Entre nouveaux langages et écritures « asémantiques » 

et mise à distance

Dans le livre X de La République , Platon définit ce qu’est la mimèsis. Pour cela, il prend l’exemple d’un lit plus précisément, « le philosophe, par la considération d’un lit unique, découvre trois lits différents : le lit « naturel » (597b), le lit en vérité, l’Idée de lit, puis le lit individuel que fabrique l’artisan, enfin le lit peint par le peintre (zôgraphos) ».
Or le lit peint ne représente pas l’objet en lui-même mais l’apparence de l’objet. Ainsi, selon Platon le peintre est un imitateur dont la représentation ne fait qu’éloigner de la vérité, de la nature mêmedu lit.
Et copier, n’est-ce pas imiter ? Ainsi on peut voir entre une copie et son original la même distance que Platon décrit entre l’idée du lit et la peinture représentant un lit. Les deux sont liés mais la peinture n’est qu’un simulacre encore plus distant de l’idée que ne l’est l’objet. Une copie porte donc intrinsèquement à la fois l’original et une idée de distance, de factice. Comme le rappelle Jean Lacoste « par définition, l’imitation ne peut être parfaite, puisque la perfection détruirait l’image et aboutirait à l’identité (Cratyle, 432b), l’imitation réussie du trompe-l’œil est donc à la fois vraie etfausse, elle est et elle n’est pas (Sophiste, 240b, c ) ». La réalisation de ce simulacre laisse donc la possibilité de l’erreur au moment de la réalisation.
Bien qu’étant à l’identique les copies de Sharka Hyland illustrent aussi cette distance entre l’original et la copie. Lorsque l’on se rapproche de ses réalisations le dessin devient visible et la première impression d’un texte issu d’une presse disparaît. Tim Ingold établit une différence essentielle entre un texte tapé à la machine et un texte manuscrit. La main via l’interface de la machine tape les lettres, et ce faisant ce sont les bouts des doigts qui écrivent mais sans ressentir la lettre écrite. Le bout des doigts ressent seulement le contact avec les touches de la machine. Ainsi « le doigt n’est qu’un « déclencheur » et son contact avec l’interface une « réaction ». Comme dans le cas d’un contact visuel, cette réaction établit une relation optique plutôt que haptique, rationnelle plutôt que ressentie . ». On peut donc penser qu’en redessinant des textes à la main, on réalise l’opération inverse c’est-à-dire celle de rétablir une relation haptique, de réintégrer un ressenti dans la réalisation. Réaliser un « dessin qui dit » d’après la définition qu’en fait Tim Ingold. « Le dessin qui dit n’est pasune image, ni même l’expression d’une image. C’est la trace d’un geste. » La copie transforme le texte en trace de geste créant ainsi un écart avec l’original.
Dans la réalisation Revue de pressela copie des caractères typographiques contrairement au travail de Sharka Hyland est approximative, parfois maladroite. La copie ne rend que la forme des textes et des éléments d’image, non l’aspect, accentuant par là même le retour au dessin des textes décrit précédemment. Le traitement uniquement au crayon de papier uniformise l’ensemble des éléments de la composition. C’est-à-dire qu’il uniformise les éléments copiés et les dessins à caractère imaginaire. Ainsi, tout en introduisant des éléments d’actualité la copie n’est qu’un aspect de la réalisation, où s’instaure finalement un dialogue visuel entre les mots de l’actualité et les divagations graphiques qui en découlent. C’est comme si nous assistions à une dérive de la copie. Cette forme partielle, hybride, de copie ne faisant donc qu’accentuer l’écart avec les originaux et par la même avec les motsde l’actualité.

Temporalités contrariées

S’inscrire dans le temps de l’actualité ?

Par définition l’actualité est éphémère. Le journal quotidien représente le temps présent jusqu’au journal suivant. Chaque peinture d’On Kawara de la série Today est accompagnéed’une boîte contenant une coupure de journal du jour et du lieu où a été réalisée la peinture.
L’œuvre d’On Kawara, rejoint la temporalité journalière des journaux, créant une sorte d’archive de l’éphémère, le passé devient une addition de Today. Les coupures de presse qui accompagnent ses peintures représentent le présent de la création de la toile mais sont déjà passées lors de leur exposition. Ainsi lorsqu’une œuvre intègre des journaux dans sa com position, les nouvelles sont déjà passées au moment de l’exposition. Donc si au moment de la création, l’artiste peut s‘inscrire dans le temps de l’actualité, dans une logique de « créer en réaction à », le temps de l’exposition sera lui un temps de réactualisation des nouvelles exposées. Les journaux sont à la fois temps présent et archives en devenir et il en est de même pour les créations intégrant des journaux. Le travail sur l’actualité induit donc néces sairement un changement de temporalité et une mise à distance du récit du factuel que nous propose l’actualité.

De l’actualité à l’archive et inversement

La réalisation Parapluiesest une copie, pour ce qui est de la mise en page et de quelques éléments, d’un journal de l’année 1970. J’ai copié de la page d’origine, quelques titres : « Impôts Attention votre déclaration doit parvenir lundi matin aux contributions directes », « Les chaises ont volé pour la première intervention des policiers à l’intérieur de la fac de Nanterre » (ce dernier titre est accompagné de la reproduction d’une photo illustrant une chaise lancée en direction des policiers), « 7 jours sur 7 » et enfin « Opération parapluie au Champ-de-Mars interdite ». Le contenu de l’article correspondant à ce dernier titre intégralement recopié. Il explique qu’une manifestation pour la journée mondiale de la paix a été interdite alors que les manifestants souhaitaient manifester avec des parapluies. Le reste de la mise en page est revisité avec des dessins reprenant les motifs de la chaise et du parapluie.
L’article de 1970 sur la manifestation des parapluies ainsi que l’opposition aux forces de l’ordre font étrangement écho à des évènements beaucoup plus récents notamment les manifestations à Hong Kong où les parapluies étaient utilisés pour éviter la vidéo surveillance. Passé et présent se relient autour du motif du parapluie qui semble bien être perçu de tout temps comme une sérieuse menace par les autorités.

Le temps de la copie face au temps de l’actualité

La réalisation Fragments, se compose de plusieurs dessins au crayon de papier copiant des éléments de pages de journaux sur des fragments de papier de soie dont le format varie entre le A5 et le A4. Des extraits d’articles récents se mélangent avec des articles plus anciens. Sur certains fragments différentes mises en page de journaux s’entrecroisent, sur d’autres les images ont été remplacées par des illustrations et les textes sont remplacés par des écritures imaginaires ou bien leurs emplacements sont seulement suggérés par une zone grisée. Ainsi ces fragments ne répondent-ils pas réellement à une règle prédéfinie. Il n’y a pas d’unité de temps ni d’unité au niveau des éléments qui les composent. Le seul point quiles unit, c’est la copie partielle du contenu de journaux.
Comme nous l’avons vu précédemment pour les réalisations de Sharka Hyland, les réalisations de Fernando Bryce ainsi que la réalisation Fragments copient des textes issus d’une production mécanique et les transforment en dessin. Les journaux à l’origine sont un objet du quotidien, ils n’ont pas vocation à être conservés. Par ailleurs, comme nous l’avons vu précédemment les informations qu’ils contiennent son à priori éphémères. Ainsi le temps fugace de l’actualité est-il remplacé dans ces réalisations par le temps long de la copie manuelle.
Le temps alors consacré à ces copies peut être vu comme un temps qui réhumanise ces écrits et les pérennise. Les textes ainsi copiés sont sortis de leur temporalité et invitent le spectateur à en faire de même. Ils deviennent des traces de l’activité et des préoccupations humaines reliant par là même le passé et le présent. D’un autre côté, on peut aussi voir dans le temps consacré à ces copies une forme d’activité absurde, une activité dont la seule fonction serait de faire passer le temps, une activité qui vient s’inscrire en opposition au productivisme et au souci constant d’optimisation de notre société.
Créer à partir d’une page de journal au contraire d’une création ex-nihilo, c’est créer à partir d’un support qui contient déjà « trop ». Trop de sens, trop de symboles, trop de mots. Ainsi, théâtraliser l’actualité tient-il surtout d’un rappel de l’humain, de l’individu dans ce reflet de réalité que peut représenter la page de journal. D’une certaine manière, la copie vient annihiler ce «trop» de la page de journal en transformant le temps rapide de l’impression mécanique du journal en temps long de la copie manuelle. L’intervention sur le journal, sur ce « trop » où l’on peut voir le symbole d’un monde surmédiatisé, réinstaure un dialogue entre l’individu et le collectif tout en dépassant la temporalité éphémère du journal pour en construire une nouvelle invitant le spectateur à une relecture de l’actualité. Actualité quiconstruit jour après jour le récit de notre réalité.

Vers de nouvelles narrations

La page de journal « narre » les faits du quotidien mais son contenu résulte de choix effectués par une rédaction des événements à relater. Ainsi la page de journal est le lieu où l’on compose avec les faits afin de transmettre de l’information. C’est-à-dire selon la définition de composer (CNRTL) : un lieu où l’on va former un tout par assemblage ou combinaison de divers éléments. Face à la page de journal, on se retrouve donc devant une reconstruction artificielle, ou tout au moins temporaire d’un tout. Comment s’organise cette composition ? Comme le montre par exemple Exercices de stylede Raymond Queneau il y a autant de manière de rapporter des faits que de personnes qui témoignent. Ainsi le journal qui sert à transmettre le récit des faits du quotidien et qui tend à l’objectivité ne peut pourtant pas échapper à une forme de subjectivité. Et cette question de l’objectivité de l’information est de plus en plus présente dans notre société. Par ailleurs, avec la multiplication des supports d’information, ce n’est plus seulement la question de l’objectivité qui se pose mais aussi la question de la véracité des faits rapportés. A la recherche de plus de transparence, les journaux développent des rubriques qui décryptent la diffusion et la teneur des fake news.
Dans ces conditions, utiliser le journal comme support et sujet de création ne revient-il pas à recomposer un nouvel ensemble qui racontera une nouvelle histoire et qui, par là même, interroge ce récit quotidien, cette version de la réalité ?

La composition de la page

Pour la réalisation Mensonge, VERsatilITEj’ai recomposé la Une d’un journal à partir de différents journaux du XXe siècle. Le titre de presse est le titre de la réalisation,Mensonge VERsatilITE. Il est accompagné d’une accroche qui vient d’un journal du XIXesiècle, La Voix de la vérité : « Peu de longs articles, Des faits non des phrases, Impartialité complète, la presse entière dans la voie de la vérité ». Les articles sélectionnés ont en commun de contenir le mot « mensonge » ou le mot « vérité » dans leurs titres, « L’Impuissance du mensonge », « La vérité toute la vérité », « Mensonges officiels », « La vérité simple et austère », « L’école et la famille, L’éducation des parents : Le mensonge », « La force du mensonge, Un danger international à connaître », « Pour la vérité » et enfin même dans l’encart publicitaire, « Au 4e top, il sera… l’heure des mensonges ». Les articles et les lettres du titre sont découpés dans les photocopies de ces journaux et assemblés entre deux plaques de verre. La juxtaposition de tous ces mensonges et de toutes ces vérités rend le discours des articles inopérant. Les mensonges d’hier prenant valeur de vérités de demain et inversement. C’est la structure même de la page de journal qui permet, simplement à l’aide de ciseaux et à travers le temps, de recomposer une Une de journal. Car bien qu’ayant évolué dans le temps, les journaux utilisent des maquettes de mise en page très structurées afin de pouvoir hiérarchiser correctement l’information. La forme la plus moderne de ces gabarits est basée sur une grille modulaire qui permet de varier les mises en page tout en restant dans la même structure. On peut citer comme exemple de grilles modulaires la mise en page du Monde.

La grille de mise en page

En révélant à travers la page du journal la structure de la grille, Jean-François Dubreuil fait apparaître ce que Rosalind Krauss appelle « la forme omniprésente dans l’art de notre siècle ». Pour elle, la grille apparaît en art avec le cubisme, « La grille annonce, entre autres choses, la volonté de silence de l’art moderne, son hostilité envers la littérature, le récit et le discours ».Mêmes’il faut noter qu’elle voit dans l’utilisation de la figure des fenêtres par les symbolistes, les prémices de la symbolique de la grille.On retrouve alors dans la structure du journal une figure représentative de l’art moderne.
Paradoxalement, alors que la grille est support de discours dans la page de journal elle devient silence en art moderne. Par la suite, Rosalind Krauss considère que la grille « ne sert pas seulement d’emblème [de l’art moderne] mais aussi de mythe ». Elle note que bien sûr les mythes sont des histoires se déroulant dans le temps alors que la grille est une structure visuelle rejetant le récit et ayant trait avec l’espace. Et de préciser « Le pouvoir mythique de la grille tient à ce qu’elle nous persuade de ce que nous sommes sur le terrain du matérialisme (parfois de la science, de la logique), alors qu’elle nous fait en même temps pénétrer de plain-pied dans le domaine de la croyance (de l’illusion, de la fiction) ». Cela peut nous amener à penser qu’exposer une page de journal dans un contexte artistique, révèle que cet espace du factuel s’organise à partir d’une structure qui porte en elle une ambivalence entre matérialisme et croyance, permettant ainsi une nouvelle lecture de cet espace informatif.
Pour Éric de Chassey qui, dans l’ouvrage L’abstraction avec ou sans raisons,consacre un chapitre à la figure de la grille, celle-ci est « dès son origine liée à une volonté paradoxale : système de totalisation, de compréhension globalisante du monde, […] elle est aussi outil de destruction sinon de négation. Ce second aspect vient sans doute essentiellement de ce que l’application à la nature en montre de fait l’opposition, l’antinaturalisme ». L’œuvre
Grid Corrections de Gerco de Ruijter illustre un peu par l’absurde la non-correspondance entre la figure de la grille et l’espace naturel. En effet, dans cette réalisation l’artiste a photographiéle tracé du réseau routier américain qui à l’origine est une grille orthogonale parfaite. Mais étant donné la rotondité de la terre, ce tracé a dû être rectifié régulièrement donnant lieu à des sortes de décrochements dans la linéarité du tracé d’origine. La perfection du tracé abstrait de la grille routière n’a donc pas pu résister à la réalité de l’espace concret. Dans la page de journal, la grille a pour fonction de hiérarchiser l’information, de créer un espace cohérent, superficiel dans lequel s’organise la compréhension globalisante du monde. Elle détermine un espace de culture, c’est un lieu de la construction humaine.

Le plan horizontal du journal

En faisant la critique du modernisme tel que le conçoit Greenberg, Léo Steinberg dans son livre Others Criteria, propose une nouvelle analyse de l’évolution de l’art au cours du XXe siècle. Pour lui jusqu’aux années 1950, les peintures proposent une lecture verticale du monde : « à savoir que le tableau figure un monde, une sorte d’espace ouvert qui se lit sur un plan du tableau par rapport à la station humaine verticale  . ». Ce qui va changer dans les années 50, c’est que la peinture se met à présenter une vision horizontale du monde, une vision qui se libère du plan naturel et vertical de la vision humaine et se permet de changer de point de vue. C’est ce qu’il appelle « le plan flatbeddu tableau ». Le terme de flatbed, comme il l’explique, vient du monde de l’imprimerie et correspond « au plateau des presses à imprimer horizontales ». Pour lui, ce changement de plan n’est pas un changement de plan de présentation (exposition verticale et horizontale) mais un changement « plus radical dans le sujet de l’art. C’est le passage de la nature à la culture ». Il voit le travail de Rauschenberg comme révélateur de ce changement et il note son intérêt dans les années 50 pour le papier journal qu’il utilise alors comme fond.
On peut considérer que face à un journal le lecteur se trouve face à un plan Flatbeddans le sens où c’est une surface opaque qui « ne présente plus d’analogie avec une expérience visuelle naturelle, mais s’apparente à des processus opérationnels ». Processus opérationnels, car c’est un espace où s’organisent les différents événements du quotidien. Le lecteur n’est pas face à un plan qui restitue la vision verticalisée humaine comme face à un paysage, mais bien dans une position où son regard, du fait de la lecture, est face à un plan horizontal. Cependant en gardant la structure du journal dans ses œuvres, mais en faisant disparaître les textes de la page, Jean François Dubreuil tend à rendre au journal une certaine verticalité. Ainsi en utilisant des journaux dans leurs créations les artistes intègrent un élément porteur de cette vision horizontale et créent une nouvelle possibilité de lecture verticale (vision naturelle) en occultant la fonction première du journal c’est-à-dire sa fonction de support de lecture. Le journal exposé instaure donc un jeu entre le plan Flatbedet ce que Léo Steinberg appelle l’expérience visuelle naturelle.

Fragmenter

Revenons à la réalisation Fragmentsdéjà présentée dans la partie I. 3. 2. (Le temps de la copie face au temps de l’actualité). Comme il a été indiqué précédemment, le point commun entre les différents fragments est le fait qu’ils reprennent des éléments de pages de journaux, mais il n’y a pas d’unité de temps et chaque fragment suit sa propre logique : sur certains fragments plusieurs pages vont s’entrecroiser alors que d’autres sont la copie d’une seule page, les textes sont parfois simulés, d’autres fois recopiés. On trouvera cependant un autre point commun à tous ces fragments de papier, c’est justement leur forme de fragment. Chacun d’eux est comme un prélèvement fait dans les pages de journaux, prélèvement décontextualisé de son journal d’origine. Sur chacun d’eux, aux éléments des journaux s’ajoutent des dessins.

Cacher

La plupart des œuvres présentées jusqu’à maintenant, notamment les œuvres en réaction à l’actualité, restent dans un rapport intime avec le journal, c’est à dire que le spectateur fait face à la page de journal où l’artiste par différents jeux de cacher/montrer, d’effacement, de réécriture ou de saturation de la page, crée une sorte de version augmentée du journal tout en restant cependant dans l’espace symbolique de la page de journal. Le spectateur reste lui aussi face à ces journaux « augmentés » dans la posture du lecteur face à l’information, les œuvres le renvoyant à ses propres interrogations ou ressentis face aux actualités des journaux.
C’est entre autres ce rapport intime à la page de journal qui change dans l’œuvre Que Choisirréalisée en 2008 au Centre d’Art Contemporain de Sète par Anne Deleporte. Cette œuvre fait partie d’une série que l’artiste appelle Wall paintings . Son travail consiste à sélectionner des pages de journaux qu’elle colle par la suite sur le mur du lieu d’exposition.
Elle vient ensuite recouvrir de peinture bleu clair tous les éléments qu’elle ne souhaite pas voir apparaître. Finalement, le spectateur se retrouve face à une fresque composée d’éléments, figuratifs ou non, qui semblent flotter de manière aléatoire sur un mur bleu ciel.
L’artiste cache l’ensemble des textes et certaines images des pages de journaux. Du fait de sa dimension, le regard plonge dans cette fresque et crée des connections entre les différents éléments juxtaposés, chaque spectateur se créant les narrations que son imaginaire voudra bien lui laisser entrevoir. Anne Deleporte laisse aux spectateurs la liberté de créer de nouvelles narrations en laissant libre cours à son imagination face aux images restantes des journaux. Ensortant de l’espace intime de la page de journal, le spectateur se retrouve face à un mur d’informations tronquées, d’images sans liaisons apparentes. Par la dimension de l’œuvre la présence du journal devient plus envahissante. Le travail d’Anne Deleporte propose ainsi au spectateur une vision plus globale de l’information. On est à la fois dans le rapport individu / information et dans l’illustration d’une société surmédiatisée… dont l’horizon est bouché par un mur d’informations.
Pour créer de nouvelles narrations à partir du journal, à la fois support de création et objet signifiant, les artistes le masquent partiellement et tout particulièrement les textes qu’il contient. Dans l’œuvre Que choisirles espaces des pages de journaux sont toujours présents derrière la peinture bleu ciel, les pages ne sont pas matériellement décomposées, mais leur contenu est majoritairement caché et une nouvelle narration est recomposée par la présencedes images restantes.

Recomposer le sens

En 2010, alors que ses recherches s’orientent sur la question du bonheur, Elvire Bonduelle reconstitue une édition du Monde en sélectionnant à travers différentes éditions des articles uniquement porteurs de bonnes nouvelles. Une fois la maquette constituée, elle vient inscrire entre les mots « Le » et « Monde » le mot « meilleur ». Ainsi naît la version journal du Meilleur des mondes. Avec la collaboration du Monde, 1000 exemplaires de ce numéro spécial seront imprimés et distribués par l’artiste à la station Bonne nouvelle. Elvire Bonduelle expose son œuvre dans le quotidien des spectateurs, l’œuvre venant à eux et non l’inverse. C’est une vision momentanément déformée du discours médiatique qui vient ainsi investir la vie quotidienne du spectateur, proposant une nouvelle narration de l’actualité. En exposant uniquement une version positive de l’actualité, l’œuvreLe meilleur des Mondes, déconstruit le discours anxiogène des médias et nous amène à nous demander si les discours positifs ne seraient pas devenus plus subversifs aujourd’hui que les dénonciations catastrophistes.
On peut rapprocher la démarche d’Elvire Bonduelle de l’action Space media de Fred Forest. En 1972, il investit le champ médiatique, notamment en achetant un espace publicitaire dans le journal Le Monde. Cet espace laissé vierge était proposé aux lecteurs comme un espace de libre expression. Les lecteurs étaient ensuite invités à lui renvoyer leurs créations. Le spectateur / lecteur prend ainsi part à la création de l’artiste et passe du statut de spectateur à celui d’acteur. Le journal devient à la fois une œuvre participative et un lieu d’exposition.
Par ailleurs comme l’explique Pierre Restany à propos du travail de Fred Forest : « L’esthétique de la communication correspond à ce passage d’un art de la représentation à un art de la présentation. L’activité esthétique de Fred Forest dans la communication consiste à assumer intégralement la logique opérationnelle de ses systèmes qui sont des dispositifs de présentation de la vérité. » .On retrouve cette logique d’investissement des dispositifs deprésentation de la vérité dans le travail d’Elvire Bonduelle.

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Table des matières
Avant-propos 
Introduction 
I. Théâtraliser l’actualité 
I. 1. Créer à partir des quotidiens
I. 1. 1. Fragments de réalité
I. 1. 2. Création en réaction à l’actualité
I. 1. 3. Un matériau symbole de l’information
I. 2. Copier les quotidiens
I. 2. 1. Copier
I. 2. 2. Appropriation de l’actualité
I. 2. 3. … et mise à distance
I. 3. Temporalités contrariées
I. 3. 1. S’inscrire dans le temps de l’actualité ?
I. 3. 2. De l’actualité à l’archive et inversement
I. 3. 3. Le temps de la copie face au temps de l’actualité
II. Vers de nouvelles narrations 
II. 1. La composition de la page
II. 1. 1. La grille de mise en page
II. 1. 2. Le plan horizontal du journal
II. 2. Décomposer / Recomposer
II. 2. 1. Fragmenter
II. 2. 2. Cacher
II. 2. 3. Recomposer le sens
II. 2. 4. Le Cut-Up
II. 3. Tout est fiction ?
II. 3. 1. Narration entre fait réel et imaginaire
II. 3. 2. L’imaginaire, une forme décalée du réel
II. 3. 3. Faits ou fake news
III. L’insoutenable légèreté du langage 
III. 1. Mettre en image
III. 2. Un point, trois points, mettre en mots
III. 3. La critique du langage contemporain
III. 4. De la lettre à l’image
III.4. 1. Entre nouveaux langages et écritures « asémantiques »
III. 4. 2. Penser en image
III. 5. Déprogrammation /Reprogrammation
Conclusion 
Bibliographie 
Index des notions 
Index des noms propres 
Annexe 

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