Les vulvo-vaginites infectieuses sont une inflammation de la vulve et du vagin dues à un micro-organisme. Elles constituent le motif de consultation le plus fréquent en Gynécologie (20 % en moyenne) [1, 26]. Approximativement, près de 90 % des femmes en sont affectées [2]. C’est l’affection la plus fréquente de la femme en âge de reproduction [3, 26]. Les cinq infections vulvo-vaginales les plus fréquentes sont l’infection à Trichomonas vaginalis, la candidose vaginale ou mycose vaginale due au Candida principalement l’espèce Candida albicans, la vaginose bactérienne, la chlamydiose et la gonococcie. Elles présentent des manifestations différentes selon le germe en cause. D’autres pathogènes peuvent être à l’origine : Mycoplasma hominis, Herpès simplex virus, Streptocoque B, Bacilles gram négatif, Syphilis, Papillomavirus, Ureaplasma urealyticum. Il peut y avoir chez une patiente une infection mixte impliquant plusieurs germes en même temps [2]. Les vulvo vaginites constituent un véritable problème de santé publique de par leur fréquence et à cause des complications qu’elles entrainent : inconfort sexuel, dissémination locorégionale des germes, contamination du conjoint, risque gravido-puerperal, risque oncologique et séquelles (algies pelviennes, infertilité…). Idéalement, devant toute vulvo-vaginite il faut faire des prélèvements pour identifier le germe et tester sa sensibilité aux antibiotiques avant de débuter un traitement. Dans notre contexte, les patientes consultent tardivement et ont souvent un accès limité aux explorations paracliniques, notamment bactériologiques. Pour faire face à ces difficultés et faciliter l’accès aux traitements, l’OMS préconise l’approche syndromique [55]. Elle consiste à s’appuyer sur les caractéristiques de la symptomatologie notamment les pertes vaginales, pour évoquer la cause la plus probable et instituer un traitement d’épreuve. Mais, cette approche a des limites notamment à cause de l’évolution de l’écologie bactérienne et des modifications de la sensibilité des germes aux anti-infectieux. Nous avons pour notre part adopté une attitude médiane en adaptant notre conduite aux possibilités financières de la patiente et à la sévérité de la symptomatologie. Notre étude avait pour objectif général l’évaluation de cette pratique. Nos objectifs spécifiques étaient de : préciser le profil épidémiologique des vulvovaginites infectieuses, d’analyser l’écologie bactérienne et d’évaluer une stratégie de prise en charge basée sur une approche syndromique ou bactériologique adaptée aux possibilités financières de nos patientes. L’approche syndromique consiste à énoncer une étiologie probable de l’infection en se basant sur les caractéristiques des pertes vaginales et de la symptomatologie associée. Quant à l’approche bactériologique il s’agit de faire un prélèvement vaginal pour l’identification des germes et l’étude de leur sensibilité aux anti-infectieux.
Rappel anatomo-physiologique
Rappel anatomique (vagin et vulve)
L’appareil génital féminin comporte trois parties :
– les ovaires ;
– les voies génitales formées par les trompes utérines, l’utérus et le vagin ;
– la vulve [5].
Le vagin
C’est un conduit de 8 cm environ de longueur. Il est en contact avec le milieu extérieur par l’intermédiaire du col de l’utérus. C’est l’organe de la copulation. Il est situé dans la cavité pelvienne, en avant du rectum, en arrière de la vessie et de l’urètre, au-dessous de la vulve et du plancher périnéal .
La vulve
Elle est constituée par les grandes lèvres, les petites lèvres, le mont vénus, le clitoris, l’hymen chez la jeune fille vierge et les glandes de Bartholin .
Rappel physiologique
Flore vaginale normale
La caractéristique essentielle de la flore vaginale de la femme est la présence de lactobacilles vaginaux, bacilles à Gram positif reconnus par Döderlein en 1892. La présence des lactobacilles est dépendante de l’imprégnation œstrogènique : ils apparaissent à la puberté et diminuent après la ménopause. Les œstrogènes induisent une augmentation de la charge en glycogène des cellules épithéliales vaginales. Ce glycogène est catabolisé en glucose par ces mêmes cellules. Les lactobacilles utilisent ce glucose par fermentation, aboutissant à la formation d’acide lactique, et contribuant ainsi au maintien de l’acidité du pH vaginal audessous de 4,5. Le rôle des œstrogènes sur les lactobacilles est sans doute plus complexe. En outre, les gestations augmentent globalement le nombre des lactobacilles alors que les menstruations les diminuent.
Composition de la flore vaginale :
La flore bactérienne dominante est composée d’une diversité de lactobacilles. Les espèces les plus souvent retrouvées sont Lactobacillus crispatus, Lactobacillus gasseri, Lactobacillus jensenii et Lactobacillus iners ; mais de nombreuses espèces différentes continuent à être décrites. La flore vaginale minoritaire comporte une grande diversité d’espèces dont certaines n’ont pas encore été dénommées [10]. La flore vaginale subit de profondes modifications tout au long de la vie génitale.
Avant la puberté
Il n’y a pas de colonisation de la cavité vaginale mais l’aspect lactobacillaire et/ou corynéforme ne s’acquiert qu’à la puberté. Ce qui montre l’action prédominante des hormones. La muqueuse vaginale est donc théoriquement stérile.
De la puberté à la ménopause
Le nombre de germes est de 10⁶ à 10⁸ par ml de sécrétion. La cavité vaginale dont les parois favorisent l’anaérobiose, a un pH acide. L’équilibre de cette flore bactérienne est maintenu grâce à l’épithélium, couche hydrophile ou glycocalyx ; et aux mucus endocervicaux sous l’action des œstrogènes qui empêchent l’adhérence (les germes adhérents étant considérés comme la flore microbienne anormale). Chez des sujets sexuellement actifs, des agents infectieux transmissibles par voie vénérienne (Trichomonas vaginalis) sont fréquemment retrouvés en faible quantité et en l’absence de signes d’infection vaginale. Bien que n’appartenant pas à la flore vaginale, leur présence à des concentrations peu élevées peut être considérée comme « normale » en égard à l’activité sexuelle des sujets. Chez 5 à 10 % des femmes, la flore vaginale comprend en concentration très faible des levures du genre Candida (Candida albicans).
Ces levures font partie de la flore intestinale normale mais pas de la flore vaginale. Ainsi, chez des sujets asymptomatiques, la présence de ces levures en faible quantité peut être considérée comme normale.
Après la ménopause
Le manque de stimuli de la muqueuse, notamment par les hormones, inhibe le phénomène d’adhérence et raréfie la flore normale fragilisant ainsi cette muqueuse qui devient la cible des germes opportunistes. La flore de Döderlein laisse la place à des germes nouveaux, notamment d’origine intestinale, qui ne sont pas forcément générateurs d’infections. Chez ces femmes ménopausées, nous notons un déséquilibre de la flore vaginale du fait de l’absence de sécrétion hormonale. Beaucoup de germes opportunistes y sont alors retrouvés ; ce qui fait qu’en présence de certains tableaux cliniques d’infections génitales, les germes comme Escherichia coli sont systématiquement recherchés. C’est cette complexité au niveau de la constitution de la flore vaginale qui fait qu’il est difficile parfois d’incriminer tel ou tel autre germe devant un processus inflammatoire. Ainsi, au cours d’infections génitales où les pathogènes d’IST majeures ne sont pas retrouvés, il faudra tenir compte de la notion d’écologie, de l’existence de leucorrhées non infectieuses, physiologiques, endocriniennes ou d’une anomalie du col utérin. Tenant compte de tous ces paramètres, il a été retenu une classification de la flore vaginale en 4 types en se basant sur la présence ou l’absence de lactobacilles :
– type I : présence exclusive de bacilles de Döderlein ;
– type II : prédominance nette de bacilles de Döderlein;
– type III : présence de bacilles de Döderlein avec prédominance d’autres bactéries à Gram négatif et/ou à Gram positif ;
– type IV : absence de bacilles de Döderlein et présence d’une flore monomicrobienne ou polymicrobienne à Gram positif et/ou à Gram négatif.
Physiologie du vagin au cours de la parturition
L’accouchement, aussi appelé parturition, se déroule en trois phases :
– la première est la phase de dilatation qui commence avec les contractions de l’utérus, qui pressent la membrane amniotique sur le col de l’utérus ;
– la deuxième phase du travail est celle de l’expulsion du fœtus : les contractions utérines s’accentuent, les muscles abdominaux se contractent, contribuant à l’expulsion du fœtus par le vagin. La vulve est distendue par la tête du bébé qui présente son plus grand diamètre. La tête est dite au couronnement. L’épisiotomie peut être décidée par la sage-femme ou l’obstétricien pour agrandir l’entrée du vagin et éviter le déchirement du périnée. De façon concomitante, la tête du bébé apparaît et le cou s’étire. Les épaules sont rapidement dégagées et le reste du corps sort sans effort ;
– la troisième phase est celle de la délivrance avec l’expulsion des annexes du fœtus hors des voies génitales maternelles.
Le vagin se dilate progressivement pour s’adapter à tous ces phénomènes. Il revient à sa physionomie normale progressivement dans le post-partum.
Formes étiologiques et traitement des vulvo vaginites
Étant donné qu’il s’agit de pathologies pouvant concerner les deux conjoints nous avons choisi de décrire également succinctement les manifestations cliniques observées chez l’homme.
La trichomonose urogénitale
La trichomonose urogénitale est une maladie vénérienne, bénigne, cosmopolite et fréquente, due à Trichomonas vaginalis, protozoaire flagellé, parasite des voies urogénitales, mais qui peut être rencontré au niveau de la bouche, des amygdales, du rectum, en fonction des pratiques sexuelles. L’homme est le plus souvent porteur asymptomatique. La trichomonose urogénitale est une affection très fréquente [11]. Elle est certainement la plus répandue parmi les infections sexuellement transmissibles non virales [13].
Symptomatologie
Les manifestations cliniques sont très différentes selon les sexes : elles sont marquées chez la femme, alors que l’homme est souvent un porteur asymptomatique. La période d’incubation est silencieuse et dure en moyenne 7 à 10 jours (5 à 28 jours).
Chez la femme
La forme classique de la vulvo-vaginite aigue à Trichomonas vaginalis (25 % des vulvo-vaginites) se manifeste essentiellement par trois symptômes : les leucorrhées, les brûlures et le prurit vulvaire. Les leucorrhées sont abondantes, fluides, spumeuses avec de fines bulles mousseuses, aérées, jaunes (parfois blanchâtres) continuelles et nauséabondes. Elles sont associées à un prurit vulvaire intense avec sensation de brûlure, des dyspareunies dues à un œdème de la muqueuse vaginale et parfois une cystite (dysurie, pollakiurie, brûlures mictionnelles).
A l’examen : la vulve est rouge avec un exsudat, l’introduction du speculum est très douloureuse. Le vagin à l’examen sous spéculum présente un aspect inflammatoire de type catarrhal avec une muqueuse rouge ayant un aspect piqueté hémorragique plus foncé, des plis épaissis et qui présentent un aspect framboisé bien particulier. Le col, à l’examen sous spéculum, est rouge vif parsemé de points rouges très fins et peut facilement saigner au contact. L’étude colposcopique après application du lugol met en évidence une colpite : sur le fond brun apparaissent des points blancs (aspect en ciel étoilé) ; parfois des tâches de grand diamètre, arrondies à contours flous correspondant à des ilots lymphoïdes. Cet aspect colposcopique est pathognomonique de la trichomonose ; mais, il n’est pas constant.
Chez l’homme
Le parasite se localise au niveau des glandes urétrales, de la prostate, des vésicules séminales. Il est difficile à mettre en évidence. Le patient peut présenter une urétrite subaiguë avec un écoulement urétral plus ou moins purulent. Il peut aussi exister des signes urinaires (dysurie, pollakiurie). Les complications à type de prostatites sont exceptionnelles. La plupart du temps, le patient est asymptomatique ou pauci-symptomatique (ce qui se traduit seulement par une goutte de sérosité matinale au niveau du méat). L’absence de signes cliniques favorise la dissémination de la maladie.
|
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE : RAPPELS
I. Rappel anatomo-physiologique
1. Rappel anatomique (vagin et vulve)
1.1. Le vagin
1.2. La vulve
2. Rappel physiologique
2.1. Flore vaginale normale
2.1.1. Avant la puberté
2.1.2. De la puberté à la ménopause
2.1.3. Après la ménopause
2.2. Physiologie du vagin au cours de la parturition
II. Formes étiologiques et traitement des vulvo-vaginites
1. La trichomonose urogénitale
1.1. Symptomatologie
1.1.1. Chez la femme
1.1.2. Chez l’homme
1.2. Diagnostic biologique
1.3. Traitement
1.3.1. Buts
1.3.2. Moyens
1.3.3. Modalités
1.4. Prophylaxie
2. Les candidoses génitales
2.1. Définition
2.2. Épidémiologie et agents causals
2.2.1. Morphologie et habitat
2.2.2. Mode de contamination
2.2.3. Facteurs favorisants
2.3. Aspects cliniques
2.3.1. La vulvo-vaginite aigüe
2.3.1.1. Interrogatoire
2.3.1.2. Examen clinique
2.3.2. Candidoses vulvo-vaginales complexes
2.4. Diagnostic biologique
2.4.1. Les prélèvements
2.4.2. Examen direct
2.4.3. Culture
2.5. Traitement
2.5.1. Principes
2.5.2. Moyens thérapeutiques
2.5.3. Indications
2.6. Prophylaxie
3. La vaginose bactérienne
3.1. Définition
3.2. Épidémiologie
3.3. Agents pathogènes
3.3.1. Gardnerella vaginalis
3.3.2. Autres bactéries impliquées dans la vaginose
3.4. Facteurs de déséquilibre de la microflore vaginale
3.4.1. Facteurs hormonaux
3.4.2. Facteurs physiques
3.4.3. Facteurs pathologiques
3.4.4. Facteurs iatrogènes
3.4.5. Stress
3.5. Aspects cliniques
3.6. Diagnostic de la vaginose bactérienne
3.6.1. Diagnostic bioclinique
3.6.2. Diagnostic bactériologique
3.6.3. Complications de la vaginose bactérienne
3.7. Traitement
3.7.1. En absence de grossesse
3.7.2. Le traitement des femmes enceintes
3.8. Prophylaxie
4. Les infections à mycoplasmes
4.1. Historique et classification
4.2. Épidémiologie
4.3. Clinique
4.4. Diagnostic biologique des mycoplasmes
4.4.1. Prélèvements
4.4.2. Culture en milieu liquide ou gélosé
4.4.3. Identification des mycoplasmes
4.5. Sensibilité aux antibiotiques
5. La chlamydiose
5.1. Signes cliniques
5.2. Diagnostic biologique
5.3. Complications
5.4. Traitement
III. L’approche syndromique
DEUXIÈME PARTIE : NOTRE TRAVAIL
I. Cadre d’étude
1. Infrastructures
2. Personnel
3. Activités
3.1. Enseignement
3.1.1. Formation théorique
3.1.2. Formation pratique
3.2. Soins
3.3. Recherche
II. Patientes et méthodologie
1. Type et durée d’étude
2. Population d’étude et critères d’inclusion
3. Données recueillies
4. Matériel et méthode au laboratoire
4.1. Matériels
4.1.1. Matériel de prélèvement
4.1.2. Matériels pour l’analyse des sécrétions vaginales au laboratoire
4.1.3. Milieux de culture
4.1.4. Les réactifs utilisés
4.2. Méthode
4.2.1. Les conditions de prélèvement
4.2.2. Le prélèvement
4.2.3. Analyse proprement dite au laboratoire
4.2.3.1. Examen microscopique
4.2.3.2. Culture
4.2.3.3. Identification
5. Analyse
III. Résultats
1. Résultats descriptifs
1.1. Fréquence des consultations pour vulvo-vaginite
1.2. Caractéristiques des patientes
1.2.1. Age
1.2.2. Statut et régime matrimonial
1.2.3. Gestité
1.2.4. Parité
1.2.5. Niveau d’instruction
1.2.6. Statut socioéconomique
1.2.7. Lieu de résidence
1.3. Antécédents
1.3.1. Utilisation antérieure de méthodes contraceptives
1.3.2. Antécédents gynécologiques
1.3.3. Antécédents obstétricaux
1.4. Utilisation de produits pouvant affecter la flore vaginale
1.5. Données cliniques
1.5.1. Motifs de consultations
1.5.2. Symptomatologie
1.5.3. Données de l’examen clinique
1.5.4. Caractéristiques des leucorrhées
1.6. Données bactériologiques
1.6.1. Type d’infection
1.6.2. Antibiogramme
1.7. Données thérapeutiques
1.7.1. Molécules utilisées
1.7.2. Traitement du conjoint
1.7.3. Traitement des coépouses
1.7.4. Coût de la prise en charge
1.8. Suivi après traitement
1.8.1. Évaluation clinique post-thérapeutique
1.8.2. Évaluation bactériologique post thérapeutique
2. Résultats analytiques
2.1. Étiologie et âge des patientes
2.2. Étiologie et notion de dépigmentation
2.3. Agent pathogène et période d’activité génitale
2.4. Agent pathogène et coût de la prise en charge
2.5. Approche thérapeutique et évaluation post thérapeutique
IV. Discussion
1. Limites de l’étude
2. Épidémiologie
2.1. Fréquence
2.2. Profil épidémiologique
2.2.1. L’âge
2.2.2. Le statut matrimonial
3. Profil clinique
4. Approche syndromique
5. Écologie bactérienne
6. Prescription des anti-infectieux
7. Coût de la prise en charge
8. Contrôle de guérison
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXE