Epidémiologie de la maladie d’Alzheimer
Aujourd’hui, on dénombre 50 millions de personnes atteintes de la MA dans le monde, faisant de cette pathologie la démence la plus répandue. Il est inquiétant de noter que d’ici 2050 ce chiffre devrait tripler pour atteindre 152 millions de personnes atteintes (World Alzheimer Report 2018). Chaque année, on recense 9.9 millions de nouveaux cas de démence à travers le monde ce qui représente 1 nouveau cas toutes les 3 secondes. Par ailleurs, le coût total estimé du à cette démence est de 1 trillion de $ par an et 82 milliards d’heures sont consacrées aux soins apportés à ces patients (World Alzheimer Report 2018) (Figure 3). Au vu de ces chiffres alarmants, il devient donc urgent de trouver des traitements curatifs pour cette pathologie.
Les différentes formes de la MA
Les formes familiales
Bien que la majorité des cas de la MA soient des formes sporadiques, on dénombre moins de 1% de formes familiales de cette pathologie. Ces dernières sont causées par des mutations génétiques à transmission autosomique dominante et sont caractérisées par une apparition plus précoce de la maladie (avant 65 ans). Des études ont permis de mettre en évidence que les mutations à l’origine des formes génétiques de la MA sont localisées au niveau de trois gènes distincts : PS1 (presenilin-1) au niveau du chromosome 14, PS2 (presenilin-2) porté par le chromosome 1 et, APP (Amyloid precursor protein) localisé sur le chromosome 21 (Sherrington et al., 1995 ; Levy-Lahad et al., 1995 ; Goate et al., 1991 ; El Kadmiri and al., 2013). Ces trois gènes codent pour des protéines impliquées dans le métabolisme de l’APP, protéine étant à l’origine de la production du peptide Aβ (et que nous aborderons dans la partie 5.1).
Les formes sporadiques et les facteurs de risque
La MA est une maladie multifactorielle complexe faisant intervenir des facteurs génétiques et environnementaux. Toutefois, l’âge constitue le principal facteur de risque de développer la MA puisqu’à partir de 65 ans, la prévalence double tous les cinq ans.
Les facteurs de risque génétiques
L’apolipoprotéine E (ApoE) est le premier facteur de prédisposition génétique qui a été découvert, en 1993 (Figure 2). L’ApoE est une protéine sérique qui régule la redistribution du cholestérol dans les cellules et participe ainsi à la régulation du métabolisme des lipoprotéines. Le gène codant cette protéine possède trois allèles : APOε2, APOε3 et APOε4. Il a été établi que le polymorphisme du gène de l’ApoE est associé à une augmentation de l’incidence de la MA. En effet, les porteurs d’un seul allèle APOε4 ont 2 à 3 fois plus de risque de développer la MA alors que les porteurs de deux allèles APOε4 ont quant à eux un risque 12 à 15 fois plus élevé (Strittmatter et al., 1993 ; Corder et al., 1993). Grâce à la réalisation d’études d’association pangénomique, GWAS (Genome-Wide Association Studies), d’autres facteurs de prédispositions génétiques ont pu être mis en évidence tels que les gènes PICALM (Phosphatidylinositol-binding clathrin assembly protein), BIN1 (Bridging Integrator-1), CLU (clusterine) et CR1 (Complement receptor type 1) (Figure 4). Ces études ont notamment permis de mettre en évidence l’importance de certaines voies de signalisation pouvant moduler le risque de développer la MA dont les deux principales sont l’inflammation et la réponse immune. De nouvelles voies ont également été mises en avant grâce à ces études dont : les fonctions synaptiques hippocampiques, le transport axonal ou encore les fonctions cytosquelettiques (Seshadri et al., 2010 ; Lambert et al., 2013 ; Harold et al., 2009) .
A l’inverse, il existe également des facteurs génétiques dit protecteurs. En effet, il a été démontré que contrairement à l’APOε4, la présence du variant APOε2 aurait quant à lui un effet neuroprotecteur pour la MA (Corder et al., 1993). De même, une mutation du gène codant l’APP a également été montrée pour avoir un effet protecteur contre la MA, il s’agit de la mutation APPA673T (Jonsson et al., 2012). Il a par exemple été mis en évidence que la présence de cette mutation engendrait une réduction du clivage de l’APP par BACE1 ainsi qu’une diminution de l’agrégation des peptides Aβ (Maloney et al., 2014).
Les facteurs de risque environnementaux
Les formes sporadiques de la MA, bien que principalement dépendantes de l’âge, peuvent également être influencées par de nombreux facteurs de risque environnementaux. Parmi ceux-ci, les plus importants correspondent aux facteurs de risque cardiovasculaires et métaboliques, à savoir : l’hypertension artérielle, le diabète de type 2 ou encore une hypercholestérolémie (Imtiaz et al., 2014). Il a également été démontré que les personnes présentant des dysfonctions dans la voie de l’insuline telles qu’une insulino-résistance, une hyperglycémie et une intolérance au glucose, ont un risque plus accru de développer une MA (Luchsinger et al., 2004 ; Crane et al., 2013). Des études ont ainsi pu démontré que les personnes atteintes de diabète présentent un risque de développer une MA qui est 65 fois plus important qu’une personne « saine » montrant ainsi le rôle capital que jouent des dérégulations du métabolisme énergétique sur le risque de survenue de la MA (Arvanitakis et al., 2004). Par ailleurs, l’obésité étant associée à l’ensemble des facteurs précédents, représente aussi un facteur de risque majeur de la MA. Enfin, en plus de ces facteurs de risque liés au métabolisme énergétique, notre hygiène de vie a également un impact majeur sur la susceptibilité à développer cette pathologie. Ainsi, l’hygiène alimentaire, la pratique régulière d’une activité sportive, la consommation de drogue et d’alcool ou encore le tabac sont autant de facteurs pouvant avoir un effet positif ou négatif sur l’apparition de la MA (Imtiaz et al., 2014).
Symptômes de la maladie d’Alzheimer
La MA est une pathologie neurodégénérative sévère et progressive caractérisée principalement par une perte de mémoire et par des altérations des fonctions cognitives. Bien qu’il existe différents types de mémoire, tous ne sont pas altérés lors de la MA. En effet, la première plainte d’une personne atteinte de la MA est l’altération de sa mémoire épisodique, qui permet de mémoriser les événements relativement récents (comme par exemple le repas pris la veille). Ces troubles de la mémoire s’accompagnent aussi de troubles de l’orientation et notamment des relations spatio-temporelles (telle qu’une confusion des lieux et du temps), et de difficultés dans la planification et la résolution de problèmes (tel que planifier un rendez-vous). Au cours du temps, l’état cognitif du patient va continuer à se dégrader et d’autres troubles cognitifs vont se développer dont notamment, des changements d’humeurs et de comportement, une aphasie (trouble du langage) une apraxie (difficulté à effectuer des mouvements) ou encore une agnosie (difficulté à reconnaitre des visages familiers) (Greene, Hodges and Baddeley, 1995 ; Binetti et al., 1996 ; Rizzo et al., 2000).
Selon les critères de la NIA-AA (National Institute on Aging-Alzheimer’s Association) et IWG-2 (International Working Group), la MA peut être classée en 3 stades (Molin and Rockwood, 2016) :
– Un stade asymptomatique qui correspond à la phase où commencent à apparaitre les lésions cérébrales à savoir, l’accumulation de peptides Aβ, la phosphorylation de tau et les altérations synaptiques hippocampique (stade préclinique)
– Un stade prodromal au cours duquel s’ajoutent les premiers troubles mnésiques, l’hypométabolisme du glucose et l’atrophie cérébrale (stade MCI)
– Un stade sévère durant lequel les troubles mnésiques deviennent plus importants et s’accompagnent d’altérations des fonctions cognitives. A ce stade, on parle de démence. (stade démence) .
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : La maladie d’Alzheimer
1. Généralités
1.1. Un peu d’histoire
1.2. Epidémiologie de la maladie d’Alzheimer
2. Les différentes formes de la MA
2.1. Les formes familiales
2.2. Les formes sporadiques et les facteurs de risque
2.2.1. Les facteurs de risque génétiques
2.2.2. Les facteurs de risque environnementaux
3. Symptômes de la maladie d’Alzheimer
4. Aspects cliniques de la maladie d’Alzheimer
4.1. Diagnostic de la maladie d’Alzheimer
4.2. Les biomarqueurs de la maladie d’Alzheimer
4.2.1. Les biomarqueurs biologiques
4.2.2. L’imagerie cérébrale structurale : l’IRM
4.2.3. L’imagerie cérébrale fonctionnelle : la TEP
5. Les lésions histopathologiques de la maladie d’Alzheimer
5.1. Les plaques amyloïdes
5.2. La dégénérescence neurofibrillaire
5.3. La progression des lésions
5.4. Lien entre la pathologie amyloïde et la pathologie tau
6. Stratégies thérapeutiques de la MA
6.1. Les stratégies actuelles
6.2. Les nouvelles stratégies thérapeutiques
6.2.1. Les approches anti-amyloïdes
6.2.2. Les approches anti-tau
Chapitre 2 : Tau, synapses et métabolisme énergétique neuronal, un lien dans la MA ?
1. La protéine tau
1.1. Généralités et structure
1.2. Fonctions principales de la protéine tau
1.3. La phosphorylation : la principale modification post-traductionnelle de tau
1.3.1. Les kinases de tau
1.3.2. Les phosphatases de tau
2. L’intégrité synaptique : un mécanisme fortement altéré au cours de la MA
2.1. Généralités
2.2. La plasticité synaptique
2.2.1. Les récepteurs AMPA et NMDA
2.2.2. La potentialisation à long terme
2.3. Altérations de la plasticité synaptique et de la mémoire dans des modèles de MA
2.3.1. Les synapses et le peptide amyloïde
2.3.2. Les synapses et la protéine tau
3. Le métabolisme énergétique neuronal : une voie précocement altérée lors de la MA
3.1. Généralités sur le métabolisme énergétique neuronal
3.1.1. La glycolyse et la respiration mitochondriale
3.1.2. La mitochondrie : un producteur d’énergie mais pas uniquement
3.1.2.1. Le transport des mitochondries 46
3.1.2.2. La dynamique des mitochondries
3.1.2.3. La mitophagie
3.2. Altérations du métabolisme énergétique neuronal dans la MA
3.2.1. Altérations du métabolisme glucidique
3.2.2. Altérations mitochondriales
Chapitre 3 : La protéine kinase activée par l’AMP (AMPK) : le senseur métabolique essentiel des cellules
1. Historique
2. Structure de l’AMPK
3. Régulation de l’AMPK
3.1. Régulation allostérique de l’AMPK
3.2. Régulation par les modifications post-traductionnelles
3.2.1. Régulation par phosphorylation et déphosphorylation
3.2.2. Régulation par myristoylation
3.3. Régulation par le lysosome
3.4. Activateurs et inhibiteurs de l’AMPK
4. Fonctions de l’AMPK dans le système nerveux central (SNC)
4.1. Rôle dans la régulation de la prise alimentaire
4.2. Rôle dans le développement et la différenciation
4.2.1. Rôle dans le développement cérébral
4.2.2. Rôle dans la polarité neuronale
4.2.3. Rôle dans le remodelage synaptique
4.3. Rôle dans les fonctions cognitives, la mémoire, la plasticité synaptique
4.3.1. Effets de l’activation périphérique de l’AMPK sur la mémoire
4.3.2. Effets d’une activation centrale de l’AMPK sur la mémoire
5. Rôle de l’AMPK dans les maladies neurodégénératives
5.1. Implication de l’AMPK dans le développement de la maladie d’Alzheimer
5.1.1. Rôle de l’AMPK dans le métabolisme de l’APP
5.1.2. Rôle de l’AMPK dans la pathologie tau
5.2. Rôle de l’AMPK dans les autres maladies neurodégénératives
5.2.1. AMPK et maladie de Parkinson
5.2.2. AMPK et maladie de Huntington
5.2.3. AMPK et Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA)
5.2.4. AMPK et ischémie cérébrale
Objectifs du projet de thèse
Résultats
Conclusion
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