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Physiopathologie
Les agents pathogènes des diarrhées peuvent être divisés en trois groupes :
– les germes entérotoxinogènes,
– les germes invasifs,
– les germes pénétrants.
Les germes entérotoxinogènes
Ce groupe de bactéries entéropathogènes donne des diarrhées entéro-toxiniques dites sécrétoires ou cholériformes. Les bactéries se multiplient dans la lumière du grêle (tableau n° 1), et produisent une ou plusieurs toxines qui se fixent sur les entérocytes et provoquent la sécrétion massive d’un liquide pauvre en protides mais riche en sel, en bicarbonate et en potassium. Dans les toxi-infections alimentaires à S. aureus, C. perfringens de type A ou B cereus, rares sous les tropiques, la toxine est « préformée » dans les aliments, ce qui explique la brièveté de l’incubation et la gravité de la maladie.
Les germes invasifs
Les diarrhées invasives sont surtout dues à des shigelles. L’homme est le seul réservoir de shigelles : malades et convalescents qui peuvent éliminer des shigelles dans leurs selles pendant des mois, ou des années après l’épisode dysentérique. La transmission est souvent directe, des malades à leur entourage. Elle est parfois indirecte par l’intermédiaire d’eau, et surtout d’aliments souillés par les déjections virulentes d’un malade.
D’autres germes peuvent être en cause : Entamoeba histolytica, campylobacter jejuni, Echerichia coli entéro-invasif ; certaines clostridies sont plus rarement en cause.
Les germes pénétrants
Les germes pénétrants donnent des diarrhées qui sont liées à une inflammation des formations lymphoïdes de la lamina propria, des plaques de Peyer, et des ganglions correspondants, et peuvent donner naissance à une dissémination générale. Les salmonelloses et les yersinioses à Y. entérocolitica appartiennent aux infections de ce type.
Symptomatologie et diagnostic
Les diarrhées entérotoxiniques
Les diarrhées entérotoxiniques, cholériformes sont aqueuses, très abondantes, indolores, non fébriles, accompagnées de vomissements et parfois de collapsus. L’état de déshydratation s’installe rapidement et domine le pronostic de ce type de diarrhée. Ceci peut être aggravé par le retard ou l’inadéquation du traitement.
Les diarrhées invasives
Les diarrhées invasives réalisent typiquement un syndrome dysentérique (émission de glaires mucopurulentes ou sanglantes), douloureux et fébrile.
Les diarrhées virales sont aqueuses, sub-fébriles, d’abondance modérée.
Les diarrhées dues à des germes pénétrants
Les diarrhées dues à des germes pénétrants sont associées à des douleurs abdominales et à un syndrome infectieux général. Elles peuvent être la porte d’entrée de septicémies ou de foyers infectieux secondaires.
Des complications locales, une septicémie ou des arthrites réactionnelles peuvent enrichir le tableau.
Les diarrhées chez l’enfant
Chez l’enfant, il faut préciser le degré de déshydratation qui peut imposer des mesures thérapeutiques urgentes, le degré de dénutrition, l’existence de signes digestifs associés et le contexte socio-culturel. La recherche d’une cause, sauf infection parentérale sévère, présente peu d’intérêt thérapeutique individuel.
Degré de déshydratation
On apprécie le degré de déshydratation par l’examen clinique :
Aspect général, pouls et hémodynamique périphérique, tension de la fontanelle antérieure si elle n’est pas fermée, état de la peau (élasticité du pli), dépression des orbites, diurèse.
Si on a la notion d’un poids antérieur récent, on peut chiffrer la perte de poids, mais c’est exceptionnel en zone tropicale compte tenu de l’insuffisance des équipements au niveau des formations sanitaires.
Degré de dénutrition
La malnutrition aggrave la diarrhée. Toute diarrhée renforce la malnutrition. L’appréciation de la déshydratation n’est pas toujours aisée chez les enfants malnutris : le marastique a déjà un pli cutané lié à sa dénutrition et des orbites déprimées par disparition du tissus adipeux ; il peut être considéré comme déshydraté de façon abusive. Le Kwashiorkor garde ses oedèmes même en cas de déshydratation, qui peut passer inaperçue ou être sous-estimée.
La malnutrition protidique s’accompagne d’une hyper-hydratation cellulaire avec augmentation des réserves sodées et effondrement des réserves potassiques.
Signes digestifs
La grande fréquence des selles, leur caractère « explosif » ou « en jet », l’existence de vomissements abondants et d’une fièvre élevée font craindre une déshydratation croissante même si le tableau initial est peu préoccupant. Une anorexie avec refus systématique de tout apport oral, des vomissements allant jusqu’à l’intolérance gastrique absolue font prévoir l’échec d’une réhydratation orale, même si le degré de déshydratation le permettait.
Contexte socio-culturel
L’hospitalisation, quand elle est possible, reste un pis-aller réservé aux formes graves. Cependant, un traitement ambulatoire évalué et modulé au niveau des consultations suppose que le domicile n’est pas trop éloigné du centre de soins ; que la mère, mais aussi le chef de famille et la grand-mère ont saisi l’intérêt de ces consultations, et peuvent assurer la surveillance et le traitement nécessaires entre celles-ci.
Les examens complémentaires
Les examens complémentaires ont un intérêt limité : l’examen coprologique directe peut révéler une parasitose associée, et montre des leucocytes altérés et des hématies en grand nombre dans les diarrhées invasives.
Les coprocultures standards ne sont utiles que dans les salmonelloses et les shigelloses ; des milieux spéciaux sont indispensables pour les vibrions, les Campilobacter, les Yersinia. La goutte épaisse est indispensable pour éliminer un accès palustre souvent responsable de diarrhées fébriles.
Traitement
Les principes du traitement symptomatique de la diarrhée sont un apport liquidien suffisant et un apport nutritionnel correct. (Figure n° 3)
Le traitement étiologique ou l’emploi de médicaments adjuvants ne jouent qu’un rôle secondaire.
Réhydratation
Les « sels de réhydratation orale » (SRO) jouent un rôle primordial dans le traitement des diarrhées. L’OMS recommande une formule contenant pour un litre d’eau propre :
– 3,5 g de chlorure de sodium,
– 2,5 g de bicarbonate de soude,
– 1,5 g de chlorure de potassium,
– 20 g de glucose.
Le produit est conditionné sous forme de sachets de poudre à dissoudre.
COMMENTAIRES ET DISCUSSIONS
Les résultats de l’étude
L’étude de la répartition des cas de diarrhées dans le groupe cible montre qu’un certain nombre de facteurs peuvent jouer un rôle déterminant dans la survenue de la maladie.
Malgré des variations saisonnières et régionales importantes, une trilogie domine la pathologie pédiatrique en zone tropicale : la malnutrition, les diarrhées et les infections respiratoires. Les helminthiases, le paludisme, les infections (rougeole, coqueluche, tuberculose) et les accidents jouent également un rôle important.
Une appréciation objective des problèmes sanitaires de l’enfant en milieu tropical suppose des statistiques précises de morbidité et de mortalité infantile ; malheureusement les données disponibles sont souvent sujettes à caution ; les registres de morbidités ne sont jamais totalement fiables même dans les grandes villes ; l’ignorance fréquente de l’âge, les oublis ou omissions dans le recueil des autres données, les imprécisions dans l’enregistrement des traitements prescrits constituent autant de difficultés supplémentaires. Malgré ces imprécisions on est frappé par l’importance de la morbidité diarrhéique pendant les cinq premières années de la vie. Dans le secteur sanitaire que nous avons étudié, les diarrhées sont influencées par les paramètres qui vont suivre.
Tranches d’âge et sexe
• La maladie diarrhéique frappe particulièrement les enfants âgés de 0 à 35 mois. Dans cette tranche d’âge, les nourrissons de 0 à 11 mois sont les plus concernés, suivis de près par leurs aînés de 12 à 23 mois. Les problèmes posés par le sevrage aggravent la situation de ces enfants : l’allaitement est généralement arrêté à l’âge moyen de 13,02 mois à Madagascar. Au moment du sevrage (processus au cours duquel l’enfant s’habitue lentement à consommer la même nourriture que la famille, et dépend de moins en moins du lait maternel), de nombreux enfants tombent malades surtout de la diarrhée.
• Les enfants diarrhéiques du sexe masculin sont apparemment plus nombreux que les diarrhéiques du sexe féminin. Pendant longtemps, avoir un enfant mâle a été perçu par le Malgache comme un privilège.
C’est ainsi que les parents ont tendance à donner plus d’instruction aux garçons qu’aux filles et à mieux soigner les garçons (quand ils sont malades) que les filles. Toutefois, il faut noter qu’actuellement, le pays traverse une période de transition socio-culturelle qui tend à corriger cette inégalité.
Domicile et période de l’année
• Sur les 14 Fokontany du secteur sanitaire d’Isotry Central, ceux des bas quartiers sont particulièrement concernés par les diarrhées : les plus concernés sont :
– Ambalavao Isotry,
– Manarintsoa Est,
– Andranomanalina I,
– Andavamamba Anjezika II,
– Manarintsoa Isotry.
Les moins concernés sont :
– Ambohitsorohitra,
– Cité Madarail,
– Cité Ampefiloha,
– Ampatsakana Isoraka.
• Quant aux mois de l’année, la prévalence des maladies diarrhéiques est particulièrement élevée pendant la saison des pluies (de novembre à mars).
Le risque de diarrhées
Parmi les facteurs de risque qui exposent les enfants du groupe cible aux malades diarrhéiques, nous avons essayé d’effectuer le calcul du risque relatif aux tranches d’âge d’une part, et à la situation géographique des fokontany d’autre part.
Risque dû aux tranches d’âge
• Chez les enfants considérés à haut risque, la prévalence des diarrhées est de 7,7% (0 à 35 mois).
• Chez les non exposés, cette prévalence est de 2,3% (36 à 60 mois).
• Le risque relatif
Le risque relatif est de 3,34. C’est le rapport des taux des diarrhées chez les sujets exposés et des diarrhées chez les sujets non exposés. Autrement dit, les enfants âgés de 0 à 35 mois ont pratiquement 3,3 fois plus de risque de développer une maladie diarrhéique que les autres (36 à 60 mois).
• Risque attribuable
C’est la différence entre les taux de la maladie diarrhéique chez les enfants exposés. Ici, il est de 0,054. C’est le risque lié aux tranches d’âge.
• Fraction étiologique du risque
– elle est de 70,1% chez les exposés ;
– 64,1% dans l’ensemble.
Risque dû à la situation des quartiers habités
• Chez les enfants exposés (des bas quartiers), la prévalence des diarrhées est de 7,5%.
• Chez les non exposés, elle est de 2,6%.
• Le risque relatif est de 2,88%.
• Le risque attribuable 0,049%
• La fraction étiologique du risque :
– elle est de 65,3% chez les exposés ;
– et 60% dans l’ensemble.
Avoir moins de 36 mois et habiter les bas quartiers constituent donc chez le groupe d’enfants étudié deux risques majeurs de faire une diarrhée.
Il faut noter que les deux facteurs sus mentionnés incluent d’autres éléments qui influent sur les diarrhées, notamment le sevrage, la différence de sexe, le type et la qualité de l’alimentation pour les tranches d’âge, les variations saisonnières, l’existence ou l’absence de canaux d’évacuation corrects des eaux usées et des pluies, de latrines, d’eau potable pour les quartiers habités.
SUGGESTIONS
Afin d’améliorer la lutte contre les diarrhées dans le secteur sanitaire d’Isotry Central, nos suggestions portent sur :
• La mise en œuvre d’un programme d’IEC sur les maladies diarrhéiques dans le secteur sanitaire, sans omettre d’en parler en cas de calamité.
• Le renforcement de la prise en charge correcte des diarrhées.
• L’amélioration de la disponibilité de l’eau potable et des latrines, le rôle de l’Etat et de la communauté n’est plus à démontrer.
Mise en œuvre d’un programme d’IEC sur les maladies diarrhéiques
Objectif
L’objectif est de développer une meilleure prévention et une meilleure prise en charge des diarrhées chez les enfants cibles.
Stratégie
IEC en stratégie fixe
Les séances d’IEC (individuelles ou en groupe) menées au CSB2 ne peuvent pas suffire. Afin d’atteindre la population qui n’utilise pas le CSB2, d’autres stratégies doivent être adoptées.
IEC en stratégie mobile
Il est recommandé de pratiquer des séances d’IEC périodiques au niveau des fokontany du secteur sanitaire.
Organisation
Une équipe d’IEC peut assurer une visite mensuelle au niveau des fokontany (Figure n° 18).
Avec une seule équipe d’IEC, le CSB2 peut assurer 2 visites par fokontany par an. Il faudrait dans ce cas visiter au moins 2 fokontany par descente sur le terrain.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES SUR LES DIARRHEES ET LES STRATEGIES DE PRISE EN CHARGE
1. Les diarrhées
1.1. Epidémiologie des diarrhées de l’enfant
1.2. Physiopathologie
1.2.1. Les germes entérotoxinogènes
1.2.2. Les germes invasifs
1.2.3. Les germes pénétrants
1.3. Symptomatologie et diagnostic
1.3.1. Les diarrhées entérotoxiniques
1.3.2. Les diarrhées invasives
1.3.3. Les diarrhées dues à des germes pénétrants
1.3.4. Les diarrhées chez l’enfant
1.3.5. Les examens complémentaires
1.4. Traitement
1.4.1. Réhydratation
1.4.2. Renutrition
1.4.3. Médicaments
2. Stratégies de prise en charge des diarrhées
2.1. Les programmes thérapeutiques
2.1.1. La prévention de la dénutrition
2.1.2. La prévention de la déshydratation
2.2. Les maladies diarrhéiques à Madagascar
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE PROPREMENT DITE REALISEE A PARTIR DES CAS VUS AU CSB2 D’ISOTRY CENTRAL EN 2004
1. Cadre d’étude
1.1. Le CSB2 d’Isotry central
1.1.1. Infrastructure
1.1.2. Organisation
1.1.3. Le personnel du CSB2
1.2. Le secteur sanitaire
1.2.1. Situation géographique
1.2.2. Situation démographique environnemental.
1.2.3. Autres formations sanitaires
2. Méthodologie
2.1. Méthode d’étude
2.1.1. Objectif
2.1.2. Groupe cible
2.1.3. Méthode
2.2. Paramètres d’étude
3. Résultats
3.1. Répartition des enfants du groupe cible
3.2. Les cas de diarrhées
3.2.1. Répartition
3.2.2. Prévalence par tranche d’âge
3.2.3. Variations saisonnières
3.2.4. Calcul des risques
TROISIEME PARTIE : COMMENTAIRES, DISCUSSIONS ET SUGGESTIONS
1. Commentaires et discussions
1.1. Les résultats de l’étude
1.1.1. Tranches d’âge et sexe
1.1.2. Domicile et période de l’année
1.2. Le risque de diarrhées
1.2.1. Risque dû aux tranches d’âge
1.2.2. Risque dû à la situation des quartiers habités
2. Suggestions
2.1. Mise en œuvre d’un programme d’IEC sur les maladies diarrhéiques
2.1.1. Objectif
2.1.2. Stratégie
2.1.3. Organisation
2.2. Renforcement de la prise en charge correcte des cas de diarrhées…..
2.2.1. La réhydratation orale
2.2.2. L’alimentation
2.3. Amélioration de la disponibilité de l’eau potable et latrine
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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