EPIDEMIOLOGIE DE L’HYPERTENSION ARTERIELLE
L’hypertension artérielle comme facteur de risque cardiovasculaire
L’HTA est un facteur de risque cardiovasculaire majeur. Elle est fortement liée à la survenue d’un infarctus du myocarde (IDM) chez l’africain plus que dans les autres populations du monde. En effet le pourcentage d’IDM attribuable à l’HTA chez le sujet noir est de 29,6% et ce risque relatif pour un hypertendu est le plus important dans la population étudiée par l’étude INTERHEART (6,99 vs 2,48) [69]. Plus récemment on a retrouvé un risque relatif de 7 pour la survenue d’AVC, de 3 pour la maladie coronaire et de 2 pour l’artériopathie des membres inférieurs chez les hypertendus. Après 60 ans, la corrélation de survenue de complication devient plus forte avec la pression pulsée (PAS – PAD), où la pression systolique domine [17]. L’HTA serait aussi le premier facteur lié à la survenue de démence chez le sujet âgé [72].
L’HTA est souvent associée à d’autres facteurs de risque, en particularité le tabagisme, le diabète, l’obésité abdominale, et à un moindre degré les dyslipidémies. Un patient noir africain chez lequel se trouvent associés l’HTA, le diabète et le tabagisme présente 38 fois plus de risque de présenter un IDM qu’un patient du groupe contrôle, après ajustement pour l’âge, le sexe et le tabagisme [69]. L’association de ces différents facteurs augmente très significativement le risque cardio-vasculaire, qui peut être évalué au travers de grilles multiparamétriques de stratification validées par l’OMS et l’International Society of Hypertension (ISH) pour les différentes régions du monde. L’âge est pris en compte au même titre que l’HTA et les autres facteurs dans le calcul du risque [41]. L’existence de lésions constituées des organes cibles de l’HTA (néphropathie et atteinte cardiaque) contribue à élever le risque cardio-vasculaire des hypertendus et doit être prise en compte dans l’évaluation globale.
Données épidémiologiques
Prévalence de l’hypertension artérielle dans le monde
Avec près de 17 millions de décès chaque année, les maladies cardiovasculaires restent la première cause de mortalité dans le monde et réalise la transition épidémiologique. Ce chiffre est inexorablement appelé à augmenter avec le vieillissement de la population, l’urbanisation et les nouveaux comportements alimentaires. Les pays les moins avancés d’Afrique subsaharienne, d’Asie du Sud Est et d’Amérique du Sud ne sont pas épargnés par cette évolution. Dans ces régions la mortalité par maladie cardiovasculaire représente plus de 20 % de la mortalité générale et la prévalence de la maladie coronaire et des accidents vasculaires cérébraux rejoint celle des maladies infectieuses et nutritionnelles [72]. L’hypertension artérielle qui est à la tête des maladies cardiovasculaires, touche selon les estimations entre 700 millions et un milliard d’individus dans le monde soit un adulte sur 5 de moins de 65 ans serait hypertendu, alors que 1 adulte sur 3 le serait audelà de 65 ans.
On considère que l’hypertension artérielle (HTA) est la première cause de mortalité du sujet âgé [79] et le 3eme facteur de risque contribuant à la mortalité internationale, après la malnutrition et le tabagisme [58]. En effet la prévalence de l’HTA chez l’adulte augmente avec l’âge, le sexe masculin et la corpulence du sujet. Cependant pour un même âge et une même corpulence, cette prévalence est différente selon les pays : par exemple chez des sujets de 35 à 64 ans, elle était de 27,8 % aux Etats Unis, 55,3 % en Allemagne, 37,7 % en Italie, 46,8 % en Espagne [72]. En France la prévalence de l’HTA s’établissait à 30,2 %. Elle est significativement plus élevée chez les hommes que chez les femmes. Pour la classe d’âge 35-44 ans, la prévalence de l’HTA était de 5,6%, pour les 45-54 ans on a 18,8 %, pour les 55-64 ans on a 40,7 %, pour les 65-74 ans on a 49,5 % et pour les plus de 75 ans on a 57,5 % [13].
L’HTA touche actuellement environ 28 à 40 % de la population adulte en Afrique [56]. Il semble exister des variations régionales du taux de prévalence ajusté à l’âge, qui varie entre 15 et 33 % selon les études. On note également une légère différence entre les hommes (26,9 %) et les femmes (28,3 %), liée à une interaction entre l’âge et le sexe. Comme dans d’autres populations, la prévalence de l’HTA augmente avec l’âge. Ainsi dans la tranche d’âge 60-69 ans, le taux de patients hypertendus atteint 57,4 % chez les hommes et 61,5 % chez les femmes. Il existe des disparités importantes selon que les populations vivent en milieu rural ou urbain. En effet, des enquêtes ont montré que dans la population âgée de plus de 65 ans, la prévalence de l’HTA est d’environ 30 à 40 % en milieu rural, 40 % en milieu urbain en Afrique de l’ouest, et 50 à 60 % dans une population mixte de blanc et de noir en Afrique du Sud [26].
Prévalence de l’hypertension artérielle au Sénégal
Au Sénégal, en 2005, les maladies cardio-vasculaires représentaient la première cause de décès chez l’adulte selon les statistiques du Ministère de la santé [49]. En 2004 une première étude sur l’HTA au centre médico-social de l’IPRES de Dakar retrouvait une prévalence de l’HTA de 34,22 % [21]. En 2010, une étude réalisée à Saint-Louis au Sénégal retrouvait une prévalence élevée des facteurs de risque avec 46 % d’hypertension artérielle [60]. Dans la même année l’analyse de la consultation des personnes âgées au centre de gériatrie de Ouakam retrouvait une prévalence de 66,9 % d’HTA systolique [69]. En 2011, une étude menée dans la communauté de Darou Mousty trouve une prévalence moindre des facteurs de risque, comparée à celle relevée dans la ville de Saint Louis avec 22,15 % d’HTA [52]. En 2012, à Gueoul l’étude menée sur l’HTA avait montré une prévalence de la maladie à 49,1% [43].
PHYSIOPATHOLOGIE DE L’HYPERTENSION ARTERIELLE DE LA PERSONNE AGEE
Les bases de la physiopathologie
Hémodynamique cardiovasculaire
La tension artérielle (TA) ou la pression artérielle (PA) est la force que le flux pulsatif du sang exerce sur les parois des vaisseaux artérielles, étant en même temps le facteur qui détermine la propulsion du sang et assure la perfusion normale des tissus.
La pression artérielle (PA) est égale au produit du débit cardiaque Q par les résistances artérielles R : PAS= Q× R.
➤ Le débit cardiaque(Q) : produit du volume d’éjection systolique (VES) par la fréquence cardiaque (F) :
Q= F × VES.
Ces deux facteurs varient dans le même sens et sont sous contrôle du système neurovégétatif. La fréquence cardiaque (F) : elle dépend de l’activité du tissu nodal, qui est équilibrée par deux tonus permanents : le cardioaccélérateur sympathique et le cardio-modérateur parasympathique, qui est dominant dans les conditions normales. Le volume d’éjection systolique (VES) : VES= VTD-VTS. Il est fonction de la pré charge (VTD) : il dépend de la pression de remplissage, elle-même fonction du retour veineux et donc de la volémie, et de la compliance des ventricules, et de la post-charge (VTS) qui dépend des résistances artérielles systémiques (RAS) et la contractilité myocardique (inotropisme) qui peut être renforcer par le sympathique.
➤ Les résistances artérielles (R) : selon Poiseuille, elles sont proportionnelles à la viscosité et à la longueur du vaisseau et inversement proportionnelles à son rayon :
R = 8nl/πr4. L :
L : la longueur du Vx : constante π : la viscosité ne varie que dans certaines circonstances pathologiques : la polyglobulie ; R : rayon, sa variation est assurée par les artérioles essentiellement .
Données rénales
Le rein joue un rôle déterminant dans la relation entre la PA et la natriurèse. Cette aptitude du rein à corriger l’augmentation de la natriurèse a un gain indéfini. L’apparition d’une HTA supposerait une altération de ce phénomène de régulation avec un déficit de l’excrétion sodée. Il s’y associe des modifications hémodynamiques rénales avec une perte de l’aptitude à la vasodilatation et une augmentation des résistances rénales.
Les effets du vieillissement
Les effets du vieillissement sur le système cardio-vasculaire sont multiples et variés. La description des changements fondamentaux des structures et fonctions du système cardio-vasculaire qui surviennent avec l’âge, prend actuellement une grande importance si bien que la fréquence de la pathologie cardio-vasculaire chez les personnes âgées rend difficile la distinction entre processus pathologique et changements spécifiques liés au vieillissement.
Effets sur la structure cardiaque
Structure du ventricule gauche
Au niveau du ventricule gauche le changement le plus évident survenant avec l’âge est l’hypertrophie. Des données autopsiques montrent que le poids des ventricules augmente d’environ 1 g / an chez l’homme et de 1,5 g/an chez la femme entre 30 et 90 ans. Cette hypertrophie ventriculaire est en fait la conséquence d’une hypertrophie myocytaire. Celle-ci a pour rôle de compenser une perte cellulaire, seul processus myocardique de vieillissement vrai. De même, il existe une fibrose qui remplace cette perte myocytaire. L’hypertrophie ventriculaire gauche est un phénomène d’adaptation faisant suite à la dilatation progressive de l’aorte et surtout à la perte de compliance de l’arbre artériel qui accompagne le vieillissement [70]. Toutefois, le vieillissement cardiaque s’accompagne de modifications anatomiques : augmentation de la masse cardiaque et de l’épaisseur pariétale du ventricule gauche à l’origine d’un moins bon remplissage ventriculaire par défaut de la relaxation ventriculaire [70]. La fonction ventriculaire du cœur sénescent est alors altérée. Cette altération touche principalement la fonction de remplissage diastolique dans sa première phase passive. Alors que l’éjection systolique est normale. L’altération de la fonction ventriculaire au repos est la résultante de la diminution de la compliance du ventricule gauche [70]. Le débit cardiaque au repos reste stable et peu diminué à l’effort avec l’avancée en âge .
Structure des valves cardiaques
La structure des valves cardiaques subit des changements morphologiques dont l’augmentation de la circonférence de la troisième à la neuvième décennie de la vie. La dilatation est plus marquée au niveau des valvules aortiques et pulmonaires. De même, un épaississement des valvules aortique et mitrale a été observé sur 200 autopsies par Sahasakul et coll [63].
Effets sur le système nerveux autonome
L’un des changements les plus notables de la sénescence est celui du système nerveux autonome cardio-vasculaire. Ces changements intéressent aussi bien le système de conduction que le système des bêtarécepteurs adrénergiques :
➤ Au niveau du système de conduction on note une diminution des cellules pacemaker (rythmogènes) dans le nœud sino-auriculaire. Cette baisse aboutit au delà de 75 ans, à moins de 10% du nombre normal de cellules pacemaker. Aucune modification n’est décrite dans le nœud auriculo-ventriculaire ou dans le tronc du faisceau de His. Par contre, après 60 ans plus de la moitié des fibres de la branche gauche est perdue et remplacée par du tissu fibreux.
➤ Au niveau du système des bêtarécepteurs adrénergiques, ce qui est bien établi c’est que la réponse aux stimuli beta adrénergiques est atténuée. On note qu’avec l’âge le système adrénergique est moins efficient et la densité des récepteurs beta adrénergique diminue [63].
|
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
1. DEFINITIONS
1.1. L’hypertension artérielle
1.2. Le vieillissement
1.3. La vieillesse
2. EPIDEMIOLOGIE DE L’HYPERTENSION ARTERIELLE
2.1. L’hypertension artérielle comme facteur de risque cardiovasculaire
2.2. Données épidémiologiques
3. PHYSIOPATHOLOGIE DE L’HYPERTENSION ARTERIELLE DE LA PERSONNE AGEE
3.1. Les bases de la physiopathologie
3.2. Régulation de la pression artérielle
3.3. Conséquence du vieillissement : l’hypertension systolique
4. DIAGNOSTIC
4.1. Mesure de la pression artérielle
4.2. Conditions du diagnostic d’hypertension artérielle
4.3. Etude clinique
4.4. Etude paraclinique
4.5. Evaluation du risque cardiovasculaire global
4.6. Evaluation gériatrique standardisé (EGS)
5. ETIOLOGIES
5.1. L’hypertension artérielle essentielle
5.2. L’hypertension artérielle secondaire
6. TRAITEMENT
6.1. Buts
6.2. Moyens
6.3. Stratégie thérapeutique
6.4. Indications
6.5. Surveillance
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
1. METHODOLOGIE
1.1. Cadre d’étude
1.2. Buts et objectifs de l’étude
1.3. Matériel et méthode
1.4. Déroulement de l’étude
2. LES RESULTATS
2.1. Données sociodémographiques
2.2. Les antécédents
2.3. Les facteurs de risque cardiovasculaires
2.4. Les données de l’examen clinique
2.5. Les données des examens paracliniques
2.6. Les données thérapeutiques et évolutives
3. DISCUSSION ET COMMENTAIRES
3.1. La méthodologie
3.2. Les résultats
4. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
4.1. Conclusions
4.2. Recommandations
5. REFERENCES
6. ANNEXES
CONCLUSION