ENTÉROBACTÉRIES MULTI–RÉSISTANTES
Acinetobacter spp
Le genre Acinetobacter a subi des modifications taxonomiques significatives depuis ces dix dernières années et comprend actuellement 41 espèces distinctes avec des noms publiés et validés (Tableau I). Ce genre appartient à l’ordre des Gammaproteobacteria et à la famille des Moraxellaceae. L’espèce la plus représentative est A. baumannii, un pathogène opportuniste appartenant au complexe « Acinetobacter calcoaceticus – Acinetobacter baumannii » (Acb). Ce complexe contient deux autres espèces cliniquement pertinentes, A. nosocomialis et A. pittii, ainsi que A. calcoaceticus, une espèce environnementale.
Les Acinetobacter sont des bactéries Gram négatif ubiquitaires, aérobies strictes, non exigeantes, non mobiles, ne fermentant pas les sucres, à catalase positive et à réaction d’oxidase négative. Le genre Acinetobacter possède un contenu en ADN G+C compris entre 39% et 47%. Les membres du genre présentent essentiellement une morphologie coccobacillaire lorsque l’observation est faite à partir de colonies présentes sur gélose. Cependant, en milieu liquide, la forme bacillaire est la plus fréquemment observée, en particulier dans les premières phases de croissance. Ainsi, la morphologie des Acinetobacter spp. peut être assez variable dans les échantillons cliniques.
Les tests phénotypiques utilisés dans les laboratoires de diagnostic (Vitek®2, galeries API) ne sont pas capables d’identifier avec certitude au rang d’espèce les bactéries appartenant au genre Acinetobacter. Cette observation est particulièrement vérifiée lors de l’identification des espèces appartenant au complexe Acb. Récemment, la spectrométrie de masse matrix assisted-laser desorption/ionisation time-of-flight (MALDI-TOF MS) a été établie avec succès pour l’identification rapide des bactéries dans les laboratoires de microbiologie clinique. Cette technique est basée sur la détermination exacte de la masse de petites protéines par mesure du ratio masse/charge des analytes. Les résultats sont affichés sous la forme d’un spectre de masse qui est caractéristique de chaque espèce. Cependant, en-dehors du fait que l’identification a été améliorée pour beaucoup d’espèces bactériennes à l’aide du MALDI-TOF MS, des erreurs persistent avec cette technique, et notamment lorsqu’il s’agit d’identifier les Acinetobacter.
Ainsi, les outils de biologie moléculaire sont de loin le meilleur moyen de dépasser les limites que présentent les identifications phénotypiques à déterminer les espèces d’Acinetobacter. Concernant l’identification d’A. baumannii, une des méthodes de référence est la détection du gène blaoxa-51-like par PCR temps réel (Turton et al., 2006). Ce gène code pour une oxacillinase qui est chromosomique, intrinsèque et spécifique à l’espèce A. baumannii. Pour identifier les autres espèces du genre Acinetobacter, la méthode la plus efficace est le séquençage partiel du gène rpoB, développé par Gundi et al. (Gundi et al., 2009). Le séquençage s’intéresse plus précisément à une zone hypervariable de 350 pb au sein du gène rpoB.
Infections hospitalières à A. baumannii
A. baumannii est l’espèce la plus représentative du genre Acinetobacter, même si de plus en plus d’études relatent la présence d’A. pittii et d’A. nosocomialis dans les infections chez l’homme. Bien que dans les années 60 A. baumannii ait été considéré comme faiblement pathogène et était ignoré quand il était isolé de prélèvements cliniques, il est devenu l’un des pathogènes les plus importants, particulièrement dans les unités de soins intensifs (USI). A. baumannii est responsable de pneumopathies acquises sous ventilation mécanique (PAVM), de bactériémies, d’infections de plaies ou encore de méningites (Joly-Guillou, 2005). Les patients infectés présentent dans la majorité des cas des facteurs de prédisposition tels que la présence d’un dispositif invasif, une augmentation du temps d’hospitalisation, un séjour en USI, une antibiothérapie à large spectre ou encore une immunosuppression (Fournier, Richet et Weinstein, 2006).
A. baumannii a été mis sur le devant de la scène en février 2010, lorsque le New York Times rapportait que « Acinetobacter baumannii … d’après quelques estimations est déjà en train de tuer des dizaines de milliers de patients hospitalisés chaque année. » Cette espèce bactérienne est le septième germe le plus communément isolé de patients lourdement malades (Beggs et al., 2006). Elle est également reconnue comme l’un des pathogènes les plus menaçants d’après la Société Américaine des Maladies Infectieuses, avec une mortalité dans les PAVM pouvant atteindre les 75% (Fournier, Richet et Weinstein, 2006).
L’un des principaux intérêts portés à A. baumannii est sa remarquable capacité à acquérir et accumuler des gènes de résistance aux antibiotiques. Alors qu’encore récemment, les carbapénèmes étaient considérées comme le traitement de référence pour les souches résistantes aux céphalosporines de troisième génération (C3G), des souches résistantes à ces antibiotiques ont émergé à travers le monde, certaines devenant même résistantes à tous les antibiotiques conventionnels. La première souche résistante à tous ces antibiotiques communément utilisés a été isolée en 2002 à Taïwan (Hsueh et al., 2002) et depuis, des souches restant uniquement sensibles à la colistine se sont répandues au sein des hôpitaux.
Finalement, une importante caractéristique d’A. baumannii est sa capacité à facilement disséminer dans l’environnement hospitalier. Cette bactérie est capable de survivre pendant de longues périodes dans un service hospitalier. Ainsi, lors d’épidémies, l’environnement des patients peut être aisément contaminé. La transmission de patient à patient se fait le plus souvent par manuportage, via le personnel soignant.
Infections communautaires à A. baumannii
Depuis une quinzaine d’années, une augmentation de la fréquence des infections communautaires à A. baumannii a été observée. Ces infections sont principalement des pneumonies et des infections de la peau et des tissus mous. La majorité des cas sont décrits en Asie du Sud Est et en Océanie. Une saisonnalité des infections a été observée, avec une augmentation des cas pendant les saisons chaudes et humides (Chen et al., 2001).
Concernant les pneumonies communautaires à A. baumannii, des facteurs de risque ont été décrits tels qu’une obstruction chronique des poumons ou un alcoolisme chronique. La pneumonie est caractérisée par une évolution fulminante, débutant sévèrement par une dyspnée, une toux et de la fièvre qui progressent rapidement vers une insuffisance respiratoire puis un choc. Malheureusement, le taux de mortalité semble supérieur à la mortalité globale (24%) et s’explique par un délai notable avant d’instaurer une antibiothérapie efficace (Leung et al., 2006).
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Table des matières
LISTE DES ABREVIATIONS
TABLE DES ILLUSTRATIONS
TABLE DES TABLEAUX
INTRODUCTION
ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
1.ACINETOBACTER SPP.
1.1. Le genre Acinetobacter : caractéristiques et identification
1.2. Epidémiologie d’A. baumannii
1.2.1. Infections hospitalières à A. baumannii
1.2.2. Infections communautaires à A. baumannii
1.3. Réservoir extra-hospitalier d’A. baumannii
1.3.1. Portage humain
1.3.2. Réservoir environnemental
1.3.3. Réservoir animal
1.4. A. baumannii et résistance aux antibiotiques
1.5. Typage épidémiologique d’A. baumannii
2.ENTÉROBACTÉRIES MULTI–RÉSISTANTES
2.1. La famille des entérobactéries : caractéristiques et classification
2.2. Entérobactéries multi-résistantes et résistance aux β-lactamines
2.3. Epidémiologie des entérobactéries productrices de BLSE
2.3.1. Infections hospitalières
2.3.2. Infections communautaires
2.4. Réservoir extra-hospitalier des entérobactéries productrices de BLSE
2.4.1. Portage humain
2.4.2. Réservoir environnemental
2.4.3. Réservoir animal
a) Entérobactéries et production animale
b) Entérobactéries et chaîne alimentaire
c) Entérobactéries et animaux domestiques
3.MATERIEL ET METHODES
COLLECTE DES PRÉLÈVEMENTS
TRAITEMENT DES ÉCOUVILLONS ET ENSEMENCEMENT DES PRÉLÈVEMENTS
IDENTIFICATION BACTÉRIENNE
1. Identification par spectrométrie de masse MALDI-TOF
2. Identification par séquençage du gène rpoB pour les souches identifiées comme Acinetobacter par MALDI-TOF MS
3. Etude de la sensibilité des souches aux antibiotiques
3.1. Cas d’A. baumannii et des autres Acinetobacter
3.2. Cas des entérobactéries productrices de BLSE
4.ETUDE ÉPIDÉMIOLOGIQUE DES SOUCHES D‘A. BAUMANNII
1. Typage par Multilocus Sequence Typing selon le schéma de l’Institut Pasteur (MLSTP)
2. Typage par électrophorèse en champ pulsé (PFGE)
RESULTATS
PRÉLÈVEMENTS DES ANIMAUX
RECHERCHE D’ACINETOBACTER
1. Caractéristiques des animaux porteurs d’A. baumannii
2. Sensibilité aux antibiotiques des A. baumannii
3. Typage des souches d’A. baumannii
4. Caractéristiques des animaux porteurs d’Acinetobacter spp.
5. Sensibilité aux antibiotiques des souches d’Acinetobacter autres qu’A. baumannii
ENTÉROBACTÉRIES MULTI–RÉSISTANTES
DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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