Epidémiologie des salmonelloses non typhiques
Les maladies d’origine alimentaire comme les toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) sont une cause importante de morbidité et de mortalité, surtout chez les enfants à travers le monde. Certains serovars (sérotypes) du genre Salmonella tels que Typhimurium et Enteritidis sont souvent responsables de ces infections (Weill, 2008). Les salmonelloses non typhiques, improprement dites mineures, sont responsables d’infections sporadiques ou épidémiques, le plus souvent en raison de la contamination des aliments. Elles entraînent des gastroentérites, des formes invasives étant observées chez les malades à risques, en particulier les malades immunodéprimés (VIH, Paludisme…). C’est une des causes majeures de mortalité infantile en Asie et en Afrique (Aubry et Gauzere, 2018). Contrairement aux pays développés, en Afrique subsaharienne, les salmonelles non typhiques (SNT) sont identifiées comme les principales bactéries isolées dans le sang chez les adultes et les enfants et sont associées à 20 à 25% de décès (Abdelkader et al., 2017).
Pathogénicité et aspects cliniques des salmonelloses non typhiques
En général, les salmonelles peuvent entraîner un portage sain, qui se limite strictement au tube digestif, avec une excrétion de bactéries allant de moins de 10 à 10⁷ germes par gramme de fèces. L’excrétion fécale peut être intermittente, on parle de porteur inapparent. Il peut aussi arriver que, les salmonelles soient hébergées dans les monocytes et les macrophages (Figure 2) où elles sont capables de survivre sans se multiplier. Dans certains cas avec des symptômes diarrhéiques et d’hyperthermie, lorsque le système immunitaire de l’hôte est soit déficient, soit dépassé par le nombre de salmonelles envahissant l’organisme. Cette pathologie peut s’exprimer à la faveur d’ingestion d’une dose de l’ordre de 10⁵ à 10⁸ germes soit un portage sain avec passage de quelques bactéries dans l’organisme mais sans symptômes apparents (Ahmer et Gunn, 2011). Plusieurs sérotypes de salmonelles peuvent causer une infection systémique chez les humains au statut immunitaire diminué. Chez le sujet sain, la plupart de ces sérotypes engendrent une diarrhée fébrile, des vomissements, des douleurs abdominales. Par contre, chez les sujets âgés ou immunodéficients, des bactériémies, des septicémies et des localisations extradigestives, en particulier vasculaires sont observés (Korsak, 2004).
La formation de biofilms bactériens
L’origine de la recherche en microbiologie est souvent associée aux observations d’Antonie Van Leeuwenhoek qui, au XVIIe siècle et grâce à un microscope de son invention, mit en évidence la présence d’organismes microscopiques à la surface de ses dents. Bien que d’abord identifiés fixés sur un support solide, ce sont les formes libres et planctoniques des microorganismes, qui ont été les plus étudiées. Les salmonelles ont cette capacité à former un complexe associé à la surface colonisée (Figure 3), ce qui généralement les protège contre le stress environnemental, les désinfectants, les antibiotiques mais aussi contre le système immunitaire de l’hôte (Annexe 3) (Costerton, 1999).
Les étapes de la formation de biofilm
Le processus de formation des biofilms (Figure 4) se résume en cinq étapes : adhésion réversible des bactéries de la phase planctonique à une surface, irréversibilité de l’adhésion correspondant à la synthèse de structures à la surface des bactéries, formation de microcolonies, puis développement de ces microcolonies traduisant le stade de maturation du biofilm et colonisation de nouvelles surfaces (Roux et Ghigo, 2006).
Adhérence réversible
En milieu liquide ou exposé à l’humidité, les bactéries planctoniques s’approchent d’une surface solide par un mouvement brownien, par sédimentation ou par mobilité active (présence de flagelles) (Beloin et al., 2008). L’adhésion fait intervenir différentes types d’interactions que l’on pourrait classer en interaction électrostatique et non électrostatique qui sont des interactions faibles entre la surface et les bactéries (interactions de type van der Waals …). A ce stade, la bactérie peut se détacher de la surface et retrouver son état planctonique (Michael Dunne Jr, 2002) L’attachement réversible est fortement influencé à la fois par les conditions environnementales telles que le pH et les forces ioniques ou la température du milieu, par la nature de la surface elle-même, avec la rugosité qui augmente la surface d’adhésion ou les surfaces hydrophobes telles que les plastiques qui sont plus susceptibles d’être colonisées par les bactéries que les surfaces hydrophiles telles que le verre et le métal (Donlan, 2002).
Adhérence irréversible
La transition de l’attachement réversible vers l’irréversible implique une fixation active et spécifique des microorganismes sur un support. Cette adhésion est possible grâce à la sécrétion de polymères extracellulaires qui forment des ponts de fixation entre la cellule bactérienne et la surface ou entre deux cellules. Les structures d’adhésion diffèrent selon le type de micro-organisme. Pour l’adhésion des bactéries Gram négatif, seront impliqués les pili, les curli, les capsules et le glycocalyx. Quant à l’adhésion des bactéries Gram positif ce sont les acides teichoïques, l’acide mycolique, la capsule et le glycocalyx qui sont impliqués. D’autres structures peuvent également être impliquées (Van Houdt et Michiels, 2005).
Développement précoce du biofilm
Il se matérialise par la production continue d’exopolysaccharides, mais aussi par une multiplication des cellules bactériennes adhérées à la surface. Les bactéries s’agrègent entre elles et forment des microcolonies, qui sont protégées par la matrice extracellulaire (Tolker-Nielsen et Molin, 2000).
Maturation du biofilm
L’étape de maturation consiste au développement des microcolonies et à leur structuration. Elles vont se développer en piliers d’épaisseur variable et vont être englobées dans la matrice extracellulaire. Les espaces qui séparent les microcolonies vont devenir les canaux du biofilm (Van Houdt et Michiels, 2005). La maturation du biofilm est divisée en deux phases. La première phase est marquée par des régulations de gènes engendrant un changement marqué de phénotype par rapport aux formes planctoniques. Elle concerne essentiellement des gènes codant pour des protéines impliquées dans des métabolismes anaérobies, cela suggère une faible présence d’oxygène, surtout dans les zones les plus proches du support. Soixante-dix gènes subiraient des modifications au cours de la maturation d’un biofilm (Whiteley et al., 2001). Durant la seconde phase, il y aura une synthèse protéique importante différente de celle ayant lieu lors de la première phase (Sauer et al., 2002 ; Clutterbuck et al., 2007).
Détachement des bactéries
Lorsque le biofilm atteint une certaine épaisseur, la dernière étape de formation peut avoir lieu. C’est l’étape de dispersion du biofilm. Ce phénomène de dispersion est induit par le vieillissement du biofilm ou par certains stress ou carences. Des cellules sous la forme planctonique vont être libérées vers le milieu extérieur. Le détachement des micro-organismes est possible grâce à des remaniements génétiques. Ceci va donc promouvoir la diversité génétique et va également favoriser la colonisation de nouvelles surfaces (Clutterbuck et al., 2007). La dispersion peut s’effectuer passivement via l’action de stress hydrodynamique ou activement. La dispersion passive peut être divisée en trois processus qui sont : l’érosion, le relargage (« sloughing ») ou l’abrasion. L’érosion correspond à un détachement continu de cellules individuelles ou de petites parties du biofilm, tandis que le relargage est une perte rapide et massive du biofilm. Quant à l’abrasion, c’est un détachement dû à la collision de particules du fluide liquide avec le biofilm. Le taux d’érosion devient plus important lorsque l’épaisseur du biofilm augmente. La libération active de cellules d’un biofilm se fait en réponse à certains signaux environnementaux comme l’accumulation de déchets métaboliques toxiques ou la carence en carbone, azote, oxygène ainsi que l’appauvrissement du milieu en nutriments (Gjermansen et al., 2005 ; Bryers, 2009).
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Table des matières
Introduction
CHAPITRE I : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
I.1. Historique des salmonelles
I.2.Taxonomie
I.3.Bactériologie
I.3.1. Caractères morphologiques
I.3.2. Caractères culturaux
I.3.3. Caractères biochimiques
I.3.4. Caractères antigéniques
I.4. Epidémiologie des salmonelloses non typhiques
I.5. Pathogénicité et aspects cliniques des salmonelloses non typhiques
I.6. La formation de biofilms bactériens
I.6.1. Les étapes de la formation de biofilm
I.6.1.1. Adhérence réversible
I.6.1.2. Adhérence irréversible
I.6.1.3. Développement précoce du biofilm
I.6.1.4. Maturation du biofilm
I.6.2. Le quorum-sensing
I.6.3. La composition du biofilm
I.6.4. Diagnostic d’une infection à biofilm
Chapitre II : Matériel et Méthodes
II.1. Cadre et période d’étude
II.2. Matériels
II.2.1. Souches bactériennes
II.2.2. Milieux de culture
II.2.3. Microplaque
II.3. Méthodes d’étude
II.3.1. Culture des bactéries
II.3.2. Identification des bactéries
II.3.3. Méthode de formation de biofilm sur microplaque
II.3.4. Test de sensibilité des bactéries du biofilm au chloramphénicol
II.3.5. Analyses statistiques
Chapitre III : Résultats et Discussion
III.1. Résultats
III.1.1. Evaluation du potentiel de formation de biofilm après 24h d’incubation
III.1.2. Evaluation de la capacité de formation de biofilm après 48 H d’incubation
III.1.3. Comparaison du potentiel de formation de biofilm après 24h et 48h d’incubation
III.1.4. Evaluation du potentiel de formation de biofilm en fonction de l’origine des souches bactériennes
III.1.5. Evaluation du potentiel de formation de biofilm en fonction du sérotype
III.1.6. Sensibilité des bactéries du biofilm au chloramphénicol
III.2. Discussion
Conclusion Perspectives et Recommandations
Annexes