Les accidents de la route * sont un problème majeur de santé publique en France. Malgré une amélioration du comportement des conducteurs, favorisée par des mesures coercitives de prévention routière, et le perfectionnement de la sécurité des véhicules, ils restent l’étiologie la plus fréquente de polytraumatismes graves. La gravité de ces blessés, voir leur décès, est attribuable en partie aux lésions hépatiques. Les données épidémiologiques disponibles sur les conséquences corporelles des accidents de la route sont rares. Le spectre des lésions hépatiques au sein du bilan lésionnel des blessés de la route est mal connu. La recherche en biomécanique a comme objectif de comprendre la physiopathologie des traumatismes. Les mécanismes lésionnels du foie, souvent extrapolés à partir de déductions logiques ou de constatations opératoires, n’ont jamais été méthodiquement explorés. La méconnaissance de l’épidémiologie routière et de la biomécanique des lésions hépatiques nous a conduit à mettre en œuvre deux études complémentaires. D’une part, un recueil épidémiologique des lésions corporelles des accidents de la route a été organisé au niveau d’un département français, afin d’étudier les lésions thoraciques et abdominales, avec un intérêt spécifique pour les lésions hépatiques. D’autre part, une étude biomécanique expérimentale a été menée pour comprendre les phénomènes lésionnels du foie. Des corps donnés à la science, préalablement munis de capteurs d’accélérations dans les organes intra abdominaux, étaient soumis à des décélérations dans différentes configurations de choc. Les accélérations intra abdominales mesurées sont des données inédites, permettant d’appréhender le comportement du foie en décélération brutale. Une simulation numérique de ces essais, utilisant un logiciel de simulation du comportement du corps humain lors des chocs, était menée parallèlement au sein du même laboratoire.
EPIDEMIOLOGIE DES LESIONS THORACIQUES ET ABDOMINALES LORS DES ACCIDENTS DE LA ROUTE
Données épidémiologiques sur les conséquences corporelles des accidents de la route en France
Sources épidémiologiques disponibles
Les données disponibles sur les conséquences corporelles des accidents de la route proviennent en France :
Des forces de l’ordre. Il s’agit des chiffres « officiels » publiés. Ces données sont basées sur les procès-verbaux dressés par la police en milieu urbain, la gendarmerie en milieu extra urbain (et dans les agglomérations de moins de 7 000 habitants), les CRS sur certaines autoroutes, et accessoirement par la Police aux Frontières. Les données qui découlent de ces procès verbaux sont centralisées par les administrations d’origine (police, gendarmerie, CRS). Elles sont regroupées pour une synthèse nationale au sein du Fichier National des Accidents tenu par l’Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière. Ces données, une fois validées par cette instance, sont archivées par les Directions Départementales de L’Equipement (DDE) sous forme du Bulletin d’Analyse des Accidents Corporels (fichier BAAC). Ceux-ci sont utilisables dans les DDE 4 à 6 mois après l’accident. Les forces de l’ordre classent les victimes en tués, blessés légers ou graves. Un changement de la définition de la gravité des blessures a été adopté en octobre 2004, et appliqué à partir du 1er janvier 2005, mais ne s’est traduit concrètement dans la publication des résultats de la sécurité routière qu’au début de l’année 2006. Ainsi, sont actuellement répertoriés :
– les victimes tuées dans les trente jours après la date de l’accident au lieu de six jours
– les blessés hospitalisés plus de 24 heures au lieu des blessés graves hospitalisés plus de six jours .
Un coefficient de 1,069 permet de recalculer l’ancien compte des décédés à 6 jours pour le comparer avec le nouveau système de comptabilité des décédés à 30 jours.
Les forces de l’ordre n’ont pas la vocation ni la compétence d’enregistrer les données médicales. Elles ignorent les lésions des victimes [47]. De plus, les études qui comparent les sources médicales et policières concluent à une sous-estimation policière du nombre des victimes .
A ce titre, on considère que les données hospitalières constituent le « gold standard» de la recherche épidémiologique des lésions engendrées par les accidents de la route [47].
Des compagnies d’assurances. Ces données sont peu utilisables et restent confidentielles.
Des registres épidémiologiques. La recherche épidémiologique concernant les accidents de la route est peu développée en France. Le registre le plus important en France est celui du Rhône qui fonctionne depuis 1995. Il devrait prochainement s’élargir à d’autres départements de la région Rhône-Alpes. Il tend à l’exhaustivité du recueil des lésions par le recoupement des cas qui lui sont signalés par les hôpitaux du département.
Données épidémiologiques des accidents de la route en France
(N.B. la majorité des données chiffrées de ce chapitre provient de l’Observatoire Nationale de la Sécurité Routière : www.securiteroutiere.equipement.gouv.fr/).
Le paroxysme de la violence routière sur les routes françaises se situe au début des années 70 avec 18 000 morts annuels. A cette date, se situe la première prise de conscience de l’ampleur du phénomène. Les SAMU avec comme vocation première, la prise en charge des blessés de la route, se multiplient sur le territoire. Les premières actions de prévention collectives sont décrétées avec l’instauration des limitations de vitesse et de l’obligation du port de la ceinture de sécurité. Depuis, plusieurs campagnes de mesures coercitives se sont succédées. Ces mesures sont efficaces. L’instauration de chaque mesure se solde par une diminution de la mortalité (Figure 1).
Dénombrement des lésions thoraco-abdominales
Malgré leur fréquence et leur gravité potentielle, ces lésions sont peu étudiées dans la littérature médicale [47, 84]. Une lésion abdominale est présente chez 31 % des morts par accidents de la route, une lésion thoracique chez 67 % [83]. Ces données sont inconnues en France du fait de l’absence d’autopsie. D’après une étude Nord-Américaine [69], une contusion de l’abdomen est constatée chez 13% des blessés de la route hospitalisés plus de 24 heures. Le registre du Rhône (document interne, apport final, Inrets, 2002), bien que non spécifiquement orienté sur les lésions thoraco-abdominales, a constaté que l’abdomen est atteint chez 5,3 % des blessés de la route, le thorax dans 15 % .
Etude épidémiologique des Traumatismes Thoraco-Abdominaux lors des Accidents de la Route en Côte d’Or (TARO 21)
Présentation de l’étude
Ces lacunes dans l’épidémiologie des conséquences corporelles des accidents de la route et de méconnaissance globale des lésions thoracoabdominales nous ont incité à élaborer une étude répertoriant, à partir de données hospitalières à l’échelle d’un département français, toutes les victimes d’un accident de la route afin d’étudier les traumatismes thoraciques et abdominaux. Cette étude a été imaginée dans une optique médicale et chirurgicale plutôt qu’accidentologique*. Le département de la Côte d’Or s’est révélé être bien adapté à l’organisation d’une telle étude par :
La diversité de son réseau routier :
– 308 km d’autoroutes,
– 344 km de routes nationales,
– 1880 km de routes départementales principales,
– 3636 km de routes départementales secondaires.
Son système hospitalier organisé en 5 services d’urgences (Dijon, Beaune, Châtillon sur Seine, Semur en Auxois, Montbard) et un seul Centre Hospitalier Universitaire (Dijon) regroupant les services spécialisés vers lesquels s’effectuent les transferts secondaires des blessés les plus graves ou qui nécessitent des soins spécifiques.
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Table des matières
INTRODUCTION
A – EPIDEMIOLOGIE DES LESIONS ABDOMINALES LORS DES ACCIDENTS DE LA ROUTE
A1- Données épidémiologiques sur les conséquences corporelles des accidents de la route en France
1.1- Sources épidémiologiques disponibles
1.2- Données épidémiologiques des accidents de la route en France
1.3- Dénombrement des lésions thoraco-abdominales
A2- Etude épidémiologique des Traumatismes Thoraco-Abdominaux lors des Accidents de la Route en Côte d’Or (TARO 21)
2.1- Objectifs
2.2- Population et Méthodes
2.3- Résultats
2.4- Discussion
B – PHYSIOPATHOLOGIE DES LESIONS HEPATIQUES : ETUDE EXPERIMENTALE BIOMECANIQUE
B1- Accidentologie
1.1- Tolérance du corps humain aux chocs
1.2- Eléments de biomécanique lors des chocs automobiles
B2 – Recherche Biomécanique des organes intra abdominaux lors des chocs
2.1- Difficultés de la recherche fondamentale en traumatologie abdominale
2.2- Paramètres physiques mesurables lors des études biomécaniques du choc abdominal
2.3- Principales études expérimentales utilisant des corps humains donnés à la science de simulation de choc afin d’en déterminer les conséquences abdominales
B3 – Le Foie : Anatomie, Conséquences biomécaniques
3.1- Morphologie du foie
3.2- Conséquences Biomécaniques de l’anatomie du foie
B4 – Etude expérimentale : Analyse du comportement du foie en décélération Etude expérimentale sur corps donnés à la science sur banc de chute libre
4.1- Objectifs
4.2- Matériel et Méthodes
4.3- Résultats
4.4- Discussion
CONCLUSIONS
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE