Définition(s) de la formation à distance
Afin de bien comprendre les systèmes pédagogiques en ligne, leur organisation, leurs apports et leurs limites, il paraît indispensable de bien comprendre le principe de la formation à distance, ancêtre direct de ce type de systèmes. Nous pensons qu’à l’avenir la formation à distance sera exclusivement en ligne. Intuitivement, la formation à distance se comprend comme une situation de formation dans laquelle l’apprenant est séparé de l’enseignant et des autres apprenants dans l’espace et le temps. Cette notion englobe l’ensemble du processus éducatif, c’est-à-dire le pôle émetteur (enseignement par l’enseignant) ainsi que le pôle récepteur (apprentissage par l’apprenant). La formation à distance couvrirait alors l’ensemble des dispositifs techniques et des modèles d’organisation qui ont pour but de fournir un enseignement ou un apprentissage à des individus qui sont distants de l’organisme de formation prestataire du service. Se satisfaire de cette définition serait trop simple. En effet, et presque tous les auteurs s’accordent sur ce point, il serait ambitieux de vouloir donner une définition de la formation à distance, « car ce système de formation a connu de nombreuses évolutions depuis sa naissance au milieu du siècle dernier et tout particulièrement durant ces dernières décennies » (Peraya et al., 1996). De plus, chaque pays, voire même chaque région, développe des modèles adaptés àson contexte. Les termes et leurs significations peuvent différer d’un pays à l’autre et d’une langue à l’autre. Tout ceci explique la difficulté à cerner cette notion. Nous retenons un ensemble de définitions qui se complètent pour caractériser la notion de formation à distance. MOORE M. G. (1973) « L’enseignement à distance peut être défini comme l’ensemble des méthodes pédagogiques par lesquelles l’acte d’enseignement est séparé de l’acte d’apprentissage incluant toutefois les méthodes réalisées en présence de l’étudiant de telle sorte que la communication entre le professeur et l’étudiant sera facilitée par l’usage du matériel imprimé, mécanique, électronique ou autres ». PETERS O. (1973) « L’enseignement à distance ou la formation à distance est une méthode de développement des connaissances, des habiletés et des attitudes qui est rationalisée par l’application des principes organisationnels de la division du travail aussi bien que par l’utilisation extensive des moyens techniques, spécialement dans le but de produire du matériel éducatif de grande qualité qui rend possible l’instruction d’un grand nombre d’étudiants au même moment sans contingence géographique. C’est une forme industrialisée d’enseignement et d’apprentissage ». HOLMBERG B. (1977) « Le terme formation à distance recouvre les diverses formes d’étude à tous les niveaux qui ne sont pas sous la supervision immédiate et continue d’un tuteur en salle de classe ni/ou dans le même endroit mais qui, néanmoins, profitent de la planification de l’assistance d’une organisation ». HENRI F. (1985) « La formation à distance est le produit de l’organisation d’activités et de ressources pédagogiques dont se sert l’apprenant, de façon autonome et selon ses propres désirs, sans qu’il lui soit imposé de se soumettre aux contraintes spatio-temporelles ni aux relations d’autorité de la formation traditionnelle. Plus spécifiquement, elle se définirait comme une formule pédagogique au potentiel accru, qui permet à l’étudiant de redéfinir son rapport au savoir et d’utiliser, dans un modèle autodidactique, les ressources didactiques et d’encadrement ». Il ressort de ces définitions que la formation à distance apparaît comme une sorte de « formule pédagogique au potentiel accru », pour reprendre les termes de Henri F. (1985). Parler de « formule pédagogique » nous paraît plus pertinent que de concevoir la formation à distance simplement comme un moyen d’enseignement. En effet, les implications de la gestion de la distance entre l’enseignant et l’apprenant – qui ne doit plus être seulement comprise en terme de distance géographique, mais bien plutôt en terme de délocalisation spatio-temporelle – sont trop conséquentes pour qu’elles n’atteignent le système lui-même. Holmberg B. (1977) mentionne cela en utilisant le terme de « planification de l’assistance d’une organisation » ; Henri F. (1985) parle elle de « l’organisation d’activités et de ressources pédagogiques » ; mais c’est Peters O. (1973) qui va le plus loin en parlant de « forme industrialisée d’enseignement et d’apprentissage ». Le choix d’une telle « formule pédagogique » provoque donc un certain nombre de changements au niveau organisationnel et pédagogique. Pour Henri et Kaye (Henri et al., 1985), en effet, « apprendre à distance, enseigner à distance, exigent une transformation radicale des pratiques et des moyens pédagogiques afin de surmonter la distance et l’isolement de l’étudiant. Il en résulte une mutation profonde dans le rôle et les tâches réservées aux enseignants ainsi que dans l’approche pédagogique désormais conçue en fonction de l’autoapprentissage ». D’ailleurs, dans ce travail de thèse, nous concevons de nouveaux rôles et de nouvelles tâches qui incombent aux enseignants (ou aux experts d’un domaine) et nous proposons des fonctions intégrées au système pédagogique pour assister ou aider les apprenants dans leur processus d’auto-apprentissage. La formation à distance représente donc bien un système spécifique et a été décrite comme tel par Moore et Kearsley (Moore et Kearsley, 1996). Ce système doit être composé des cinq éléments suivants : les sources (servant à l’élaboration du matériel pédagogique, y compris les experts), le design pédagogique du matériel et de l’encadrement, la diffusion, l’interaction (entre enseignants, apprenants et personnel administratif) et l’environnement d’apprentissage (la classe, chez soi, le lieu de travail, le centre d’enseignement).
Ingénierie pédagogique pour les systèmes pédagogiques
La mise en place d’un processus d’apprentissage en ligne implique de nombreux investissements à tous les niveaux. Aussi, la mise en œuvre d’une stratégie organisationnelle permet d’accompagner au mieux cette démarche. De nombreux auteurs s’accordent à dire qu’une démarche de médiatisation d’un système de formation doit être basée sur l’ingénierie pédagogique. Pour définir ce concept, nous avons eu recours à l’argumentation de Paquette (Paquette, 2002). Selon lui, l’ingénierie pédagogique est tout d’abord une « méthode soutenant l’analyse, la conception, la réalisation et la planification de la diffusion des systèmes pédagogiques, intégrant les concepts, les processus et les principes du design pédagogique, du génie logiciel et de l’ingénierie cognitive ». Le besoin d’employer une méthodologie découle, selon Paquette (Paquette, 2002), du fait que les avancées technologiques permettent des possibilités pédagogiques beaucoup plus variées et que les systèmes pédagogiques actuels sont beaucoup plus conséquents, en termes d’outils logiciels, de documents numérisés et de services de communication, que par le passé. Ainsi, nous soutenons l’idée que développer de tels systèmes pédagogiques ne peut donc plus se faire de manière artisanale.
Caractérisation des systèmes pédagogiques adaptatifs
Aujourd’hui, les recherches et développements en ingénierie des systèmes pédagogiques adaptatifs s’appuient essentiellement sur : i) des travaux autour des systèmes hypermédias adaptatifs, ii) des théories sur les méthodes d’apprentissage, iii) des recherches sur le Web sémantique adaptatif. Dans les systèmes hypermédias adaptatifs (Brusilovsky, 2001), les connaissances sur l’apprenant sont essentielles, il s’agit de son expérience, de son niveau de connaissance du domaine (De Bra et al., 1998), de ses préférences en matière de méthodes pédagogiques, de formats de ressources, etc. (Höök, 1997). Les recherches dans ce domaine ont abouti d’une part, à des modèles apprenant intégrant différentes formes de connaissances, et d’autre part à des techniques d’adaptation du contenu et/ou de la structure de navigation de l’hypermédia. Dans ce courant de recherche, nous pouvons citer comme exemples le système KBS Hyperbook (Henze, 2000), le système AHA ! (De Bra et al, 2007), le système InterBook (Brusilovsky et al., 1998) et le système ELM-ART (Brusilovsky, 1996). De nombreuses recherches théoriques dans les domaines de la Psychologie, de l’Intelligence Artificielle et de l’Education ont influencé la conception des systèmes pédagogiques (Schneider, 2003 ; Rhéaume, 1991). Ces recherches ont permis essentiellement de formaliser les méthodes d’apprentissage. De nombreux auteurs considèrent l’apprentissage comme un véritable processus dans lequel l’apprenant cherche à satisfaire des objectifs ou à résoudre des problèmes. L’activité pédagogique d’un domaine est alors considérée comme une activité guidée par des objectifs. L’arrivée du Web et des technologies associées permet d’envisager l’utilisation de ressources pédagogiques qui sont distribuées et accessibles par Internet. Le Web Sémantique est une extension du Web qui vise à enrichir les ressources disponibles sur le Web avec des descriptions sémantiques de leur contenu dans le but de les rendre exploitables par des programmes (Berners-Lee et al., 2001). Dans le domaine des objets pédagogiques, plusieurs modèles de description sont aujourd’hui proposés: SCORM (ADL, 2001), LOM (LOM, 2002) ou IMS (IMS, 2002). Il y a aujourd’hui un changement de centre d’intérêt des objets pédagogiques vers des services pédagogiques. Cette évolution montre la nécessité d’identifier de nouvelles formes de métadonnées pour caractériser non seulement le contenu des ressources pédagogiques mais aussi les processus qui permettent de les utiliser dans différents contextes d’apprentissage. Afin de présenter une vision complète et unifiée des recherches existantes dans le domaine de la conception des systèmes pédagogiques adaptatifs, nous proposons un cadre de référence pour caractériser ce domaine. Aucune des approches et des systèmes existants ne couvre la totalité de ce cadre de référence, en revanche chaque approche ou système peut être intégré dans ce cadre et peut être situé par rapport à d’autres approches. Ce cadre de référence est défini par un modèle de contenu, un modèle de l’apprenant, un modèle pédagogique et un modèle d’adaptation.
Niveaux d’abstraction dans les démarches pédagogiques
Nous considérons qu’une démarche pédagogique peut être modélisée à différents niveaux d’abstraction. En référence à (Allert, Dhraief & Nejdl, 2002), quatre niveaux d’abstraction peuvent être identifiés (voir Figure 1). Le quatrième niveau définit les processus d’apprentissage du point de vue des stratégies d’enseignement. A ce niveau, il est fréquent de distinguer les courants d’apprentissage tels que le courant « behavioriste », le courant « cognitiviste » et le courant « constructiviste ». Le troisième niveau définit des approches pédagogiques. Dans la pratique, les approches les plus utilisées sont l’apprentissage basé sur la résolution de problèmes, le raisonnement à base de cas, l’approche collaborative, l’approche par l’exposé, par l’analogie… Le deuxième niveau définit les modèles opérationnels d’apprentissage. Il s’agit d’une structuration des processus pédagogiques. Cette structuration conduit à une description du processus en plusieurs phases, mettant en évidence des cycles et des ordonnancements d’activités pédagogiques. Le premier niveau définit les activités pédagogiques. Ce cadre de modélisation permet de montrer d’une part, qu’il existe différents niveaux d’abstraction dans la modélisation des processus pédagogiques et d’autre part, que les différents niveaux sont interdépendants. En effet, un choix, par exemple effectué en termes de stratégie pédagogique, contraint les niveaux inférieurs.
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Table des matières
Introduction Générale
Problématique de la recherche
Domaine de la recherche
Cadre pratique de la recherche
Plan du mémoire
Partie I. Etat de l’art
1. Apprentissage en ligne
1. De la formation à distance aux systèmes pédagogiques en ligne
1.1. Origines historiques
1.2. Définition(s) de la formation à distance
1.3. Apports de la formation à distance pour le processus d’apprentissage
1.4. Classification des systèmes de formation à distance
1.5. Positionnement de notre approche
2. Ingénierie pédagogique pour les systèmes pédagogiques
2.1. Design pédagogique
2.2. Génie logiciel
2.3. Ingénierie des connaissances (cognitive)
3. Personnalisation dans les systèmes pédagogiques
4. Approche constructivisme pour les systèmes pédagogiques personnalisés
4.1. Principes du constructivisme
4.2. Positionnement de notre approche
2. Systèmes pédagogiques adaptatifs
1. Caractérisation des systèmes pédagogiques adaptatifs
1.1. Modèle de contenu
1.1.1. Structure logique
1.1.2. Structure sémantique
1.2. Modèle de l’apprenant
1.2.1. Nature des connaissances
1.2.2. Gestion des connaissances
1.3. Modèle pédagogique
1.3.1. Niveaux d’abstraction dans les démarches pédagogiques
1.3.2. Modèles de démarches pédagogiques
1.4. Modèle d’adaptation
1.4.1. Méthodes d’adaptation
1.4.2. Techniques d’adaptation
2. Etude de quelques systèmes pédagogiques adaptatifs
2.1. Description des systèmes
2.2. Analyse des systèmes
2.3. Problèmes des systèmes pédagogiques adaptatifs actuels
3. Web sémantique et e-Learning
1. Web sémantique (WS)
2. Ontologies
2.1. Définition des ontologies
2.2. Intérêt des ontologies
3. Langages du Web sémantique
3.1. Les langages du W3C
3.2. Le langage RDF (Resource Description Framework)
3.3. Le langage RDFS (RDF Schema)
3.4. Le langage OWL
4. Web sémantique & e-Learning
5. Métadonnées et e-Learning
6. Exemple de Standards de métadonnées : Learning Object Metadata (LOM)
6.1 Descripteurs du modèles LOM
6.2. Limitations du modèle LOM
Partie II : Un environnement pédagogique adaptatif: le système OrPAF
1. Cadre d’analyse et méthodologie de développement
2. Problématique de recherche
3. Scénarios d’utilisation de l’environnement pédagogique adaptatif
4. Environnement pédagogique adaptatif: le système OrPAF
4. Représentation des connaissances dans OrPAF
1. Modélisation des connaissances dans OrPAF (Yessad et al., 2008b)
2. Acteurs du système OrPAF
3. Ontologies du système OrPAF
3.1. Ontologie du e-Learning
3.1.1. Définition informelle
3.1.2. Définition formelle
3.1.3. Langage de description de l’ontologie du e-Learning
3.1.4. Exemples de sérialisation de l’ontologie du e-Learning dans OWL
3.2. Modèles du e-Learning
3.2.1. Modèle du domaine
3.2.2. Modèle pédagogique
3.2.3. Modèle apprenant
3.2.4. Langage de description des différents modèles
3.2.5. Exemples de sérialisation des modèles du e-Learning par des annotations RDF
4. Développement des ontologies : Environnement KAON (Maedche et al, 2000)
4.1. Acquisition des connaissances du domaine avec TextToOnto
4.2. Edition des ontologies avec OntoEdit
5. Génération de cours hypermédias adaptatifs dans OrPAF
1. Structure adaptative du cours hypermédia
1.1. Définition de la carte conceptuelle
1.2. Construction de la carte conceptuelle
1.3. Filtres du modèle du domaine
1.4. Présentation adaptative de la carte conceptuelle
2. Contenu adaptatif du cours hypermédia
2.1. Recherche distante des ressources pédagogiques
2.2. Annotation conceptuelle des ressources pédagogiques
2.3. Recherche locale des ressources pédagogiques
3. Evaluation de la pertinence des ressources pédagogiques
3.1. Analyse Sémantique
3.1.1. Démarche adoptée pour l’évaluation de la pertinence sémantique
3.1.2. Calcul du poids d’une notion pédagogique
3.1.3. Calcul de la pertinence sémantique (Semantic relavance ou SR)
3.2. Analyse de personnalisation
3.2.1. Pertinence pédagogique d’une ressource pédagogique (PR)
3.2.2. Adaptation d’une ressource pédagogique aux préférences de l’apprenant
4. Annotation des tests
6. Réalisation de l’environnement pédagogique adaptatif OrPAF
1. Architecture de l’environnement OrPAF
2. Environnement proposé à l’apprenant
3. Extraction de données RDF
3.1. Moteur de recherche sémantique Corese
3.2. Utilisation de Corese dans le système OrPAF
4. Session d’apprentissage d’un apprenant
4.1. Construction d’une ACM
4.2. Affichage d’une ACM
4.3. Evolution d’une ACM
4.4. Sauvegarde/Restauration d’une ACM
5. Apprentissage centré sur l’apprenant
6. Base de données du système OrPAF
7. Recherche des ressources pédagogiques distantes
7.1. Interrogation manuelle du corpus ARIADNE
7.2. Interrogation automatique du corpus ARIADNE
8. Recherche des ressources pédagogiques locales
7. Evaluation et retour d’expérience
1. Evaluation du système OrPAF
1.1. Test d’utilisabilité de l’environnement par des apprenants
1.1.1. Principe et critères du test d’utilisabilité
1.1.2. Protocole du test d’utilisabilité
1.1.3. Résultats et dépouillement
1.2. Test sur le développement des aptitudes conceptuelles chez les apprenants et la pertinence des ressources pédagogiques ressentie par les apprenants
2. Evaluation de la mesure de calcul de la pertinence sémantique d’une ressource pédagogique
2.1. Comparaison avec les résultats des experts humains
2.1.1. Données de l’expérience
2.1.2. Déroulement de l’expérience
2.1.3. Résultats et discussion
2.2. Performances de la mesure SR d’une ressource pédagogique
2.2.1. Données de l’expérience
2.2.2. Résultats et discussion
Conclusion Générale
Bilan
Perspectives de recherche
Références bibliographiques
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