Epidémiologie des TNE : état des connaissances 

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Anatomopathologie : histologie, immunohistochimie

Terminologies

Les TNE proviennent des cellules dérivées de la crête neurale embryonnaire, du neuroecto-derme et de l’endoderme [4]. Le système neuroendocrine comprend les cellules neuroendocrines des surrénales, des ilôts pancréatiques, des parathyroïdes, le l’hypophyse, des cellules C de la thyroïde, ainsi que des cellules neuroendocrines dispersées au long du corps entier (tube digestif, système biliaire, foie, poumon, urèthre et cellules de Merckel cutannées). Par conséquent, les TNE peuvent atteindre tous les organes et tissus contenant ces cellules, sachant que dans la majorité des cas c’est l’axe gastroentéropancréatique qui est atteint. Les TNE synthétisent ainsi des hormones, notamment la sérotonine, qui peuvent être à l’origine de symptômes. Ces symptômes permettent de les classer en tumeurs fonctionnelles ou non en fonction de leur présence ou de leur absence respectivement. Le syndrome carcinoïde, qui est l’exemple le plus fréquent, est caractérisé par des flushes cutanés, de la diarrhée motrice, des douleurs abdominales (liées à l’obstruction tumorale ou à la fibrose mésentérique), des télangiectasies et une insuffisance tricuspidienne (liée aux dépôts de tissus fibreux sur les valves et l’endocarde) [4].
Il existe dans la littérature de multiples changements de terminologie qui rendent difficile l’inter-prétation des données épidémiologiques. L’appellation courante « carcinoïde » fait référence à la première description d’une TNE « carcinoïde » intestinale en 1907 par Siegfried Oberndorfer [5]. En 1938 Feyrter a proposé le concept de « système diffus endocrinien » puis en 1974 Pearse a introduit la notion de « système APUD » (Amine Precursor Uptake and Decarboxylation : captation et décar-boxylation des précurseurs d’amines), ce qui constituait un progrès important en permettant une classification des TNE sur des critères biochimiques. Les cellules de ce système ont la capacité de sécréter des hormones telles que la sérotonine par captation de précurseurs d’amines biogènes et décarboxylation [6]. Le développement des techniques immunohistochimiques a modifié l’approche de ces tumeurs. En 1995, Capella a proposé le terme de « tumeur neuroendocrine » pour désigner toute tumeur développée à partir des cellules du système endocrinien diffus [7]. Ces cellules ont la capacité de coexprimer des marqueurs neuronaux et endocriniens. Ces marqueurs comportent des organites intracellulaires comme des graines de sécrétion riches en hormones identifiées par un immunomarquage positif à la chromogranine et des petites vésicules identifiées par un immuno-marquage positif à la synaptophysine. Aujourd’hui, l’étude immunohistochimique est indispensable à la prise en charge d’une TNE. Il faut la présence de deux marqueurs pour affirmer le diagnostic de TNE : la chromogranine A et la synaptophysine [8]. La chromogranine A est très spécifique mais sa sensibilité est imparfaite (par exemple, en cas de TNE rectale, appendiculaire ou peu différenciée). La synaptophysine est plus sensible mais moins spécifique. Si l’un des deux marqueurs est négatif, il faut poursuivre les investigations. En cas de tumeur peu différenciée et positive à la synaptophysine on peut avoir recours à la chromogranine B. Dans les autres cas de tumeurs peu différenciées, il faut systématiquement utiliser d’autres marqueurs : N-CAM (Neural Cell Adhesion Molecule), Leu 7, PGP 9.5. A noter que la NSE (Neurone Specific Enolase) n’est plus recommandée en raison de son manque de spécificité [8].

Classifications

A. Anatomique. Une classification souvent rencontrée subdivise les TNE en intestin antérieur, moyen et postérieur [9] :
1. L’intestin antérieur (foregut ) regroupe le tube digestif en amont de l’angle de Treitz : l’oeso-phage, l’estomac, le duodénum, le jéjunum haut et le pancréas.
2. L’intestin moyen (midgut ) regroupe le jéjunum bas, l’iléon, le caecum et l’appendice.
3. Et l’intestin postérieur (hingut ) avec le colon et le rectum.
B. Selon le grade. La notion de grade histologique a été introduite par l’European Neuroendocrine Tumor Society (ENETS) en 2006 puis actualisée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 2010 en utilisant un marqueur de prolifération, l’antigène ki67. En pratique, l’index de marquage par le ki67 représente le pourcentage de noyaux colorés par l’anticorps ki67 et permet de définir les tumeurs les plus agressives [10].
Les TNE sont désormais classées en trois grades (ENETS et OMS) (Tableau 1) :
– Index mitotique < 2/mm2 et index de prolifération Ki67 ≤ 2%.
– Index mitotique compris entre 2-20/mm2 et/ou index Ki67 compris entre 3-20 %.
– Index mitotique > 20/mm2 et/ou index Ki67 > 20 %.
Depuis la parution de cette classification, il s’est avéré que certaines TNE G3 sont bien diffé-renciées et correspondent en fait à des TNE avec un seuil d’indice de prolifération supérieur. Ces tumeurs ne répondent pas aussi bien à la chimiothérapie proposée aux « vraies » TNE G3 peu dif-férenciées. Ainsi, un seuil d’indice de prolifération supérieur à 55% permettrait de mieux distinguer
ces entités. Leur distinction reste néanmoins utile car il s’agit de tumeurs avec une survie moins bonne [11, 12].
C. Selon l’OMS. Ce grade s’intègre dans la classification histopronostique des TNE et permet de classer les TNE en 5 catégories (OMS) (Tableau 2) :
– TNE G1 ou carcinoïde.
– TNE G2.
– Carcinome neuroendocrine à petite cellule.
– Carcinome neuroendocrine à grande cellule.
– Adénocarcinome neuroendocrine mixte.
Les TNE G1 et G2 sont considérées comme des tumeurs bien différenciées et d’évolution lente, alors que les carcinomes neuroendocrines sont considérés comme des tumeurs peu différenciées et agressives avec une évolution rapide. Aujourd’hui, le terme de TNE G3 (« vraies » TNE G3) ne devrait être utilisé qu’en cas d’association de TNE peu différenciée et d’index mitotique ou de proli-fération supérieur à 20% et non en cas d’index mitotique ou de prolifération supérieur à 20% sans le caractère peu différentié. Cette donnée étant récente, sa fréquence est variable selon les études.
Cette classification donne un langage commun permettant des études comparables et a en plus démontré son intérêt pronostic. De plus, contrairement aux anciennes classifications, elle permet un diagnostic sur un échantillon biopsique ou cytologique, ce qui est souvent possible [13].
La précédente classification OMS des TNE datait de 2000. De minimes précisions avaient été apportées en 2004 pour les TNE pancréatiques. Les TNE étaient classées en :
– Tumeur endocrine bien différenciée de comportement bénin ou incertain.
– Carcinome endocrine bien différencié de bas grade de malignité.
– Carcinome endocrine peu différencié de haut grade de malignité.
Les termes « bénin » et « incertain » ont disparu dans la nouvelle classification. En effet, les TNE sont considérées comme ayant toutes un potentiel de malignité. Ci-dessous, une correspondance entre la classification OMS 2010 et 2000 (Tableau 3) [14].
Le diagnostic positif repose donc sur des arguments morphologiques et immunohistochimiques, le grade permet d’évaluer le risque évolutif et la classification OMS applique une terminologie stan-dardisée et histopronostique.

Réseau TENpath

TENpath est un réseau national d’expertise pour le diagnostic anatomopathologique des TNE de l’adulte, familiales et sporadiques (www.tenpath.org). Le réseau TENpath est soutenu par l’Institut National du Cancer (INCa) et a obtenu sa labellisation en 2015. Le réseau TENpath est organisé en 30 centres régionaux répartis sur l’ensemble du territoire.
L’une de ses principales fonctions est d’assurer une activité de double lecture pour l’ensemble des cas de TNE nouvellement diagnostiquées en France.
La double lecture est indispensable dans les cas suivants :
– TNE considérées comme « peu différenciées », lorsque l’index Ki67 est inférieur à 50%.
– TNE considérées comme « bien différenciées », avec un index Ki67 compris entre 20 et 50%.
– Suspicion de TNE de phénotype immunohistochimique incomplet.
– Suspicion de carcinome mixte comportant un contingent neuroendocrine.
La double lecture est recommandée dans les cas suivants :
– TNE de sites rares ou inhabituels.
– TNE de primitif inconnu.
Les membres de ce réseau ont déterminé les informations minimales qui doivent figurer sur le compte rendu anatomopathologique :
– Localisation anatomique.
– Type de prélèvement.
– Caractères macroscopiques (si disponibles) : nombre de tumeurs visibles, taille de chacune d’entre elles.
– Arguments diagnostiques : histologiques (tumeur bien ou peu différenciée), immunohistochi-miques (chromogranine A, synaptophysine).
– Grade histologique : Index mitotique et sa valeur absolue (à évaluer dans 2 mm²) ; Index Ki67 et sa valeur absolue (indiquer la technique d’immunodétection et le mode de lecture ; à évaluer dans 500 à 2000 cellules) ; Grade G1, G2, ou G3.
– Classification OMS 2010.
– Extension de la tumeur : Invasion locale (invasion en profondeur dans la paroi digestive, invasion du tissu adipeux péri-pancréatique, envahissement d’organes voisins) ; Etat des limites, mesure des marges.
– Stade TNM : pT/pN et indiquer clairement la classification utilisée (au minimum : TNM/UICC) ; Nombre de ganglions métastatiques/examinés.
– Autres informations : autres facteurs histopronostiques (embols vasculaires, engainements pé-rinerveux, si appendice : extension au mésoappendice, profondeur d’invasion, distance par rapport
à la base), lésions associées du tissu péritumoral.

Classifications TNM

En complément de la classification anatomopathologique, deux classifications TNM sont actuel-lement utilisées, la première proposée par ENETS qui concerne toutes les TNE bien ou peu dif-férenciées (Tableau 4) [15, 16] et l’autre par l’American Joint Committee on Cancer (AJCC) qui ne concerne que les TNE bien différenciées du tube digestif (Tableau 5) [17]. Les TNE peu différenciées du tube digestif ou du pancréas sont à classer comme les carcinomes survenant dans les mêmes sites anatomiques. La TNM de l’ENETS TNM est supérieure à l’AJCC pour les tumeurs pancréa-tiques [18] mais la valeur pronostique des deux sont reconnues [19].
L’évaluation du stade évolutif repose sur l’application de l’une des classifications TNM spécifiques existantes.
Les TNE représentent donc un groupe de tumeurs hétérogènes. Leur malignité varie en fonction des classifications anatomopathologiques et TNM mais aussi en fonction de la localisation primitive. Les tumeurs du grêle, souvent multiples (30%), sont à haut potentiel métastatique mais évoluent lentement. Les tumeurs gastriques et rectales sont souvent superficielles avec un faible potentiel métastatique ; cependant, en cas de métastases, elles progressent rapidement.

Explorations pré thérapeutiques des TNE digestives

Il existe des situations dans lesquelles les explorations complémentaires sont inutiles :
– TNE appendiculaires et rectales bien différenciées G1 < 1 cm si la résection a été totale.
– TNE fundiques bien différenciées G1 < 1 cm dans un contexte de gastrite atrophique fundique.
Examens biologiques initiaux :
– NFS, glycémie, calcémie, bilan rénal, hépatique.
– Chromogranine A sérique, après au moins 7 jours d’arrêt d’un traitement par inhibiteur de la pompe à protons. La sensibilité du dosage de la chromogranine A pour le diagnostic de TNE n’est bonne que pour les tumeurs déjà évoluées. Elle n’est pas spécifique et peut être élevée en cas d’hypergastrinémie, de traitement par inhibiteur de la pompe à protons, d’insuffisance rénale, de gastrite atrophique.
– Pour les TNE de l’intestin grêle et du côlon droit : 5HIAA (Acide 5-Hydroxy-Indol Acétique) urinaires des 24 heures sur 1 à 2 jours avec régime approprié. Le dosage des 5HIAA urinaires est inutile dans les autres situations, sauf en cas de syndrome carcinoïde.
– Le dosage de la sérotonine ne doit plus être fait (faux positifs).
Examens morphologiques initiaux :
A. Bilan d’extension locorégional .
– TDM abdomino-pelvienne avec un temps artériel tardif (30 sec) puis portal (70 sec).
– Echoendoscopie en cas de TNE résécables de siège gastrique, duodénal, pancréatique ou rectal, IRM pancréatique en cas de TNE de localisation duodéno-pancréatique.

Bilan d’extension à distance .

– Scintigraphie des récepteurs de la somatostatine (Octréoscan ®) systématique pour le bilan ini-tial d’une TNE bien différenciée et en post opératoire si celui-ci était positif initialement. La majorité des TNE bien différentiées et leurs métastases expriment des récepteurs à la somatostatine. L’oc-tréotide marqué à l’indium 111 se fixe sur ces récepteurs (notamment le sous type 2), ce qui permet d’évaluer l’extension de la maladie dans tout l’organisme. La sensibilité augmente en fonction de la taille tumorale mais est globalement modérée (60%).
– Tomographie par Emission de Positons au 18 Fluoro Désoxy Glucose (TEP-FDG) : si Oc-tréoscan ® négatif, taille tumorale > 1 cm et Ki67 > 10% (seuil non parfaitement défini), carcinome neuroendocrine peu différencié G3.
– TDM thoracique en cas de métastases hépatiques.
– IRM hépatique en cas de métastases hépatiques paraissant résécables.
– Echographie cardiaque à la recherche d’une cardiopathie carcinoïde en cas de syndrome car-cinoïde ou d’élévation des taux urinaires de 5HIAA.
Recherche d’une prédisposition génétique : La majorité des TNE du tube digestif se présente sporadiquement, témoignant d’un caractère non familial. Cepandant, parfois elles peuvent se pré-senter en faisant partie des syndromes néoplasiques endocrines familiaux, comme les néoplasies endocrines multiples (NEM-1). En cas de suspicion de NEM-1, le patient est orienté dans des équipes spécialisées en endocrinologie et oncogénétique pour des explorations complémentaires qui ne seront pas détaillées dans ce travail.

Caractéristiques des principales modalités de prise en charge en première intention

Les modalités de prise en charge des TNE en première intention sont issues du Thésaurus National de Cancérologie Digestive (TNCD) des TNE (chapitre 11) et sont représentées dans les Figures 1, 2 et 3. Seules les modalités de première intention ont été décrites compte tenu des nombreuses possibilités en cas de progression.

Traitement des TNE localisées ou localement avancées

– En cas de tumeur résécable, quelque soit le grade, la chirurgie d’exérèse est le traitement de référence.
– En cas de découverte fortuite de tumeur pancréatique sporadique asymptomatique (non fonc-tionnelle), de bas grade (ki67 < 2%), de < 2 cm, sans dilatation canalaire, sans invasion, non évolutive (suivi de 18 mois) et fixante à Octréoscan ® ou au DOTA [20], il faut savoir attendre. En effet, dans ce cas, la survie à 5 ans est de 100% [21]. Sinon, une chirurgie d’exérèse est indiquée : pancréatoduo-dénectomie et pancréactectomie distale en cas d’atteinte de la tête ou du corps/queue du pancréas respectivement.
– En cas de tumeur jéjunale, iléale, caecale, colique, une chirurgie d’exérèse est recommandée quelque soit la clinique et la taille de la tumeur. Celle-ci inclue un curage ganglionnaire.
– En cas de G3, une chimiothérapie adjuvante est indiquée.

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Table des matières

1 Introduction 
2 Généralités 
2.1 Anatomopathologie : histologie, immunohistochimie
2.1.1 Terminologies
2.1.2 Classifications
2.1.3 Réseau TENpath
2.2 Classifications TNM
2.3 Explorations pré thérapeutiques des TNE digestives
2.4 Caractéristiques des principales modalités de prise en charge en première intention
2.4.1 Traitement des TNE localisées ou localement avancées
2.4.2 Traitement des TNE métastatiques résécables
2.4.3 Traitements des TNE métastatiques non résécables
3 Epidémiologie des TNE : état des connaissances 
3.1 Données en France
3.2 Données en Europe et aux Etats Unis
3.3 Réseau RENATEN
4 Matériel et méthode 
4.1 Objectif de l’étude
4.2 Population d’étude
4.3 Recueil de données
4.4 Analyse statistique
5 Résultats 
5.1 Caractéristiques générales
5.2 Données cliniques au diagnostic
5.3 Site du primitif au diagnostic
5.4 Données paracliniques au diagnostic
5.4.1 Anatomopathologie
5.4.2 Biologie
5.4.3 Radiologie
5.5 Stade au diagnostic
5.6 Traitement de première ligne
5.6.1 Population générale
5.6.2 Selon les régions
5.7 Evaluation du dégré de concordance des traitements avec le TNCD
6 Discussion 
6.1 Points forts
6.2 Principales caractéristiques épidémiologiques cliniques
6.3 Principales caractéristiques épidémiologiques paracliniques
6.3.1 Anatomopathologie
6.3.2 Biologie
6.3.3 Imagerie
6.4 Principales caractéristiques épidémiologiques thérapeutiques
6.5 Points faibles
7 Conclusion
A Annexe

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