatophytes isolés

Mycoses habituellement bénignes, les dermatophytoses, du fait de leur large distribution dans le monde et le règne animal, et de leurs caractéristiques épidémiologiques, revêtent une importance que justifient les investigations réalisées dans ce domaine. Certaines espèces de dermatophytes sont des parasites obligatoires de l’homme ou des animaux, d’autres en sont des parasites occasionnels ou accidentels. Les infections dues aux dermatophytes engendrent des réactions très variables de la part de l’hôte, pouvant aller de discrètes manifestations cliniques à des plus sévères [9].

GENERALITES SUR LES DERMATOPHYTES

DEFINITION

Les dermatophytes sont des champignons microscopiques filamenteux, pourvus d’un pouvoir pathogène vis-à-vis de l’homme et des animaux. Ils vivent aux dépens de la kératine et, sont responsables de lésions plus ou moins accusées au niveau des phanères et de la couche cornée de l’épiderme [9]. Ces lésions superficielles et contagieuses, sont connues sous le nom de dermatophytoses et peuvent être soit :
● des lésions de la peau glabre
● des teignes du cuir chevelu et des poils
● des atteintes unguéales.

Les dermatophytes peuvent en outre être responsables de manifestations allergiques appelées dermatophytides ou trichophytides. Enfin, exceptionnellement, ils peuvent envahir les tissus profonds et être à l’origine d’atteintes disséminées [9].

Quelques rappels historiques 

L’histoire des dermatophytoses remonte aux temps les plus reculés. Leur étude étiologique n’a été entreprise qu’au XIXème siècle. C’est Remak qui le premier, en 1837, soupçonne la nature cryptogamique du favus ou teigne favique connue depuis l’antiquité. Schœnlein en 1839, en décrit l’agent responsable nommé Achorion schœnleinii. Sabouraud se consacre, dès 1845 à une étude mycologique intensive des affections de la peau et des phanères. Il publie son traité « Les teignes » en 1910. Après lui, de nombreux mycologues se sont intéressés aux dermatophytes. Citons parmi les plus connus : Langeron en France, Emmons aux Etats-Unis, Vanbreuseghem en Belgique et Stockdale en Angleterre. Cette somme d’investigations, devait tout naturellement conduire à une systématisation plus rationnelle des agents connus, à la découverte d’espèces et de genres nouveaux, et à une connaissance plus approfondie tant clinique que biologique des dermatophytes.

EPIDEMIOLOGIE

Agents pathogènes 

Taxonomie

Les dermatophytes appartiennent à :
● la classe des Ascomycètes
● l’ordre des Onygénales
● la famille des Athrodermataceae.

Ils sont classés en deux genres selon la morphologie de leur forme sexuée ou forme parfaite : Arthroderma et Nannizzia. Cependant, en pratique de laboratoire, la forme sexuée de ces champignons est très rarement observée [29]. C’est selon la morphologie des spores asexuées que sont classés, en pratique, les dermatophytes [9]. On distingue trois types de classifications :

❖ La classification de Sabouraud
Elle est essentiellement basée sur l’étude des caractères cliniques.
❖ La classification de Langeron et Milochevicht
C’est une classification de type botanique. Elle fut complétée par Vanbreuseghem.
❖ La classification d’Emmons (1934)
C’est la classification adoptée universellement, elle est simple, repose sur l’étude des caractères botaniques et reconnaît trois genres :
➤ Le genre Microsporum
➤ Le genre Trichophyton
➤ Le genre Epidermophyton.

Morphologie

Les dermatophytes sont des organismes eucaryotes, pourvus de noyaux, de chromosomes et de nucléoles. Ils sont hétérotrophes, se nourrissent par absorption de matières organiques et se reproduisent par l’intermédiaire de spores (reproduction sexuée) [33]. Ces spores sexuées sont des ascospores contenues dans un sac : l’asque [12]. La reproduction asexuée s’effectue sur un mode thallique solitaire et conduit à la formation de deux types de spores asexuées ou conidies : des spores unicellulaires appelées microconidies ou microaleuries et des spores pluricellulaires à base tronquée et cloisonnée transversalement appelées macroconidies ou macroaleuries. On rencontre également des chlamydospores qui sont des spores asexuées ne se détachant pas du mycélium.

La morphologie des dermatophytes varie d’un genre à l’autre :
➤ Le genre Microsporum : il est caractérisé par des macroconidies de grande taille mesurant 40 à 160 µm sur 8 à 20 µm, fusiformes, à parois épaisses, multiseptées et rugueuses. Les microconidies sont piriformes avec un mycélium en raquette, les chlamydospores et les corps nodulaires peuvent envahir la peau et les poils. (Figure 1.a)
➤ Le genre Trichophyton : il est caractérisé par des macroconidies de petite taille mesurant 10 à 50 µm sur 3 à 6 µm, en forme de massues à parois et cloisons minces et lisses. Les microconidies sont rondes ou piriformes. (Figure 1.b)
➤ Le genre Epidermophyton : il est caractérisé par des macroconidies mesurant 20 à 35 µm sur 6 à 8 µm en forme de massues, à parois et cloisons minces, elles sont disposées en bouquet. Il n y a pas de microconidies.

Habitat des dermatophytes 

En fonction de leur niche écologique principale on distingue  :
➤ Les dermatophytes anthropophiles : ce sont des pathogènes obligatoires de l’homme, dont la survie est entretenue par le parasitisme. Bien adaptés à l’homme, ils provoquent des lésions discrètes et généralement bien tolérées.
➤ Les dermatophytes zoophiles : ce sont des parasites spécifiques des animaux, souvent peu adaptés aux tissus de l’homme chez qui ils déterminent des lésions suppuratives par contact direct animal-homme.
➤ Les dermatophytes telluriques ou géophiles : ce sont des saprophytes du sol, capables d’infester accidentellement l’homme ou les animaux.

Pathogénie

Elle est différente selon la zone anatomique « parasitée ».

➤ Parasitisme fongique cutané
L’inoculation du champignon est favorisée par une lésion cutanée préexistante ou une excoriation, si minime soit-elle. Une spore ou un fragment de mycélium pénètre dans la couche cornée de l’épiderme et s’étend de façon circulaire et centrifuge.

Au contact des filaments et de la peau saine, se forment des vésicules qui se dessèchent en donnant des squames. Les lésions réalisées sont arrondies ; le champignon est actif à la périphérie de la lésion alors qu’il tend à disparaitre au centre. L’apparition des lésions se fait une à trois semaines après le contact infestant.

➤ Parasitisme fongique capillaire et pilaire
L’atteinte du cheveu est secondaire à l’atteinte cutanée ; le filament arrivant à un orifice pilaire progresse dans la couche cornée jusqu’à l’infundibulum. Au contact avec le cheveu, le champignon soulève la cuticule et pénètre dans le cheveu qu’il envahit de haut en bas. Sa progression s’arrête au niveau du collet du bulbe pilaire où il n’y a plus de kératine et forme une ligne appelée « frange d’Adamson ».  L’évolution du champignon dans le cheveu dépend de l’espèce responsable :

➨ Les filaments se multiplient peu dans le cheveu qui reste relativement long. Les filaments intrapilaires sont segmentés en éléments courts et, dans la partie distale on observe des vides laissés par la progression du filament : teigne favique.
➨ Les filaments se multiplient au point d’envahir entièrement le cheveu. Très fragile, celui-ci se casse au ras du cuir chevelu : teigne endothrix.
➨ Les filaments ressortent du cheveu et forment autour de lui une gaine de petites spores, très compactes dans le cas de teigne microsporique, dissociées en chaînettes dans le cas de teigne microïde ou faite de spores plus grosses dans le cas de teigne mégaspore.

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Table des matières

INTRODUCTION
1. DEFINITION
2. EPIDEMIOLOGIE
2.1. Agents pathogènes
2.1.1. Taxonomie
2.1.2. Morphologie
2.1.3. Habitat des dermatophytes
2.2. Mode de contamination
2.3. Réservoir du « parasite »
2.4. Facteurs favorisants
2.5. Répartition géographique
3. MANIFESTATIONS CLINIQUES
3.1. Lésions de la peau glabre
3.1.1. Epidermophyties circinées
3.1.2. Intertrigos dermatophytiques
3.1.2.1. Intertrigo des petits plis
3.1.2.2. Intertrigo des grands plis
3.1.3. Pachydermie des paumes
3.2. Teignes du cuir chevelu
3.2.1. Teignes tondantes sèches
3.2.1.1. Teignes tondantes à grandes plaques d’alopécie : teignes d’origine microsporique
3.2.1.1.1. Teignes tondantes à petites plaques d’alopécie : teignes d’origine trichophytique
3.2.2. Teigne favique ou « favus »
3.2.3. Teignes inflammatoires ou teignes suppurées dites « kérions »
3.3. Teignes de la barbe ou de la moustache : « sycosis »
3.4. Onyxis dermatophytique ou onychomycose à dermatophytes
3.4.1. Onychomycose sous-unguéale distale
3.4.2. Onychomycose sous-unguéale proximale
3.4.3. Leuconychies
3.4.4. Onychomycose totale
3.5. Folliculite à dermatophytes
3.6. Atteintes profondes ou disséminées
3.6.1. Mycétomes à dermatophytes
3.6.2. Maladie dermatophytique ou maladie de Hadida et Schousboё
3.7. Dermatophytides
3.8. Formes cliniques particulières
4. DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE
4.1. Diagnostic mycologique
4.1.1. Prélèvement
4.1.2. Examen direct
4.1.2.1. Principales techniques
4.1.2.2. Résultats
4.1.3. Culture
4.1.3.1. Réalisation
4.1.3.2. Observation des cultures
4.1.3.3. Résultats
4.1.4. Recherche de l’uréase
4.1.5. Inoculation à l’animal de laboratoire : le cobaye
4.2. Diagnostic immunologique
5. TRAITEMENT
5.1. Médicaments
5.1.1. La griséofulvine
5.1.2. Les dérivés azolés
5.1.3. Les allylamines
5.1.4. Les hydroxypyridones
5.1.5. Les thiocarbamates
5.1.6. Les acides gras insaturés
5.2. Indications
5.2.1. Traitement des épidermophyties de la peau glabre et des intertrigos peu étendus
5.2.2. Traitement des onychomycoses
5.2.3. Traitement des teignes
5.2.4. Traitement des autres dermatophytoses
6. PROPHYLAXIE
CONCLUSION

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