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Interactions sociales – Tutorat
Les interactions sociales entre élèves sont les premiers facteurs nécessaires à l’inclusion des élèves allophones à l’école et plus particulièrement au sein de la classe. En effet, l’intégration au sein d’un groupe n’est possible qu’à partir du moment où il y a des échanges entre les membres de ce groupe. En premier lieu, ces interactions sont considérées par l’École comme des contenus d’enseignements communs à toutes les matières et qui participent à l’acquisition du SCCCC. Il s’agit pour les élèves d’être capable dans le cadre du vivre ensemble d’acquérir des compétences sociales comme « Partager des règles, assumer des rôles et des responsabilités » (CG3 en EPS), mais également des compétences langagières afin de communiquer et interagir en société. En second lieu, les interactions peuvent être considérées comme un moyen d’apprentissage. Dans le cadre de notre recherche, nous nous intéresserons plus particulièrement à ce second point, où les relations et interactions sociales sont considérées comme des dispositifs d’apprentissage de contenus et plus particulièrement moteurs en EPS.
Pour cela, nous pouvons nous appuyer sur les travaux de Lucile LAFONT (2010), qui reprend les théories de l’apprentissage qui définissent les interactions sociales favorisant les acquisitions d’habiletés motrices. Ainsi, selon l’auteur nous retiendrons que les interactions sociales peuvent être de deux types. La première qui nous intéresse le moins, est nommée modèle “relationnel” car les interactions entre les deux apprenants ne sont pas réciproques. C’est par exemple le cas où l’élève démontre ou encore observe sans que celui-ci ne soit pris en compte dans le retour. La seconde que nous étudierons plus particulièrement, est nommée modèle “interactif” car les interactions sont réciproques entre les apprenants, comme dans le cadre d’un groupe coopératif. Dans notre expérimentation nous nous centrerons sur ce dernier modèle en proposant un tutorat fixe entre un élève allophone et un élève francophone. En reprenant la définition de Lucile LAFONT (2010) et en la transposant à notre recherche, nous pouvons expliquer ce que nous entendons par interactions de tutelles et plus particulièrement du tutorat fixe, de la façon suivante : “ Le novice (l’élève allophone dans notre étude) à l’initiative de la résolution. Le tuteur (l’élève francophone dans notre étude) le guide en fournissant juste l’aide nécessaire. Avec les progrès du novice, le guidage diminue.” Plus précisément, WINNYKAMEN (1996), définit le tutorat entre pairs comme “un regroupement de deux élèves de niveaux de compétences différents dans la tâche (dyade dissymétrique).
L’élève le plus avancé dans la dyade joue le rôle explicitement assigné par l’adulte de tuteur.”
En reprenant les études faites sur le tutorat fixe comme procédure de guidage, ce dernier permet selon VYGOSTKY (1985) de faciliter l’apprentissage des habiletés motrices grâce à sa théorie de la double naissance. Ainsi il présente un processus mental d’acquisition qui apparaît deux fois. La première fois dans l’interaction avec autrui, puis la deuxième fois par intériorisation de l’apprenant. Le tuteur serait l’intermédiaire qui permet l’accès à l’élève tutoré au processus mental, et ce, par l’intermédiaire de la zone proximale de développement. Cette dernière correspond à l’écart entre le niveau actuel de l’élève tutoré et le niveau potentiel qu’il arrive à faire mais avec l’aide du tuteur. Pour l’élève tutoré, l’interaction avec le tuteur est primordiale s’il veut réduire l’écart de la zone proximale de développement qui caractérise l’apprentissage de l’élève. Ce phénomène d’apprentissage a été observé dans d’autres recherches et corrobore les travaux de VYGOSTKY (1985) comme nous le montre DARNIS, LAFONT et MENAUT (2006). En effet, d’après leurs analyses, les dyades dissymétriques permettent plus facilement le progrès des élèves et plus particulièrement de ceux qui ont un niveau plus faible, que dans les dyades symétriques.
Toutefois, le rôle de tuteur n’est pas une compétence innée mais qui s’acquière après travail. C’est ce que LAFONT et ENZERGUEIX (2009) ont démontré en analysant “qu’il ne suffit de grouper les élèves en dyades et de leur assigner alternativement des rôles de tuteurs et de tutorés pour permettre des apprentissages moteurs”. Ils ont ainsi, cherché à définir parmi les facteurs d’efficacité du tutorat entre élèves, les différentes formes de préparation d’un élève au rôle de tuteur pour en sortir des apprentissages moteurs significatifs. Ainsi, il s’appuie sur la formation au tutorat de LORENCE (2001) qui s’articule autour de deux axes : “la représentation de la tâche et la représentation du rôle de tuteur (aspects cognitifs et procéduraux). L’entraînement au rôle de tuteur se fait sous forme de questions et de discussions avec l’expérimentateur couplé avec des mises en situation simulant l’activité tutorielle.”. De part cette formation, ils ont pu trouver des résultats significatifs en termes d’apprentissages.
C’est pour cela qu’il nous parait intéressant de reprendre cette formation au tutorat mais dans un contexte différent et avec un public nouveau. Pour ce faire, nous devrons donc adapter la formation au rôle de tuteur à la tâche motrice dans l’activité choisie. Nous réutiliserons en partie la démarche faite par LAFONT et ENZERGUEIX (2009) qui est la suivante :
« Sur le registre de la tâche
– Analyse de la tâche à enseigner : il s’agit de définir les exigences essentielles et les ressources sollicitées par la tâche.
Sur le registre des relations entre le tutoré et la tâche
– Analyse des problèmes possibles d’apprentissages (mémorisation, coordination, perception de trajectoire, décisions, enchaînement de postures).
– Propositions de solutions au tuteur pour chaque difficulté identifiée.
Sur le registre des interactions de guidage
– Rappel des fonctions du tuteur ou encore des règles à respecter pour une
transmission efficace des informations au travers de supports écrits. Ces fonctions s’inspirent des fonctions du tuteur selon BRUNER (1983), redéfinies par LAFONT (1997).
Mise en situation de formation
– Possibilité d’« entraînement pédagogique » : le tuteur est, dans la plupart des études, mis en situation de simulation de tutorat.
Afin de préciser cette formation au rôle de tuteur que nous avons détaillé dans le protocole (cf. 5.3.2 La formation au rôle de tuteur), cette dernière s’appuie sur des recherches réalisées antérieurement mais qui ne prennent pas en compte les élèves allophones.
Cadre théorique
Notre étude s’inscrit dans le cadre théorique et méthodologique du « Cours d’action » (THEUREAU, 2006 ; SAURY et al., 2013). Au travers de cette approche, nous reconnaissons la dimension située des actions humaines, c’est à dire la corrélation entre la situation et les acteurs, mais également le caractère individuel et collectif qui sont indissociables. Celle-ci s’établit “en relation avec les ressources de la situation de l’acteur, en lien avec la dynamique de ses relations avec autrui à chaque instant, et avec les pré-construits culturels qu’il a incorporés » (HUET et SAURY, 2011, p. 8).
De par ce cadre qui s’inscrit dans les théories de “l’action située”, nous allons pouvoir étudier « l’activité d’un (ou plusieurs) acteur(s) engagé(s) dans une situation, qui est significative pour ce (ou ces) dernier(s), c’est-à-dire montrable, racontable et commentable par lui (ou eux) à tout instant, moyennant des conditions favorables » (THEUREAU, 2004, p. 48). De cette façon, nous nous intéresserons aux “cours d’expériences des acteurs”, c’est à dire à leurs expériences vécues et plus particulièrement aux connaissances mobilisées et construites des acteurs en situation. A travers, l’utilisation d’entretien d’auto-confrontation, nous pourrons nous approcher au plus près de leurs actions significatives couplées à leurs activités d’apprentissage. Pour cela, nous nous appuierons sur l’outil théorique que propose THEUREAU (2004), pour reconstruire l’historique de l’expérience vécu de l’acteur. Cette dernière est construite de six composantes hexadiques qui s’enchaînent. Ces six composantes sont : E pour l’Engagement de l’acteur dans la situation, A pour Structure d’anticipation, S pour Référentiel, R pour Representamen, U pour Unité élémentaire de cours d’action et I pour Interprétant. Pour notre recherche, nous nous intéresserons plus particulièrement au “S pour Référentiel”, c’est à dire aux connaissances que l’acteur mobilise à l’instant “t”. De cette façon nous reconstruirons le processus d’apprentissage des élèves dans l’objectif de définir l’impact du dispositif et plus particulièrement des connaissances construites et mobilisées par le tuteur sur les apprentissages moteurs de l’élève UPE2A.
Question de recherche
Notre étude visera à analyser l’effet de la formation au tutorat sur les connaissances mobilisées par l’élève tuteur, ainsi que l’apprentissage du smash en badminton d’un élève relevant d’un dispositif d’inclusion scolaire UPE2A en EPS.
Méthode
Conditions éthiques et contractuelles
Avant de commencer l’expérience, nous avons pris soin de respecter le cadre éthique et contractuel d’un travail de mémoire. Pour répondre aux exigences universitaires et proposer un travail de recherche dans les règles, nous avons préalablement demandé au proviseur du collège Rosa Parks, son accord pour la réalisation d’entretiens avec des élèves du collège. Tout comme le proviseur, les élèves en question ont signé un courrier “d’autorisation parentale pour la participation à un entretien de recherche sur l’apprentissage au cours des séances d’Éducation Physique et Sportive.”. Dans ce dernier, les conditions des entretiens sont précisées, ainsi que les détails de la politique de confidentialité : “L’utilisation de l’enregistrement sera réservée à la réalisation de la recherche, selon un principe de confidentialité absolu. L’élève sera présenté sous un pseudonyme dans le rapport de recherche. Cet enregistrement ne sera en aucun cas utilisé à des fins d’évaluation de l’élève.” Par ailleurs, nous jugeons nécessaire la présence d’autrui en tant que spectateur afin de garantir l’exactitude des propos tenus par les chercheurs et les participants.
Participants
Dans le cadre de cette recherche, nous sommes entrés en contact avec les enseignants du collège ROSA PARKS à Nantes dans la mesure où l’établissement accueille en son sein des élèves allophones, relevant d’une Unité Pédagogique pour Élèves Allophones Arrivants (UPE2A). Parmi les enseignants d’EPS du collège, l’un d’entre eux, Benjamin GAUTHIER, a accepté de nous accueillir dans une séquence de Badminton. Il est important de noter que nous ne sommes pas à l’origine du choix de la programmation de l’enseignant, cependant, l’ensemble des conditions étaient réunies pour pouvoir envisager notre démarche de recherche. Dès lors, notre expérimentation s’est engagée avec la classe de 6ème 1 regroupant 18 élèves, 10 garçons et 8 filles. La séquence de Badminton se déroulait en groupe classe complet, toutefois nous avons adapté les conditions d’enseignements à notre objet d’étude.
Étapes de contractualisation et familiarisation avec la classe
La prise de contact avec Benjamin GAUTHIER s’est faite facilement dans la mesure où Maxime SIMON, l’un des étudiants à l’origine du projet de recherche, travaille au sein du collège ROSA PARKS. Après plusieurs échanges et une réunion téléphonique avec Benjamin GAUTHIER durant laquelle nous lui avons présenté en détails notre démarche ainsi que le protocole de recueil des données, ce dernier a accepté de nous accueillir. Nous avons ensuite convenu de deux temps pour réaliser notre expérimentation, à savoir les leçons 4 et 5 espacées d’une semaine. En parallèle, il est important de noter que nous avons eu l’accord du chef d’établissement pour entrer en contact avec les élèves de 6ème 1. Dès lors, la première leçon de Badminton nous a permis de présenter l’expérimentation aux élèves. Nous leur avons expliqué que notre étude s’intéressait aux interactions sociales entre un tuteur et un tutoré, sans préciser que nous étions particulièrement intéressés par les élèves allophones de la classe. Par ailleurs, nous leur avons précisé que l’ensemble des informations et données collectées resteraient en notre possession, et dans le strict cadre de notre recherche. En ce sens, aucune diffusion de vidéos et d’entretiens d’auto-confrontations ne sera partagée à des individus extérieurs à l’expérimentation. Nous avons aussi précisé que leur enseignant monsieur GAUTHIER n’allait pas juger leur prestation et qu’aucune note ne sera posée. Pour terminer, nous leur avons expliqué que la participation au protocole de recherche était sur la base du volontariat, et que cette expérience pouvait être intéressante pour eux dans leurs apprentissages en Badminton et en EPS.
Choix des élèves volontaires et caractéristiques
Tous les élèves de la classe se sont portés volontaires pour l’expérimentation, ce qui a facilité son organisation. Dès lors, nous avons choisi, sous les conseils de l’enseignant d’EPS, deux élèves pour leurs caractéristiques. Tout d’abord Tom, âgé de 11 ans, est un élève curieux qui possède le sens du partage avec ses camarades. Dans la mesure où notre objet d’étude portait sur les interactions sociales, nous avions besoin d’un élève ouvert sur les autres, capable d’aider, guider un partenaire vers les apprentissages. Par ailleurs, Tom montrait une certaine aisance en EPS. Puis, nous nous sommes tournés vers Audrey, élève allophone âgée de 11 ans, née en Italie et de parents d’origines arabo-musulmanes. Elle parle couramment l’italien et l’arabe standard moderne (langue natale). Malgré des difficultés de compréhension des consignes orales et écrites, Audrey se montre à l’écoute et mobilisée dans les situations d’apprentissages mis en place par les enseignants. Il est important de noter que l’EPS fait partie des disciplines dans laquelle Audrey est en totale inclusion, tout comme l’art plastique et l’éducation musicale. Nous avions donc deux élèves qui correspondaient aux attentes de notre expérimentation de par leurs caractéristiques.
Procédure
L’expérimentation s’est déroulée en 5 phases. Elle prenait place au sein d’une séquence de 6 leçons en badminton, et plus particulièrement pendant 2 leçons successives où les élèves se sont confrontés à la tache expérimentale d’apprentissage. Durant ces leçons, nous avons pris en charge, dans un espace spécifique et isolé, les élèves participants à la réalisation de la tâche expérimentale tandis que le professeur poursuivait son cours avec le reste de la classe. Entre les deux leçons, l’élève tuteur a suivi une formation au tutorat. Après, chaque leçon les élèves ont réalisé un entretien d’auto-confrontation. Pour résumer, nous avons organisé notre expérimentation selon le découpage temporel suivant :
– Leçon 1 : Présentation de la tâche aux deux élèves et réalisation de celle-ci avec enregistrement vidéo et audio des élèves pendant toute la durée de la situation d’apprentissage.
– Post leçon 1 : Entretiens d’auto-confrontations avec les deux élèves et formation du tuteur.
– Leçon 2 : Rappel de la tâche aux deux élèves et des contenus d’enseignements pour le tuteur. Réalisation de la tâche d’apprentissage dans les mêmes conditions qu’à la leçon 1.
– Post leçon 2 : Entretiens d’auto-confrontations.
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Table des matières
1. Introduction
2. Revue de littérature
2.1 Inclusion Scolaire
2.2 Interactions sociales – Tutorat
3. Cadre théorique
4. Question de recherche
5. Méthode
5.1 Conditions éthiques et contractuelles
5.2 Participants
5.2.1 Étapes de contractualisation et familiarisation avec la classe
5.2.2 Choix des élèves volontaires et caractéristiques
5.3 Procédure
5.3.1 La situation d’apprentissage
5.3.2 La formation au rôle de tuteur
5.4 Recueil des données
5.4.1 Enregistrement des actions et des communications des élèves en situation
5.4.2 Entretiens d’auto-confrontations
5.5 Procédure d’analyse
5.5.1 Transcription et protocole à 2 volets
5.5.2 Identification des connaissances de chaque élève
5.5.3 Catégorisation des connaissances
5.5.4 Spécification des catégories des connaissances
5.5.5 Observation des apprentissages moteurs d’Audrey en situation : [3]
5.5.6 Mutualisation des connaissances mobilisées par Tom et des apprentissages moteurs d’Audrey
6. Résultats
6.1. Analyse des connaissances mobilisées par l’élève tuteur
6.1.1. Analyse des connaissances mobilisées d’un point de vue quantitatif
6.1.2. Analyse des connaissances qualitatives mobilisées par l’élève tuteur
6.2. Analyse des apprentissages du smash en badminton
6.2.1. Apprentissages du smash au regard des volants réalisés
6.2.2. Apprentissages du smash au regard de la motricité d’Audrey
7. Discussions
7.1. Les tendances générales à l’issue de cette recherche
7.1.1. La mobilisation de connaissances ciblées, recherchées par l’enseignant et de meilleures qualités :
7.1.2. Un apprentissage du smash en badminton facilité pour le tutoré.
7.2. Les pistes d’interventions
7.3. Les limites et perspectives
8. Conclusion
9. Bibliographie
10. Annexes
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