Epidémiologie et généralités sur le cancer du sein
Epidémiologie du cancer du sein
Le cancer du sein se situe au premier rang des cancers incidents chez la femme, loin devant le cancer du côlon-rectum et le cancer du poumon. Ainsi, en France Métropolitaine, il a été diagnostiqué 58 968 nouveaux cas en 2017 (1). L’incidence du cancer du sein a beaucoup augmenté ces dernières décennies, mais une rupture de tendance est observée depuis 2005. Bien que l’on observe une diminution du taux de mortalité d’années en années, expliquée en partie par l’amélioration des traitements, ainsi que par le dépistage organisé du cancer du sein de plus en plus adapté au niveau de risque de chaque femme, il reste celui qui cause le plus grand nombre de décès chez la femme, avec 18,2% des décès féminins par cancer. En effet, 11883 décès ont été estimés en 2017 (1), avec un âge médian de 73 ans, faisant du cancer du sein un véritable enjeu de santé publique.
Facteurs de risque et facteurs pronostiques histocliniques
Les principaux facteurs de risque connus de ce cancer sont l’âge, la prédisposition génétique, un antécédent personnel de pathologie mammaire, un antécédent personnel d’irradiation thoracique médicale à fortes doses, ainsi que les expositions hormonales endogènes et exogènes. D’autres facteurs de risque moins célèbres sont résumés sur le tableau 1, tels qu’un indice de masse corporelle (IMC ou BMI pour body mass index) élevé ou encore une exogénose chronique (2). Au diagnostic, on distingue deux entités que sont les cancers du sein localisés et les cancers du sein métastatiques, qui bénéficient de prises en charge distinctes. Le cancer du sein d’emblée métastatique représente 10% des cancers du sein au diagnostic, mais 20 à 30% des cancers initialement localisés deviendront secondairement métastatiques. Différents facteurs de risque de rechute métastatique et a fortiori, de décès, ont été identifiés, tant sur le plan clinique qu’histologique. Ainsi, l’âge de la patiente, la taille tumorale, l’atteinte ganglionnaire et le caractère inflammatoire de la tumeur représentent les principaux facteurs pronostiques cliniques du cancer du sein. Sur le plan histologique, les principaux facteurs pronostiques sont le grade de Scarff Bloom et Richardson (SBR) (3), la qualité des marges d’exérèse (4), la présence ou non d’emboles vasculaires (5), et le Ki67 (6). L’expression des récepteurs hormonaux à l’œstrogène et à la progestérone représente également un facteur avéré de bon pronostic (7,8). Environ 70% des cancers du sein expriment des récepteurs hormonaux à la surface des cellules tumorales. En France, le seuil de positivité est fixé à 10% de cellules tumorales marquées par les récepteurs à l’œstrogène en immunohistochimie pour considérer une tumeur du sein comme exprimant les récepteurs hormonaux (RH+), contre 1% aux Etats-Unis. Au-delà de sa valeur pronostique, l’expression hormonale représente un facteur prédictif de réponse aux hormonothérapies (9,10). En effet, pour ces tumeurs, les œstrogènes sont un stimulateur majeur de leur développement, et les traitements réduisant l’effet oestrogénique représentent un axe thérapeutique incontournable, aussi bien lors de la phase adjuvante d’un traitement local, mais également lors de la phase métastatique dès la 1ère ligne. Deux classes médicamenteuses sont disponibles : les inhibiteurs des récepteurs aux œstrogènes dont le tamoxifène représente le chef de file, et les anti-aromatases (AA).
Par ailleurs, l’amplification du gène Human Epidermal growth factor Receptor 2 (HER2), présente dans environ 20% des cancers du sein, est considérée comme un facteur de mauvais pronostic, mais prédit une bonne réponse aux thérapeutiques dédiées de type anticorps monoclonaux anti-HER2, permettant depuis leur utilisation, une nette amélioration du pronostic de ce sous-type moléculaire de cancer du sein. Enfin, les cancers du sein dits « triple-négatifs », n’exprimant donc ni les récepteurs hormonaux et ne présentant pas de surexpression d’HER2, sont considérées comme des tumeurs de mauvais pronostic, avec 34% de rechutes métastatiques à 5 ans, et un pic de rechute essentiellement dans les 3 ans de la prise en charge (11). Ces tumeurs représentent environ 15% des cancers du sein et sont notamment marquées par un pronostic effroyable en cas de présentation métastatique, avec une médiane de survie globale ne dépassant pas 15 mois.
Par ailleurs, un autre facteur pronostique particulier est la réponse histologique complète, également appelée pathological Complete Response (pCR). L’importance de la pCR a été mise en évidence récemment suite au recours plus fréquent à des thérapeutiques néo-adjuvantes. La définition de cette pCR varie selon les essais cliniques, avec essentiellement trois définitions proposées : ypT0/ypN0 (absence de résidu tumoral invasif ou in situ dans le sein et les ganglions) ou ypT0/is ypN0 (absence de résidu tumoral invasif dans le sein ou les ganglions, à l’exclusion donc de l’in-situ) ou ypT0/is (absence de résidu tumoral invasif dans le sein indépendamment de l’in-situ ou de l’atteinte ganglionnaire). La réponse histologique complète a été définie par le MD Anderson comme l’absence de résidu tumoral invasif après mastectomie et lymphadénectomie (ypT0/is, N0). Cette définition a par ailleurs été appuyée suite à l’étude de Cortazar et al en 2014 menée sur 11955 patientes ayant conclu à une amélioration de la survie chez les patientes ayant présenté une pCR définie comme ypT0 ypN0 ou ypT0/is ypN0 (13). Cette valeur pronostique est d’ailleurs nettement majorée dans les tumeurs de sous-types agressifs : tumeurs triplenégatives ou HER2 positives. Cet impact majeur de la pCR après chimiothérapie néoadjuvante sur la survie globale avait déjà été mise en évidence en 2008 par Rastogi et al, comme illustré sur la Figure 1 (14). Ces résultats ont été renforcés par l’étude de Symmans et al publiée en 2017, qui a mis en évidence la valeur pronostique sur la survie à long-terme de la masse tumorale résiduelle après chimiothérapie néo-adjuvante dans les trois phénotypes de cancers du sein : RH+/HER2-, triple-négatifs, et HER2+ (15). La pCR s’affiche donc comme un marqueur intermédiaire d’efficacité d’un traitement. Il a par ailleurs été souligné dans cette étude des taux de pCR plus importants dans le sous-type triple-négatif (35%) et HER2+ (45%) contre seulement 10% dans les cancers du sein RH+/HER2- signant la faible chimiosensibilité des tumeurs exprimant les récepteurs hormonaux.
Cette valeur pronostique bien établie de la réponse histologique a permis de stratifier les patientes selon leur niveau de risque, en proposant une chimiothérapie adjuvante par capecitabine orale pour les patientes présentant un résidu invasif sur la pièce opératoire (essai CREATE-X), avec un bénéfice en survie sans progression d’une part, et en survie globale :
89,2% de survie à 5 ans contre 83,6% (HR=0,59 ; p=0,01) (16). De la même manière, l’étude KATHERINE a permis de souligner le bénéfice en survie sans progression du T-DM1 avec une survie sans progression à 3 ans de 88,3% contre 77% avec le trastuzumab (HR=0,50 ; p<0,001) en adjuvant en lieu et place du trastuzumab pour les patientes ne présentant pas de pCR après chimiothérapie néo-adjuvante (17). Enfin un essai est actuellement en cours (PENELOPE-B) dans le cadre du cancer du sein RH+/HER2- avec la proposition du palbociclib surajouté à l’hormonothérapie en adjuvant pour les patientes présentant une maladie résiduelle invasive après chimiothérapie néo-adjuvante (18). Ainsi, la pCR est actuellement un marqueur pronostique guidant la thérapeutique et constitue un moyen de personnalisation thérapeutique.
Transcriptomique et biologie moléculaire
Jusqu’à la fin des années 1990, seules les données histologiques et cliniques permettaient de classer les différents types de cancer du sein. Plus récemment, l’utilisation de techniques génomiques à haut débit comme les puces à Acide Désoxyribo-Nucléique (ADN) a permis d’y ajouter une caractérisation moléculaire. Les premières études d’expression génique des cancers du sein ont mis en évidence au niveau moléculaire l’hétérogénéité de la maladie, déjà suspectée au vu des données cliniques et histologiques. Cinq sous-types majeurs exclusifs de cancers du sein ont été identifiés sur la base de l’expression transcriptionnelle d’environ 500 gènes (19) : luminal A, luminal B, basal, ERBB2 et normal. Cette classification a ensuite été validée par plusieurs plateformes d’analyse transcriptionnelle, pour différentes populations de patientes et sur différentes formes anatomocliniques de la maladie. Elle permet de dégager des groupes de pronostic différent. Combinée à la classification histoclinique classique (20,21), elle représente une base nosologique, et confirme l’intérêt de l’analyse transcriptionnelle. Les sous-types luminaux A et basaux sont les plus affirmés et sont très différents l’un de l’autre (environ 20 % de gènes différentiellement exprimés).
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Table des matières
I. Introduction
1. Epidémiologie et généralités sur le cancer du sein
1.1 Epidémiologie du cancer du sein
1.2 Facteurs de risque et facteurs pronostiques histocliniques
1.3 Transcriptomique et Biologie moléculaire
1.3.1 Sous-type Luminal A
1.3.2 Sous-type Luminal B
1.3.3 Sous-type Basal-like
1.3.4 Sous-type HER2 enrichi
1.3.5 Classification génomique : caractéristiques et limites
1.4 Biologie moléculaire et application clinique
2. ADN tumoral circulant : Concept biologique et méthodes de détection
3. Mutations PIK3CA
3.1 Généralités
3.2 Méthodes de détection
3.2.1 Somatique
3.2.2 Circulant
3.3 Valeur pronostique des mutations PIK3CA dans le cancer du sein
3.4 Valeur prédictive et approche théranostique des mutations PIK3CA dans les cancers du sein
4. Cancer du sein inflammatoire
4.1. Epidémiologie, définition, caractéristiques et prise en charge thérapeutique
4.2. Biologie moléculaire
II. Objectif
III. Matériel et méthode
1. Sélection des patientes
2. Critères de jugement
3. Procédure analytique
3.1. Extraction d’ADN sur tissu tumoral
3.2. Extraction d’ADN total circulant sur échantillon plasmatique
3.3. Détection par digital droplet PCR
3.4. Analyse
3.5. Statistiques
IV. Résultats
1. Caractéristiques des patientes
2. Statut mutationnel PIK3CA sur biopsie tumorale au diagnostic
3. Statut mutationnel circulant PIK3CA au diagnostic
4. Statut mutationnel PIK3CA après traitement néoadjuvant chez les patientes mutées sur biopsie initiale
5. Réponse au traitement néoadjuvant selon le statut mutationnel PIK3CA et le taux d’ADNlc
6. Analyse de la survie globale
6.1. Survie globale selon le statut mutationnel PIK3CA sur tissu tumoral au diagnostic
6.2. Survie globale selon le statut mutationnel circulant PIK3CA
6.3. Survie globale selon le statut mutationnel PIK3CA sur tissu tumoral et en circulant au diagnostic
6.4. Survie globale selon le taux d’ADNlc
6.5. Survie globale selon la réponse histologique complète
7. Analyse de la survie sans progression
7.1. Survie sans progression selon le statut mutationnel PIK3CA sur tissu tumoral
7.2. Survie sans progression selon le statut mutationnel circulant PIK3CA
7.3. Survie sans progression globale selon le statut mutationnel PIK3CA sur tissu tumoral et en circulant au diagnostic
7.4. Survie sans progression selon le taux d’ADNlc initial
7.5. Survie sans progression selon la réponse histologique complète
V. Discussion
VI. Conclusion