D’après la définition de Gougerot et Carteaud (1), les dermatoses professionnelles sont les dermatoses ‹‹dont la cause peut résulter en tout ou en partie des conditions dans lesquelles le travail est exercé››. Les maladies à caractère professionnel sont définies comme toutes maladies susceptibles d’être d’origine professionnelle selon le médecin mais qui n’entrent pas dans le cadre des tableaux de maladies professionnelles indemnisables. Les dermatoses professionnelles constituent un problème fréquemment rencontré par le dermatologue et le médecin du travail. Elles représentent en effet 10 % de la pathologie cutanée et environ 40% des maladies professionnelles. Le personnel de santé représente un corps professionnel particulièrement exposé aux dermatoses professionnelles, qu’elles soient de nature allergique ou irritative. Les eczémas de contact allergiques sont les plus fréquentes représentant environ 2∕3 des étiologies des dermatoses professionnelles .
Les dermatoses professionnelles posent de nombreux problèmes aux travailleurs de notre pays comme à ceux du monde entier en ce qui concerne la poursuite de leur profession à une époque ou le chômage constitue un véritable fléau. En effet, même si les dermatoses professionnelles n‟engagent pas souvent le pronostic vital, elles ont un retentissement fonctionnel important et entrainent une altération considérable de la qualité de vie d‟où une entrave à la poursuite de l‟activité professionnelle obligeant à des arrêts de travail et/ou à des changements de postes(3). En outre, le poids économique de ces dermatoses professionnelles est important représentant environ aux Etats-Unis 1.2 billion de dollars soit, 10.5%du coût global de toutes les affections cutanées(4). En Afrique et au Sénégal en particulier, peu d‟études sont consacrées à la prévalence des dermatoses en milieu de soin, et la majorité de ces dermatoses ne sont pas déclarées à la CSS. Une étude spécifique (5) réalisée en 2004 au service de Dermatologie du CHU Aristide le Dantec rapportait une prévalence hospitalière des dermatoses professionnelles de 12,91% ; le secteur de la santé était par ordre de fréquence le 3éme de l‟ensemble des eczémas chroniques ayant bénéficié de test épi cutanés. Par ailleurs, une autre étude(6) rapportait une prévalence de 10,7% de l‟allergie aux gants en latex chez les professionnels de la santé de 03 Hôpitaux dans la région de Dakar. Bien qu‟au Sénégal, l‟indemnisation des dermatoses professionnelles soit prévue pour des titres de substances contenues dans 30 tableaux de la liste des MP (définie par l‟arrêté général 6048 du 24/07/1991 révisé en 2010), en pratique courante, la déclaration des dermatoses professionnelle auprès de la CSS n‟est pas effective et il en résulte une mauvaise prise en charge.
HISTORIQUE
L‟histoire de la dermatologie professionnelle est intimement liée à celle de la médecine du travail.
*Bernardino Ramazzini, publie en 1713<>, cet ouvrage constitue le premier traité systématique de pathologie du travail.
* entre 1850 et 1970 au cours du cursus des études médicales, certains paragraphes sont consacrés à la dermatologie professionnelle dans tous les traités de dermatologie.
*En 1895, Jadassohn présente une communication à Vienne; elle constitue la première description du test épicutané comme moyen de détection et donc de diagnostic d‟une ¨hypersensibilité spécifique¨.
Nous rapportons ci-dessous le compte Ŕrendu de la consultation : « Un jeune homme robuste m‟a consulté l‟an dernier pour une dermatite étendue qui résultait de l‟application d‟un onguent gris de mercure pour phtiriase, je lui ai appliquée l‟onguent gris sous un sparadrap (5cm2) à la partie supérieure du bras gauche. Le jour suivant, l‟épiderme sous le sparadrap était soulevé par une bulle. L‟endroit d‟application était entouré par un érythème ressemblant à la scarlatine, s‟étendant jusqu’à l‟épaule et le poignet, et également de chaque coté du thorax. L‟éruption disparut en quelques jours ».
*C‟est suite à cette constatation et toujours en 1895 que Jadassohn crée la méthode des tests allergologiques .
*En 1948 : Ronchese publie aux États-Unis un livre sur les stigmates professionnels, essentiellement cutanés. Bruno Bloch reprit le flambeau et diffusa largement la méthode, en la diversifiant et en l‟appliquant à plusieurs substances. On parle des tests cutanés selon Jadassohn-Bloch.
*Le premier cas d‟hypersensibilité immédiate au latex a été rapporté par Stern en 1927qui décrit un cas d‟urticaire généralisée causée par une prothèse dentaire en caoutchouc. Un quart de siècle plus tard, NUTTER rapporte le premier cas d‟urticaire de contact aux gants en latex.
*Poul Bonnevie, du Finsen Institute a Copenhague, est le premier à recommander l‟utilisation d‟une <<série standard>>de tests épi cutanés. La batterie de Poul Bonnevie a été utilisée au Finsen Institute de 1938 à 1955. En 1952 : première définition des dermatoses professionnelles par Gougerot et Carteaud.
*En 1977 : Ducombs et Texier reprennent cette définition en distinguant :
– les dermatoses qui relèvent exclusivement d‟une origine professionnelle
– les dermatoses qui sont exacerbées par l‟activité professionnelle .
*De 1971 à 1974, une vaste enquête (8) est menée aux États unis sous l‟égide du public Health service, U.S. Department of Health Education and Welfare. Cette enquête relative à la prévalence des dermatoses chez les citoyens américains de 1 à 74 ans élaborée par Johnson et Roberts (1978) retrouve les résultats suivants :
– Dans la tranche professionnelle active de 18 à 74 ans, 23,9% des sujets atteints d‟une affection cutanée signalant une exposition professionnelle a divers types de produits chimiques, de vapeurs, de fumée, d‟huile, d‟insecticides ou l‟immersion prolongée dans l‟eau des mains ou des pieds lors de leur travail.
– La proportion des dermatoses associées à une exposition professionnelle est deux fois plus élevée chez les hommes (32,4%) que chez les femmes (14,4%) toute branche d‟activités confondues.
EPIDEMIOLOGIE DES DERMATOSES PROFESSIONNELLES
Prévalence -Incidence
Dans le monde
Dans de nombreux pays occidentaux, le personnel de santé est l‟un des secteurs professionnels le plus à risque de dermatoses professionnelles. Les dermatites de contact d‟irritation et les dermatoses de contact allergique sont beaucoup plus fréquentes que les urticaires de contact. La prévalence des dermatites de contact d‟irritation est supérieure à celle des dermatites de contact allergiques chez le personnel de santé mais les données varient selon les études. Au Royaume-Uni, le secteur de la santé est le plus à risque de dermatoses professionnelles avec une incidence de 136,9 par million d‟habitants (rapport du réseau Epiderm 2002-2005) (2). Dans une analyse des cas dermatoses professionnelles enregistrées en Bavière du nord entre 1990 et 1999 Mahler et al. (2) ont trouvé une incidence annuelle de 7,3% pour 10 000 personnels de santé sur un total de 5285 patients dont 428 appartenant au secteur de la santé. Les désinfectants représentent avec les gants, les principales causes de dermatite de contact chez le personnel de santé (9). De nombreuses études confirment le risque élevé de dermatoses professionnelles dans le secteur de soins avec une prévalence de 20 à 30 % environ ; le personnel hospitalier constitue ainsi en Italie, le 5eme groupe à risque d‟eczéma des mains. Les infirmières sont fréquemment atteintes ; l‟incidence était de 14,5 cas pour 100 personnes-année selon l‟étude prospective de Smit et coll. en 1994. Les dermatites de contact d‟irritation et les dermatoses de contact allergique sont beaucoup plus fréquentes que les urticaires de contact (2). Les résultats publiés par le réseau Epiderm au Royaume-Uni montrent chez le personnel de santé une incidence de 115,5 par million d‟habitants pour la dermatite de contact et de 17,1 par million pour l‟urticaire de contact.
Dickel et al. rapportent les taux d‟incidence annuelle des dermatites de contact d‟irritation et des dermatites de contact allergiques dans les 24 groupes professionnels les plus a risque a partir de l‟analyse des cas de dermatoses professionnelles enregistrées en Bavière du Nord(1990-1999). L‟incidence pour 10000 personnes par année est de :
– 4 pour la dermatite de contact d‟irritation,
– 3,7 pour la dermatite de contact allergique chez le personnel de santé,
– 4, 8 pour la dermatite de contact d’irritation et de
– 6,8 pour la dermatite de contact allergique chez les prothésistes dentaires.
En Afrique
En Tunisie, une enquête transversale descriptive exhaustive, relative à la prévalence des dermatoses de contact en milieu dentaire, auprès de 97 agents médicaux et paramédicaux travaillant à la Clinique Dentaire de Monastir a retrouvé un taux de prévalence des dermatoses de contact de 27,8% (n=26). Toujours en Tunisie, une étude rétrospective colligeant tous les cas d‟eczéma de contact aux gants diagnostiqués au Service de Médecine du Travail et de Pathologie professionnelle du CHU de Monastir de 1996 à 2006 avait retrouvé 10 cas d‟eczéma de contact aux gants en latex parmi les 21 PS ayant consulté pour une dermatose. (10) Au Maroc, une enquête (11) réalisée auprès du personnel hospitalier du CHU Ibn Rochd à Casablanca un prick-test positif au latex est retrouvé dans 18 cas (10,3 %).Cette prévalence à l’allergie au latex chez le personnel de santé était stationnaire comparativement à la même étude réalisée en 1994 dans le même centre hospitalier.
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Table des matières
I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME