ENTRE LE TRARZA ET LE KAJOOR

Le peuplement

ย  ย  La vallรฉe du fleuve Sรฉnรฉgal apparait comme le berceau du peuplement de la Sรฉnรฉgambie septentrionale. La densitรฉ du rรฉseau hydrographique avait permis trรจs tรดt ร  lโ€™รฉtablissement dans cette rรฉgion dโ€™une population sรฉdentaire qui sโ€™adonne ร  lโ€™agriculture et ร  la pรชche. Les villages les plus importants du royaume se trouvaient au bord de lโ€™eau. Ses habitants sont majoritairement composรฉs de wolofs, mais on note un nombre important de peulhs nomades. Dans cette zone, on y rencontre รฉgalement des maures et des sรฉrรจres. Les conditions physiques offraient des possibilitรฉs dโ€™installation humaine, mais la situation politique du royaume ne favorisait pas la croissance du nombre de ses habitants. Dans leur ouvrage sur le Sรฉnรฉgambie franรงaise, Carrรจre F. Holl P. relatent la dรฉgradation du peuplement du Waalo en ces termes : ยซ Lorsquโ€™on interroge les vieux habitants de nos contrรฉes sur lโ€™ancienne importance politique du Waalo, on est pris dโ€™un douloureux รฉtonnement en comparant leur rรฉcit ร  lโ€™รฉtat actuel de chose. Naguรจre le Waalo รฉtait riche, industrie, trรจs peuplรฉ. Maitre dโ€™un grand territoire sur la rive gauche, il possรฉdait aussi une partie de la rive droite. Les Trarza alors reconnaissaient sa supรฉrioritรฉ. Le pays, cultivรฉ avec soin, donnait des produits variรฉs et abondants ; la population, fiรจre de sa supรฉrioritรฉ, exerรงait une influence prรฉpondรฉrante sur les pays voisinsยป. A la fin du XVIIรจme siรจcle, lโ€™insรฉcuritรฉ qui rรฉgnait sur la rive droite poussait les populations ร  quitter leur terre pour sโ€™installer dans les rรฉgions du sud. Ces dรฉplacements de population sโ€™accompagnent dโ€™une perte de main dโ€™ล“uvre qui entrainait une baisse de la production agricole. Cette baisse des revenus agricoles fragilisera le pouvoir des Brack dรฉjร  minรฉ par les querelles intestines. Relatant la situation du Waalo au XVIIIรจme siรจcle, le Baron Roger, citรฉ par Barry, disait : ยซ la population des nรจgres Ghiolof est peu nombreuse, elle a รฉtรฉ dรฉtruite ou dispersรฉe par de longues guerres civiles et surtout par dโ€™anciennes invasions mores que secondait une fausse politique des anglais, alors maitre du Sรฉnรฉgalยป. La situation devenait plus alarmante ร  la deuxiรจme moitiรฉ du XVIIIรจme siรจcle marquรฉe par lโ€™occupation de SaintLouis par les anglais qui incitaient les maures contre le Waalo.

Le pouvoir politique

ย  ย Le royaume est ordinairement gouvernรฉ par un roi qui prend le titre de Brack. Le roi รฉtait choisi parmi les familles garmi du Waalo qui sont au nombre de trois : les dyoss, les loggar et les teddiek. Il devait aussi appartenir au guegno Mbodj cโ€™est-ร -dire appartenir par filiation paternelle ร  la famille Mbodj. Le Brack รฉtait le commandant suprรชme du pays mais nโ€™รฉtait, en fait, chargรฉ dโ€™aucune administration active. Le royaume รฉtait divisรฉ en un certain nombre de fiefs ou cantons qui รฉtaient gouvernรฉs par des dignitaires appelรฉs Kangam. Pour รชtre kangam, il fallait remplir certaines conditions que les membres du seb-ak-boar se chargeaient dโ€™examiner. Aprรจs ces vรฉrifications, le Brack procรฉdait ร  la nomination des titulaires. Les kangam portaient des titres comme kadj, briok, Beude, Marosso, Bรฉthyo, Rickette, Beurty. Ils รฉtaient tous sous lโ€™autoritรฉ du Brack. Dans les cahiers de Yoro Dyao, repris par V. Monteil, on retrouve le rรดle politique de ces kangam et leurs obligation en vers le Brack. Ainsi, ยซ chaque annรฉe, pendant les fรชtes du Gamu, qui se passaient dโ€™abord, ร  Njurbel, puis ร  Ndiany plus tard ร  Nder, tous les kangam รฉtaient tenus de se prรฉsenter devant le Brak et dโ€™assister ร  ces fรชtes, lesquelles se dรฉroulaient en lโ€™honneur et en prรฉsence du Brak et sa famille. Lโ€™absence non autorisรฉe dโ€™un kangam ou dโ€™un dignitaire ร  ces fรชtes รฉtait punie de la destitution (folli) ou mรชme quelquefois la peine de mort. En mรชme temps quโ€™ils venaient assister, au Gamu, les Kangam devaient apporter au Brak sa part du moyal (pillage) de lโ€™annรฉeยป. A cรดtรฉ du Brak, il yโ€™a dโ€™autres dignitaires dโ€™une importance plus remarquable que les Kangam. Ce sont : le Djogomay, le djawdine et le maalo qui formaient le seb-ak-boar . Ils รฉtaient supรฉrieurs au Kangam pour la simple raison que les Kangam sont nommรฉs par le Brak alors que ce dernier รฉtait รฉlu ร  son tour par le seb-ak-boar. Ils avaient pour mission de contrรดler lโ€™administration des Brack. Ils pouvaient les destituer ou les maintenir au pouvoir suivant les circonstances ou suivant les bonnes ou mauvaises conduites du roi. Le djawdine รฉtait, en mรชme temps, le maitre de la terre, une sorte de chef militaire ayant le pouvoir lรฉgislatif et ร  la fois exรฉcutif, tant pendant la vie du Brak que pendant les interrรจgnes au cours desquels il avait la garde des tam-tams royaux. Son domaine partait des villages de Thiagar ร  Ndiao. Sa charge correspondait au pouvoir du prรฉsident de lโ€™Assemblรฉe Nationale. Le djogomay รฉtait le maitre des eaux, et gouverneur du royaume pendant les interrรจgnes. Son titre รฉtait en quelques sortes ministre dรฉlรฉguรฉ ร  la prรฉsidence. Il รฉtait chargรฉ de la prรฉparation de tous les dossiers ; toutes les rรฉunions ou audiences de la cour se faisaient dans sa demeure. Chaque matin, il รฉtait tenu de se rendre chez le Brack pour lui rendre compte des faits de la veille et prendre les instructions du jour. Le maalo รฉtait le trรฉsorier gรฉnรฉral du royaume chargรฉ de tous les problรจmes financiers et รฉconomiques du pays. Il rassemblait tout le moyal et procรฉdait ร  la rรฉpartition entre le Brack, le Seb-ak-boar et les dรฉpenses pour les fรชtes du pays dont il รฉtait le chargรฉ dโ€™organisation.

Lโ€™ouverture du royaume du Waalo vers lโ€™atlantique

ย  ย Avant lโ€™arrivรฉe des europรฉens sur la cรดte africaine, lโ€™agriculture constituait la principale source de revenu du royaume. En effet, avant le XVรจme siรจcle, l’Afrique nโ€™รฉtait quelque peu connue que des Arabes qui venaient y chercher des esclaves, du morphil, de lโ€™or โ€ฆ Ces produits รฉtaient acheminรฉs vers le Monde mรฉditerranรฉen ร  travers le dรฉsert du Sahara. Des voyageurs arabes mais aussi europรฉens comme Ca Da Mosto dรฉcrivaient cette forme dโ€™รฉchanges qui liait lโ€™Afrique de lโ€™ouest au Maghreb : cโ€™est le commerce transsaharien. Le Waalo, tout comme les rรฉgions qui avoisinent le fleuve Sรฉnรฉgal, participait trรจs peu ร  ce commerce car รฉtant รฉloignรฉ des grandes villes de commerce. Les principaux produits dโ€™รฉchange sont : lโ€™or, le sel, le mil, le cuivre, la verroterie, les esclaves noirs, les chevaux. Lโ€™รฉchange de ce dernier produit, qui est le cheval, a attirรฉ lโ€™attention de plus dโ€™un ร  cause de la valeur inestimable quโ€™il avait ร  lโ€™รฉpoque. Ainsi, cet animal รฉtait trรจs convoitรฉ par les souverains noirs de la Sรฉnรฉgambie septentrionale. Ils รฉtaient รฉchangรฉs contre des esclaves et leur prix variait en fonction de leur qualitรฉ. Dโ€™aprรจs D. Pacheco, 2 ร  3 esclaves pour les mauvais chevaux, 8 ร  10 pour les bons. Cependant, lโ€™ouverture de lโ€™atlantique va entrainer la dรฉcadence du commerce transsaharien Lโ€™installation des portugais sur la cรดte atlantique africaine remonte au XVรจme siรจcle. Ainsi, en 1443, Nuno Tristao dรฉpasse Arguin, explorรฉ depuis 1434, et arrive ร  lโ€™embouchure du fleuve Sรฉnรฉgal. A partir de ce moment, sโ€™รฉtablissent des relations commerciales entre les royaumes cรดtiers et les portugais. La participation de ces royaumes aux รฉchanges atlantiques au XVรจme siรจcle, est attestรฉe par le rรฉcit des voyageurs europรฉens de lโ€™รฉpoque. Dans ces relations de voyage, Ca Da Mosto รฉcrivait : ยซ Nous parvรฎnmes au fleuve quโ€™on nomme le ruisseau du Sรฉnaga qui est la premiรจre et la plus grande de toute la terre des noirsโ€ฆ. Et cinq ans avant que je me misse ร  laย route de ce voyage, ce fleuve fut dรฉcouvert par trois caravelles du Seigneur Infant, qui entrรจrent dans iceluy et traitรจrent paix avec ces noirs, parmi lesquels ils commencรจrent ร  demeurer le train de marchandises, en quoi faisant dโ€™annรฉe ร  autre, plusieurs navires sโ€™y sont transportรฉs de mon tempsยป. La position du royaume du Waalo sur le fleuve Sรฉnรฉgal avait favorisรฉ, trรจs tรดt, son contact avec lโ€™extรฉrieur. Ce jugement est aussi valable pour le Kajoor qui grรขce ร  sa large faรงade maritime avait reรงu lโ€™influence europรฉenne pour ensuite prendre son indรฉpendance vis-ร -vis du Jolof dans le milieu du XVIรจme siรจcle. Selon Barryยซ entre 1446 et 1448, le Waalo et Kadyoor sโ€™รฉtaient dรฉjร  ouverts au commerce portugais34 ยป. Cette affirmation peut รชtre justifiรฉe par les tรฉmoignages ci- dessus de Ca Da Mosto qui disait que cinq ans avant son arrivรฉe les caravelles du Seigneur Infant ont entretenu des relations commerciales avec des noirs. La pรฉriode dont il parlait doit correspondre ร  la date de 1449. Les portugais fondรจrent un comptoir ร  Arguin oรน ils รฉchangรจrent leurs marchandises avec les populations. En 1493, V.R. Godinho reprenant le rรฉcit de Joao Rodrigues, qui de 1493 ร  1495 a sรฉjournรฉ ร  Arguin, nous dรฉcrivait les produits de la traite apportรฉs par les portugais : ยซ Toute sorte de vรชtementโ€ฆ, du blรฉ, des selles, des bassins, de lโ€™argent, des perles de corails, des cornalines (qui valent beaucoup), des รฉpices (safran, girofles, poivres, gingembre). Par troc, les maures, leur livrent des esclaves noirs, de lโ€™or, des peaux dโ€™antilopes, des chameaux, des vaches, des chรจvres, des ล“ufs dโ€™Autriches, de la gommeยป. A partir du XVIรจme siรจcle, le Portugal commenรงa ร  perdre le monopole du commerce atlantique et dโ€™autres puissances europรฉennes entrรจrent en scรจne. Ainsi, on assiste au dรฉveloppement des rivalitรฉs entre les diffรฉrentes nationalitรฉs europรฉennes qui sont les Franรงais, Hollandais et anglais. Une vรฉritable politique dโ€™influence en vue de lโ€™imposition dโ€™un monopole commercial dans lโ€™espace sรฉnรฉgambien fut menรฉe par les diffรฉrentes nations europรฉennes. Ceci a beaucoup contribuรฉ ร  lโ€™รฉclatement de la fรฉdรฉration du Jolof au milieu du XVIรจme siรจcle.

Relations sociales

ย  Le Waalo et le Kajoor sont des royaumes voisins situรฉs dans la Sรฉnรฉgambie septentrionale. Ils avaient les mรชmes structures sociales et forme dโ€™organisation. Majoritairement peuplรฉs de wolofs, leurs populations prรฉsentaient les mรชmes traits physiques et partageaient la mรชme langue. Donc, cโ€™รฉtait la mรชme communautรฉ et on faisait la diffรฉrence seulement par le fait quโ€™ils habitent deux pays diffรฉrents. Pour les distinguer, on fait rรฉfรฉrence aux types de sol quโ€™occupe chacun. Le terme Waalo constitue les terres riveraines du fleuve, argileuses et inondables par les crues alors que le joor signifie les dunes et les plaines sablonneuses de couleur jaune ou fauve. Pour nommer les habitants du Waalo, on procรจde par rรฉduplication du substantif waalo, ce qui donne waalowaalo. Quant aux habitants du Kajoor, ils sont appelรฉs ajoor qui est dรฉrivรฉ de Waa-joor, cโ€™est-ร -dire ceux du joor. Ces deux royaumes avaient la mรชme organisation sociale. Avant lโ€™arrivรฉe de Ndiadiane, au Waalo tout comme au Kajoor, nous avions une sociรฉtรฉ fortement hiรฉrarchisรฉe et organisรฉe en lamanat. Lโ€™occupation du sol sโ€™est faite de la mรชme maniรจre et comme le dit Abdoulaye Bara Diop : ยซ Des communautรฉs agricoles sรฉdentaires, anciennement installรฉes dans les diffรฉrentes rรฉgions du pays, sโ€™รฉtaient appropriรฉes de vastes รฉtendues de terres inoccupรฉes de maniรจre permanente avant elles. Il sโ€™agit de lignage ou de clans qui furent, selon la tradition dโ€™abord soose (manding), ensuite sereer ; les Wolofs ne sโ€™รฉtablirent quโ€™aprรจs -venant probablement au nord et de lโ€™est โ€“ dans ces rรฉgions quโ€™ils occupent et qui sont connues comme รฉtant leur berceau traditionnel. Ils adoptรจrent probablement le mรชme mode dโ€™occupation de lโ€™espace que leurs prรฉdรฉcesseurs, รฉmigrรฉs vers le sud ou wolofisรฉs sur placeยป. Ces peuples รฉtaient divisรฉs en plusieurs clans, ร  la tรชte de chaque groupe se trouvait un laman. Ce dernier รฉtait celui qui gรฉrait le domaine foncier avec le droit du feu et prenait toutes les dรฉcisions importantes concernant la vie de la collectivitรฉ, son organisation et son fonctionnement. A lโ€™รฉpoque de la fรฉdรฉration du Jolof (XIII-XVIรจme siรจcle), il existait de grands laman ร  la tรชte de chaque province (Waalo, Jolof, Kajoor, Baol). Mais, aprรจs lโ€™รฉclatement de la fรฉdรฉration Jolof, ces royaumes prenaient, chacun, un titre particulier, que portait le roi. Ainsi, nous avions Brack au Waalo, Damel au Kajoor, Teigne au Baol et Buur au Sine et au Saloum. Une fois que ces royaumes furent constituรฉs, ils continuรจrent ร  mener une politique dโ€™ensemble surtout pour tirer profit du commerce atlantique. Il รฉtait frรฉquent de voir les gens migrer dโ€™un pays ร  lโ€™autre.

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Table des matiรจres

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : SITUATION DU ROYAUME DU WAALO AU XVIEME SIECLE
CHAPITRE I : PRESENTATION DU ROYAUME DU WAALO
CHAPITRE 2 : LE WAALO DANS LA FEDERATION DU JOLOF
DEUXIEME PARTIE : RELATIONS AVEC SES VOISINS AU XVIEME SIECLE
CHAPITRE 1 : RELATIONS AVEC LE KAJOOR
CHAPITRE 2 : RELATIONS AVEC LE TRARZA AUX XVIEME SIECLE
TROIXIEME PARTIE : EVOLUTION DES RELATIONS JUSQU A LAFIN DU XVIIEME SIECLE
CHAPITRE I : Lโ€™INTERVENTION MAURE DANS LA POLITIQUE DU WAALO ET DU KAJOOR
CHAPITRE II : CONSEQUENCE DE LA TRAITE DES ESCLAVES DANS LES RELATIONS ENTRE LE WAALO ET SES VOISINS
CHAPITRE 3 : LES CONFLITS Dโ€™INTERET
CONCLUSION GENERALE

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