Epidémiologie du strabisme en milieu prescolaire

Le strabisme, (du grec strabismos « loucher ») est un terme regroupant plusieurs entités aux processus pathogéniques complexes et souvent intriqués, ce qui rend parfois difficile la classification de ses anomalies. On peut c onsidérer qu’il s’agit d’un dé sordre oculomoteur comportant une composante motrice (déviation d’un œil) et une composante sensorielle (dérèglement de la vision binoculaire) [1]. Son dépistage et son diagnostic se font par un examen clinique et orthoptique permettant d’objectiver une anomalie oculomotrice et de rechercher une anomalie associée de la vision binoculaire [2].

Non traité, il expose à une amblyopie fonctionnelle dans 50% des cas. Il s’agit d’une diminution de l’acuité visuelle sans lésion organique apparente. Celle ci peut être évitée grâce à une prise en charge précoce avant l’âge de trois ans [2]. Le strabisme se voit plus souvent chez l’enfant. C’est une pathologie relativement fréquente. Les diverses statistiques retiennent que le strabisme est présent chez 2 à 4 % de la population générale [3] ; mais en Afrique, nous ne disposons pas de données globales. Les rares données existantes sont des statistiques hospitalières (Cameroun, Zaïre) [4 ; 19].

Cela est du à la négligence de cette affection par la population, au mystère qui l’entoure et au fait que les ophtalmologistes rechignent à la prendre en charge. Si on e st plus ou moins conscient du pré judice esthétique, le préjudice fonctionnel est totalement méconnu [4] sans compter le préjudice psychologique. La non maitrise de cette affection dans nos régions nous incite à entreprendre cette étude qui a pour objectifs de déterminer la fréquence du s trabisme en milieux préscolaires et d’en identifier les aspects cliniques.

GENERALITES

DEFINITION

Le strabisme peut être considéré comme un syndrome oculomoteur avec deux composantes :

Une composante motrice : l’un des deux yeux, dit « œil dévié », occupant par rapport à l’autre œil dit « œil dominant » (ou directeur, ou fixateur) une position anormale dite déviation strabique, en général telle que son axe visuel ne passe plus par le point de fixation. Une composante sensorielle : altération de la vision binoculaire, en général due au fait qu’un stimulus donné ne forme plus ses images rétiniennes sur les points rétiniens correspondants normaux des deux yeux, ce qui produit des phénomènes pathologiques de compensation.

HISTORIQUE

La plupart des traités d’ophtalmologie, évoquant l’histoire du st rabisme, situent le début de son traitement aux premières tentatives chirurgicales, effectuées vers 1840. Il est toutefois évident qu’un défaut aussi apparent n’avait pas échappé aux observateurs antérieurs. Ambroise PARÉ (1517 – 1590), rappelle que dès le septième (VIIème) siècle, Paul d’EGINE avait préconisé, pour le traitement du strabisme de l’enfant, le port d’un masque totalement opaque, ne laissant que deux orifices centraux, situés en face de chaque pupille. Il est permis de reconnaître dans ces essais de traitement, une ébauche des occlusions en secteurs, en honneur ces dernières années. L’existence dans le strabisme d’un facteur musculaire et d’un facteur sensoriel non plus n’avait pas échappé aux anciens auteurs.

Jacques GUILLEMEAU, dans son ouvrage les « Œuvres de Chirurgie », définit le strabisme comme « une distorsion contrainte, avec inégalité de la vue, ou convulsion des muscles qui meuvent l’œil ». Le double facteur, sensoriel et musculaire, est déjà apparent dans cette définition. François THEVENIN définit le strabisme comme « une convulsion de quelques muscles de l’œil, lorsque, faisant tourner l’œil, on regarde de travers ». Un siècle plus tard, De SAINT-YVES, chirurgien-oculiste de Saint-Came, devait soutenir cette pathogénie avec fermeté, dans son Nouveau Traité des Maladies oculaires (1767). Il ressort de ces textes que si, dès le XVIIème siècle, il est fait allusion à une « inégalité de vue » dans le strabisme, c’est cependant à un élément essentiellement musculaire qu’était attribué le strabisme. Cette pathogénie musculaire était d’autant mieux acceptée que l’anatomie des muscles oculaires et leur mode d’action étaient parfaitement connus. Les insertions et les trajets musculaires, l’action des muscles droits et des muscles obliques sont décrits dans les traités de cette époque, avec exactitude et précision. Nous pouvons simplement regretter qu’aient été abandonnés les qualificatifs très évocateurs par lesquels GUILLEMEAU désignait les muscles de l’œil : les muscles droit supérieur, droit inférieur, droit interne et droit externe étaient respectivement dénommés le Superbe, l’Humble, le Beuveur, l’Orgueilleux, et les deux obliques étaient appelés, d’une façon attendrissante le Grand Amoureux et le Petit Amoureux. Le strabisme étant considéré, à cette époque, comme une déficience essentiellement musculaire, le traitement consistera à faire travailler les muscles oculaires pour les inciter à diriger leur regard dans la bonne direction. Le masque d’Ambroise PARÉ répond à ce but : il sera repris, durant plus de deux siècles, par tous les auteurs, avec quelques variantes. GUILLEMEAU conseille de suspendre, sur le berceau de l’enfant, un objet rouge placé du côté opposé à la déviation, afin d’attirer le regard de l’enfant. De SAINT-YVES préconise, chez l’enfant plus âgé, des exercices devant un miroir, mais surtout, fait une critique très pertinente du masque d’Ambroise PARÉ, faisant remarquer que si l’œil fixateur dirige effectivement son regard à travers l’orifice central, l’autre œil continue à dévier sous le masque, rendant illusoire l’action de l’orifice central situé devant le deuxième œil. Aussi a-t-il inventé une « espèce de nez de masque qui doit couvrir une partie de l’œil qui louche, ou des deux, lorsqu’ils louchent tous deux. Il ne doit s’étendre sur les yeux que jusqu‘aux prunelles, en sorte qu’il les laisse entièrement découvertes ». Cette description permet de considérer De SAINT-YVES comme l’inventeur de l’occlusion en secteurs; ce mode de traitement, à nouveau à l’honneur, a donc une ancienneté de plus de deux siècles. C’est l’immense mérite de BUFFON d’avoir montré l’importance des phénomènes sensoriels dans le strabisme. Il a été le premier à préconiser, en cas d’amblyopie unilatérale, l’occlusion permanente du bon œil pour améliorer la vision de l’œil le plus faible. Il a ainsi établi l’existence de l’amblyopie fonctionnelle et posé le principe de son traitement. Ses travaux, publiés en 1743 c onstituent une prémonition extraordinaire de la strabologie moderne. Aucune des données actuelles ne lui avait échappé. BUFFON, certes, ignorait la correspondance rétinienne anormale. Mais il eut la prescience de comprendre qu’en dehors de tels cas, le sujet strabique n’avait qu’une vision monoculaire, quelles que fussent les conditions sensorielles de chaque œil. Chose plus surprenante, BUFFON a posé, avec deux siècles d’avance, le principe de la pénalisation et en a p récisé la technique. A part quelques améliorations techniques, nous ne faisons guère autre chose aujourd’hui. BUFFON a également analysé, avec une grande finesse d’observation, l’alternance loin / près dans les cas d’anisométropie. Si, d’une façon légitime, JAVAL est considéré comme le grand initiateur de la strabologie moderne, il est équitable d’en reconnaître en BUFFON le précurseur.

RAPPEL ANATOMOPHYSIOLOGIQUE

Rappel anatomique

L’œil est un organe pair, frontal et symétrique de 23 à 24mm de diamètre. Il a pour fonction de recevoir et de transformer les vibrations électromagnétiques de la lumière en influx nerveux qui sont transmis au cerveau. L’œil fonctionne comme un appareil photographique. Logé dans l’orbite, il e st constitué de membranes et de milieux transparents.

LES MEMBRANES

Elles sont au nombre de trois superposées les unes sur les autres. De l’extérieur vers l’intérieur : la coque cornéo-sclérale, l’uvée, la rétine .

La coque cornéo-sclérale 
Elle forme la paroi de l’œil et lui donne sa rigidité, son élasticité et sa résistance. Elle est formée de : la cornée en avant formant une coupole transparente, avasculaire et richement innervée par les filets terminaux des nerfs ciliaires. la sclérotique ou sclère, très résistante, fait suite à la cornée et occupe 80% de la coque cornéo-sclérale ; elle assure le passage de nombreux éléments vasculo- nerveux. Sur sa face externe s’insèrent les muscles oculomoteurs.

L’uvée
Elle est située à l a face interne de la sclère et est de nature pigmentaire, conjonctive et vasculaire. Elle est composée de trois parties bien distinctes :

L’iris et le corps ciliaire (constituant l’uvée antérieure), et la choroïde (l’uvée postérieure). L’iris forme un di aphragme musculo-pigmentaire tendu frontalement à la jonction cornéo-sclérale. Il constitue un écran infranchissable par la lumière et est perforé d’un orifice central, la pupille qui permet le passage de la lumière vers la rétine. Le corps ciliaire est situé en arrière de l’iris. Il donne insertion à l a zonule, ligament suspenseur du cristallin ; il e st formé de deux parties distinctes que sont les procès ciliaires qui secrètent l’humeur aqueuse, et le muscle ciliaire qui participe au phénomène de l’accommodation. La choroïde, véritable éponge vasculaire, tapisse la face interne de la sclérotique. La densité de sa circulation en fait la membrane au plus haut débit sanguin de l’organisme.

La rétine
Membrane la plus interne de l’œil, elle en assure la sensorialité. Elle tapisse la face interne de la choroïde et se compose de deux parties complémentaires et très distinctes l’une de l’autre. L’épithélium pigmentaire rétinien et le neuroépithélium rétinien. Les artères rétiniennes se distribuent à partir de l’artère centrale de la rétine, branche terminale de l’artère ophtalmique qui aborde l’œil par la papille optique. Cette circulation artérielle est de type terminal et forme un réseau capillaire très dense qui épargne une zone : la fovéa, point de fixation. Les veines suivent le trajet des artères avec de fréquents croisements artérioveineux.

LES MILIEUX TRANSPARENTS

Ils remplissent la cavité oculaire et assurent la transmission de la lumière depuis la cornée jusqu’à la rétine.

La chambre antérieure 
La chambre antérieure est l’espace situé entre la cornée en avant et l’iris en arrière. Sa profondeur est corrélée au degré d’ouverture de l’angle iridocornéen formé par le carrefour cornéo-irido-scléral qui réunit la périphérie de la cornée, de l’iris et le bord antérieur de la sclérotique.

L’humeur aqueuse
C’est un l iquide limpide proche du s érum, pauvre en protéine et ri che en acide ascorbique, produit par les procès ciliaires du corps ciliaire. Elle remplit la chambre antérieure et la chambre postérieure qui communiquent par la pupille.

Le cristallin
Il forme une lentille biconvexe placée frontalement derrière la pupille et l’iris. Il est maintenu en position par son ligament suspenseur, la zonule qui relie son équateur aux procès ciliaires.

Le vitré
C’est un gel remplissant la cavité oculaire en arrière du cristallin et occupant par son volume les 4/5 de l’organe.

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Table des matières

INTRODUCTION
GENERALITES
I. Définition
II. Historique
III. Rappel anatomophysiologique
III.1) Rappel anatomique
III.1.1) Les membranes
III.1.2) Les milieux transparents
III.1.3) Les annexes
III.2) Rappel physiologique
III.2.1) Physiologie des muscles oculomoteurs
III.2.2) Vision binoculaire
IV. Strabisme
IV.1. Physiopathologie
IV.2. Etude clinique
IV.2.1) Etude de la déviation
IV.2.1.1) L’interrogatoire
IV.2.1.2) L’inspection
IV.2.1.3) La recherche du strabisme
IV.2.2) Recherche d’une amblyopie
IV.2.2.1) Avant 2 ans ½
IV.2.2.2) Après 2 ans ½
IV.2.3) L’examen ophtalmologique complet
IV.2.3.1) L’exploration de l’acuité visuelle
IV.2.3.2) L’examen
IV.2.4) Formes cliniques
IV.2.4.1) Strabismes convergents ou ésotropies
IV.2.4.2) Strabismes divergents ou exotropies
IV.2.4.3) Syndromes alphabétiques
IV.2.4.4) Strabismes cycloverticaux
IV.2.5) Etiologies
IV.2.6) Traitement
IV.2.6.1) Les buts
IV.2.6.2) Les moyens et indication
MATERIEL ET METHODE
I. Cadre de l’étude
II. Méthodologie de l’étude et matériel
III.Difficultés rencontrées
RESULTATS
I. Aspects épidémiologiques
I.1 Identification de l’enquête
I.2 Prévalence du strabisme
I.3 Répartition des enfants strabiques selon le genre
I.4 Répartition des enfants strabiques selon l’âge
I.5 Répartition des patients examinés
I.5.1 Répartition selon l’âge et le sexe
I.5.2 Répartition selon la région d’origine
I.5.3 Répartition selon le type d’établissement fréquenté
I.5.4 Répartition selon L’inspection scolaire
II.Aspects cliniques
II.1 Interrogatoire
II.1.1 Age d’apparition du strabisme
II.1.2 Mode de survenue
II.1.3 Signes associés
II.1.4 Antécédents
II.2 Examen
II.2.1) Acuité visuelle
II.2.2) Attitude compensatrice de la tête
II.2.3) Asymétrie du visage
II.2.4) Configuration des fentes palpébrales
II.2.5) Type de déviation
II.2.6) Examen à la Lampe à Fente
II.2.7) Examen de l’oculomotricité
II.2.8) Réfraction automatique
DISCUSSION
I. Aspects épidémiologiques
I.1) Echantillon et prévalence
I.2) Age, sexe et région d’origine
I.3) Type d’établissement fréquenté
II. Aspects cliniques
II.1) Données de l’interrogatoire
II.1.1) Age de découverte
II.1.2) Consultations et traitements antérieurs
II.1.3) Antécédents et facteurs de risque
II.2) Données de l’examen
II.2.1) Attitude compensatrice de la tête
II.2.2) Asymétrie du visage
II.2.3) Configuration des fentes palpébrales et paupières
II.2.4) Analyse du strabisme
II.2.5) Degré de l’amblyopie
II.2.6) Lampe à fente
II.2.7) Examen de l’oculomotricité
II.2.8) Réfraction automatique
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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