Epidémiologie du cancer pulmonaire

Traitements du cancer pulmonaire

Le traitement du cancer du poumon diffère selon le caractère localisé ou non du cancer.
Pour les cancers localisés (stade I ou II), le traitement de référence est la chirurgie. Les interventions à visée curatrice vont de la segmentectomie pour les tumeurs de petite taille (inférieure à 2 cm) à la lobectomie, voire à la pneumonectomie. Le geste doit s’accompagner d’un curage ganglionnaire. Il s’agit du traitement avec le meilleur pronostic en termes de survie.
Pour les patients non opérables, il peut être proposé une radiothérapie, soit non stéréotaxique associée à une chimiothérapie concomitante, soit stéréotaxique.
La chimiothérapie dans le cancer du poumon garde de nombreuses indications. Elle peut être retenue en contexte adjuvant en cas de résection chirurgicale incomplète ou en cas d’envahissement ganglionnaire. Elle peut également être prescrite en néoadjuvant chez les patients avec une maladie localement avancée (Stade III) résécable. En cas de tumeur localement avancée mais non résécable ou si le patient est inopérable, une radiochimiothérapie concomitante ou en séquentielle selon l’état général du patient peut alors être proposée. Enfin, chez les patients avec un cancer métastatique, la chimiothérapie est proposée en première ligne chez les patients sans altération oncogénique et sans expression forte du marqueur Program Death-Ligand 1 sur la tumeur (< 50%). Elle est également indiquée en ligne ultérieure après échec d’immunothérapie ou de thérapie ciblée.
Les thérapies ciblées regroupent un ensemble de molécules visant des protéines impliquées dans les voies de signalisation des cellules. Ces voies de signalisation peuvent être surexprimées à lasuite de mutation dans les cellules tumorales. Les thérapies ciblées ont pour objectifs de bloquer ces voies de signalisation. Leur indication est réservée en première ligne aux patients métastatiques présentant une mutation de sensibilité.
Une dernière cible thérapeutique des cancers est l’immunothérapie qui est basée sur la stimulation du système immunitaire du patient contre la tumeur (14).

Immunothérapie

Mécanismes

La réponse immunitaire face à une tumeur repose sur un ensemble d’étapesschématisé dans la figure 2 : la tumeur produit des antigènes tumoraux, différents de ceux produits par les cellules saines. Ces antigènes sont reconnus par des cellules présentatrices d’antigènes (CPA), notamment les cellules dendritiques. Les CPA migrent dans les ganglions lymphatiques de drainages de la tumeur. Elles présentent alors les antigènes aux lymphocytes T spécifiques de ces antigènes. Cette reconnaissance de l’antigène entraîne une activation et une prolifération de la population de lymphocytes T spécifique de l’antigène. Les lymphocytes T activés migrent vers la tumeur, où ils peuvent induire la lyse et l’apoptose cellulaire des cellules cancéreuses. A chacune de ces étapes, il peut y avoir un ou plusieurs mécanisme(s) inhibiteur(s), limitant l’efficacité de réponse immunitaire(18).
Parmi ces mécanismes inhibiteurs, sont les points de contrôle immunitaires (« immune checkpoints »). Ce mécanisme repose sur une liaison entre un récepteur à la surface du lymphocyte T et un ligand présent sur une autre cellule (CPA, cellule cancéreuse, lymphocyte T régulateur…).
L’immunothérapie telle qu’elle est utilisée dans le traitement du cancer du poumon à l’heure actuelle a pour cible ces liaisons dans le but d’augmenter la réponse immunitaire notamment le Cytotoxic T-Lymphocyte antigen-4 (CTLA-4) et le Programmed Death-1 (PD-1) et son ligand le Programmed Death-Ligand 1 (PD-L1).

Ipilimumab

Dans une étude de phase 2 qui avait inclus 204 patients, il était comparé 3 groupes égaux : Carboplatine –Paclitaxel dans le groupe contrôle, un groupe recevant Carboplatine – Paclitaxel –Ipilimumab pendant 4 cures puis Carboplatine –Paclitaxel –Placebo pendant 2 cures et un 3 ème groupe recevant 2 cures Carboplatine –Paclitaxel –Placebo puis de 4 cures de Carboplatine –Paclitaxel –Ipilimumab. Le critère de jugement principal était la survie sans progression liée à l’immunothérapie. L’étude retrouvait un Hazard Ratio (HR) à 0.72 significatif dans le 3 ème groupe en comparaison avec le groupe témoin (22).
Cependant, plus récemment, une étude de phase 3 comparant l’association Carboplatine – Paclitaxel –Ipilimumab contre Carboplatine –Paclitaxel –Placebo ayant inclus 749 patients avec un cancer bronchique épidermoïde, ne montrait pas de différence significative entre les deux groupes que ce soit sur la médiane de survie globale ou la médiane de survie sans progression (23).
Enfin, l’étude CheckMate 227 a comparé dans un essai de phase 3 chez des patients atteints d’un cancer pulmonaire non à petites cellules métastatique ou en rechute exprimant PD-L1 sur au moins 1% des cellules avec un statut OMS de 0 ou 1, l’association Nivolumab et Ipilimumab contre Nivolumab seul et contre chimiothérapie (doublet à base de sels de platine). Les résultats montraient une médiane de survie à 17.1 mois dans le groupe Nivolumab –Ipilimumab contre 14.9 mois pour la chimiothérapie (p= 0.007). La comparaison entre Nivolumab –Ipilimumab et Nivolumab en monothérapie était en revanche non contributive.
A noter que dans l’étude CheckMate 227 a été réalisé une partie complémentaire qui étudiait les patients dont la tumeur n’exprimait pas PD-L1. Les 3 groupes étaient cependant légèrement différents : 1 groupe Nivolumab –Ipilimumab, un deuxième groupe Nivolumab – chimiothérapie à base de sels de platine et le troisième groupe recevait une chimiothérapie à base de sels de platine seule. La comparaison du groupe double immunothérapie à celui de la chimiothérapie seule retrouvait une survie globale médiane de 17.2 mois [12.8 –22.0] pour l’immunothérapie contre 12.2 mois [9.2 –14.8] avec un HR à 0.62 [0.48 –0.78] (significativité non communiquée). La comparaison du groupe Nivolumab –chimiothérapie contre chimiothérapie seule montrait une survie sans progression meilleure dans le groupe recevant le Nivolumab (HR : 0.73 [0.56 –0.95], p = 0.007), la différence de survie globale n’était en revanche pas significative (HR: 0.78 [0.60 –1.02]) (24).
A l’heure actuelle, l’Ipilimumab n’a pas d’indication dans le traitement du cancer du poumon, mais les résultats de l’étude CheckMate 227 ouvriront peut-être une indication à uneassociation de l’Ipilimumab avec le Nivolumab en première ligne du CBNPC métastatique.

Inhibiteurs du Programmed Death-1 (PD-1) et du Programmed DeathLigand 1 (PD-L1)

PD-1 est un récepteur situé sur le lymphocyte T. Il a deux ligands, PD-L1 ou PD-L2, notamment exprimés par les CPA. La liaison du récepteur avec son ligand entraîne une inhibition de l’activation du lymphocyte T(25).
PD-L1 peut également être exprimé par les cellules tumorales, et jouer un rôle dans l’échappement immunitaire des tumeurs (26). L’intensité de l’expression de PD-L1 dans les tumeurs pulmonaires est d’ailleurs associée à une moins bonne survie(27).
Dans le cancer du poumon, les principaux anti-PD-1 sont le Nivolumab et le Pembrolizumab, et les principaux anti-PD-L1 le Durvalumab et l’Atezolizumab.

Nivolumab

L’étude Checkmate 017 comparait un traitement par Nivolumab 3mg/kg toutes les 2 semaines à une chimiothérapie par Docetaxel 75mg/m2 toutes les trois semaines, chez 272 patients avec carcinome épidermoïde bronchique localement avancé ou métastatique après une première ligne de chimiothérapie. Il y avait une différence significative en terme de survie globale entre les 2 groupes : 9.2 mois dans le groupe Nivolumab contre 6.0 mois (HR : 0.59, p<0.001) (28).
L’étude Checkmate 057 était construite sur le même modèle que la précédente mais concernant les adénocarcinomes pulmonaires. 582 patients ont été inclus dans cette étude. La survie globale dans le groupe Nivolumab était de 12.2 mois contre 9.4 mois pour le groupe Docetaxel (HR : 0.73, p=0.002) (29).
À la suite de ces deux études, Nivolumab est indiqué dans le traitement de deuxième ligne du CBNPC métastatique.

Pembrolizumab

L’étude Keynote-010 est une étude de phase 2/3 multicentrique qui comparait entre 3 groupes la survie globale et la survie sans progression chez des patients avec un cancer pulmonaire non à petites cellules exprimant PD-L1 sur au moins 1% des cellules après une première ligne de chimiothérapie. Le premier groupe recevait Pembrolizumab 2mg/kg toutes les 3 semaines, le deuxième Pembrolizumab 10mg/kg toutes les 3 semaines, et le troisième du Docetaxel 75mg/m2 toutes les 3 semaines. L’étude a porté sur 1034 patients. La survie globale était de 10.4 mois dans le groupe Pembrolizumab 2mg/kg, 12.7 mois dans le groupe Pembrolizumab 10mg/kg et de 8.5 mois dans le groupe Docetaxel. Comparé au groupe Docetaxel, les patients ayant reçu Pembrolizumab avaient une meilleure survie globale : HR : 0.71 (p = 0.0008) et 0.61 (p<0.0001) dans les groupes 2mg/kg et10mg/kg, respectivement. Il n’y avait cependant pas de différence statistiquement significative sur la survie sans progression (30).
À la suite de cette étude, Pembrolizumab est indiqué dans le traitement de deuxième ligne du CBNPC métastatique avec expression de PD-L1 sur ≥1% des cellules tumorales.
Keynote-024 est une étude de phase 3 ayant comparé un traitement de première ligne par Pembrolizumab 200mg toutes les 3 semaines à une bi-chimiothérapie à base de sel de platine, chez des patients avec CBNPC exprimant PD-L1 sur ≥50% des cellules tumorales. Trois-centcinq patients ont été inclus. La survie sans progression dans le groupe Pembrolizumab était de 10.3 mois contre 6.0 mois dans le groupe chimiothérapie (HR : 0.5, p<0.001) (31).
À la suite de cette étude, Pembrolizumab est indiqué dans le traitement de première ligne du CBNPC métastatique avec expression de PD-L1 sur ≥50% des cellules tumorales.
Dans l’essai Keynote-042, les auteurs ont repris le schéma de l’étude Keynote-024 mais pour des patients dont la tumeur exprimait PD-L1 sur au moins 1% des cellules. Il était ensuite réalisé une stratification selon l’expression de PD-L1 : plus de 1%, plus de 20% et plus de 50%. Les résultats confirmaient ceux de l’étude Keynote-024 avec une meilleure survie globale chez les patients avec un PD-L1 supérieur à 50% et recevant du Pembrolizumab encomparaison à ceux recevant de la chimiothérapie (HR : 0.69 [0.56 –0.85], p = 0.0003). En revanche, il n’existait pas de différence significative dans la survie globale entre les deuxgroupes si la tumeur exprimait PD-L1 entre 1 et 50% (HR : 0.92 [0.77-1.11]) (32).
L’essai Keynote-189 s’est intéressé à la combinaison d’une chimiothérapie avec du Pembrolizumab. Les patients devaient avoir un cancer pulmonaire non à petites cellules non épidermoïde et non muté. L’expression de PD-L1 n’était pas un critère d’inclusion ou d’exclusion, mais la répartition des patients a été stratifiée selon le statut PD-L1 (<1% ou au moins 1%). Les patients étaient répartis en 2 groupes : un recevant Pembrolizumab –sels de platine – Alimta et l’autre recevant un placebo –sels de platine –Alimta. La survie globale dans legroupe bénéficiant du Pembrolizumab était meilleure que dans l’autre groupe (HR: 0.49 [0.38 –0.64] p<0.001). En s’intéressant à l’expression de PD-L1, la survie globale des patients recevant du Pembrolizumab était augmentée même en cas d’expression négative, mais elle était d’autant meilleure que l’expression PD-L1 était forte. La survie sans progression était elle aussi meilleure dans le groupe Pembrolizumab (HR : 0.52 [0.43-0.64] p<0.001). En revanche, dans la stratification, seuls les patients avec une expression d’au moins 1% de PD-L1 avait une amélioration de leur survie sans progression avec l’adjonction du Pembrolizumab (33).
L’essai Keynote-407 avait pour sa part comparé l’ajout du Pembrolizumab à la chimiothérapie mais chez des patients avec un cancer épidermoïde. De la même façon que pour l’étude Keynote-189, les patients étaient répartis en 2 groupes : Placebo – Carboplatine – Paclitaxel ou Pembrolizumab  Carboplatine –Paclitaxel. La survie globale était meilleure dans le groupe Pembrolizumab (HR : 0.64 [0.49 –0.85] p<0.001). De même, le groupe bénéficiant du Pembrolizumab avait une meilleure survie sans progression (HR : 0.56 [0.45-0.70] p<0.001) (34). À la suite de ces études, Pembrolizumab est indiqué en association à une chimiothérapie à base de platine dans le traitement de première ligne du CBNPC métastatique. A l’heure actuelle cette indication n’est toutefois pas prise en charge financièrement par l’assurancemaladie en France.

Durvalumab

Le Durvalumab est utilisé en traitement de consolidation après une radio-chimiothérapie concomitante à base de sels de platine dans le CBNPC de stade III non opérable, à la dose de 10mg/kg toutes les 2 semaines pendant 1 an.
Son efficacité dans cette indication a été démontrée par l’étude PACIFIC, comparant un traitement par Durvalumab à un placebo. Sept cent-neuf patients ont été randomisés, avec un ratio de 2 : 1. La médiane de survie sans progression était de 16.8 mois dans le groupe Durvalumab contre 5.6 mois dans le groupe placebo (HR : 0.52 ; p<0.001) (35). Ultérieurement les données de survie globale ont confirmé le bénéfice du traitement par Durvalumab dans cette indication (HR : 0.68 [0.47 –0.997] p=0.0025) (36). Une analyse post-hoc a cependant suggéré que ce bénéfice était restreint aux patients avec PD-L1≥1%.
À la suite de cette étude, Durvalumab est indiqué dans le traitement de consolidation après radio-chimiothérapie à base platine du CBNPC stade III avec expression de PD-L1 sur ≥1% des cellules tumorales.

Atezolizumab

L’étude multicentrique de phase 3 OAK, a comparé un traitement par Atezolizumab 1200mg toutes les 3 semaines à une chimiothérapie par Docetaxel 75mg/m2 toutes les 3 semaines,dans le CBNPC métastatique, après une première ligne de traitement. Chaque groupecomportait 425 patients. La survie globale médiane dans le groupe Atezolizumab était de 13.8 mois contre 9.6 mois dans le groupe chimiothérapie (HR : 0.73, p=0.0003) (37).
À la suite de cette étude, l’Atezolizumab est indiqué en deuxième ligne de traitements du cancer du poumon non à petites cellules qu’importe l’expression de PD-L1. Sa posologie est de 1200mg toutes les 3 semaines.

Effets indésirables des immunothérapies

Les principaux effets indésirables de l’immunothérapie sont d’ordre immuno-induits. Ils peuvent concerner l’ensemble des organes du corps, avec des atteintes plus ou moins sévères.
Les atteintes cutanées sont les plus fréquentes : 35 à 50% des patients présenteraient un effet indésirable cutané, de grade 1 ou 2 dans la grande majorité des cas. De rares cas de pemphigoïde bulleuse ou de syndrome de Stevens-Johnson ont été rapporté (39).
Les glandes endocrines sont également fréquemment touchées, en particulier la glande thyroïde. Dans une méta-analyse, le pourcentage de patients développant une hypothyroïdie était de 6.6%. Celle-ci était la plupart du temps asymptomatique (40).
Des atteintes pulmonaires à type de pneumopathie auto-immune sont également rapportées fréquemment et toucherait approximativement 3% des patients sous immunothérapie (41).
Les autres atteintes ayant une fréquence >1% sont les arthralgies, hépatites et colites. A des fréquences plus rares, on rencontre des néphrites interstitielles, des uvéites, des atteintes cardiaques (42).

Perte de poids

Elle se mesure par la différence entre le poids de forme (parfois estimé) et le poids observé.
La perte de poids est connue depuis longtemps comme un facteur pronostique majeur en médecine. Studley avait déjà rapporté en 1936 que les patients ayant perdu plus de 20% de leur poids avant la prise en charge chirurgical d’un ulcère de l’estomac avaient une mortalité bien plus importante (54).
En 1980, Dewys et al.publiaient une étude sur 3047 patients atteints de cancer, montrant que plus les patients perdaient du poids avant de recevoir une chimiothérapie, moins leur survie et le taux de réponse étaient élevés, notamment si la perte de poids était supérieure à 10%. De plus, il existait une relation entre la perte de poids et une dégradation de l’état général, mesuré par le statut de performance (55).
Rosenbaum et al.publiaient en 2000 une étude rapportant les variations de poids avec le temps chez des sujets sains. Ces variations étaient inférieures à 5% à 3 mois, inférieures à 10% à 6 mois et inférieures à 11% à 5 ans. A 5 ans, l’intervalle de confiance de la variation de poids était inférieur à 11% (56).
Il faut cependant garder à l’esprit que l’estimation du poids de forme par rappel du patient ou par équations est souvent erronée. L’estimation de la perte de poids s’en trouve alors inexacte.
Ainsi dans l’étude de Morgan et al., 24/100 patients estimaient avoir subi une perte de poids de plus de 10 kg, mais seuls18/24 avaient réellement perdu plus de 10kg. Par ailleurs 9/100 patients qui avaient réellement eu une perte de poids ≥10kg ne le rapportaient pas selon leur estimation (57).

Albuminémie

L’albumine est la protéine plasmatique la plus abondante. Elle est constituée de 585 acides aminés et pèse environ 65 kilo Daltons. Sa biosynthèse est réalisée par les hépatocytes. Sa demi-vie est d’environ 21 jours. Sa concentration habituelle dans le sang est de 35g/L à 50g/L. L’albumine possède de multiples fonctions dont le maintien de la pression osmotique au niveau vasculaire, le transport de protéines hydrophobes, l’effet tampon du pH, …(58).
L’hypoalbuminémie est considérée comme un marqueur de dénutrition (49). Cependant, ce critère souffre plusieurs limitations.
Tout d’abord, comme il a été décrit précédemment, on distingue deux profils cliniques de dénutrition : le marasme d’une part et le Kwashiorkor de l’autre. Alors que le second profil se caractérise cliniquement par des œdèmesimportants et une hypoalbuminémie, le premier se caractérise par une perte sévère de masse grasse et maigre par catabolisme afin de maintenir une homéostase en réponse à une privation calorique. Il en résulte un maintien prolongé de l’albuminémie à un taux normal bien que la dénutrition soit marquée(44). Une étude sur des patientes atteintes d’anorexie mentale réalisée par Rigaud et al., regroupant 443 patientes avec un IMC entre 17 et 11, permet d’illustrer le cas de la dénutrition marasmique. Une hypoalbuminémie n’était présente que dans 6% des cas, une hypo-préalbuminémie dans 8% dans ce groupe de patientes (59).
Un autre exemple qu’une diminution des apports nutritionnels n’entraîne pas nécessairement une hypoalbuminémie est l’expérience réalisée par l’université du Minnesota sur 32 sujets soumis à une restriction alimentaire pendant 6 mois. Alors que la perte de poids était de plus 25%, la variation de l’albumine était de 3g/L (43g/L à 40g/L)(60).
Secondairement, des études ont montré qu’une cause importante de l’hypoalbuminémie était lié à la perméabilité capillaire qui varie selon le contexte pathologique (61). Cette perméabilité capillaire est notamment médiée via des cytokines, comme l’interleukine-2, intervenant dans les processus inflammatoires. L’hypoalbuminémie est donc également un marqueur de l’état inflammatoire, avec ou sans dénutrition associée (62).
L’hypoalbuminémie ne semble finalement pas être un marqueur fiable de la dénutrition.
D’ailleurs le panel d’experts réuni par l’ESPEN afin de définir des critères diagnostiques de la dénutrition a rejeté quasi-unanimement l’utilisation de l’hypoalbuminémie (51).
En revanche, l’albuminémie s’avère être un bon marqueur de morbi-mortalité. Dans une méta-analyse de 90 études regroupant 291433 patients, il ressortait que chaque perte de 10g/L d’albumine entraînait une augmentation du risque de mortalité de 137% et la morbidité de 89%. Cette association était par ailleurs indépendante de l’inflammation et du statut nutritionnel (63).

Pré-albuminémie

La transthyrétine, ou pré-albumine, a été isolée pour la première fois en 1942 (64). Il s’agit d’une protéine homo-tétramérique d’environ 55kiloDaltons et de 4 fois 127 acides aminés (65).
Elle est synthétisée principalement dans le foie et les plexus choroïdes (66) (67), et sa demivie est de 2 à 3 jours (68).
Sa concentration plasmatique normale est de 0.2 à 0.4g/L (69).
Ses principales fonctions sont le transport de la tetra-iodo-thyroxine (T4), la tri-iodothyroxine (T3) ; le transport du rétinol, ainsi qu’une activité protéolytique(70).
La première étude s’intéressant àla pré-albumine comme un marqueur de dénutrition date de 1972. Dans cette étude, il était montré que des enfants souffrant de Kwashiorkor avaient une pré-albuminémie abaissée, qui se corrigeait lors de la renutrition (71).
Cependant, de la même façon que l’albumine, la concentration plasmatique de la préalbumine est influencée par des cytokines de l’inflammation. Dans une étude réalisée chez des patients souffrant d’un cancer, l’injection quotidienne d’interleukine-6 entraînait la diminution de la transthyrétine en 2 à 4 jours (72).
La corrélation de la pré albumine avec l’inflammation en fait un marqueur peu fiable dans des situations de stress aigues.
En revanche, et comme pour l’albuminémie, une diminution de la pré-albuminémie est un indicateur de mauvais pronostic. Dans une étude espagnole ayant inclus 605 patients admis dans les services autres que soins intensifs et ayant reçu une nutrition parentérale exclusive, les patients avec une pré-albuminémie inférieure à 0.12g/L avaient un risque de décès 1.94 fois plus élevé que les patients avec une concentration supérieure à 0.12g/L (p<0.001) (73).

Mini Nutritional Assessment (MNA)

Le MNA est un score standardisé, développé au début des années 1990 afin d’évaluer rapidement l’état nutritionnel des personnes âgées de plus de 60 ans. Il utilise dans sa forme complète 18 items portant sur des mesures anthropométriques, des éléments d’évaluation générale, une évaluation des apports alimentaires et une évaluation subjective (Figure 3).
Les patients ayant un score de 24 points ou plus sont considérés comme en bon état nutritionnel. Les patients avec un score entre 17 et 23.5 sont à risque de dénutrition et ceux avec un score inférieur à 17 en mauvais état nutritionnel.
Les études de validation du MNA chez les personnes âgées en milieu hospitalier ont permis de montrer que ce score donnait des résultats identiques à une évaluation clinique exhaustive dans 88% des cas. L’évaluation clinique recueillait l’examen clinique, l’évaluation de l’autonomie par le score Activities of Daily Living, la force de préhension et des marqueurs biochimiques (albumine, protéine C réactive (CRP), pré-albumine, orosomucoïde). Dans une étude rétrospective sur une cohorte américaine de personnes âgées de plus de 60 ans en milieu non institutionnalisé, le MNA permettait de classer 70 à 75% des patients âgés en dénutris ou en bon état nutritionnel sans avoir recours à des examens supplémentaires (74). Afin de faciliter l’utilisation du MNA, une forme simplifiée a été développée nommée Mini Nutritional Assessment Short-Form (MNA-SF) afin d’avoir un outil de dépistage rapide de l’état nutritionnel du patient. La forme simplifiée utilise seulement 6 des 18 critères (figure 4).
Un score de 12 ou plus est en faveur d’un bon état nutritionnel, tandis qu’un score de 11 ou moins est plutôt le signe d’un risque de dénutrition et nécessite de compléter le MNA-SF par un MNA complet.
Il y a une très forte corrélation entre le MNA-SF et le MNA (indice de Pearson à 0.945 ; p<0.0001) et le MNA-SF possède une très bonne aire sous la courbe à 0.961 en comparaison au MNA (75).

Dénutrition et cancer

Epidémiologie

La dénutrition est fréquente chez les patients atteints de cancer. Sa prévalence est variable selon le primitif. En 1980, Dewys et al. observaient un état de dénutrition, défini ici uniquement sur la perte de poids, chez 35% des patients avec cancer du poumon (55). En France, Hébuterne et al. ont étudié en 2014 la prévalence de la dénutrition chez les patients suivis pour un cancer. Le diagnostic de dénutrition était retenu selon l’IMC et la perte depoids. La prévalence était de 14% à 67% selon le type de cancer, 45% pour les patients avec cancer pulmonaire (83).

Effets de la dénutrition sur l’immunité

La dénutrition possède un effet sur le système immunitaire. Il a été montré chez les souris soumise à un régime pauvre en protéines, que celles-ci étaient plus sensibles aux infections que les souris avec un régime adapté. Lorsqu’elles étaient exposées à la grippe, les souris dénutries développaient des grippes plus graves. Il avait également été remarqué que ces souris avaient une population lymphocytaire spécifique à l’antigène viral de la grippe diminuée en comparaison avec les souris témoins (84).
Dans une autre étude portant sur des enfants dénutris, il était constaté que ceux dénutris avec une infection avait une diminution de leur lymphocyte B en comparaison avec des enfants non dénutris avec une infection (85).
En parallèle de cette modification des populations lymphocytaires, on a pu observer une modification de la production des cytokines par les lymphocytes. Chez des enfants dénutris, la production d’interleukines (IL) pro-inflammatoires telles que IL-2, IL-12, IL-18, IL-21 et d’interféron-gamma était diminuée alors que la production d’IL-4 et IL-10, des cytokines antiinflammatoires, était augmentée. Ces résultats laissent supposer que la dénutrition est un facteur diminuant la réponse inflammatoire (86) (87). Les études menées chez des souris souffrant de maladies auto-immunes semblent aller dans ce sens. Dans ces études, la restriction calorique montrait une diminution des phénomènes auto-immuns et de la progression de la maladie auto-immune (88) (89).
Un autre point constaté est la diminution de la concentration de leptine dans les périodes de jeûne et de famine (90). La leptine est une protéine de la famille des adipokines. Parmi ses fonctions, elle joue un rôle dans le contrôle des axes hypothalamo-hypophysaires, notamment de l’axe corticotrope. Une chute de la concentration de la leptine entraîne une augmentation de la concentration des corticostéroïdes dans le sang. Dans une étude sur modèle animal, la concentration de leptine passait de 3.87 +/- 0.35 ng/mL chez des souris correctement alimentées à 1.5 +/- 0.11ng/mL chez des souris soumis à un jeûne. Parallèlement, la concentration sanguine de corticoïdes chez les souris bien alimentées était de 162 +/- 24.8 ng/mL contre 340 +/- 24.4 ng/mL chez les souris soumis au jeûne (p < 0.05). La concentration de corticoïdes diminuait de façon significative chez ces mêmes souris à jeun mais pour lesquels on effectuait un traitement par supplémentation en leptine(238 +/- 27.1 ng/mL vs 340 +/- 24.4 ng/mL ; p < 0.05) (91).

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Table des matières
Remerciements
Sommaire
Liste des abréviations
1. Introduction
1.1. Cancer Pulmonaire
1.1.1. Epidémiologie du cancer pulmonaire
1.1.2. Facteurs de risque du cancer du poumon
1.1.2.1. Le tabac
1.1.2.2. Génétique
1.1.2.3. Pollution atmosphérique
1.1.2.4. Exposition professionnelle
1.1.3. Caractéristiques histologiques
1.1.4. Bilan diagnostique d’un cancer du poumon
1.1.5. Traitements du cancer pulmonaire
1.2. Immunothérapie
1.2.1. Mécanismes
1.2.2. Inhibiteur du Cytotoxic T-Lymphocyte antigen-4
1.2.2.1. Ipilimumab
1.2.3. Inhibiteurs du Programmed Death-1 et du Programmed Death-Ligand 1
1.2.3.1. Nivolumab
1.2.3.2. Pembrolizumab
1.2.3.3. Durvalumab
1.2.3.4. Atezolizumab
1.2.3.5. Avelumab
1.2.4. Effets indésirables des immunothérapies
1.3. Dénutrition protéino-énergétique
1.3.1. Définition
1.3.2. Rationnel des critères choisis pour la dénutrition
1.3.2.1. Index de masse corporelle
1.3.2.2. Perte de poids
1.3.2.3. Albuminémie
1.3.2.4. Pré-albuminémie
1.3.2.5. Mini Nutritionnal Assessment
1.3.2.6. Masse maigre
1.4. Dénutrition et cancer
1.4.1. Epidémiologie
1.4.2. Effet de la dénutrition sur l’immunité
1.4.3. Dénutrition et chimiothérapie
1.4.4. Dénutrition et radiothérapie
1.4.5. Dénutrition et thérapie ciblée
1.4.6. Dénutrition et immunothérapie
1.5. Objectif de l’étude
2. Matériels et méthodes
2.1. Type d’étude
2.2. Critères d’inclusion
2.3. Critères d’exclusion
2.4. Données cliniques
2.5. Définition de la dénutrition
2.6. Critère de jugement principal
2.7. Critères de jugement secondaires
2.8. Evaluation de la réponse au traitement
2.9. Analyses statistiques
3. Résultats
3.1. Population incluse
3.2. Caractéristiques de la population incluse
3.3. Réponse au traitement dans la population totale
3.4. Réponse au traitement dans la population traitée en première ligne
3.5. Tolérance de l’immunothérapie
4. Discussion
Références bibliographiques
Résumé
Liste des abréviations

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