Epidémiologie en population européenne et française

Epidémiologie en population européenne et française

Il existe un certain nombre de lacunes dans la disponibilité des données de prévalence des maladies chroniques en Europe, et la production d’une estimation précise n’est pas possible à ce jour. Globalement, les informations disponibles sont dispersées dans plusieurs rapports, sites Web, articles de recherche et bases de données internationales et l’existence des données varie énormément entre les États membres de l’Union européenne (21). Cependant, grâce à une enquête de 2006 basée sur l’autodéclaration des individus, on peut considérer que 20% à 40% de la population âgée de 15 ans et plus résidant dans l’Union européenne a un problème de santé chronique (25% reçoit un traitement médical à long terme) .

En France, dans la population adulte, les maladies chroniques touchent 15 millions de personnes soit 20% de la population française (23). L’hypertension artérielle (7 millions de cas), l’asthme (3,5 millions), les maladies rares (3 millions), la bronchite chronique (3 millions), le diabète (2,5 millions), l’insuffisance rénale chronique (2,5 millions) sont les principales maladies chroniques représentées. En 2014, 9,9 millions de personnes affiliées au régime général de l’Assurance Maladie bénéficiaient du dispositif des affections de longue durée (ALD-30), soit 15% de la population française .

La prévalence des maladies chroniques chez les adolescents d’Europe est difficile à évaluer en raison du manque de qualité des données sur ce groupe d’âge, ainsi que de la diversité des méthodes de mesure utilisées. Cette diversité repose majoritairement sur l‘hétérogénéité des définitions existantes des maladies chroniques, notamment en ce qui concerne leur durée, l’âge d’apparition, la limitation d’activité, la survie attendue, la mobilité, la déficience émotionnelle / sociale, l’évolution clinique. Lorsque des conditions telles que l’asthme léger ou les troubles de vision corrigibles sont prises en compte, la prévalence des maladies chroniques à l’adolescence peut s’élever à 15% .

En France, deux enquêtes récentes et basées sur de larges échantillons permettent d’estimer la proportion de jeunes porteurs de maladies chroniques. La première est l’enquête « Portraits d’adolescents », menée en 2013 et coordonnée par l’Unité Inserm 1178 « Santé mentale et santé publique » et le pôle Universitaire de la Fondation Vallée (25). Cette enquête sur la santé globale a permis de recueillir par autoquestionnaire les données de 15 235 jeunes de 13 à 18 ans scolarisés dans les régions du Val de Marne, du Poitou-Charentes et des Hautes Alpes. Cette enquête a estimé à 16,8% la proportion d’adolescents porteurs d’une maladie chronique. Cette estimation se basait sur les réponses aux questions : « Avez-vous une maladie ou des problèmes de santé depuis longtemps ? » puis « Citez la maladie ou le problème de santé en question ». Pour 12,9% d’entre eux il s’agissait d’une maladie psychique.

La seconde est l’enquête HBSC 2010 (Health Behaviour in School-aged Children) qui étudie les comportements de santé chez les enfants d’âge scolaire (26). C’est une enquête menée sous l’égide de l’OMS tous les 4 ans depuis 1982 dans plus de quarante pays, essentiellement européens. En 2006 et 2010, l’équipe HBSC-France a choisi de compléter la partie obligatoire de l’autoquestionnaire international par des questions optionnelles portant notamment sur le handicap et les maladies chroniques. En 2010, 11 638 élèves de 11 à 15 ans, scolarisés dans 347 établissements publics et privés sous contrat de France métropolitaine ont participé. La proportion des élèves de 11, 13 et 15 ans ayant déclaré être porteurs d’un handicap ou d’une maladie chronique était de 15,8 % en 2006 et de 18,3 % en 2010. La question posée était « Es-tu porteur d’une maladie chronique ou d’un handicap (comme diabète, allergie ou infirmité motrice cérébrale) ayant été diagnostiqué par un médecin? ».

L’interprétation de cette augmentation par l’équipe HBSC-France repose sur l’application de la loi du 11 février 2005, qui, dans son article L. 112-1, pose en principe la scolarisation en milieu ordinaire de tous les enfants présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé. En effet, ces deux grandes enquêtes ont été menées au sein d’établissements scolaires ordinaires.

Impact de la maladie chronique à l’adolescence

Parmi les élèves ayant rapporté avoir un handicap ou une maladie chronique dans l’enquête HBSC, 16% considéraient que leur condition restreignait leur présence et leur participation à l’école. Globalement, ils avaient une perception moins positive de leur santé comparée à celle de leurs camarades . Dans l’enquête « Portraits d’Adolescents », 53% des adolescents malades chroniques disaient vivre leur maladie « plutôt bien » et 22% « plutôt mal ». Parmi eux, 76% pensaient que leur maladie ne les empêchait pas du tout d’être un adolescent comme les autres ; 15% qu’elle les en empêchait peu et 10% qu’elle les en empêchait moyennement ou beaucoup .

L’adolescence est une période de transition en soi, entre l’enfance et l’âge adulte. Les jeunes changent rapidement et sur une multitude d’aspects : physiques, psychiques, affectifs et sociaux. La place du corps devient centrale avec les changements physiques de la puberté. Ces transformations, la sexualisation, la redéfinition de soi, l’émancipation sont les faits fondamentaux qui défissent cette période (29). La présence d’une maladie chronique va perturber singulièrement le processus d’adolescence. Tous les adolescents malades vivent une bataille entre la maladie et leur corps en plein développement, entre la réalité d’être un adolescent « différent » à cause de la maladie et la volonté d’être un adolescent comme les autres. La maladie et ses traitements entrainent plus ou moins d’effets visibles sur le développement staturo-pondéral et la puberté, mais l’ensemble des adolescents malades, même s’ils apparaissent « normaux » aux yeux de tous, se sentent différent de leurs pairs. Malgré la grande diversité des maladies chroniques en termes d’expression clinique ou de retentissement fonctionnel, l’image et l’estime de soi de l’adolescent sont souvent altérées. Cela complexifie le travail de construction identitaire. De plus, les contraintes de la maladie et des soins renforcent les liens de dépendance entre l’adolescent et ses parents d’un côté, l’adolescent et l’équipe médicale de l’autre. Ces liens acceptés depuis l’enfance et la difficulté de s’en dégager, peuvent construire un frein à la recherche d’émancipation et d’indépendance inhérente à l’adolescence. Enfin, l’espoir de la guérison qui avait pu être secrètement entretenu durant l’enfance est mis à mal. La projection dans un projet de vie global – professionnel, social, familial – doit être revu à travers la maladie (contre-indication à l’exercice d’un métier, menace de transmission à la descendance, risque de morbi-mortalité accru). Cet écart entre la perspective d’un futur idéal et la réalité impacte négativement les capacités de projection dans l’avenir et peuvent nourrir les réactions de révolte vis-à-vis de la maladie ou du corps médical à l’adolescence .

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Table des matières

Partie 1 : Introduction Générale
Partie 2 : Généralités et Etat de l’art
2.1. Les maladies chroniques
2.1.1. Définition de la maladie chronique
2.1.2. Epidémiologie en population européenne et française
2.1.3. Impact de la maladie chronique à l’adolescence
2.1.4. Prise en charge des maladies chroniques
2.2. Emergence de la problématique de la transition vers les soins pour adultes
2.2.1. Historique
2.2.2. Définition de la Society for Adolescents Medicine
2.2.3. La notion de « transfert »
2.3. Description du phénomène de la transition vers les soins pour adultes
2.3.1. Typologie des articles scientifiques publiés sur la thématique
2.3.2. Recommandations internationales généralistes et spécifiques d’une pathologie
2.3.3. Mesures des politiques de santé gouvernementales internationales
2.4. La transition : un phénomène complexe
2.4.1. Les univers de soins dans la transition
2.4.2. Les acteurs de la transition et leurs rôles
2.5. Le projet TRANSAD
2.5.1. Contexte du projet TRANSAD
2.5.2 Hypothèse et objectifs du projet TRANSAD
Partie 3 : Méthodologie
3.1. Utilisation des méthodes mixtes dans la recherche en santé publique
3.2. Méthodologie du projet TRANSAD
3.2.1. Choix des méthodes mixtes pour le projet TRANSAD
3.2.2. Chronologie du projet TRANSAD
Partie 4 : Présentation des travaux de recherche
4.1. Article 1 : Revue systématique des recherches interventionnelles de transition vers les soins pour adultes pour les adolescents porteurs de maladie chronique
4.2. Article 2 : La transition vers les soins pour adultes des jeunes ayant contracté le VIH pendant la période périnatale : une étude qualitative auprès des professionnels de santé
4.3. Article 3 : Identification d’un programme générique de transition : enquête de consensus avec les différents acteurs clés
Partie 5 : Discussion
5.1. Synthèse des résultats principaux
5.2. Discussion des résultats de la thèse et de la littérature
5.2.1. Discussion des objectifs des programmes de transition destinés aux patients
5.2.2. Discussion des questions de recherche dans le champ de la transition
5.3. Forces et limites du travail
5.4. Perspectives
Partie 6 : Conclusion
Bibliographie

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