La filière bovine constitue un pilier important dans la satisfaction de la demande croissante en lait et en viande. Toutefois, cette filière fait face à de nombreuses contraintes parmi lesquelles, les contraintes sanitaires. En effet, les pathologies constituent un handicap majeur dans l’élevage des bovins. Parmi les maladies bovines, la Péripneumonie Contagieuse Bovine (PPCB) occupe une place importante compte tenu de son caractère endémique.
La PPCB est l’une des maladies pour lesquelles l’OIE a établi une procédure officielle de reconnaissance de statut après celle de la peste bovine. Le Code sanitaire de l’OIE pour les animaux terrestres décrit les étapes que doit suivre un pays afin d’être officiellement reconnu par l’OIE comme indemne de PPCB. Elle a été listée par l’OIE en raison de sa grande capacité de contagion et de diffusion transfrontalière, ainsi que de son impact sur les échanges internationaux. C’est une maladie infectieuse majeure des bovins caractérisée par une pleuropneumonie exsudative et fibrineuse. Elle est causée par Mycoplasma mycoides subsp. mycoides (Mmm) précédemment appelé « Mycoplasma mycoides subsp. mycoides biotype Small Colony (MmmSC) » (MansoSilvan, et al., 2009). Elle constitue l’une des maladies importantes qui causent d’énormes pertes économiques à l’élevage en Afrique (Tambi et al., 2006). Dans ce continent, la transhumance et le caractère extensif de l’élevage favorisent la propagation de la maladie (Massiga et al., 1996). Les politiques rigoureuses de restriction des mouvements du bétail, de l’abattage et d’indemnisations, qui ont jadis apporté une solution pour l’éradication de la PPCB en Europe et en Amérique peine à être appliquées dans nos pays africains pour des raisons socio-économiques. Ainsi, la vaccination massive annuelle reste la seule mesure pour le contrôle de la maladie dans ces pays.
Au Niger, cette maladie constitue un réel obstacle au développement de l’élevage des bovins, occasionnant des pertes à la fois directes par les mortalités et indirectes par la chronicité de la maladie chez des sujets qui servent de réservoirs vivants. Les campagnes de vaccination du bétail au Niger sont axées principalement sur la vaccination systématique contre la PPCB et la PPR, et secondairement contre les maladies telluriques et pseudo telluriques, ainsi que la clavelée. Il est enregistré de nombreux cas de PPCB malgré les vaccinations faites par les mandataires, mais malheureusement ils ne sont pas tous signalés. Ainsi, entre 1993 et 1998 environ 33 foyers ont été déclarés ; de 1998 à 2008 environ 78 foyers ont été déclarés. Ces dernières années, c’est presque un rythme d’au moins 15 foyers par an qui sont officiellement déclarés représentant peut-être 1/3 de la réalité (Rhissa, 2010). Sur le terrain, le diagnostic se fait sur la base de signes cliniques. Aux abattoirs, les lésions sont observées par les techniciens d’élevage. Ces suspicions sont rarement suivies d’analyse de laboratoire bien que cet aspect fasse partie du dispositif de surveillance épidémiologique en vigueur. Néanmoins, les prélèvements suspects qui parviennent au laboratoire central de l’élevage (LABOCEL) sont analysés pour confirmation à l’aide du test ELISA de compétition pour les sérums, et de la PCR (biologie moléculaire) pour les écouvillons naseaux, liquides pleuraux et fragments de poumon. Ainsi, les données statistiques relatives à la situation épidémiologique de la PPCB et celles relatives aux profils des souches, nécessaires pour pouvoir contrôler la maladie au Niger, sont sous documentés. Jusque-là, les données épidémiologiques sont entre autres, les cas de foyers déclarés ou des résultats d’investigations ponctuelles lors des suspicions de la maladie. Le test sérologique utilisé est limité à l’ELISA de compétition et sur le plan bactériologique, le dispositif d’isolement et d’identification fait défaut. A cela s’ajoute le fait qu’au Niger les profils de souches de Mmm circulant sont inconnus.
Généralités sur l’élevage au Niger
Présentation du Niger
Situé en Afrique de l’Ouest, le Niger est un vaste pays de 1 267 000 km2 , limité par l’Algérie et la Libye au Nord, le Nigéria et le Bénin au Sud, le Tchad à l’Est, le Mali et le Burkina Faso à l’Ouest. La Population du Niger a été estimée à 22 445 308 habitants en 2018 (POPULATION–PYRAMID, 2018) contre 19 865 066 habitants en 2016. Avec un taux général de croissance annuel de 3,9 %, la population rurale est estimée à 84 % de la population totale (source : INS, 2016). Le climat est de type sahélien caractérisé par deux saisons. La saison sèche qui connait une alternancede périodes de climat chaud (40⁰C) et de climat froid (entre 10⁰C et 20⁰C). La saison pluvieuse d’une durée de 3 à 4 mois connait des précipitations annuelles qui varient en moyenne entre 0 à 800 millimètres (mm) en quittant le Nord désertique vers le Sud. Ce qui permet de scinder le territoire en 4 zones climatiques représentées sur la Figure 1 (Kosmowski et al., 2015) :
➤ la zone saharienne qui couvre 68 % du territoire national, soit plus de 800 000 km² avec des hauteurs pluviométriques allant de 0 à 200 mm. Elle est la zone privilégiée des camelins et des caprins ;
➤ la zone sahélo-saharienne à vocation pastorale couvre environ 160 000 km², soit 12 % du territoire, avec des hauteurs pluviométriques comprises entre 200 et 300 mm par an. C’est là qu’on trouve les troupeaux de bovins, d’ovins et aussi de caprins et de camelins ;
➤ la zone sahélo-soudanienne comprise entre les isohyètes (pluviométriques) 300 et 600 mm et occupe 22 % du territoire soit un peu moins de 300 000 km². C’est la zone agricole où l’on trouve des bovins, des ovins, des caprins, des camelins et des équidés. C’est également la zone des résidus agricoles ;
➤ la zone soudanienne occupe 1 % du territoire (environ 11 500 km²) et reçoit entre 600 et 800 mm d’eau de pluie par an. On y trouve l’ensemble des espèces animales (bovins, ovins, caprins, et équidés) mais seulement quelques camelins.
Le secteur primaire dominé par les activités agropastorales joue un rôle essentiel dans la croissance économique. Entre 2006 et 2010, le PIB du secteur primaire est passé de 817,66 milliards de FCFA à 1021,27 milliards de FCFA, soit une progression de 25%, contre 20% pour l’ensemble des secteurs (1906,83 milliards en 2006 à 2295,39 milliards en 2010). Le secteur tertiaire, avec le commerce de bétail sur pied et de certains produits agricoles (oignon, souchet, sésame), constitue la seconde source de recettes d’exportations après les mines (HC3N, 2012).
Importance de l’élevage au Niger
Au Niger, l’élevage est pratiqué par près de 87% de la population active soit en tant qu’activité principale, soit comme activité secondaire après l’agriculture. Le cheptel nigérien est estimé à plus de 46 millions de têtes en 2017(effectif sans la volaille, voir Tableau I) (MAG/EL, 2017). Le capital du bétail au Niger a été estimé à 2000 milliards de FCFA. Il contribue à hauteur de 13% au Produit Intérieur Brut et 40% du PIB agricole. Il intervient comme un apport à hauteur d’au moins 25% au budget des collectivités territoriales (Rhissa, 2010).
L’agropastoralisme est un système largement pratiqué au Niger (Figure 2). Ainsi, l’élevage est un élément essentiel, basé en grande partie sur une combinaison de «pâturage ouvert» sur des terres non cultivées et d’accès négocié pendant la saison sèche à des terres cultivées. Le bétail est principalement constitué de bovins, ovins et caprins; mais certains pasteurs possèdent des camelins, des asins et des équins. La plupart des agriculteurs ont du bétail, même dans les zones où la culture est importante (Douglas and Hilmy, 2014).
L’élevage est considéré comme la seconde « mamelle » de l’économie du pays (Niger). Le territoire constitue un immense espace pastoral où se pratiquent des systèmes d’élevage propices aux réalités bioclimatiques. Cette diversité de systèmes à laquelle s’ajoute celle des espèces et races élevées est sans doute un atout important tant au plan de l’alimentation que celui de la création de revenus pour les ménages. Le bétail constitue la forme dominante d’épargne des ménages ruraux et urbains (environ 80 % du revenu global des ménages dans les zones pastorales et agropastorales). Il participe au renforcement des capacités d’ajustement face aux crises et aux évènements sociaux particuliers (MEL, 2012). Le Niger est considéré dans son ensemble comme un pays à vocation d’élevage. Il se pratique sur 62 millions d’hectares de zones de pâturage. Il participe à hauteur de 15% au budget des ménages et de 25% à la satisfaction des besoins alimentaires des populations nigériennes ; ce qui le place comme première activité contribuant à la lutte contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire. Enfin, il améliore nettement la balance commerciale agricole du Niger. C’est ce qui lui donne une place de choix dans les différentes politiques de développement : l’initiative les « Nigériens Nourrissent les Nigériens 3N », le Programme de Développement économique et Social, etc. (INS, 2012 ; MEL, 2012) .
Malheureusement, la forte sensibilité des activités agropastorales aux risques climatiques, écologiques, sanitaires, économiques et même sociaux fait que le pays n’arrive pas toujours à assurer une alimentation saine et suffisante à l’ensemble de la population, en tout temps et en tout lieu. Le Niger enregistre régulièrement des déficits céréaliers qui ne sont couverts que par les importations à partir du marché régional ou international et des déficits fourragers qui ne sont compensés que par la transhumance transfrontalière (MEL, 2012). En effet, l’enjeu est d’abord de maitriser la santé animale dans un contexte d’élevage transhumant et de commercialisation transfrontalière dont les mouvements sont difficiles à contrôler. Le second enjeu serait de garantir la sécurité sanitaire des denrées animales et aliments d’origine animale. Ainsi, cette transhumance, comme mode d’élevage et la commercialisation transfrontalière, exigent une bonne couverture vaccinale contre les principales maladies. Au regard des engagements internationaux et dans une perspective d’exportations des productions animales, le Niger envisage de porter le taux de couverture vaccinale à 80% contre la PPCB et la PPR. Dans cette optique l’accent est mis dans le développement d’un partenariat durable entre les services vétérinaires publics et privés (HC3N, 2012).
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE 1 : Généralités sur l’élevage au Niger
1. Présentation du Niger
2. Importance de l’élevage au Niger
3. Les systèmes d’élevage au Niger
3.1. Élevage sédentaire
3.2. Élevage nomade
3.3. Élevage transhumant
CHAPITRE 2 : La péripneumonie contagieuse bovine
1. Définition
2. Importance de la péripneumonie contagieuse bovine
3. Historique de la péripneumonie contagieuse bovine
4. Étiologie de la PPCB
4.1. Classification et caractéristiques générales
5. Le génome de Mycoplasma mycoides subsp. mycoides
6. Propriétés biologiques
6.1. Pouvoir pathogène
6.2. Pouvoir antigène
6.3. Pouvoir immunogène
6.4. Pouvoir allergène
6.5. Résistance
7. Signes cliniques et lésionnels
8. Épidémiologie de la péripneumonie contagieuse bovine
8.1. Épidémiologie classique de la péripneumonie contagieuse bovine
8.1.1. Épidémiologie descriptive
8.1.2. Épidémiologie analytique
8.1.3. Épidémiologie synthétique
8.2. Épidémiologie moléculaire de la péripneumonie contagieuse bovine
8.3. Dynamique de la péripneumonie contagieuse bovine
CHAPITRE 3 : Lutte contre la péripneumonie contagieuse bovine, et situation de la maladie au Niger
1. Diagnostic de la PPCB
1.1. Diagnostic de la PPCB sur le terrain
1.2. Diagnostic de la PPCB au laboratoire
1.2.1. Bactériologie
1.2.2. Sérologie
a. Test de fixation du complément (CFT)
b. ELISA de compétition (c-ELISA)
c. Test d’immunoblotting (IBT)
1.2.3. Biologie moléculaire
a. Méthodes basées sur l’amplification du matériel génétique
b. Méthodes basées sur la restriction
c. Méthodes basées sur le séquençage
2. Traitement de la péripneumonie contagieuse bovine
3. Prophylaxie de la péripneumonie contagieuse bovine
3.1. Prophylaxie sanitaire
3.2. Prophylaxie médicale
4. Situation et lutte contre la péripneumonie contagieuse bovine au Niger
4.1. Situation de la PPCB au Niger
4.2. Moyens de lutte mis en place au Niger et leurs limites
4.2.1. Réseau de surveillance épidémiologique au Niger
CONCLUSION GÉNÉRALE