Environnement culturel et intellectuel des femmes
Le pouvoir
Le pouvoir est un concept largement étudié, et qui a donné lieu à de multiples travaux. Le concept permet de structurer la pensée et de réfléchir sur les réalités d’une société donnée. Il s’agit, dans un premier temps, de définir le pouvoir et de le comprendre dans ses multiples réalités. R. Mousnier1 s’est attaché à définir le pouvoir, définition reprise par la suite par des historiens telle que N. Dufournaud qui l’a adaptée aux femmes. Le pouvoir est ainsi l’ensemble des « moyens qu’une femme peut avoir d’incliner les volontés des autres pour les obliger à aller dans son sens »2 Le pouvoir réside donc dans l’imposition de sa volonté, ce que confirme la définition donnée par M. Weber, puisqu’il le définit comme « la possibilité de contraindre d’autres personnes a infléchir leur comportement en fonction de sa propre volonté » Ce phénomène se produit selon des moyens divers qui peuvent varier d’un individu à l’autre. Une première question s’immisce dès l’évocation de cette définition : ces moyens sont-ils, en règle générale, les mêmes pour les hommes et pour les femmes ? Dans quel contexte une personne, qu’elle soit de sexe masculin ou féminin, cherche-t-elle à imposer sa volonté ? Et d’où découlent les moyens qui permettent à cet individu d’y parvenir ? Il semble plus aisé « d’incliner les autres à aller en son sens » lorsqu’on l’on possède une certaine légitimité, lorsque l’on se positionne en individu qui peut, de par son statut notamment, imposer sa volonté. Le constat est le suivant : le pouvoir est intimement lié à l’autorité, puisque cette seconde donne la légitimité d’exercer le premier. L’autorité constitue ainsi le contexte et donne les moyens permettant à l’individu d’exercer un pouvoir. L’autorité peutêtre formelle comme informelle (M. Perrot parle des pouvoir comme de multiples influences4 ), et peut ainsi reposer sur des éléments officiels comme officieux : le droit, l’usage, la puissance, le charisme ou encore l’éloquence. M. Weber précise également, dans le contexte de la domination – qu’il considère comme une forme de pouvoir – que les hommes dominés doivent être enclin à se soumettre à l’autorité5 . Ainsi, l’autorité comprend deux types de protagonistes : ceux qui la revendiquent, et ceux qui l’acceptent et ainsi, s’y soumettent.
L’influence et ses difficultés d‘appréhension
Nous venons de le voir, le pouvoir ne se détient pas nécessairement de façon officielle, de même qu’ilne se pratique pas systématiquement de façon directe et formelle. L’inclusion des pouvoirs officieux, informels et indirects tels que l’influence dans notre étude nous amène à émettre quelques remarques préliminaires quant à la difficulté de l’exercice. Détecter ces types de pouvoir requiert une lecture autre des documents. Il ne s’agit plus seulement d’en extraire les données explicitement évoquées, mais également de comprendre les ressorts et les mécaniques des sources. L’influence n’est pas palpable, et elle se traduit difficilement de manière matérielle. Si bien que si certains indices de l’influence de telle ou telle personne apparaissent, il faut s’attendre à ce qu’ils soient subtils, et sans doute peu nombreux. L’attention devra donc notamment se porter sur les détails, sans pour autant perdre de vue l’ensemble du document, afin de ne pas les sortir des contextes qui leurs sont propres. L’influence constitue un domaine vaste aux contours flous, pouvant comprendre de petites actions quotidiennes comme des activités de plus grande ampleur. Il faut noter que l’influence est un rapport fondamentalement humain, bien que l’individu puisse se servir de moyens matériels pour devenir influent. Une personne influe sur une autre personne, oriente ses dires, son comportement, sa volonté et ses pensées. La culture et les modes de pensée d’un individu sont le fruit d’influences issues de l’environnement de cette personne. Si bien que l’influence peut tout à fait être considérée comme naturelle : l’enfant reproduit l’environnement de ses parents dans une société codifiée et hiérarchisée par le biais d’une multitude d’hommes et de femmes qui gravitent autour de lui. Il y a donc une influence de longue durée permettant de conditionner un individu pour qu’il remplisse la position et les fonctions dues à son statut. L’assimilation de cet ensemble de codes et de normes n’est pas innée, mais résulte bien des individus influents de l’entourage. La reproduction d’un certain nombre de comportements passe par l’observation de modèles et l’apprentissage qui en résulte. Ces personnes, déterminantes dans le modelage psychologique, sociologique et comportemental d’un individu, exercent sur ce dernier une influence majeure dont il est difficile de tracer exactement le parcours.
Les élites
Il convient désormails de définir le concept d’élite, afin de déterminer les femmes concernées par cette étude. Comme de nombreux concepts utilisés par les historiens, celui-ci provient de la sociologie, et plus précisément de la branche politique de cette dernière. La notion d’élite prend forme sous l’impulsion de Vilfredo Pareto (1848-1923) et de Gaetano Mosca (1858-1951)101. Elle pénètre ensuite le champ de l’histoire au cours des années 1930, alors que la discipline renouvelle ses méthodes et ses champs d’investigation102. La naissance du concept d’élite répond à l’idée que toute société se trouve dirigée par une minorité d’individus, qui à elle seule concentre les richesses ainsi que le prestige103. A la suite des sociologues précédemment évoqués, le terme a regroupé « tous ceux qui ont les indices les plus élevés dans la branche où ils déploient leur activité »104. Il n’existe donc pas une élite, mais une pluralité d’élites, chacune d’entre elle dominant une branche dans laquelle elle se trouve être la meilleure. Selon G. Chaussinand-Nogaret, qui a défini le terme dans le Dictionnaire des sciences historiques, publié sous la direction d’A. Burguière, il s’agit donc de « l’ensemble des groupes sociaux qui dominent la société par leur influence, leur prestige, leurs richesses, leur pouvoir économique, culturel et politique »105. L’élite n’est par conséquent pas un statut, pas plus qu’un ordre au sein de la société. P. Depreux précise par ailleurs que le concept « repose sur la distinction, voire l’exclusion, et le regroupement d’une minorité d’heureux élus qui manifestent leur supériorité par leur comportement, leur savoir et leur pouvoir, dans quelque domaine que ce soit »106. Nous avons donc une catégorie créée par les sociologues pour regrouper un ensemble d’individus dominant un groupement d’individus plus vaste, et le faisant par le biais de divers moyens.
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Table des matières
INTRODUCTION Cadrage du sujet Le pouvoir L’influence et ses difficultés d‘appréhension Les élites Problématisation du sujet Bibliographie SITUER LE SUJET DANS SON ENVIRONNEMENT L’histoire des femmes La Bretagne de la fin du Moyen Âge Données géographiques et territoriales La dynastie des Montfort et la perte d’indépendance du duché : la Bretagne politique du milieu du XIVème siècle au début du XVIème siècle Les institutions du duché de Bretagne Le droit coutumier et les femmes en Bretagne : La Très Ancienne Coutume de Bretagne Écrire l’histoire de la Bretagne : état de l’art du duché Environnement culturel et intellectuel des femmes Les femmes dans les textes bibliques Une littérature masculine L’éducation des jeunes filles Les rôles de la femme épouse, mère et maîtresse de maison Les princesses et la cour de Bretagne Les femmes, l’écriture et la culture livresque LES FEMMES ET LE POUVOIR DANS LE TRESOR DES CHARTES DES DUCS DE BRETAGNE : ANALYSE D’UN CORPUS DE SOURCES Présentation du corpus de sources Typologie des femmes de pouvoirs présentes dans le corpus de sources La typologie : un exercice permettant une meilleure lecture du sujet Les femmes présentes dans le corpus : documents concernés et nombre d’apparitions Analyse diplomatique : les positions des femmes dans les sources La titulature des femmes présentes dans le corpus Réalisation de la typologie des femmes de pouvoir Les femmes et la parenté Lexique des termes de parenté L’emploi des termes de parenté dans le corpus La mobilisation des membres de la parenté dans les stratégies politiques Deux études de cas : Marguerite de Clisson et Jeanne de Navarre La mère et la dynastie : Marguerite de Clisson CONCLUSION TABLE DES ILLUSTRATIONS TABLE DES TABLEAUX ANNEXES
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