Epidemiologie et etiologie des douleurs neuropathiques

Historique et définition de la douleur

La définition de la douleur, sa perception par la société ainsi que sa compréhension au niveau médical et scientifique ont fortement évolué au cours des siècles. Les recherches scientifiques ont connu de réelles avancées dans ce domaine, notamment grâce au développement des techniques d’électrophysiologie et d’imagerie cérébrale, mais ce progrès s’est avéré lent et complexe (Perl, 2007). De plus, alors que le traitement de la douleur est de nos jours admis comme une priorité actuelle par la société, autrefois réduire la douleur semblait être une aberration et était fortement controversé.

Evolution de la perception de la douleur par la société

Pendant longtemps, la perception de la douleur par les civilisations a été fortement marquée par les croyances religieuses. Au sein des sociétés primitives, la douleur représente le signe d’un démon ou d’un mauvais esprit. Au moyen-âge, médecine et religion entrent en concurrence, l’église catholique va jusqu’à interdire toute recherche scientifique. La douleur a alors deux significations bien distinctes : c’est une punition, un châtiment de Dieu ou au contraire le signe d’une élection particulière pouvant apporter une récompense après la mort. Il y a ainsi une valorisation de la douleur, perçue comme don divin. Cette douleur est donc à respecter et à accepter (Claverie, 1992) (Rey, 2011).

A ces époques, deux types de douleurs sont fréquemment rencontrés au niveau médical : la douleur obstétricale chez les femmes et la douleur de guerre chez les hommes. Lors des accouchements, la douleur ressentie par la mère est qualifiée de positive puisque synonyme de naissance, d’apparition. Au contraire, chez les soldats, la douleur est négative puisque synonyme de disparition, de mort ou encore d’amputation donc de pertes de membres vitaux (Cousin, 2005). Au XVIème siècle, le chirurgien Ambroise Paré évoque pour la première fois le fait de réduire la douleur chez le malade : «La première intention d’un chirurgien doit être d’apaiser la douleur». Il est l’un des premiers à décrire les atteintes de nerfs (névralgies), encore méconnues (Laurent et al., 2004).

Au XVIIème siècle, la douleur est considérée comme essentielle par sa fonction d’alerte mais aussi de stimulant permettant de ranimer le patient. Cette douleur est également estimée comme un symptôme précieux tant pour le diagnostic que pour le suivi de la maladie. Les poètes de cette époque insistent sur la notion «vitale» de la douleur, comme Alfred de Musset qui s’exprime ainsi : « L’homme est un apprenti, la douleur est son maître, et nul ne se connaît tant qu’il n’a pas souffert » (Nisard and Chotard, 1995).

C’est le médecin et chirurgien Alfred Velpeau (1795-1867 ; Figure 1) qui devient le premier défenseur de l’anesthésie chirurgicale. Il doit cependant faire face à ses contemporains qui perçoivent la douleur comme utile et inévitable. On peut ainsi prendre pour exemple la séance de l’Académie des sciences de 1847 au cours de laquelle le physiologiste François Magendie ne comprend pas l’intérêt de soulager la douleur : «Qu’un malade souffre plus ou moins, est-ce là une chose qui offre de l’intérêt pour l’Académie des sciences ?» (Clarac and Ternaux, 2008). Toutefois, le soulagement de la douleur s’impose peu à peu en dépit de débats houleux au sein des académies. Ainsi, les premières méthodes d’anesthésie avec le chloroforme et l’éther se mettent en place (Perl, 2007).

Par la suite, la prise en charge de la douleur est pleinement acceptée par la société. Loin de l’idée des premiers siècles, basée sur le respect de la douleur, celle-ci est alors jugée comme essentielle à combattre et soulager. En 1993, une réflexion est initiée par le ministère de la santé sur la lutte de la douleur comme une priorité de santé publique. Deux programmes nationaux se mettent en place en 1994 et 1998 pour la prise en charge de la douleur chronique. En 2002, le soulagement de la douleur est reconnu comme droit fondamental à toute personne.

Ainsi, alors qu’autrefois la dignité de la personne était associée au fait qu’elle supporte la douleur, c’est finalement l’inverse qui voit le jour au XXème siècle avec comme objectif premier de santé publique : combattre la douleur, selon les termes de la loi de 2004. Dans ce contexte, le pharmacien et neurobiologiste Jean-Marie Besson (1938-2014) a joué un rôle déterminant pour le développement des recherches sur la douleur en France ; il a notamment créé et validé de nombreux modèles expérimentaux de grand intérêt pour la recherche préclinique et ses applications en clinique humaine (Besson, 1992).

Au même titre que la perception de la douleur par la société, sa définition a également évolué au cours des siècles.

Vers une définition de la douleur communément admise

Il faut attendre le XVIIème siècle pour qu’une définition scientifique de la douleur commence à émerger. René Descartes (1596-1650 ; Figure 2) évoque en effet pour la première fois la douleur comme résultant de la «tension de nerf». Cette notion est ensuite reprise par Herman Boerhaave (1668-1738) puis par son élève Gerhard van Swieten (1700-1772) qui déclare que la douleur entraine «un certain changement mécanique aux houpes nerveuses […]. Le nerf est dans une telle situation qu’il est prêt à se rompre […], à l’occasion de ce changement naît l’idée de douleur» (Descartes and Bridoux, 1999).

Suite à ces premières réflexions scientifiques, on trouve dans le Larousse Médical, en 1929, la définition suivante de la douleur : «une sensation pénible due à une excitation violente et destructrice des terminaisons nerveuses sensitives ou centripètes» (Claverie, 1992). Cependant, en dépit de la tentative de certains scientifiques d’apporter une définition plus précise, la douleur s’est longtemps avérée peu ou mal comprise et n’a été définie que partiellement jusqu’à ces dernières années (Cousin, 2005). En plus des processus physiologiques communs à chaque individu, la douleur inclus une composante émotionnelle personnelle. Cette dernière n’a été introduite que tardivement, en 1979, avec la définition de l’Association Internationale d’Etude de la Douleur (IASP) qui décrit la douleur comme «une sensation et une expérience émotionnelle désagréables en réponse à une atteinte tissulaire réelle ou potentielle, ou décrites en ces termes». Cette définition est celle actuellement retenue par le corps scientifique (Laurent et al., 2004).

Si la prise en compte des émotions était absente au cours des premiers siècles, il est aujourd’hui prouvé et communément admis qu’elles peuvent moduler la douleur.

La composante émotionnelle de la douleur

Douleur et émotions

La composante émotionnelle de la douleur est un élément essentiel à prendre en compte dans sa prise en charge. L’état psychique de la personne a en effet une influence directe sur l’intensité de la douleur ressentie. Le stress notamment accentue la douleur (Demyttenaere et al., 2006). Un exemple du quotidien est celui de la vaccination chez l’enfant. Plus l’enfant anticipera la piqûre et se focalisera sur la peur de l’aiguille, plus il aura une douleur prononcée. Alors que pour une même piqûre, un enfant détendu ou distrait par autre chose ne ressentira qu’une très légère pression sur son bras. Cet exemple illustre le concept «d’anxiété liée à la douleur» qui est fréquemment rencontré. L’anxiété, sous différentes formes, est une comorbidité importante à la douleur et aurait une prévalence de 50% chez les patients douloureux vivant à domicile (Kroenke et al., 2013).

Par ailleurs, la comorbidité avec la dépression est aussi à considérer. En effet, il a été observé dans les études cliniques que 20 à 50% des patients souffrant de douleurs chroniques présentent une comorbidité dépressive. Réciproquement, 75% des patients dépressifs souffrent de douleurs incluant notamment des douleurs de type neuropathique (Bouhassira et al., 2008). Cette comorbidité souligne l’importance des facteurs émotionnels dans la douleur (Bair et al., 2008). Ainsi, il faut distinguer deux termes : la douleur, qui inclut la composante émotionnelle et la nociception, correspondant essentiellement à la composante sensori-motrice.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : LES DOULEURS NEUROPATHIQUES
I. HISTORIQUE ET DEFINITION DE LA DOULEUR
II. EPIDEMIOLOGIE ET ETIOLOGIE DES DOULEURS NEUROPATHIQUES
III. PHYSIOPATHOLOGIE DES DOULEURS NEUROPATHIQUES
IV. DIAGNOSTIC CHEZ L’HOMME ET OFFRE THERAPEUTIQUE ACTUELLE
V. MODELES ET TESTS PRECLINIQUES DE DOULEURS NEUROPATHIQUES
SECONDE PARTIE : LES ANTIDEPRESSEURS
I. HISTORIQUE
II. CLASSIFICATION DES ANTIDEPRESSEURS
III. LE MARCHE DES ANTIDEPRESSEURS
IV. LIMITES DE L’UTILISATION DES ANTIDEPRESSEURS DANS LE TRAITEMENT DES DOULEURS NEUROPATHIQUES
TROISIEME PARTIE : LES ASTROCYTES
I. LES ASTROCYTES, CELLULES MAJORITAIRES DE LA GLIE
II. ASTROCYTES ET DOULEURS NEUROPATHIQUES
III. ASTROCYTES ET ANTIDEPRESSEURS
QUATRIEME PARTIE : LA CONNEXINE 43 ASTROCYTAIRE
I. INTRODUCTION SUR LES CONNEXINES
II. LES CONNEXINES ASTROCYTAIRES
III. CONNEXINE 43 ASTROCYTAIRE ET DOULEURS NEUROPATHIQUES
IV. CONNEXINE 43 ASTROCYTAIRE ET ANTIDEPRESSEURS
PROBLEMATIQUE ET OBJECTIFS
RESULTATS
PREMIERE ETUDE : LES ANTIDEPRESSEURS MODULENT LES FONCTIONS DE LA CX43 ASTROCYTAIRE
SECONDE ETUDE : L’EFFET ANTI-HYPERALGESIQUE DE L’AMITRIPTYLINE EST POTENTIALISE PAR L’INHIBITION DE LA CONNEXINE 43 ASTROCYTAIRE
DISCUSSION GENERALE ET PERSPECTIVES
DISCUSSION GENERALE
I. IMPLICATION DE LA CX43 ASTROCYTAIRE DANS LE MECANISME D’ACTION DES ANTIDEPRESSEURS
II. VALIDATION DE LA CX43 ASTROCYTAIRE COMME CIBLE THERAPEUTIQUE PERMETTANT D’AMELIORER L’EFFET ANTINOCICEPTIF DES ANTIDEPRESSEURS
III. COMBINAISON D’UN ACTEUR NEURONAL AVEC UN ACTEUR GLIAL, UNE APPROCHE THERAPEUTIQUE INNOVANTE
PERSPECTIVES
I. ETUDES IN VITRO ET EX VIVO
II. ETUDES IN VIVO
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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