Environnement urbain et développement de l’Ulcère de Buruli : Etude des facteurs de risques

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outils et méthode de sélection de la population de l’étude

Recherche documentaire

Comme toute étude, nous avons entamé notre réflexion par la recherche documentaire qui se trouve être l’une des étapes fondamentales d’un travail de recherche. Cette recherche documentaire nous a permis de construire une base de connaissances autour du thème environnement urbain et santé. Pour cela, nous avons consulté des documents qui traitaient de la santé en milieu urbain, de l’environnement urbain et la santé mais aussi de l’Ulcère de Buruli. Au Gabon, concernant la documentation sur l’Ulcère de Buruli, nous nous sommes rendues à la direction du Programme national de lutte contre l’ulcère de Buruli (PNLUB) ou nous avons obtenue des données sur l’incidence des cas diagnostiqués au cour de la période allant de 2010 à 2012 sur l’ensemble de la province. Notre sujet se classant dans un angle transdisciplinaire, nous avons orienté nos lectures vers des documents à la fois de géographie de la santé, d’épidémiologie et de santé publique. Pour cela, nous avons consulté des ouvrages, des rapports, des articles scientifiques en rapport avec l’environnement urbain et la santé, et l’ulcère de Buruli. Les travaux de Salem. G et d’Ibrahima SY nous ont permis de mieux cerner notre sujet.

Etat des connaissances

Ce paragraphe traite de la synthèse documentaire sur le thème « environnement et santé » en plus des informations sur l’Ulcère de Buruli.

Environnement et santé

Dans le cadre des études portant sur la santé en milieu urbain, de nombreuses études ont été réalisées. Ainsi, dans le domaine des sciences sociales, les géographes se sont particulièrement intéressés à l’étude des interactions qui existent entre les facteurs sociaux et les facteurs environnementaux susceptibles d’influer sur l’état de santé des individus. Ainsi B. Newling2 dans ces travaux sur les densités urbaines montre qu’il existe un lien étroit entre le processus d’urbanisation et l’apparition des conditions sociologiques et pathologiques dans les différentes parties d’un espace urbanisé. C’est d’ailleurs pourquoi Salem.G (1998), pense que l’analyse d’un fait de santé en milieu urbain ne doit pas seulement tenir compte du milieu physique, mais également du degré d’ouverture de la ville. Celle-ci n’est pas qu’une question de distance physique mais aussi de densité de population et donc du rapport qui existe entre le social et l’environnement. L’environnement modifié par l’homme, renferme en son sens le moyen de définir le contexte dans lequel se développe une maladie, il est donc intéressant de prendre en considération son influence sur la santé (Patrick Gubry 1988, Pascal Handschumacher et al. 2010). Les populations urbaines dans leur quête perpétuelle du bien-être modifient les structures environnementales et s’exposent ainsi aux risques. Par ailleurs, les densités de populations entrainent de nouveaux besoins tant en matière de logement qu’en infrastructures avec pour corollaire l’absence d’une hygiène de qualité qui offre là des conditions favorables au développement des pathogènes (Salem. G, E. Jannée 1989, SY 2006, SY et al. 2011).
Pour l’heure, nous n’avons trouvé aucune documentation spécifique en géographie de la santé sur la ville de Lambaréné. Cependant des études y ont été réalisées sur l’ulcère de Buruli. Ces études ont portés respectivement sur la situation de l’ulcère de Buruli et sur la prise en charge des malades de l’ulcère de Buruli dans la province du Moyen-Ogooué. Celle-ci ont été réalisées respectivement par BAYONNE MANOU (2008), et KANGANGA EKOMY (2012). Cette quasi absence de documentation était valable à la fois pour les informations sur la Ville de Lambaréné que sur l’ulcère de Buruli, c’est ce qui nous a valu de mener une enquête de terrain.

Connaissances actuelles sur l’Ulcère de Buruli (UB)

L’Ulcère de Buruli est une affection cutanée invalidante due à une mycobactérie environnementale : Mycobacterium ulcerans. Selon BAYONNE MANOU, (2008) elle représente la troisième cause des infections mycobactériennes rencontrées au Gabon après la tuberculose et la lèpre. Elle peut affecter l’homme à tous les âges de la vie sans distinction de sexe, mais atteint principalement les enfants de moins de quinze ans. L’ulcère de Buruli (UB) est une infection qui cause des ulcérations cutanées très profondes qui détruit la peau, les tissus sous cutanés, les muscles et peut même atteindre les os (Photo13). L’ulcère de Buruli peut se manifester au début par des ulcérations cutanées non ulcérées. C’est ce que l’on appelle familièrement des nodules, de plaques, de papule ou d’œdème (photos 2, 3, 4). En l’absence d’un traitement approprié, ces lésions évoluent vers une ulcération de taille et de forme variable pouvant atteindre l’os par voie hématogène (photo1). Les recherches portant sur l’ulcère Buruli ont pour la plus grande majorité été faites dans le domaine biomédical. En effet, Kibadi, (2004), F. PORTEALS, (1989) dans leurs travaux décrivent l’épidémiologie de la maladie ainsi que les différentes phases évolutives de celle-ci. Ainsi, les modifications de l’environnement pourrait avoir des conséquences sur sa transmission comme nous le dit Telesphore BROU et al, (2006). De ses recherches biomédicales faites, il ressort que l’environnement serait le principal réservoir du vecteur de transmission de l’Ulcère de Buruli. La maladie se transmet à l’homme à partir d’ôtes intermédiaires tels que les tilapias, les larves aquatiques, F. PORTEALS, (1989), Bulletin de l’ALLF, (2006). Cependant la transmission de l’homme à l’homme n’a pas encore été prouvée.

Contexte historique de l’ulcère de Buruli

L’Ulcère de Buruli (UB) est une infection dont l’agent pathogène appartient à la même famille que celui de la lèpre et de la tuberculose. Elle a été découverte pour la première fois en 1897 par Sir Albert Cook, médecin britannique qui exerçait à l’hôpital Mengo à Kampala (Ouganda), précisément dans le conté de Buruli (actuel district de Nakasongola), région Ougandaise située près du Nil. C’est d’ailleurs à partir de cette région qu’elle tient son patronyme d’ulcère de Buruli. Elle a par ailleurs été décrite et mieux détaillée à Bairnsdale en Australie en 1948 par le professeur Peter Mac Callum et ses collègues. Ils ont également été les premiers scientifiques à avoir isolé l’agent causal, le Mycobacterium ulcerans. C’est pourquoi dans le sud de l’Australie, on l’appelle ulcère de Bairnsdale. (Isabelle Aujoulat et al, 1995)
Cependant, elle a connu une progression rapide dans de nombreuses régions du monde depuis 1980 ce qui a amené l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à agir à partir de 1998. L’ulcère de Buruli sévit en foyers endémiques éparses et bien limités. Ces foyers sont situés dans les zones de marais, de lacs ou de cours d’eau. C’est une maladie assez répandue dans le monde, qui, à l’heure actuelle prend de l’ampleur suite à l’extension de ses foyers et son incidence. Durant les années 1923 à 1964, Ralph E. Kleinschmidt, un médecin missionnaire dans le nord-est du Congo observait également des ulcères décollés riches en bacille acido-alcoolo-résistants (B.A.A.R). Cependant en Afrique, les contributions les plus importantes vinrent d’Ouganda et de la République Démocratique du Congo (RDC). Elles furent publiées avant 1980. « L’Uganda Buruli Group » dans ses constructions fit une étude sur les aspects clinico-pathogologiques et épidémiologiques de la maladie et choisit le terme d’ulcère de Buruli » en raison du nombre important des cas qui furent étudiés en premier dans le district de Buruli près du lac Kyoga. Ce groupe observa également que l’épidémiologie de l’Ulcère de Buruli était fortement associée aux eaux stagnantes et eaux à débits lents. Mais ils ne parviennent pas à isoler Mycobacteriu Ulcerans de l’environnement. Cependant, les informations sur l’Ulcère de Buruli en République Démocratique du Congo (RDC) furent décrites par Janssens en 1972 et Mayers. Il, fut le premier à traiter sans chirurgie et avec succès des patients atteint de l’Ulcère de Buruli qui présentaient des lésions ulcérées. Cette maladie qui autrefois était considérée comme maladie tropicale négligée se voit donc changer de cap grâce à la mise en place par l’Organisation Mondiale de la santé (OMS) en 1998 d’une Initiative Mondiale contre l’Ulcère de Buruli (IMUB) lors de la conférence de Yamoussoukro en Cote d’Ivoire. Dès lors, elle devient donc un véritable problème de santé publique. L’initiative mondiale contre l’ulcère de Buruli (IMUB) a donc pour objectifs de mobiliser l’aide en faveur des pays touchés, de promouvoir et de coordonner les travaux de recherche, de coordonner les Organisations Non Gouvernementales (ONG).
Au Gabon, ce sont Woringer et al. (1961) qui publièrent le premier cas d’ulcère de Buruli. Il s’agissait d’une femme européenne qui consulta l’hôpital de Lambaréné pour un nodule de l’avant bras. Très vite il évolua en plaque avant de s’ulcérer (Woringer et al. 1986, Ateba Ngoa Ulysse et al. (2012). Le second cas avait été rapporté par Burchard et Berthier M. en 1968 et ce n’est qu’en 1986 qu’une série de cas sera publiée par Carayon. A. En 2005 lors d’une enquête dans la province du Moyen- Ogooué dont la ville de Lambaréné en est le chef lieu, des échantillons musclo-cutanés furent analysés à l’Institut de Médecine tropicale d’Anvers en Belgique, et ont permis, d’affirmer la présence de mycobacterium Ulcerans. En 2006, le Gabon à l’instar des autres pays touchés par l’Ulcère de Buruli se dote d’un programme national de lutte contre l’ulcère de Buruli (PNLUB). Celui-ci bien qu’assez récent, s’attèle à réactualiser les données sur la pathologie.

Epidémiologie

L’ulcère de Buruli survient souvent chez des populations qui vivent près des rivières, des lacs, des marais ou des nappes d’eau stagnantes. Elle est plus grave chez les populations déshéritées des zones rurales ou périurbaines. Dans plus de 70% des cas, la maladie touche les enfants de moins de 15 ans (KIBADI, 2004). Les modifications de l’environnement apportées par l’homme comme la construction des étangs, des puits, des systèmes d’irrigations, des digues semblent jouer un rôle important dans la résurgence de cette pathologie. Bien qu’habituellement l’apparition de l’ulcère de Buruli de façon recrudescente soit liée à des modifications écologiques ou des inondations, il n’en demeure pas moins que la formation ou l’extension de zones de marais est aussi un moyen de multiplication du nombre de cas. Des systèmes d’irrigation artificiels semblent contribuer à la propagation du Buruli, comme le montrent des exemples en Afrique de l’Ouest, notamment en Côte d’Ivoire Telesphore BROU et al; (2006). L’augmentation naturelle ou due à l’intervention humaine des zones humides d’eau stagnante ou de marécages favorise également l’extension de la maladie. Le mode de transmission n’est pas encore totalement élucidé, mais il semblerait que des insectes aquatiques du genre Naucoris et Dyplonychus puissent y jouer un rôle. Des études montrent que certains poissons notamment la carpe tilapia (F. Portaels, 1989) et certaines mouches d’eau (Laurence AHOUA, 2002), seraient à la fois réservoir et vecteur de M. ulcerans. La transmission de l’homme se ferait donc par traumatisme cutanée ou par piqûre du vecteur après inoculation de la toxine par celui-ci. L’Ulcère de Buruli n’est pas une infection létale, mais la morbidité demeure élevée avec des déformations selon la partie du corps infectée. Dans certaines localités, 20% à 25% des malades présentent des incapacités qui ont des conséquences sociales et économiques sur le long terme. A Lambaréné, en moyenne 40 à 50 cas sont enregistrés par année, pourtant ce chiffre ne semble pas refléter la morbidité réelle.
Par ailleurs, de nombreuses études ont été réalisées sur l’ulcère de Buruli. F Portaels (1989) a réalisé une étude sur l’épidémiologie des infections à mycobacterium ulcerans. Dans cette étude elle décrit les différentes conséquences des variations saisonnières sur l’émergence des nouveaux cas et les potentiels hôtes du germe pathogène parmi lesquels le tilapia. Laurence AHOUA (2002) a réalisé une étude sur les facteurs de risque de l’ulcère de Buruli en Côte d’Ivoire. Dans son étude, elle décrit le caractère sociodémographique des malades atteints de l’ulcère de Buruli. KANGANGA EKOMY, (2012) a réalisé au Gabon une étude sur la prise en charge de l’ulcère de Buruli dans la province du Moyen-Ogooué. Celle- ci montre que les malades atteints par l’Ulcère de Buruli ne dispose pas encore de traitement approprié et que les molécules administrées aux patients sont celles qui traitent la tuberculose et la lèpre. Une autre étude a été réalisée par BAYONNE MANOU Louis en 2008 sur la situation de l’ulcère de Buruli au Gabon, celle-ci montre que l’Ulcère de Buruli est une infection dont l’incidence connait une augmentation bien que celle-ci ne soit pas encore bien définie à l’échelle nationale. Au Gabon, c’est seulement dans la province du Moyen-Ogooué que des campagnes de dépistage et de sensibilisations ont été réalisées à partir de 2005. C’est d’ailleurs à partir de celles-ci que la ville de Lambaréné été déclarée comme foyer principal de développement de cette pathologie.

Enquête de terrain

Elle a été réalisée à partir des questionnaires préalablement élaborés. Au cours de cette enquête, nous avons choisi de travailler à l’échelle des quartiers. L’échantillon de notre enquête a été constitué sur la base des données de la population de la ville que nous avions obtenues à partir des données du Recensement Général de la Population et de l’Habitat de 2003 (RGPH). La population retenue pour notre enquête était donc estimée comme suit selon les zones :
– 2320 pour Adouma dans le 1er arrondissement
– 2175 pour Isaac dans le 2eme arrondissement
« Selon l’Enquête démographique et de santé au Gabon 2000 de juin 2001, un ménage gabonais comprend en moyenne cinq personnes ; cette moyenne ne varie pas selon le milieu de résidence (rural ou urbain) ». Pour estimer le nombre de ménage par zone, nous avons divisé la population de chaque zone par la moyenne d’individus que compte chaque ménage. Nous avons obtenu les résultats suivants : 464 ménages pour Adouma et 435 ménages pour Isaac. La taille de l’échantillon retenue pour chaque zone correspondait au quart du nombre des ménages par zone d’enquête. Au total 225 ménages avaient été retenus pour notre enquête soit 116ménages pour Adouma et 109 ménages pour Isaac. Cette méthodologie a été suivie à la fois pour l’enquête dans les ménages qui avait pour objectif de vérifier les connaissances des populations sur l’ulcère de Buruli et l’enquête auprès des malades résidant dans ces ménages.

L’enquête en population

Elle s’est déroulée dans la période de Novembre -Décembre 2013. Les caractéristiques sociodémographiques retenues avaient été l’âge, la situation matrimoniale, le niveau d’instruction, la profession de la personne enquêtée et leur connaissance sur l’UB. Nous avons choisi d’interroger les chefs de ménages. En l’absence de ceux-ci lors de notre passage, leurs représentants étaient interrogés. Un troisième questionnaire était destiné aux personnels de santé (médecin chef du service d’accueil des malades atteints de Buruli). Celui-ci visait à avoir une idée sur la disponibilité des structures sanitaires et des traitements.

Enquête rétrospective à partir des dossiers des malades en 2013

Elle a été réalisée à partir des registres médicaux. Cette enquête avait pour objectif de consulter les dossiers médicaux des malades de Buruli afin de déterminer les périodes d’hospitalisation, l’âge et le sexe des malades. Au total, nous avons analysé onze (11) dossiers de malades anciennement hospitalisés.

Enquête transversale à l’hôpital Schweitzer

L’objectif de cette enquête était d’interroger les malades hospitalisés pendant notre période d’enquête souffrant de l’UB pour recueillir leur avis sur l’UB et les facteurs de contamination. Ainsi, trois malades hospitalisés ont été interrogés pendant notre période d’enquête, c’est-à-dire en décembre 2013.

Outils et matériels

Pour la réalisation de notre enquête de terrain nous disposions d’un appareil photo, d’un GPS et bien évidemment des questionnaires. Le service de l’urbanisme de la ville ne disposant pas de plan cartographique de la ville, nous n’avons pas pu en disposer. Nous avons cependant loué les services de deux enquêteurs.

Les questionnaires

Trois types de questionnaires ont été utilisés lors de notre enquête de terrain.
– Le questionnaire en population destiné aux chefs des ménages : Il est constitué de deux parties. Dans la première partie, nous avons procédé à l’identification des chefs de ménages enquêtés. La deuxième partie concernait l’état des connaissances des populations enquêtées sur l’ulcère de Buruli.
– Le questionnaire destiné aux malades : qui était administré uniquement aux individus atteints par l’Ulcère de Buruli. L’objectif visé par ce questionnaire était de recueillir des informations sur le mode de transmission de la maladie et les pratiques et les comportements des populations face à l’ulcère de Buruli. Nous avons pu lors de notre enquête interroger 30 malades à Adouma dans le 1er arrondissement et 21 malades à Isaac dans le deuxième arrondissement.
– Le questionnaire du personnel de santé a été adressé au médecin chef du service d’accueil des malades atteints de l’ulcère de Buruli. Il avait pour objectif de recueillir des formations concernant l’offre de soins ainsi que la prise en charge des malades par la structure d’accueil.

Exploitation des données

Pour la réalisation de notre travail nous avons utilisé différents logiciels. Nous avons réalisé nos questionnaires à partir du logiciel sphinx. S’agissant du traitement des données, nous avons eu recours à deux types de traitements : Un traitement informatique à partir du logiciel statistique et d’analyse Epi info 7.0. Celui-ci nous a permis de faire le dépouillement des questionnaires. Le test statistique utilisé pour l’analyse de nos données statistiques était le test de Khi deux.
Pour le traitement des données cartographiques, nous avons eu recours au logiciel Map info Professional. Les coordonnées géographiques des ménages enquêtés que nous avons collectés à l’aide d’un GPS ont d’abord été saisies sur Excel afin de faciliter la conversion sur le Map info Professional. Ensuite nous avons transposé ces points sur un fond de carte de la ville que nous disposions afin de réaliser les différentes cartes dont nous avions besoin pour illustrer nos travaux.
Les données que nous avons obtenues l’ont été aussi bien à travers les enquêtes en population et auprès des malades que dans les différents centres de documentations. Nous avons cependant été confrontées à quelques difficultés. Notamment au niveau de la recherche documentaire sur notre zone d’étude. La ville ne disposant pas de centre de documentation, nous n’avons pas pu disposer des sources écrites sur les informations voulues sur la ville. Nous nous sommes donc contentés des informations obtenues à partir des sources orales.

Le réseau hydrographique

La ville de Lambaréné présente un important réseau hydrographique constitué principalement par le fleuve Ogooué, principal fleuve gabonais, dont le bassin draîne 215 000 km² soit 22 000 km² hors du territoire national et par les lacs et de nombreuses rivières. L’Ogooué est limité à l’est par le bassin du Congo, au sud par les bassins du Niari et de la Nyanga, à l’ouest et au nord-ouest par les bassins de rivières côtières (J. COLLINET, D. MARTIN, 1973).
Parcourant environ 1000 kilomètres, l’Ogooué prend sa source au Congo, dans les Monts Ntalé, à une altitude voisine de 840 mètres. L’Ivindo est son affluent le plus important. L’Ogooué traverse cinq provinces du Gabon parmi lesquelles celle du Moyen-Ogooué dont Lambaréné en est la capitale provinciale. Le fleuve Ogooué s’installe dans le bassin sédimentaire côtier. Il est coupé par des rapides dans la partie est de la province. L’écoulement du fleuve Ogooué est lié au rythme des précipitations et à celui des saisons pluvieuses. Le fleuve Ogooué reçoit les eaux de deux grands émissaires hydrologiques que sont l’Abanga sur la rive droite et la Ngounié sur la rive gauche. La vallée de l’Ogooué s’élargit en une vaste plaine alluviale atteignant au moins une cinquantaine de kilomètres de large. Ce qui constitue le delta inférieur de l’Ogooué. C’est à ce niveau que les bras se multiplient et les plus profonds forment de véritables chenaux qui communiquent avec les lacs, (MENGUE MEDOU et al ; 2008). De plus, nous avons des petites rivières très nombreuses qui parcourent et drainent la ville. Il s’agit de la rivière Nkenyè, qui se prolonge vers le sud-ouest par la rivière Sigwè reliant ainsi les deux bras du fleuve pour constituer la vaste île sur laquelle est bâtie la ville de Lambaréné. Un peu en aval, un long chenal relie le lac Adolé au lac Wambè. Ce chenal est rattaché à l’Oremb’Owango par un autre plus petit, tandis que plus en aval, la rivière Ntondi coule parallèlement à la rivière Oronga et relie l’Oremb’Owango à l’Ogooué.

Le réseau hydrographique lacustre

Il est constitué de plusieurs lacs repartis en deux zones : les lacs du sud et les lacs du nord. Ils sont alimentés principalement par le fleuve Ogooué.

Les lacs du sud

On note en moyenne une dizaine de lacs dans cette partie de l’Ogooué à savoir : les lacs Zilé, Evengo, Wombolié, Evaro, Oguémoué, Onangué, Nyondjé amont, Nyondjé aval, Anengué, etc. Les plus étendus et complexes sont Onangué, Ezanga, Oguémoué. On remarque dans cette partie que l’Ogooué alimente certains cours d’eaux par l’intermédiaire d’un delta qui est émissaire et déversoir. Ici, le rôle stratégique est assuré par les rivières de cette région. Après avoir parcouru une certaine distance, l’Ogooué vient à se subdiviser en deux rivières. La première est la rivière Ezanga qui se jette dans le lac Ezanga ; l’autre c’est la rivière Agouma, qui rejoint la rive nord-est du lac Onangué et bénéficie des eaux du lac Evaro. La rivière Akambè quant à elle, se détache de l’Ogooué dans le sens aval et se déverse dans la partie nord du lac Onangué. Il existe un chenal t important, celui de la rivière Ambila qui naît au point où termine la rivière Akambè. La rivière Ambila contribue peu à l’alluvionnement des lacs. Sa longueur est de 10 km, et sa largeur varie entre 200 à 300m. L’observation des lacs du sud laisse apparaître une progression rapide par alluvionnement des côtes nord Ezanga et nord-est d’Onangué. Celles-ci sont basses et marécageuses.

Les Lacs du Nord

Ils sont une vingtaine environ, assez petits, moins profonds (0.5 à 6 m de profondeur) et mal drainés. Cependant, les principaux lacs sont : Azingo, Gomé, Nkovié, Adolé et Nyayé. Le lac Azingo est le plus grand par son étendue et par sa profondeur qui atteint 6m à certains endroits. Ses rives nord bordent les formations cristallines de la chaîne précambrienne de Lambaréné-Chinchoua, au-dessus desquelles se sont déposées des alluvions quaternaires que l’on rencontre partout dans le bassin. Ces lacs ont pour émissaire principal l’Oremb’Owango, qui se divise en plusieurs petits bras leur servant de déversoirs. Il s’agit d’amont en aval de la rivière Dègèliè, déversoir du lac du même nom. Celle-ci rejoint l’Oremb’Owango au lieu dit Arevoma où se jette la rivière Azingo, déversoir du lac Azingo. A la hauteur de ce dernier lac, la rivière Azingo change de direction et coule vers le sud-ouest. Elle reçoit à son passage les eaux des lacs Mombwè, Nkovié et Ogondwè. Un peu en aval, une partie de ses eaux se jettent à l’Oremb’Owango par la rivière Mbumba. L’autre partie des eaux est drainée par la rivière Vinuè, grossie successivement par les eaux provenant des lacs Igulwè, Ntyoniè et Logè avant de rejoindre l’Oremb’Owango qui du même coup change de nom et devient la rivière Oronga. Celle-ci décrit un méandre et reçoit les eaux des lacs Gomé, Ingoyo et Iwandè pour finalement se jeter à l’Ogooué aux environs du village Ngoumbi. A l’extrême sud de Ngoumbi, on trouve les lacs Alombiè, Loango et Opimindi qui constituent les derniers lacs de la rive droite de l’Ogooué.

Lambaréné une ville épidémiogène

Dans ce chapitre, nous voulons montrer le caractère épidémiogène de la ville en nous appuyant sur les facteurs environnementaux et sociaux qui favorisent la présence de l’Ulcère de Buruli dans la ville.
La ville de Lambaréné relève d’un potentiel épidémiologique lié à l’abondance des éléments bioécologiques favorables à l’éclosion de nombreux germes pathogènes. La présence également de nombreux cours d’eaux, des marécages, des masses d’eaux stagnantes favorise l’éclosion des germes pathogènes des maladies liées à l’eau et à l’environnement comme le Mycobacterium.Ulcerans ou ulcère de Buruli. La ville de Lambaréné présente un espace très différencié dans son ensemble. Cependant, il se trouve qu’à l’intérieur de cet espace, les populations se sentent exposées à des nombreux risques qui les rendent plus vulnérables. Par ailleurs, l’absence d’une bonne adduction en eau potable poussent les populations à se rendre dans des endroits dits à risques tels que les étangs, les puits, les rivières, les lacs, etc. L’abondance des éléments physiques (climat, pluviométrie, relief etc.) sont autant d’éléments qui pourraient dans une moindre mesure favoriser la transmission de l’ulcère de Buruli.
Face à cette multitude de facteurs, la ville présente un environnement à l’intérieur duquel l’on retrouve de nombreuses pathologies (Ulcère de Buruli, paludisme, diarrhée…), qui se développent par l’intermédiaire de leurs germes pathogènes. Pour ce faire, l’environnement que présente la ville de Lambaréné peut être considéré comme un espace épidémiogène car,
« tout espace qui héberge des germes pathogènes dont la présence peut être due à de multiples facteurs surtout environnementaux peut être considéré de prime abord comme épidémiogène. »SY, (2006). Remy, (1998) cité par SY, 2006), défini l’espace épidémiogène comme suit : « Un espace épidémiogène est considéré comme un espace qui héberge des germes pathogènes qui agissent sur l’organisme pour provoquer des processus pathologiques et contribuer à faire apparaître et propager des phénomènes morbides au sein d’une communauté donnée ».

Les conditions du milieu physique favorable à l’éclosion du germe pathogène burulien

La ville de Lambaréné se caractérise du point de vue de son environnement physique d’une forte présence des cours d’eaux et d’une forêt dense. L’abondance des facteurs climatiques caractérisés par une longue période pluvieuse entraînent l’humidification des sols. La présence quasi-totale de la forêt ombrophile favorise la répartition régulière des lames d’eau fournies par le fort taux de pluviométries (1700-2400mm de précipitation). Le couvert végétal et la forêt très présente donnent place à un sol humide. La présence de la couche humifère sous couvert forestier favorise la perméabilité des sols et accroît la porosité superficielle, la formation de l’humus favorise ainsi le ralentissement du ruissellement des eaux et facilite l’infiltration de celles-ci. La végétation par son action sur le pédoclimat intercepte les trois quart (3/4) des radiations solaires susceptibles d’atteindre le sol (Aubert 1959) cité par le programme Art Gold Gabon. Ainsi les horizons supérieurs restent humides même en saison sèche. Le relief très accidenté que présente la ville la ville favorise le développement des zones inondables pendant la saison des pluies.
Du fait de son adaptation aux zones humides et tropicales, l’ulcère de Buruli trouve dans l’environnement de la ville de Lambaréné un site par excellence à son développement et à son émergence à cause des éléments physiques et une flore aquatique adéquate à sa survie. Ainsi, l’existence des nombreux cours d’eaux poissonneux donne place à un milieu favorable au développement de la punaise des eaux agent pathogène de l’ulcère de buruli. Ces différents cours d’eaux constituent des milieux de construction de souche du mycobacterium ulcerans grâce aux végétaux aquatiques, aux mollusques d’eau, à la carpe tilapia qui constituent des véritables vecteurs. Ce faisant, les facteurs environnementaux (climat, hydrologie) jouent certainement un rôle essentiel dans la survie de la mycobactérie, étant donné la localisation des cas dans les quartiers proche des eaux. La température et les précipitations abondantes favorisent également la recrudescence de l’infection et donc des sujets atteints. D’après le programme National de Lutte contre l’Ulcère de Buruli (PNLUB) 40 à 50 cas d’ulcère de buruli sont détectés par an, d’autant plus que le mycobacterium se développe mieux dans un milieu où l’acidité du sol et de l’eau est moyenne. Aussi, le niveau du P.H conditionnerait-il d’une manière ou d’autre la répartition des mycobactéries dans l’environnement. D’ailleurs, Stanford et Paul cités par F. PORTAELS (1989) en étudiant le PH du sol Ougandais ont découvert que la majorité des cas d’ulcère de Buruli sont localisés dans les régions marécageuses où le pH varie entre 6.1 et 6.9. Les variations saisonnières, notamment le passage de la saison des pluies à la saison sèche offre de nouvelles écologies au mycobacterium ulcerans. En asséchant le principal fleuve, de nombreux points d’eaux impropres à la consommation apparaissent de part et d’autre de la ville constituant ainsi de nouveaux sites de développement du germe burulien. L’abondance de ces rivières à écoulement lent ou quasi inexistant constituent des systèmes pathogènes à l’intérieur desquels l’araignée aquatique y trouve refuge. La faune aquatique, notamment la carpe tilapia présente dans les eaux de l’Ogooué et celles des lacs, ainsi que les mollusques d’eau qui constituent des hôtes intermédiaires ont trouvé des conditions favorables à leur prolifération permettant au parasite d’exécuter son cycle. « À l’évidence, le milieu «physique» a un impact sur la santé des populations. Mais il est tout aussi évident qu’il faut laisser tout déterminisme de côté, et qu’il n’existe pas de relation causale univoque entre l’environnement naturel et la santé des populations » (Nicole VARNAZZA-LICHT et al.2010).

Un environnement social favorable à la transmission de l’Ulcère de Buruli

La prise en compte de l’environnement social dans la transmission de l’Ulcère de Buruli s’avère être important. Le milieu urbain a toujours été considéré comme un lieu assaini à l’intérieur duquel les populations trouvent des meilleures conditions de vie, de travail et de santé. Aujourd’hui, il peut être appréhendé comme un lieu de contact entre l’homme et certains pathogènes. La rurbanisation de certains espaces et l’occupation des sites non adaptés à la construction font naître des nouveaux sites qui soient favorables au développement des pathogènes tels que le mycobacterium ulcerans. Si les densités de populations constituent un facteur protecteur dans le risque de morsure, elles favorisent tout de même le risque de contamination des populations à travers les pratiques sociales (gestion de l’espace). L’absence d’une bonne organisation de la ville sur le plan urbain serait révélateur des inégalités à la fois sociales que spatiales qui ont une influence sur la santé des populations. La croissance de la population dans la ville de Lambaréné n’a pas rendu la tache facile aux autorités qui ont été confrontées à un problème de gestion de la ville. Elle a eu pour conséquences l’absence des infrastructures et l’augmentation des besoins en eau potable par les populations et une occupation anarchique de l’espace.
De par sa position de ville carrefour la ville de Lambaréné reste assez ouverte aux autres localités. Ce qui facilite ainsi les déplacements des populations vers les villages et même les villes avoisinantes.
De même, les activités que pratiquent les populations, notamment, la pêche (photo 26), qui est l’une des activités principales, les activités ménagères comme la lessive (photo 25), la vaisselle et même les activités de loisirs comme la baignade dans le fleuve, les lacs ou les marécages, augmentent les possibilités de contact entre les hommes et le vecteur. C’est d’ailleurs ce que nous disent Pascal Handschumacher et Jean-Pierre Hervouët (2004), « Qu’il s’agisse de pratiques de l’espace à l’échelle des terroirs, de mobilités inter-villageoises ou de grands déplacements transfrontaliers, les mobilités humaines, associées à la localisation d’une population et à son importance numérique, jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement des endémies ». La dynamique anthropique pourrait être l’un des faits majeurs du développement de la maladie. Ainsi, l’environnement est à la fois lieu d’approvisionnement des populations d’une part, mais il constitue d’autres part, un lieu à risque pour les populations. En revanche, cet environnement social se caractérise par un système pathogène très actif à cause de la forte densification des espaces déjà occupés par la transformation des bas-fonds en nouvelles zones habitables.

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Table des matières

Sigles et abréviations
Introduction générale
I- Objet et Problématique
II. Méthodologie
III- Outils et Matériels
IV- Exploitation des données
Première partie : Environnement urbain et développement de l’Ulcère de Buruli : Etude des facteurs de risques
Chapitre I : Structuration urbaine et réseau hydrographique
Chapitre II : Lambaréné une ville épidémiogène
Deuxième Partie : Une géographie de l’ulcère de buruli dans la ville de Lambaréné
Chapitre III : Distribution spatiale et temporelle de la maladie
Chapitre IV : Les réponses du système de soins face à l’UB
Conclusion générale
Bibliographie

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