PHYSIOPATHOLOGIE
Origine des germes
Les germes responsables d’infections du siteopératoire peuvent être contractés par voie endogène à partir de laflore microbienne du patient ou par voie exogène, à partir du personnel de la salle d’opération ou de l’environnement.
Les patients et le personnel sont les principales sources des micro-organismes retrouvés dans l’air.
L’introduction des micro-organismes au niveau d’un site opératoire est difficile à éviter totalement, quel que soit les conditions de l’intervention pratiquée et les soins dispensés.
Tous les patients opérés sont doncexposés à un risque non nul d’ISO [3].
Sources endogènes
La flore microbienne présente dans la région du site opératoire au moment de l’opération est responsable de la majorité des infections.
La désinfection du site chirurgical va permettre de réduire la flore cutanée. Mais il serait illusoire de penserl’éliminer totalement defaçon durable, car certains microorganismes sont profondément enchâssés et adhérents à la surface de la peau ou vivant sur la partie supérieuredes follicules pileux et des conduits des glandes sébacées.
La flore endogène des différents tractus (ORL, digestif, gynécologique, urinaire) ainsi que celle se trouvant à distance du site opératoire, peuvent également contaminer celui-ci.
Sources exogènes
Le personnel et l’environnement opératoire au sens large du terme jouent également un grand rôle dans la survenue des ISO.
Les bactéries commensales de la flore cutanée ou muqueuse (main, cuir chevelu, naso-pharynx, périnée) des membres de l’équipeopératoire, les bactéries pathogènes dont ils seraient porteurs sains ou infectés, les bactéries présentes sur les instruments (mal stérilisés ou longtemps exposés à l’air ambiant), dans l’eau ou les solutés, et des levures ou des champignons présents dans l’air peuvent être à l’origine des ISO [24].
Selon Maisonnet, les instruments chirurgicaux placés sur les tables, deviennent « contaminés » dans les quatre minutes suivant l’extraction de leur enveloppe, quelque soit les précautions prises [87].
Modes de contamination
Contamination aérienne
L’air héberge des saprophytes qui deviennent virulents dans le milieu hospitalier avec l’utilisation massive des antimicrobiens. Les germes aériens ne se trouvent jamais à l’état libre dans l’atmosphère, mais se fixent sur les poussières et les grosses particules qui, en atmosphère libre, présentent pratiquement toujours une large gangue de germes saprophytes, solidement adsorbés à leur surface [97].
En 1948, Wells a mis en évidence le rôlecapital des gouttelettes de flügge qui sont des gouttelettes rhinopharyngées émises par l’homme. Ces gouttelettes peuvent également se dessécher, réalisant « les droplets nuclei » susceptibles de rester en suspension et de transporter les germes infectieux vivants. Ainsi, l’infection qui sévit dans les blocs opératoires et dans les salles de malades peut se transmettre par voie aérienne [74].
Facteurs liés à l’intervention
La durée de séjour pré-opératoire doit être la plus brève possible. L’allongement de la durée de séjour pré-opératoire modifie la flore microbienne cutanée, quelle que soit la structure hospitalière de séjour avec émergence de souches multirésistantes moins sensibles à l’antibioprophylaxie habituelle et plus difficiles à traiter lors d’infections post-opératoires [127,128,91].
– La préparation cutanée de l’opéré doit suivre un protocole rigoureux tenant compte de l’intervention, dela zone découverte et surtout de la technique de dépilation. Les résultats de plusieurs enquêtes ont démontré que le rasage est la technique la plus néfaste [12].
– La durée de l’intervention,quand celle-ci est supérieure à deux heures, accroît le risque infectieux (augmentation du nombre de microorganismes dans la plaie, majoration du traumatisme chirurgical).
– La c1asse de contamination de l’intervention repartit les actes chirurgicaux en quatre groupes suivant le degré de septicité et le site concerné ; c’est la classification d’ALTEMEIER.
Les définitions des différentes classes de contamination sont importantes à connaître afin de définir une programmation des interventions et des entretiens appropriés des salles d’opération [11] (Tableau III).
Parmi tous ces facteurs de risque potentiel, le Center for Disease Control (CDC) a élaboré l’index de National Nosocomial Infection Surveillance System (NNIS) qui identifie les patients à haut risque infectieux, que ce soit en chirurgie propre ou contaminée, en incluant le score ASA et la durée de l’intervention [28].
Au sein du ministère
La « Cellule infections nosocomiales » du ministère est composée d’un médecin de santé publique, d’unpharmacien hospitalier etd’un cadre infirmier.
Cette cellule commune à la Direction Générale de la Santé et à la Direction de l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins est chargée de coordonner la politique de lutte contre les infections nosocomiales.
Dispositif d’alerte sur des infections nosocomiales « sentinelles »
Le signalement des infections nosocomiales a été mis en place en juillet 2001.
Les établissements de santé doivent signaler certainesinfections nosocomiales aux services déconcentrés de l’état, au niveau départemental (DDASS) et régional (DRASS) qui travaillent en collaboration avec les CCLIN dans lesquels ils sont représentés.
Ils transmettent le signalement à l’Institut de veillesanitaire (IVS) pour une analyse nationale des cas.
Les objectifs sont d’alerter le médecin inspecteur de santé publique devant un certain nombre d’événements « sentinelles », afinque la DDASS et DRASS s’assurent de la réalisation d’investigations et si nécessaire, des mesures correctives mises enœuvre pour l’établissement de santé.
L’analyse centralisée par l’IVS peut conduire l’agence à déclencher une alerte à tout moment sur un risque infectieux concernant tous les établissements de santé et à proposer des mesures au ministère chargé de la santé. 1880 signalements ont été transmis à l’InVS depuis lamise en place du signalement.
Par ailleurs, les commissions régionales deconciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CCRCI) ont une obligation de signalement au directeur de l’Agence Régionale de l’Hospitalisation (ARH), dont relève l’établissement en cause, et à l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM) de toute infection nosocomiale entraînant un taux d’incapacité permanente supérieur à 25 % ou un décès.
Cette obligation de signalement au directeur de l’ARH est également applicable à l’ONIAM lorsque l’office doitindemniser des victimes d’infections nosocomiales à la suite d’une décision de justice.
Choix des modalités de surveillance
Surveillance globale ou ciblée
La surveillance globale intéresse les équipes chirurgicales souhaitant suivre l’ensemble des interventions réalisées. La surveillance sera discontinue.
Pour les équipes réalisant certaines interventions avec une fréquence d’au moins 100 interventions du même type par an, une surveillance ciblée sur une ou plusieurs de ces interventions est proposée.
Surveillance après la sortie
Plusieurs enquêtes ont montréque la proportion d’infections survenues après la sortie des patients varie de 20% à 50% selon les spécialités chirurgicales. Cette proportion tend à augmenter avec la baisse de la durée moyenne de séjour en chirurgie.
Plusieurs méthodes ont été proposées : contactdirect avec le patient, organisation d’un retour d’information à partir des correspondants médicaux en ville ou des responsables des lits de suite (suivi téléphonique, courrier…).
L’existence ou l’absence d’ISO sera systématiquement notée dans le dossier médical et retournée à la surveillance. Enfin si aucune information n’a pu êtrerecueillie, cela devra être noté comme tel : patient non revu.
Etudes de prévalence ou d’incidence
Etude de prévalence (ponctuelle)
Elle repose sur la surveillance de l’ensemble des patientshospitalisés, à un moment donné (le jour de l’enquête, dans le ou les services surveillés. La situation de chaque patient, au regard de l’infection n’est évaluée qu’une seule fois. Cette méthode peut être utilisée à intervalle régulier, par exemple chaque année à la même époque. Elle va permettre le calcul du taux de prévalence et constitue un bon moyen pour sensibiliser le personnel hospitalier. Elle va permettre aussi d’évaluer l’efficacité et le taux de couverture d’un système de surveillance des ISO.
Mesures concernant le patient
La durée du séjour hospitalier avant l’intervention est limitée au maximum et les explorations pré-opératoires sont réalisées, si possible, en ambulatoire.
En cas d’infection (cutanée ou urinaire par exemple), l’intervention est reportée chaque fois que possible sauf si l’infection est le motif réel de l’intervention. Cette infection est traitée préalablement à l’intervention [28];
Ces mesures concernent aussi la correction de certains facteurs de risque du patient (équilibration du diabète, perte de poids, correction d’une dénutrition, arrêt du tabac…) ;
S’agissant de l’hygiène bucco-dentaire, il convient de noter que :
– le brossage des dents est nécessaire pour tout opéré ;
– en chirurgie cardiaque, il est recommandé de pratiquer des bains de bouche antiseptiques en pré et post-opératoire ;
– en chirurgie bucco-dentaire, il est fortement recommandé de pratiquer des bains de bouche antiseptiques en pré et post-opératoire [120].
Hygiène corporelle
La douche, ou lorsque celle-ci n’est pas possible la toilette, permet d’éliminer une grande partiedes squames présentes à la surface de la peau et de réduire la colonisation bactérienne cutanée.
Elle est indiquée avant toute intervention chirurgicale et certains gestes invasifs, la veille et le matin de l’intervention.
Elle sera réalisée avec un savon antiseptique à large spectre, à base de produits iodés ou de chlorhexidine. Le savon antiseptique sera de la même gamme quel’antiseptique utilisé au bloc opératoire.
En cas de contre-indications formelles et simultanées aux produits iodés et à la chlorhexidine, l’alternative pourrait être l’utilisation d’un savon doux et d’un antiseptique chloré.
Afin que l’incision lors de l’intervention ait lieu au moment où la colonisation cutanée est la plus faible, il est nécessaire que la douche ou la toilette antiseptique soit réalisée avant la préparation du champ opératoire.
Dans tous les cas la douche doit être réalisée après la dépilation.
La douche ou la toilette doit être conçue comme un soin à part entière dont l’importance et la technique doivent êtrecorrectement expliquées au patient.
La qualité de la réalisation et son efficacité seront contrôlées par l’infirmière notamment au niveau des points stratégiques (ombilic, sillons sous- mammaires, ongles, espaces inter-digitaux…).
Technique de la douche pré-opératoire du patient autonome ou nécessitant une aide partielle
On veillera à aider le patient en fonction de ses difficultés.
– La veille de l’intervention
Il est impératif d’ôter les bijoux et vernis à ongles.
ÖMouiller les cheveux et le corps.
ÖFaire le shampooing avec le savon antiseptique.
ÖSavonner à main nue, ou avec un gant à usage unique ou un gant de toilette propre.
Se laver de la zone la pluspropre vers la zone la plus contaminée ; Commencer par le visage, le cou, lethorax, le dos, les membres, les pieds, les aisselles, puis la région génito-anale ; Effectuer le savonnage avecdes mouvements vigoureux, rotatifs. En cas d’utilisation de savon à base de produit iodé la mousse doit blanchir.
ÖRincer entièrement jusqu’à élimination de la mousse.
ÖSécher minutieusement avec une serviette propre.
ÖRevêtir un pyjama propre.
ÖChanger les draps et installer le patient.
Le matin de l’intervention
S’assurer que les bijoux et prothèses ont été ôtés.
ÖProcéder à une douche selon la même technique que la veille.
ÖProcéder à un brossage soigneux des dents qui peut être suivi d’un bain de bouche avec une solution antiseptique.
ÖRevêtir une chemise de bloc propre.
ÖChanger les draps et installer le patient.
Toilette pré-opératoire du patient dépendant (la veille et le matin de l’intervention)
Privilégier, chaque fois que possible, l’utilisation du chariot douche.
Les principes généraux sont les mêmes que pour le patient autonome, à savoir :
Öutiliser un savon antiseptique ;
Örespecter la chronologie de latoilette (de haut en bas) ;
Öinsister sur l’ombilic, les sillons sous-mammaires, les plis, les ongles, les espaces inter-digitaux et la région génito-anale ;
Örincer soigneusement ;
Ösécher minutieusement avec uneserviette de toilette propre ;
Öchanger les draps ;
Öle revêtir d’une chemise propre ;
Öeffectuer un soin de bouche.
Ces recommandations sur la toilette doivent tenir compte des contraintes ou impératifs médico-chirurgicaux (par exemple urgence vitale, patient algique ou difficilement mobilisable).
Produits à utiliser pourla préparation cutanée
Le choix se portera sur des antiseptiques majeurs à large spectre à base de polyvinylpyrrolidone iodée ou de chlorhexidine.
Il est impératif d’utiliser la même gamme de produits pour l’ensemble des étapes de la préparation cutanée de la douche à la dernière application d’antiseptique.
Produits iodés
Leur spectre est très large. Ils sont bactéricides pour les bactéries à Gram positif et négatif, virucides (notamment pour VHB etle VIH), fongicides et sporicides [9].
Les produits iodés sont représentés par l’alcool iodé (solution à 1%) et la polyvinylpyrrolidone iodée (BETAD1NE ® ).
L’efficacité des produits iodés se prolonge pendant au moins deux heures, mais leur stabilité est fragile ; ils sont notamment inactivés par la présence de sang et produits organiques.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES SUR LES INFECTIONS NOSOCOMIALES DU SITE OPERATOIRE
1. HISTORIQUE DES INFECTIONS NOSOCOMIALES
2. DEFINITION DE L’INFECTION DU SITE OPERATOIRE
2.1. Infection superficiellede l’incision
2.2. Infection profonde del’incision
2.3. Infection d’organe ou d’espace
3. PHYSIOPATHOLOGIE
3.1. Origine des germes
3.1.1. Sources endogènes
3.1.2. Sources exogènes
3.2. Modes de contamination
3.2.1. Contamination aérienne
3.2.2. Contamination par contact
4. GERMES EN CAUSE
5. PROBLEME DE LA RESISTANCE DES GERMES AUX ANTIBIOTIQUES
5.1. Résistance acquise
5.2. Résistance naturelle
5.3. Mécanismes de la résistance
5.3.1. Mécanismes génétiques
5.3.1.1. Résistance chromosomique ou par mutation
5.3.1.2. Résistance plasmidique
5.3.2. Mécanismes biochimiques
6. DIAGNOSTIC
7. FACTEURS DE RISQUE
7.1. Facteurs liés au patient
7.2. Facteurs liés à l’intervention
8. EPIDEMIOLOGIE DES INFECTIONS DU SITE OPERATOIRE
8.1. Fréquence
8.2. Conséquences
DEUXIEME PARTIE : PREVENTION DES INFECTIONS DU SITE OPERATOIRE
1. REGLEMENTATION
1.1. Réglementation en France
1.2. Réglementation au Sénégal
1.3. Réglementation au Maroc
2. ORGANES DE PREVENTION EN FRANCE
2.1. Au niveau des établissements
2.1.1. Comité de lutte contre les infections nosocomiales
2.1.1.1. Composition
2.1.1.2. Missions
2.1.2. Equipe opérationnelle d’hygiène hospitalière
2.1.2.1. Composition
2.1.2.2. Missions
2.2. Au niveau inter-régional et régional
2.3. Au niveau national
2.4. Au sein du ministère
2.5. Dispositif d’alerte sur des infections nosocomiales
3. TABLEAU DE BORD DES INFECTIONS NOSOCOMIALES
4. SURVEILLANCE EPIDEMIOLOGIQUE DES INFECTIONS DU SITE OPERATOIRE
4.1. Définition de la surveillance
4.2. Objectifs de la surveillance
4.3. Critères d’efficacité d’un système de surveillance
4.4. Stratégie de surveillance adoptée par le RAISIN
4.4.1. Organisation pratique dela surveillance
4.4.1.1. Lieux de recueil
4.4.1.2. Personnes
4.4.1.3. Périodes
4.4.1.4. Contrôles dequalité
4.4.1.5. Analyse locale
4.4.1.6. Transmission des données aux réseaux
4.4.1.7. Analyse nationale
4.4.2. Choix des modalités desurveillance
4.4.2.1. Surveillance globale ou ciblée
4.4.2.2. Surveillance après la sortie
4.4.2.3. Etudes de prévalence ou d’incidence
4.4.3. Interventions chirurgicales retenues
4.4.4. Informations à recueillir
5. PREVENTION DE L’INFECTION DU SITE OPERATOIRE
5.1. Mesures concernant le patient
5.1.1. Préparation cutanée de l’opéré
5.1.1.1. Hygiène corporelle
5.1.1.2. Dépilation
5.1.1.3. Préparation du champ opératoire
5.1.2. Antibioprophylaxie
5.1.2.1. Définition et but
5.1.2.2. Indication
5.1.2.3. Efficacité
5.1.2.4. Avantages et inconvénients del’antibioprophylaxie
5.1.2.5. Règles générales de l’antibioprophylaxie
5.1.2.6. Antibioprophylaxiedans les spécialités chirurgicales
5.2. Mesures concernant le personnel
5.2.1. Tenue vestimentaire
5.2.1.1. Tenue du bloc opératoire
5.2.1.2. Tenue chirurgicale
5.2.2. Désinfection des mains
5.2.2.1. Lavage antiseptique des mains
5.2.2.2. Lavage chirurgical des mains
5.2.2.3. Technique opératoire
5.3. Mesures concernant l’environnement au bloc
5.3.1. Conception architecturale du bloc opératoire
5.3.2. Environnement du bloc opératoire
5.3.2.1. Traitement de l’air
5.3.2.2. Traitement de l’eau
5.3.2.3. Traitement des surfaces du sol du bloc opératoire
5.3.2.4. Traitement du linge
5.3.5. Traitement du matériel médicochirurgical
5.4. Soins de l’incision post-opératoire
5.5. Mesures concernant les accidents d’exposition au sang
5.6. Importance de la formation continue du personnel
5.7. Obligations et responsabilités dans la prévention
5.7.1. Rôle de la direction hospitalière
5.7.2. Rôle des médecins
5.7.3. Rôle du laboratoire de bactériologie
5.7.4. Rôle du pharmacien hospitalier
5.7.5. Rôle du personnel soignant
5.7.6. Rôle du service central destérilisation
5.7.7. Rôle du service d’entretien ménager
5.7.8. Rôle du service technique
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES