Epidémiologie de l’asthme et conséquences socioéconomiques
L’asthme représente un véritable problème de santé publique dans de nombreux pays du fait notamment de sa fréquence, des maladies associées, de la mortalité, ainsi que du poids économique généré. C’est la maladie chronique la plus courante chez les enfants. Les dernières statistiques, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (Martin-Fontecha et al.), estiment le nombre de sujets asthmatiques à 300 millions à travers le monde. Cette pathologie cause 250000 décès par an dans le monde entier. Globalement, l’asthme touche davantage les habitants des pays développés que ceux des pays sous-développés (Figure 1). En France, les statistiques de 2006, selon l’enquête ESPS, estiment que l’asthme touche plus de 4,15 millions de personnes, soit 6,7 % de la population. La prévalence de l’asthme dans notre région (le Nord-Pas-de-Calais) est de 6,9 % (Source : Irdes. Données : Enquête ESPS 2006).
L’asthme est l’une des maladies les plus coûteuses dans les pays développés. Le coût pour la société peut se diviser en coûts directs, indirects et coûts intangibles, associés aux aspects psychosociaux de l’asthme. Les coûts directs comprennent les hospitalisations, les traitements en salle d’urgence, les consultations médicales, les frais de laboratoires. Quant aux coûts indirects, ils résultent des pertes financières non médicales dues à la maladie: absentéisme scolaire et professionnel, perte de productivité au travail, invalidité et décès. En France, L’asthme est responsable de 600 000 journées d’hospitalisation et coûte 1 milliard d’euros en dépenses de santé. Ces constatations imposent une réflexion sur les conditions de l’apparition de la maladie et sur la nécessité d’une prise en charge efficace de celle-ci.
Facteurs impliqués dans le développement et l’expression de la maladie
Plusieurs facteurs peuvent déclencher ou influencer la maladie de l’asthme. Ces facteurs peuvent êtres liés au patient lui-même (caractère héréditaire, facteurs de risques hormonaux…) et peuvent aussi êtres liés à son environnement (allergènes, tabagisme, pollution atmosphérique, exercice physique, alimentation, virus…).
Facteurs liés à l’hôte
La prédisposition héréditaire ou l’atopie est le principal facteur causal de l’asthme. Le risque de souffrir d’un asthme est nettement plus élevé chez les personnes ayant un lien de parenté avec des personnes asthmatiques par rapport aux personnes sans antécédents familiaux. De plus le terrain génétique est un élément essentiel de la maladie. Des études sur le génome ont mené à l’identification et à la description d’une multitude de gènes de susceptibilité de l’asthme et de réponse aux traitements, qui ont été classés dans 4 groupes distincts (Vercelli 2008) (Figure 2). Le premier groupe comprend des gènes associés à l’immunité innée et l’immunorégulation. Il inclut des gènes de PRR (incluant les TLR2, TLR4, TLR6, TLR10, NOD1 et NOD2), les cytokines régulatrices IL-10 et TGF-β, le facteur de transcription STAT3 et des molécules impliquées dans la présentation antigénique comme le CMH de classe II. Le second groupe comprend des gènes responsables de la différenciation et des fonctions effectrices des cellules Th2, c’est-à-dire les gènes des cytokines IL-4, IL-13, IL-12p40 et IL-5, le récepteur de l’IgE et des facteurs de transcription Th2. Le troisième groupe implique l’immunité mucosale et épithéliale et inclut les gènes des chimiokines, des substances antimicrobiennes et des molécules impliquées dans l’intégrité de la barrière épithéliale. Les autres gènes de susceptibilité ont été découverts par clonage positionnel ; ils font partie du dernier groupe et sont associés à la fonction pulmonaire, au remodelage tissulaire et à la sévérité de la maladie. En dehors des facteurs génétiques, d’autres facteurs liés à l’hôte ont été associés au développement de l’asthme. Le stress, la prise d’antibiotiques, la vaccination contre les maladies respiratoires, l’obésité et le mode de vie de la mère pendant la grossesse (exemple du tabagisme) (Hviid et al. 2008), (Balicer et al. 2007), (Chetta et al. 2005), (Subbarao et al. 2009), (Beuther et al. 2006) sont rattachés à l’asthme. Notons aussi que des facteurs endocriniens semblent être impliqués dans la pathophysiologie de l’asthme (Schatz 1999; Haggerty et al. 2003).
Facteurs environnementaux
Il est évident que les facteurs génétiques ne peuvent expliquer l’augmentation rapide et sélective de la prévalence de l’asthme et de l’allergie dans les pays développés au cours des dernières décennies. Pour mieux comprendre ce phénomène, il faut se pencher sur les facteurs environnementaux qui ont changé drastiquement et rapidement.
Les facteurs environnementaux impliqués dans l’asthme incluent bien évidemment les allergènes contre lesquels les patients développent la maladie. Les plus fréquents sont les acariens ainsi que certains pollens et antigènes d’origine animale (Sporik et al. 1990; Wahn et al. 1997; Sporik et al. 1999), (Simpson et al. 2005). Les irritants présents dans l’air comme la fumée de cigarette et les particules issues de la combustion du diesel contribuent également à la pathogenèse de la maladie (Polosa et al. 2008), (Baena-Cagnani et al. 2009), (James et al. 2005; Holgate et al. 2006; McCreanor et al. 2007). L’ozone, les moisissures et l’humidité semblent aussi être des facteurs aggravants (Peden et al. 2010). L’hypothèse qui a reçu la plus grande attention pour expliquer l’augmentation des prévalences de l’asthme est «l’hypothèse de l’hygiène» qui est basée sur l’équilibre Th1/Th2. Ce concept stipule que l’exposition bactérienne et virale, au cours de la petite enfance, favorise le développement d’un profil inflammatoire Th1 et par conséquent, inhibe le développement de pathologies Th2 comme les allergies et l’asthme. Le changement des règles d’hygiène dans les pays développés, par exemple, a entraîné une réduction marquée de l’exposition microbienne et par conséquent, une désorganisation de la réponse inflammatoire protectrice de type Th1. De nombreuses observations épidémiologiques ont apporté des arguments en faveur de cette hypothèse. D’une part, des maladies infectieuses sévères comme la malaria et la tuberculose sont inversement reliées à l’allergie (Yazdanbakhsh et al. 2002). Par ailleurs, des études ont montré une relation inverse entre l’asthme et l’exposition directe à l’environnement rural riche en endotoxine (von Mutius et al. 2008), (Pelosi et al. 2005; Ma et al. 2009), (Von Ehrenstein et al. 2000), (Shirakawa et al. 1997), (Herz et al. 2000), (Aaby et al. 2000), (Hopfenspirger et al. 2002). Cependant d’autres arguments sont en défaveur de cette théorie. Il faut mentionner que les maladies Th1 et Th17, incluant le diabète, la sclérose en plaque et les maladies inflammatoires de l’intestin, sont également en forte hausse dans les pays développés (Rook 2009). De plus il existe une corrélation entre le diabète de type 1 et l’asthme (Stene et al. 2001). Ces observations à priori contradictoires ont été réconciliées par la redécouverte des cellules régulatrices capables d’inhiber l’ensemble des profils T helper et qui sont déficitaires dans un grand nombre des pathologies suscitées. Les infections pulmonaires d’origine virale comme l’influenza amplifient la réponse asthmatique malgré le développement d’une réponse immune anti-virale de type Th1. Inversement, une forte réponse Th2 résultant d’une infection parasitaire est plutôt protectrice (Hansen et al. 1999), (Jackson et al. 2010), (Yazdanbakhsh et al. 2004; Leonardi-Bee et al. 2006). Dans l’ensemble les études semblent montrer que les infections entretiennent une relation ambiguë avec l’asthme, étant tantôt capables d’exacerber les manifestations de l’asthme et tantôt exerçant des effets protecteurs contre cette maladie. Les facteurs environnementaux interagissent avec les facteurs génétiques et influencent le développement de la maladie. Chez certains individus, la stimulation environnementale conduira au développement de l’allergie et de l’asthme alors que, chez d’autres individus, cette stimulation entraînera une réponse immune protectrice (tolérance) contre la maladie.
La réaction inflammatoire de l’asthme allergique
La physiopathologie de la réaction allergique peut être scindée en trois phases successives. La première est la phase de sensibilisation au cours de laquelle s’instaure la mémoire immunitaire. Dans le cas de l’asthme allergique, la sensibilisation a lieu au niveau des voies respiratoires. L’antigène est pris en charge par les cellules dendritiques (DCs) des voies respiratoires qui sont activées et migrent vers les ganglions médiastinaux qui drainent les poumons. L’antigène est présenté aux cellules T, initiant ainsi la conversion des cellules T CD4 naïves en cellules Th2. Ces cellules Th2 interagissent avec les cellules B et induisent la production des IgE. Ces derniers diffusent localement et gagnent la circulation lymphatique et sanguine pour enfin être distribuées systémiquement. Les IgE spécifiques et non-spécifiques se lient aux récepteurs IgE de haute affinité (FcεRI) à la surface des cellules, plus particulièrement des mastocytes. Cette phase de la réponse allergique est asymptomatique mais elle met en veille un état immunitaire prêt à répondre rapidement en cas de réexposition des voies respiratoires à l’allergène (Galli et al. 2008) (Figure 3).
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE: REVUE BIBLIOGHRAPHIQUE
1. CHAPITRE 1: L’ASTHME ALLERGIQUE
1.1. Définition
1.2. Epidémiologie de l’asthme et conséquences socioéconomiques
1.3. Facteurs impliqués dans le développement et l’expression de la maladie
1.3.1. Facteurs liés à l’hôte
1.3.2. Facteurs environnementaux
1.4. La réaction inflammatoire de l’asthme allergique
1.5. Les différents acteurs cellulaires impliqués dans la réaction allergique
1.5.1. Les cellules dendritiques
a. Capture de l’antigène
b. Maturation et migration
c. Présentation de l’antigène au lymphocyte T
d. La Dc et la polarisation de la réponse T
1.5.2. Les lymphocytes T
a. Les lymphocytes Th2
b. Les lymphocytes Th17
c. Les lymphocytes T régulateurs (Treg)
d. Les lymphocytes Th9
1.5.3. Les lymphocytes B
1.5.4. Les cellules lymphoïdes innées de type 2 (ILC2)
1.5.5. Les cellules épithéliales des voies respiratoires
1.5.6. Les granulocytes tissulaires
a. Les Mastocytes (MC)
b. Les basophiles
c. Les éosinophiles
d. Les neutrophiles
1.6. Les principaux médiateurs de la réaction allergique
a. Les IgE
b. Les cytokines
c. L’histamine
d. Les médiateurs lipidiques
e. Les chimiokines
2. CHAPITRE 2: LES EOSINOPHILES
2.1. Morphologie et caractéristiques générales
2.2. Ontogénie et localisation
2.3. L’éosinophilie : un lien entre la réponse innée et la réponse adaptative
2.3.1. Les récepteurs exprimés par les éosinophiles
2.3.2. Les cytokines secrétées par les éosinophiles
2.4. La migration des éosinophiles vers les tissus enflammés
2.5. Les différents modes de dégranulation des éosinophiles
2.6. Les stimuli permettant la libération des médiateurs éosinophiliques
2.7. Les modifications phénotypiques des éosinophiles activés
2.8. Les médiateurs libérés et les fonctions effectrices des éosinophiles
a. Les granules préformés
b. Le LTC4, médiateur lipidique
c. Les espèces réactives de l’oxygène (ROS)
d. Les cytokines et les chimiokines
e. L’éosinophile, cellule présentatrice d’antigène accessoire
f. L’importance des éosinophiles dans l’asthme allergique
2.9. Apoptose et signaux de survie des éosinophiles
3. CHAPITRE 3: LES CELLULES NATURAL KILLER
3.1. Introduction
3.2. Développement, maturation et diversité des cellules NK chez l’homme
3.2.1. Développement et maturation des cellules NK humaines
a. Stade 1 : les pro-NK
b. Stade 2 : les pré-NK
c. Stade 3 : les cellules NK immatures
d. Stade 4 : les NK CD56bright
e. Stade 5 : les étapes de maturation des cellules NK
3.2.2. Diversité des cellules NK
i. Récepteur de cytokines
ii. Récepteurs de chimiokines et molécules d’adhésion
iii. Récepteurs des cellules NK (NKRs) et CD16
3.3. Activation et inhibition des cellules NK/ intégration des différents signaux
3.3.1. La reconnaissance par la cellule NK
3.3.2. Les récepteurs des cellules NK
3.3.2.1. La superfamille des lectines de type C
i. Les hétérodimères CD94/NKG2
ii. Le NKG2D
3.3.2.2. les récepteurs de la superfamille des immunoglobulines
i. Les récepteurs KIR
ii. Les récepteurs ILT/LIR
3.3.2.3. les NCR (Natural Cytotoxicity Receptor)
3.3.2.4. Les récepteurs de Fc des immunoglobulines
3.3.2.5. Les récepteurs Toll
3.3.2.6. Les récepteurs de la famille SLAM
3.3.2.7. Le récepteur DNAM-1
3.3.2.8. Le récepteur CD2
3.3.3. Situations pathologiques reconnues par les cellules NK
3.4. Homéostasie des cellules NK
3.4.1. Distribution des cellules NK
3.4.2. Circulation des cellules NK
3.4.3. Durée de vie et facteurs de survie des cellules NK
3.5. Fonctions effectrices des cellules NK
3.5.1. Mécanismes de cytotoxicité
3.5.1.1. Formation de la synapse immunologique
3.5.1.2. Granules lytiques et modes d’action
3.5.2. Production de cytokines
3.6. Rôles des cellules NK dans l’immunité
3.6.1. Cellules NK et défense anti-tumorale
3.6.2. Cellules NK et défense anti-virale
3.6.3. Coopération entre les cellules NK et les cellules de l’immunité
3.6.3.1. Interactions entre les cellules NK et cellules dendritiques
3.6.3.2. Interactions entre les cellules NK et macrophages
3.6.3.3. Interactions entre les cellules NK et lymphocytes
3.6.3.4. Interactions entre les cellules NK et neutrophiles
3.6.3.5. Interactions entre les cellules NK et éosinophiles
DEUXIEME PARTIE: ARTICLES
1. Natural killer cells from allergic donors are defective in their response to CCL18
chemokine
2. Natural Killer cells induce eosinophils activation and apoptosis
TROISIEME PARTIE: DISCUSSION ET PERSPECTIVES
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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