Entre anxiété et sécurité affective en ehpad, la place du psychomotricien

La psychomotricité

   La psychomotricienne est présente à temps plein depuis octobre 2021, pour répondre à différents objectifs. Tout d’abord l’évaluation du résident : elle passe par un bilan psychomoteur systématique dans le mois suivant l’entrée du résident dans l’établissement. L’arrivée dans l’établissement demande un temps d’adaptation au résident, ainsi les rencontres et l’observation et situation écologique sont privilégiées dans cette phase-là, puis si le résident y consent, des épreuves psychomotrices sont proposées. Le bilan est imposé par la structure, il reprend des items de différents bilans psychomoteurs : l’imitation des positions ou de gestes, les pantomimes, les reproductions de structures de rythmes, le dessin du bonhomme, les somatognosies, l’évaluation de l’équilibre statique et dynamique, mémorisation des 3 trois objets, … Ainsi les résultats ne peuvent pas être cotés mais permettent d’avoir un minimum d’information sur l’organisation psychomotrice du patient et aide ainsi la psychomotricienne à élaborer son projet thérapeutique. Les séances sont individuelles ou groupales ; il n’y a pas de salle dédiée à la psychomotricité. Ainsi la psychomotricienne travaille directement dans la chambre du résident ou dans la salle de restaurant pour l’entretien de la marche et l’expressivité corporelle en groupes ouverts. L’espace étant un lieu de passage, il arrive fréquemment que les résidents rejoignent le groupe en cours. La linéarité des propositions et la dynamique de groupe sont alors impactées. La professionnelle a également pour mission de collaborer avec l’équipe soignante et paramédicale, notamment en participant aux différentes réunions, et en communiquant sur ses observations. De plus, elle est amenée à prendre part aux toilettes ou aux repas pour évaluer les besoins des patients et apporter son regard spécifique aux soignants.

Première rencontre avec Madame Yorn

   Je rencontre Madame Yorn pour la première fois par hasard. Ses cris viennent briser le silence de son étage. Je m’inquiète et traverse son étage pour trouver l’origine de ces hurlements. Je me retrouve devant sa chambre. Je frappe à sa porte pour lui venir en aide, elle tourne la tête vers moi puis me laisse entrer. J’attends d’avoir fait quelques pas avant de me présenter. J’observe une dame allongée dans son lit. Elle est de taille moyenne et de corpulence assez forte, elle est blonde aux yeux bleus. Elle m’explique avoir glissé, elle ne se sent pas correctement installée. Je l’aide à se repositionner. Lors de ce premier contact, je la sens très hypertonique. Une fois plus à l’aise, elle se remet à agripper la barrière de son lit. Elle me demande de manière assez autoritaire de lui apporter une serviette car en goûtant elle s’est tachée et cela « fait sale ». Je remarque donc que Madame Yorn fait attention à sa présentation. Une fois ses demandes réalisées, elle s’adoucit à mon égard. Elle est ravie de ma présence. Son élocution est fluide et sa voix est douce, à l’inverse de ses cris : forts et graves. Je lui tends la main pour échanger avec elle. Elle s’en saisit en lâchant la barrière. Ma présence lui permet de se détacher de l’environnement matériel. Elle me semble plus rassurée. Au départ très tonique, elle finit par se relâcher partiellement. Madame Yorn a de bonnes capacités de communication et d’échange, nous faisons connaissance pendant une quinzaine de minutes avant de nous quitter. Ma maître de stage m’apprend par la suite que Madame Yorn est une résidente qui crie très régulièrement, mais personne n’en connaît la raison exacte. Ses cris peuvent engendrer des plaintes des résidents voisins et des soignants. Après réflexion, lorsque j’ai entendu ses cris pour la première fois, j’ai ressenti à l’intérieur de moi un sentiment insoutenable, un cri d’appel à l’aide, non écouté, cela m’était insupportable. Je m’attendais au pire en me dirigeant vers les cris. J’ai donc été surprise de rencontrer une femme allongée dans son lit sans danger apparent. La résidente laissait paraître une situation bien différente à ce qu’elle vivait psychiquement. En tant que professionnels dans un lieu de vie, nous sommes garants de la sécurité et de la qualité de vie proposée à chaque résident. Ma première pensée a été de vouloir l’aider. Je pensais que faire cesser ses cris était la solution, toutefois après réflexion cela m’a semblé réducteur, et représentait un travail de forme et non de fond. Ses cris sans réponse ont ainsi soulevé chez moi un ensemble de questions : quel sens ont ses cris ? quelles en sont les différentes significations ? quel est le contexte d’apparition et de maintien des cris ? quand crie-t-elle ? quand est ce qu’elle ne crie pas ? Comment ses cris sont-ils perçus par elle-même et par l’entourage familial et soignant ? Pour tenter de répondre à toutes ces questions, intéressons-nous en premier lieu à resituer Madame Yorn dans son histoire de vie.

L’apport de la psychomotricité

   Les séances de psychomotricité semblent apporter une enveloppe contenante et sécurisante, les verbalisations de Monsieur Leu en témoignent. Ainsi il se sent soutenu et peut venir déposer ses angoisses, son sentiment de tristesse et de solitude. Au fil des séances monsieur me reconnait vaguement, il sait qu’on se connaissait, mais ne peut plus dire pourquoi. Avec le temps, il souhaite être tutoyé et appelé  par son prénom. Cette demande, rare de sa part, marque un attachement plus important à mon égard. Toutefois j’ai refusé sa demande pour conserver le cadre thérapeutique mis en place, et par respect du protocole de l’EHPAD. La modification de ce lien marque son attachement affectif, à insuffler dans notre relation thérapeutique. A partir de ce moment, Monsieur Leu rencontre des difficultés à accepter la fin de la séance. En effet je le préviens en amont de mon départ, et lui rappelle l’heure du repas imminent. Je lui réexplique le cadre de la séance, et la date de notre prochaine séance. Mais monsieur me dit alors « non, restez, je vais mourir ». Il manifeste à ce moment-là une angoisse de séparation. Les deux situations cliniques exposées me renvoient à la manière dont le vieillissement et ses différentes pertes sont venues impacter le sentiment de sécurité interne de ces deux personnes, créant ainsi un besoin de dépendance affective à l’égard de l’environnement. Je vais donc dans cette seconde partie, aborder ces notions d’attachement, en lien avec le sentiment d’enveloppe corporelle sur lequel nous pouvons agir en tant que psychomotricien.

La mort et l’angoisse de mort

   La mort est la dernière étape de la vie, elle nous met face à l’impuissance. Il est impossible de lui échapper. Elle est un événement très solitaire, toutefois certaines personnes souhaitent être entourées pour l’affronter. Ils recherchent ainsi des liens forts, comme ceux partagés avec leur figure d’attachement maternelle. De plus, le sentiment de vulnérabilité grandit et peut entraîner des angoisses de mort de plus en plus importantes. Il s’agit d’une « angoisse à propos de la mort, autant qu’une angoisse vis-à-vis du mourir » (Derrien et al., 2022, p.60). Face à un tabou majeur concernant la mort, chacun se raccroche à ses propres croyances. Un attachement symbolique aux figures de la religion peut émerger plus fortement et permettre de diminuer les angoisses face à la mort, en croyant à la vie après la mort. Face à une situation angoissante, comme la mort, le sujet met en place des stratégies pour s’apaiser et notamment s’assurer une contenance efficace à travers des plaisirs. Chez la personne âgée dépendante, les stratégies de réassurance sont limitées, ainsi le besoin de contenance augmente.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE CLINIQUE 
1 L’EHPAD, présentation d’un lieu de rencontres 
1.1 Organisation de l’institution
1.2 La psychomotricité
1.3 Ma place de stagiaire
2 Un cri parmi tant d’autres, la rencontre de Madame Yorn 
2.1 Première rencontre avec Madame Yorn
2.2 Anamnèse
2.3 Antécédents médicaux
2.4 Le cri
2.5 Les premières rencontres
2.6 L’enveloppe de Madame Yorn et ses représentations corporelles
2.7 Bilan psychomoteur
2.7.1 Tonus
2.7.2 Sensorialité
2.7.3 Motricité
2.7.4 Représentations corporelles et relation
2.7.5 Notions temporo-spatiales
2.7.6 Fonctions cognitives
2.8 Le cadre thérapeutique
3 L’appel de Monsieur Leu 
3.1 Première rencontre
3.2 Anamnèse
3.3 Antécédents médicaux
3.4 Bilan psychomoteur
3.5 Le déroulement des séances
3.6 L’apport de la psychomotricité
PARTIE THÉORIQUE 
1 Le vieillissement et ses conséquences sur les représentations corporelles et la sécurité affective 
1.1 L’impact de la société sur le vieillissement
1.2 Définition et répercussions du vieillissement
1.2.1 Le vieillissement normal
a Modifications corporelles
b Fonctions psychomotrices
1.2.2 La dépendance chez la personne âgée
1.2.3 La chute et ses conséquences sur les liens d’attachement
1.2.4 L’anxiété
1.3 Les deuils de la vie
1.4 La mort et l’angoisse de mort
1.5 Un besoin de contenance et de réassurance face à une enveloppe fragile
1.5.1 Moi-Peau et toucher thérapeutique
1.5.2 Le toucher thérapeutique avec Madame Yorn
2 Le besoin d’attachement 
2.1 La théorie de l’attachement chez l’enfant
2.1.1 L’origine de la théorie de l’attachement
2.1.2 Angoisse de séparation
2.1.3 Caregiving et caregiver
2.2 L’attachement chez la personne âgée
2.3 La psychomotricienne comme figure d’attachement
2.3.1 Les limites de la famille
2.3.2 La posture de soignante incarnée par la psychomotricienne
2.3.3 La spécificité de la psychomotricienne, apport d’une contenance à travers le toucher
2.4 L’attachement chez la psychomotricienne
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
GLOSSAIRE

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