Les processus pathologiques de l’infection à VIH seraient initiés par le déficit qualitatif et quantitatif des lymphocytes T CD4+. Ce déficit des lymphocytes T CD4+ évoluant vers un déficit immunitaire profond qui se traduira par la survenue de pathologies opportunistes dont certaines conduisent à la classification au stade Sida en absence de traitement antirétroviral [26,28]. Dans cette thèse le taux de CD4+ est une variable importante, car il permettra d’apprécier l’état immunitaire des sujets dans la période contemporaine à l’épisode palustre.
Epidémiologie de l’infection à VIH en France
Les données épidémiologiques attestent que l’épidémie a très nettement régressé en
France [6-8]. Cependant, les 6 000 nouvelles découvertes de séropositivité chaque année confirment que l’épidémie est toujours active, pèse encore sur notre système de santé et témoigne des insuffisances en matière de prévention [29]. En 2015, les Hommes ayant des rapports Sexuels avec des Hommes (HSH) et les hétérosexuels nés à l’étranger (dont les ¾ sont nés dans un pays d’Afrique subsaharienne) restent les deux groupes les plus touchés et représentent respectivement 42% et 39% des découvertes [6-8,30]. L’âge médian au diagnostic était de 38 ans (36 ans chez les femmes et 39 ans chez les hommes). L’offre de dépistage s’est enrichie, en terme de lieux et d’outils (dépistage classique en laboratoire, dépistage anonyme et gratuit, dépistage communautaire par tests rapides d’orientation diagnostique, autotests) et les motifs de dépistage les plus fréquents sont la présence de signes cliniques liés au VIH ; la réalisation d’un bilan systématique, prénatal ou autre ; un dépistage orienté par une notion d’exposition ancienne ou à l’occasion d’une consultation pour une autre pathologie [7,8,30,31] , c’est le cas pour les épisodes palustres dans le cadre de cette thèse.
En France en 2014, le retard au diagnostic au VIH reste préoccupant, il se caractérise par un stade sida ou CD4 ≤ 350/mm3 au diagnostic versus le diagnostic précoce s’il a été posé au stade de primo-infection ou avec des CD4 ≥ à 500/mm3 [6-31]. La connaissance du statut sérologique est une étape essentielle, dans le but de débuter une multithérapie antirétrovirale afin de limiter l’évolution vers le stade SIDA et le risque d’une coinfection et ses complications. Elle constitue le premier objectif de la cible 90-90-90 d’ici 2020 proposée par l’ONUSIDA à savoir : 90% des personnes vivant avec le VIH sont dépistées ; 90% des personnes dépistées positives reçoivent un traitement antirétroviral ; et 90% des personnes sous traitement antirétroviral ont une charge virale indétectable [32].
Le paludisme
Physiopathologie du paludisme
Le paludisme chez l’homme est provoqué par quatre espèces de parasites protozoaires du genre Plasmodium. Le Plasmodium falciparum, il est responsable des formes les plus graves de la maladie ; le Plasmodium vivax ; le Plasmodium ovale et le Plasmodium malariae. La répartition géographique dépend des conditions locales. En zone intertropicale chaude et humide, l’infection est endémique avec des poussées épidémiques en saison des pluies. Le P. falciparum domine dans cette zone. Cela concerne l’Afrique subsaharienne, l’Amérique Centrale et du sud, l’Asie méridionale et du sud-est. En zone subtropicale ou tempérée chaude, le paludisme est saisonnier et principalement dû au P. vivax. Ici, il s’agit de la Méditerranée orientale, du MoyenOrient et de l’Océanie.
Le cycle de développement du Plasmodium est représenté dans la Figure 2 (voir 19), il se déroule successivement chez l’homme, hôte intermédiaire, et chez le moustique, l’anophèle femelle, hôte définitif [33]. S’agissant du paludisme, il est décrit que lors d’une coinfection, on a observé une augmentation significative de la charge virale, qui peut accélérer la progression vers le stade SIDA chez les personnes séropositives au VIH [34].
Le cycle de développement du Plasmodium comprend une phase de multiplication asexuée qui se déroule chez l’Homme, et une phase de multiplication sexuée qui se déroule chez l’Anophèle. Chez l’Homme, le Plasmodium vit à l’intérieur des Hématies, se nourrissant d’hémoglobine. Si une femelle de moustique pique un individu infecté, elle aspire avec le sang de nombreux plasmodium. Ceux-ci vont alors effectuer leur reproduction sexuée dans l’estomac de l’Anophèle, puis la nouvelle génération va se loger dans les glandes salivaires. Si l’Anophèle pique alors un Homme sain, il va lui injecter, avec sa salive, de nombreux plasmodium… Ceux-ci vont se multiplier dans les cellules du foie, puis entrer dans les globules rouges.
Paludisme autochtone en France
En France métropolitaine, en plus des cas de paludisme d’importation, ils existent des cas de paludisme autochtone, qui sont contractés sans quitter la métropole, dans des aéroports, des ports, lors de transfusions ou de greffes et au contact de personnes revenant de zones d’endémie ayant emporté dans leurs bagages des anophèles infestés. Ces cas de paludisme autochtone sont soumis au système de notification des maladies à déclaration obligatoire. Chaque année, quelques cas sont signalés. Les cas de la période 2001-2003 sont accessibles sur le site de l’INVS (Voir http://opac.invs.sante.fr/doc_num.php?explnum_id=4963). Ces cas de paludisme autochtone se distinguent du paludisme d’importation par le lien à un retour d’un séjour en zone d’endémie palustre. Ce critère n’est pas discriminant pour les deux zones d’endémie palustre en France, à savoir la Guyane et Mayotte. Dans cette thèse, nous allons nous focaliser que sur le paludisme d’importation, en raison de sa fréquence [8,9]. Ainsi, ne seront pas pris en compte dans ce travail, les cas de paludismes endémiques (départements de la Guyane et Mayotte) et les cas de paludisme autochtone en raison de la définition du paludisme utilisée et du faible nombre de cas de paludisme autochtone en France Métropolitaine.
La chimiorésistance
La chimiorésistance, en particulier chloroquino-resistance, selon l’OMS est l’aptitude d’une souche parasitaire du paludisme à survivre ou à se reproduire malgré l’administration d’un médicament employé à des doses égales ou supérieures aux doses régulièrement recommandées. Le mécanisme le plus fréquent d’apparition de la résistance est la sélection d’espèces résistantes par la pression médicamenteuse [35-37]. En France, la chimiorésistance fait l’objet d’une surveillance par le Centre National de Référence (CNR) qui concerne les isolats de P. falciparum importés [38]. Cela a donné lieu à la catégorisation des pays en groupe selon l’existence ou non de la chloroquinorésistance, et a permis d’adapter les recommandations de chimioprophylaxie selon la zone. Par exemple, pour l’année 2003, on avait les groupes suivants selon la zone [10]: les pays du groupe 0 : zone sans paludisme ou sans chimioprophylaxie (la Tunisie, le Lesotho, l’ile de la Réunion, etc…) ; les pays du groupe 1 ( ou zone 1) : zone sans chloroquinorésistance (l’Argentine, la République Dominicaine, l’Iraq, etc…) ; les pays du groupe 2 ( ou zone 2) : zone de présence de P. falciparum chloroquinorésistant (le Burkina-Faso, la Côte d’Ivoire, l’Inde, etc…) ; et les pays du groupe 3 (ou zone 3) : prévalence élevée de chloroquinorésistance et multirésistance (le Burundi, le Gabon, le Cambodge, etc…).
Les mécanismes de la prémunition contre le paludisme
Dans des régions où la transmission est forte et avec des infections répétées (100 piqures infestantes par anophèle par an), une grande proportion des enfants sont souvent porteur de parasites de P. falciparum sans manifester aucun symptôme ; c’est l’immunité clinique. Avec l’âge et les contacts successifs être humain/parasite s’installe peu à peu cette prémunition. On parlera, alors, de tolérance à l’infection ou d’immunité anti-parasite. L’immunité est définie par « un état de résistance à l’infection ou/et à la maladie », quel que soit le mécanisme immunologique [9]. Ici, l’immunité est caractérisée par des symptômes atténués de l’accès palustre. On dit que cette immunité n’est pas stérilisante, car il n’a jamais été démontré de façon formelle de disparition totale des parasites de P. falciparum en l’absence de traitement. On dit aussi que cette immunité est labile, car la prémunition disparait en l’absence de contacts fréquents entre l’être humain et le parasite (elle disparait après 6 mois si le sujet quitte la zone d’endémie) [9].
Définition du paludisme grave OMS 2000
En 1990, l’OMS a défini le paludisme grave de l’adulte par la présence d’une parasitémie à P. falciparum. Cette définition permet l’évaluation rapide d’un patient atteint de paludisme à P. falciparum et est utilisée dans les grands essais cliniques [39]. Elle est fondée sur des études réalisées en zone d’endémie palustre, en Afrique
et en Asie principalement [40]. Cette définition a été modifiée au gré des études et des publications. Ainsi, cette définition de l’OMS a été améliorée de 1990 à 2000 [41, 42]. D’une part, en séparant la situation de l’adulte et de l’enfant, point fondamental devant les différences cliniques et physiologiques de ces deux groupes de population. D’autre part, en fournissant pour chaque critère une évaluation de sa fréquence et de sa valeur pronostique, selon le nombre de croix (+ à +++) dans les deux populations, à savoir le pronostic ou la fréquence, selon la gravité s’exprime par une croix + pour l’accès simple, à plusieurs croix ++ ou +++ pour l’accès sévère. C’est cette définition qui a été utilisée dans la première contribution de la thèse (Voir Tableau I, page 24). Cependant, il est important de souligner que cette définition de l’OMS 2000 a fait l’objet de modification depuis 2010. Nous détaillons ces modifications plus loin dans ce travail [43].
|
Table des matières
1-INTRODUCTION
2-CONTEXTE ET MESURE DU PROBLEME
2-1 L’infection à VIH
2.1.1 Physiopathologie
2.1.2 Epidémiologie de l’infection à VIH en France
2-2 Le paludisme
2.2.1 Physiopathologie du paludisme
2.2.1.1 Le paludisme autochtone en France
2.2.1.2 La chimiorésistance
2.2.1.3 Les mécanismes de la prémunition contre le paludisme
2.2.2 Définition du paludisme grave OMS 2000
2.2.3 Définition de la Conférence de consensus, recommandation pour la pratique clinique 2007 : prise en charge et prévention du paludisme d’importation à P. falciparum25
2-3 Eléments du débat sur la coïnfection VIH et paludisme
3-ETUDE DE L’ASSOCIATION DU VIH ET DU PALUDISME D’IMPORTATION : EXEMPLE DE LA FRANCE
3-1 Objectifs de la thèse
3-2 Matériel et Méthodes
3.2.1 Sélection de sujets infectés par le VIH
3.2.1.1 Base de données Hospitalière Française sur l’infection à VIH
3.2.1.2 Le retour aux dossiers médicaux dans les CISIH
3.2.1.3 Etude de faisabilité du projet de recherche à partir des données de la FHDH ANRS CO4
3.2.1.4 Sélection des sujets infectés par le VIH
3.2.2 Sélection des sujets non infectés par le VIH
3.2.3 Evaluation du VIH et du paludisme d’importation en France
3.2.3.1 : Analyse des facteurs associés au risque d’accès de paludisme sévère dans la FHDH ANRS CO4
3.2.3.2 Analyse de l’impact du VIH sur la gravité de l’accès palustre
3-3 Contributions
3.3.1 Facteurs de risques associés à l’accès palustre sévère chez les sujets infectés par le VIH en utilisant les données de la FHDH ANRS CO 4
3.3.1.1 Article publié dans la revue JAIDS
3.3.2 Analyse de l’impact du VIH sur la sévérité de l’accès palustre d’importation
3.3.2.1 Article publié dans la revue AIDS
4-DISCUSSION GENERALE
4.1- Limites associées à ce travail de thèse
4.2- L’infection à VIH-1 est-elle un facteur de risque de paludisme sévère en tant que telle ou est-ce uniquement l’immunodépression associée à l’infection VIH ?
4.3- La définition de la sévérité dans le paludisme d’importation
4.4- Les recommandations aux voyageurs
4.5- Qu’est ce qui a changé dans les directives et recommandations depuis notre dernière publication en 2009 ?
5-CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
Peut-on améliorer les méthodes de prévention actuelles ?
6-BIBLIOGRAPHIE
7-ANNEXE