Entre innovation et instrumentalisation, comment le discours éco-conscient sert-il le monde marchand ?

Les rapports réguliers du Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’Évolution du Climat fournissent des évaluations scientifiques régulières du changement climatique et de ses conséquences. Dans ce contexte de prise de conscience généralisée de l’urgence écologique, un nombre croissant d’acteurs, à la recherche d’une « économie durable », s’engagent pour la sauvegarde de la planète et le bien-être de ses habitants.

Depuis les actions d’associations militantes plus ou moins radicales jusqu’à la prise de parole des acteurs de la société civile, ces revendications traversent la société d’une façon globale. Face aux manifestations de désobéissance civile d’Extinction Rebellion ou la mise en ligne, plus institutionnelle, du manifeste des jeunes diplômés des grandes écoles qui associent leurs candidatures pour des postes à responsabilités à certaines exigences, les acteurs économiques et politiques sont finalement mis au défi d’œuvrer à la construction d’un nouveau modèle.

Parallèlement, la production de masse, apparue à la fin de XIXème siècle avec l’avènement de la société industrielle, et les pollutions qui en découlent apparaissent désormais comme responsables du désastre écologique et, en conséquence, de nouveaux comportements de consommation émergent. En France, l’Observatoire société et consommation (Obsoco) souligne la diffusion de modalités d’achat différentes (produits bio, produits issus du commerce équitable, achat direct auprès des producteurs) ainsi que l’adoption de nouveaux comportements (faire soimême, porter attention à l’origine géographique des produits alimentaires, avoir recours à l’achat et la vente de produits d’occasion, par exemple). Les Français affichent donc une volonté de consommer autrement ; en 2018, 20 % d’entre eux déclaraient vouloir pouvoir « consommer plus », 15 % pouvoir « consommer autant mais mieux» et surtout 27 % à désirer « consommer moins mais mieux ».

Ainsi, le paysage de la grande consommation voit émerger la consommation dite engagée qui peut apparaître comme un projet politique mais qui est aussi dictée par la réalité, peu polémique celle-ci, de l’accélération de la destruction de la planète. A la critique politique de la technique et du développement vient s’ajouter la prise de conscience de l’urgence écologique et elles constituent, à elles deux, la double origine du projet de la décroissance . Les acteurs économiques ont donc été rattrapés par un impératif écologique s’imposant à eux non pas par le haut, par la prise de conscience de leur impact négatif sur la planète, mais par le bas c’est-à-dire par la pression exercée par le consommateur.

Cela ne concerne pour le moment qu’un segment restreint de la société c’est-à-dire « des femmes et des individus d’un âge moyen de 35 ans ayant un niveau d’éducation supérieur à la moyenne et issus des classes moyennes supérieures » . Mais face à ce potentiel de changements de comportements des consommateurs, les marques n’ont pas d’autre choix que de s’engager massivement à tous les niveaux de leurs processus. Et si ces sujets ne sont pas encore stratégiques du point de vue économique, puisque leurs discours ne concernant qu’une certaine frange de la population, ils pourront peut-être l’être du point de vue communicationnel.

Si nous avons assisté à une montée en puissance des distributeurs bio, nous pouvons aussi souligner la restructuration profonde de grandes enseignes à l’instar de « Carrefour » avec son programme d’action pour une transition alimentaire nommé « Act for food » lancé en septembre 2018 ou le rachat de « So Bio », une enseigne spécialisée dans la vente en vrac. Dès mai 2018, au salon de l’agroalimentaire Seeds & Chips de Milan, Stéphane Coum , directeur des opérations de Carrefour Italie, faisait référence aux thèses de Pierre Rabhi pour appuyer la volonté de sa société de changer de modèle et de changer le monde ! Le PDG de Carrefour, Alexandre Bompard prédisait il y a encore quelques mois la fin de la consommation de masse et détaillait de nouveau toutes les initiatives de son enseigne pour changer de modèle.

Dans ce contexte, il évoquait la nécessité de maitriser au maximum les impacts environnementaux de la consommation et, entre autres, de limiter les pollutions que constituent le plastique et les emballages à usage unique en rappelant l’association de son groupe Carrefour à « la start-up Loop » pour la recherche de solutions aptes à supprimer le plastique tout au long de la chaine de production et de vente.

Plaçons-nous dans ce champ de recherche que sont les sciences de l’Information et de la Communication qui est devenu, en France, une discipline à part entière en 1975 avec la création d’une section spécifique au Conseil National des Universités . Les sciences de l’Information et de la Communication nous permettent d’aborder des sujets divers avec un point de vue communicationnel. Elles nous aident ainsi à explorer les questions de médiations marchandes selon des problématiques sociales, symboliques, culturelles et communicationnelles plus que selon des logiques de gestion ou de marketing. Cela n’empêchera pas d’aborder, à la marge, des notions économiques, historiques ou tout autre savoir académique nécessaire à la contextualisation et à la compréhension de notre sujet.

Comme le pressent Jean-Claude Daumas , « raconter l’histoire de la consommation c’est raconter l’histoire des révolutions matérielles qui se sont opérées sous l’influence des innovations techniques, commerciales, des avancées sociales et des nouvelles mœurs ». L’histoire de la consommation est donc le strict reflet de l’évolution de la signification que revêt le fait de posséder des biens pour les individus dans une société donnée.

En France, depuis le milieu du XIXe siècle, qui correspond à l’avènement du capitalisme industriel et au début de la consommation de masse, la transformation de la consommation s’opère non seulement au rythme de l’évolution des mœurs mais aussi dans le sens des innovations techniques et commerciales qui vont créer des besoins (d’autant plus stimulés par les acteurs du marché depuis les années 70 que la consommation ralentit ) .

Début 2020, avant la crise sanitaire du Coronavirus, les sociétés panélistes spécialisées dans l’analyse de données comme Kantar, Nielsen ou IRI enregistraient une tendance à la baisse de la grande consommation. « En quatre ans, les volumes des produits de grande consommation auront baissé en grandes surfaces alimentaires de 2% tandis que la population française continue légèrement de croître (+ 0, 6%) ». La baisse des volumes d’achat était de 0,8 % en 2018 et a continué en 2019 pour atteindre à 1,4 % . Certes, ces résultats peuvent être justifiés par un contexte économique de baisse de pouvoir d’achat et à l’inflation sur l’alimentation causée par la loi EGAlim (n°2018-938 du 30 octobre 2018) qui a remonté de 10% le seuil de revente à perte. Dès 2019, cette baisse en volume du marché de l’alimentaire touche aussi les autres secteurs comme le maquillage avec moins 5%, les alcools moins 6,4%, la viande moins 4%, les surgelés moins 3,3%, ou l’hygiène pour bébé moins 7,5% (étude Kantar sur les comportements d’achat des citoyens français en termes de volume et d’intentions).

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Table des matières

I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION  
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME

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