Continuité pédagogique
Le terme de continuité pédagogique est maintenant associé à la pandémie de Covid-19 au printemps 2020 et à la transformation nécessaire de l’enseignement dans ce contexte. Cette expression désigne l’ensemble des moyens techniques et humains destinés à assurer une cohérence des enseignements-apprentissages malgré l’interruption des cours en présentiel. Mais ce serait une erreur de ne voir derrière ce terme qu’une continuité présentiel-distanciel de l’enseignement et il convient d’aborder la question de la continuité pédagogique de façon plus globale. En effet, cette nécessite d’assurer une cohérence d’enseignement concerne aussi l’enseignement entre les niveaux et les années mais se heurte à de nombreuses contraintes. Ainsi, il s’avère très complexe pour un enseignant de deuxième année de mettre en place un cadre d’apprentissage efficient pour tous les apprenants si ceux-ci n’ont pas acquis les mêmes notions et habitudes de travail en première année.
Vu les effectifs des groupes en A1, l’hétérogénéité des étudiants et une certaine variété du profil des enseignants, il parait difficile d’assurer une continuité pédagogique, et ce même avec un manuel.
Les enseignants bénéficient évidemment d’une liberté pédagogique par rapport aux matériaux complémentaires, mais comme il n’existe pas de répertoire commun de ressources leur permettant de trouver ces matériaux, l’absence de cohérence au-delà du manuel rend la continuité de l’apprentissage difficile à assurer pour les enseignants et à suivre pour les apprenants. Cette absence de répertoire collectif de ressources nuit également à une différenciation pédagogique de qualité : ne sachant pas vers quelles ressources se tourner, les apprenants se saisissent de ce qu’ils trouvent par eux-mêmes mais qui ne répond pas toujours à leurs besoins. Cette hétérogénéité des supports complémentaires rend aussi difficile l’analyse des acquis par l’enseignant de deuxième année et l’adaptation du programme pédagogique pour tenir compte des besoins réels.
Réalité pré-confinement : décisions et propositions
La nécessité de concevoir des matériaux pédagogiques venant compléter le manuel « Ruslan Russe » est une réalité depuis un certain temps, mais c’est lors de la réunion en date du 3 mars 2020, peu avant le confinement, que cette initiative a été discutée en détail par les enseignants du Service des langues. En effet, plusieurs d’entre eux ont souligné la nécessité d’un tel élément distanciel, en complément du parcours en présentiel. Ils ont précisé que les ressources en ligne sur le site officiel du manuel ne sont pas suffisantes pour satisfaire les besoins des apprenants.
Il a donc été décidé de concevoir des activités sur la plateforme pédagogique Moodle. Cette plateforme s’est déjà montrée efficace lors de la conception des parcours en plusieurs langues, y compris le russe où deux parcours en ligne (entièrement à distance) ont été finalisés en 2019 : « Le russe en chansons » et « Vivre et étudier en Russie ». Le parcours « Vivre et étudier en Russie » est actuellement en place et a servi à ses premiers étudiants à Valence, au cours de l’année 2019/2020. La solution technique est donc fiable et a été testée préalablement. En ce qui concerne les modalités de la formation, l’idée d’une formation hybride a été avancée comme l’une des solutions possibles. La question posée était : quels sont les apports potentiels d’une formation hybride à un cours d’enseignement du russe en A1 ?
Un parcours articulant des séances en présentiel et en distanciel est apparu comme une solution qui permettrait à la fois d’enrichir le programme en proposant des contenus, et en même temps de favoriser la mémorisation et la réutilisation des éléments langagiers. Cette solution serait également efficace pour viser à favoriser l’autonomie de l’apprenant et la gestion de son temps, car le calendrier de 2h par semaine serait insuffisant pour pratiquer et réviser les sujets déjà acquis tout en proposant des nouveaux défis aux apprenants.
Une idée de recherche associée à ce type de parcours nous a alors parue intéressante, car l’analyse des apports et des défis potentiels de la conception d’une pareille formation est nécessaire pour la concevoir de manière logique et efficace.
Réalité post-confinement : coopération et solutions
La période du confinement représentait un défi majeur pour l’organisation de la formation. Il s’agissait d’assurer la continuité pédagogique en passant d’une formation entièrement en présentiel à une formation entièrement à distance.
Cette transition a été assurée grâce aux solutions suivantes :
– Création d’un espace en ligne dédié aux cours à distance créés spécifiquement pour la durée du confinement ;
– Élaboration d’un planning des cours, scénarisation pédagogique ;
– Formation rapide des enseignants à la plateforme Moodle ;
– Travail collaboratif entre enseignants pour l’ajout de contenus.
Selon les réponses qu’ont données les étudiants concernés à un questionnaire de satisfaction distribué à la fin du semestre dont nous parlerons plus en détails dans la partie 3 (cf. Annexes 4-7), les différents éléments mis en place ont permis une continuité pédagogique tout à fait satisfaisante. La poursuite des cours malgré le confinement a été appréciée par les apprenants. Dans l’enquête conduite auprès des étudiants certains ont fait état de leur satisfaction quant à la cohérence de la transition entre présentiel et distanciel : « De tout mes cours à l’UGA, celui-ci est le plus organisé et clair de tous au niveau du travaille a distance (sic) » (cf. Annexe 5).
Notons que ce travail a été possible grâce à des efforts considérables et à la coopération étroite entre les enseignants et les ingénieurs pédagogiques du Service des langues ainsi qu’au sein de l’équipe enseignante de russe. Avec l’encadrement de la responsable des langues, toutes et tous ont fait preuve de capacités organisationnelles, de coopération et de flexibilité dans cette situation hors du commun.
Cette expérience a permis, par ailleurs, la prise en main de la plateforme par les enseignants vacataires, ce qui pourra renforcer des pratiques professionnelles communes, y compris le travail en mode distanciel à l’avenir. De plus, elle a également contribué à la conception d’activités sur la plateforme par les différents enseignants. Ces derniers se sont prononcés au sujet de leurs besoins et ont demandé à des ingénieurs, et à leurs collègues qui s’occupaient de la conception, de mettre en place tel ou tel type d’activités. Enfin, les étudiants ont aussi testé certaines activités sur la plateforme et se sont rendu compte de leur efficacité ou de leur inefficacité. Ils les ont évalués à l’aide d’un questionnaire et ont fait savoir si ces activités répondaient ou non à leurs besoins (cf. Annexe 7). Cette période ainsi que ces retours ont révélé la nécessité de produire des contenus riches et variés.
En ce qui concerne l’année à venir, 2020/2021, la solution d’un cours hybride est envisagée dans le contexte de la situation sanitaire actuelle. La division d’un groupe en deux sous-groupes qui se suivraient pour une heure en présentiel, puis passeraient la deuxième heure à distance, paraît l’une des solutions probables pour organiser l’enseignement à la rentrée.
La problématique de recherche liée à ces éléments contextuels
Les questionnements dans le contexte de l’enseignement du russe au Service des langues, à fortiori au niveau A1, tournent autour de deux éléments principaux.
Le premier est l’organisation d’une formation hybride qui inclut un manuel comme élément intégrant du programme. Ce qui était au départ une donnée contextuelle s’est transformé en questionnement de recherche : il s’agit de savoir comment organiser un cours hybride intégrant un manuel.
En espérant trouver la réponse à cette question, nous allons, tout d’abord, analyser ledit manuel, en examiner les particularités et étudier comment améliorer son adaptation à notre contexte LANSAD. Par la suite, nous nous interrogerons sur les différents éléments d’une formation hybride. Enfin, nous vérifierons comment le manuel pourra s’inscrire dans cette formation.
D’autres questions, posées de manière large, seraient les suivantes : il s’avère donc nécessaire de proposer des activités en complément du manuel, mais de quels types d’activités pourrait-il s’agir ? Comment concevoir des activités qui seraient efficaces et permettraient aux étudiants de progresser, tout en évitant le piège de la répétition par rapport au manuel et en s’inscrivant parfaitement dans le cadre d’un cours hybride ?
Répondre à cette question large demanderait une analyse profonde des besoins des apprenants, ainsi que des recherches préalables dans tous les aspects de la langue. Vu le cadre de la présente recherche, et suite aux souhaits des étudiants et des enseignants (cf. Annexe 6), nous avons opté plus spécifiquement pour un aspect de la langue en particulier et avons choisi de nous concentrer sur un élément concret : dans le présent mémoire, nous mettrons l’accent sur la question du travail du vocabulaire. En effet, les étudiants ont mis en lumière leur nécessité de mémoriser et de pratiquer le vocabulaire présenté en classe, et des enseignants ont demandé à avoir une présentation cohérente et structurée des unités lexicales traitées dans le manuel.
La recherche impliquera, tout à la fois, les questions du choix de vocabulaire enseigné, les types d’exercices à proposer en général, et les bénéfices potentiels d’une formation hybride pour l’apprentissage du vocabulaire en comparaison avec une formation en présentiel. Pour traiter cette problématique, il est prévu de conduire des tests des activités pour les étudiants du niveau A1 pendant l’année universitaire 2020/2021 et donc après la rédaction du présent mémoire.
Afin de s’assurer de la validité de nos réponses, et de pouvoir modifier le parcours conçu, des étapes futures seront nécessaires. Il nous faudra tester l’ensemble de la formation hybride, l’évaluer et y apporter les modifications utiles. Il sera également nécessaire d’effectuer une étude au sujet d’autres éléments qui posent souci dans le manuel et que les enseignants et les apprenants ont signalé, notamment la phonétique et la compétence grammaticale.
Ce travail sera possible lors de l’année 2020/2021. La recherche sera donc poursuivie en dehors du cadre du Master, dans le cadre de notre occupation professionnelle.
Pourquoi se focaliser sur le lexique ?
Si le lexique est un objet récurrent d’étude en sciences du langage, la littérature concernant la didactique de cette composante linguistique serait, selon certains chercheurs, moins importante. Ainsi, Paul Méara considère que les recherches sur l’acquisition du vocabulaire peuvent paraître « athéoriques et asystématiques » (Méara, 1980). Selon Grossmann et Calaque, le vocabulaire, dans le processus d’apprentissage, reste souvent à la charge de l’apprenant ; cela est particulièrement valable en ce qui concerne la langue de spécialité qui comporte des vocables propres au domaine de spécialité des apprenants mais avec lesquels les enseignants ne sont pas familiers. (Grossmann & Calaque, 2000).
Selon Alex Boulton, le lexique dans les langues de spécialité est souvent considéré comme « ‘inenseignable’, voire comme un amalgame confus d’éléments disparates, et inaccessible à la mise en évidence de régularités ». Parfois il est même perçu « comme une véritable barrière à l’apprentissage de la grammaire, des notions, des fonctions, de la communication » (Boulton, 1998 : 80).
Cependant, l’acquisition du vocabulaire est reconnue par plusieurs linguistes comme indispensable pour acquérir une compétence communicative. Selon Wilkins, « sans la grammaire très peu peut être exprimé, sans le vocabulaire rien ne peut être exprimé » (Wilkins, 1972 : 111). En effet, tous les enseignants ne se sont pas encore rendus compte « de l’avantage énorme que procure le développement du vocabulaire étendu » (Thornbury, 2002 : 13).
L’acquisition du lexique est particulièrement importante au début de l’apprentissage d’une langue étrangère, car les premières étapes du processus sont caractérisées par « la difficulté liée à la production du sens » dans une langue (Lewis, 1999 : 24). La réception du lexique est l’activité la plus importante pour les premières étapes de l’apprentissage, les étudiants étant exposés à une pluralité de mots nouveaux et donc faisant face à la nécessité de les comprendre. Malgré ce constat évident de la valeur du travail sur le vocabulaire, son enseignement devrait être davantage valorisé. Lewis dit du lexique, qu’il est « comme Cendrillon » au sein des méthodologies (ibidem) : un potentiel d’apprentissage négligé. Lui et Krashen, sont persuadés que les apprenants acquièrent d’autres compétences, y compris la grammaire, grâce à la compréhension préalable du sens des unités lexicales.
Lexique et vocabulaire
Les termes « lexique » et « vocabulaire »
Pour expliciter davantage l’objet de recherche, il est important d’évoquer certaines notions clés de notre réflexion. Tout d’abord, lorsque nous parlons du lexique, à quoi nous referons-nous ? Quelle est la différence entre le lexique et le vocabulaire ? Ces deux termes sont parfois considérés comme synonymes, ce qui pourrait entrainer une confusion (Petit, 2000). Toutefois, le dictionnaire de didactique des langues (Galisson, Coste, 1976), distingue ces deux termes et explique leur différence de la façon suivante :
« Le lexique est l’ensemble indéterminé des éléments signifiants d’une langue, constitué d’unités virtuelles, que l’on appelle les lexèmes ». En revanche, « le vocabulaire est l’ensemble de mots employés effectivement par une personne ou par un groupe (le vocabulaire d’un texte, d’un ouvrage, d’un auteur) » (Galisson, Coste, 1976, cité par Rodrigues).
Le lexique correspond donc à la totalité des mots de la langue alors que le vocabulaire est une « portion » de lexique employé dans une oeuvre ou par un auteur (Picoche, 1993). Cela signifie que le vocabulaire d’une langue est un sous-ensemble du lexique de cette langue (Tréville & Duquette, 1996). Nous pourrions ajouter que « du point de vue linguistique, le vocabulaire renvoie au discours, alors que le lexique renvoie à la langue » (Cuq, 2003 : 246). Les lexèmes, dont le lexique est formé, s’actualisent en tant que mots (ou vocables) et construisent le vocabulaire (Treville & Duquette, 1996). Nous pouvons ainsi parler d’une construction du vocabulaire lors de l’apprentissage du lexique. Legrand remarque que le terme « lexique », auparavant peu utilisé par rapport à celui de « vocabulaire », est maintenant de plus en plus employé dans le contexte officiel (Legrand, 2004, cité par Calaque, 2000).
Qu’est-ce qu’un mot ?
Selon le Dictionnaire de didactique du français, le terme « mot » désigne « une unité signifiante, constituée dans sa forme orale d’un ou plusieurs phonèmes, et dont la transcription écrite est constituée d’une séquence de signes comprise entre deux blancs graphiques » (Cuq, 2003 : 170).
Treville & Duquette distinguent deux types de mots : les mots lexicaux (appelés lexies, mots pleins, ou mots sémantiques, c’est-à-dire les noms, verbes, adjectifs, adverbes en –ment) et mots grammaticaux (appelés également mots outils ou mots fonctions, c’est-à-dire les déterminants, prépositions, auxiliaires, et certains adverbes) (Treville & Duquette, 1996).
Par contre, nous pouvons observer certains cas où le concept (le signifié) se compose d’un seul élément, tandis que le signifiant se compose lui de plusieurs mots. Par exemple, une « brosse à dents » / « зубная щётка » contient plusieurs mots. Cela peut être le cas des expressions figées ou des morphèmes comportant des informations lexicales. Pour éviter la confusion, le terme d’Unité Lexicale (UL) est alors utilisé. L’unité lexicale « est un phénomène du comportement linguistique, c’est l’expression d’une représentation psychologique. Les unités sont représentées dans l’esprit sous forme d’entrées lexicales, ce terme employé par analogie avec une entrée de dictionnaire » (Boulton, 1998 : 81).
Dans la didactique des langues, il est important de prendre en considération le fait qu’une UL comporte plusieurs informations qui peuvent être utiles pour la mémorisation ou « l’activation » (Boulton 1998, Carras, 2018) d’un mot.
Prenons le même exemple, le mot ДОМ et analysons les informations liées à cette UL.
▪ Les informations phonologiques : [dom] ;
▪ Les informations graphiques : дом, дом ;
▪ Les informations morphologiques : un mot simple ;
▪ Les informations étymologiques : mot avec racine indo-européenne ;
▪ Les informations grammaticales : substantif masculin singulier, déclinaison 2 ;
▪ Les informations sémantiques : désigne un habitat ;
▪ Les informations situationnelles : dépend du contexte ;
▪ Les informations de traduction : peut être traduit comme maison ou immeuble ou chez soi.
Apprentissage et acquisition et du lexique
Qu’est-ce qu’apprendre et acquérir ?
Les termes « apprentissage » et « acquisition » renvoient tous les deux à l’appropriation d’une langue (Cuq, 2003 : 25). D’abord intervient l’apprentissage, qui met l’accent sur le processus lors duquel l’apprenant retient les informations liées à telle ou telle UL (dont nous avons donné l’exemple ci-dessus). Puis, le mot « acquisition » relève de la maîtrise des connaissances liées au vocabulaire que l’apprenant a déjà mémorisé.
« Les éléments constitutifs de l’acquisition en tant que résultat, c’est-à-dire, les informations que l’apprenant a comprises, mémorisées, et qu’il est capable de réemployer seront appelées les éléments « acquis ». Les mots transformés en connaissance de l’apprenant sont donc appelés les mots acquis » (Rodrigues, 2005 : 19, cf. Figure 6).
Méthodes d’enseignement du lexique avant l’approche communicative
Plusieurs méthodes d’enseignement du lexique se sont succédé les unes après les autres. À l’époque de la méthode traditionnelle, appelée aussi méthode de grammaire-traduction, le vocabulaire était tiré des textes littéraires, l’apprentissage s’effectuait en langue maternelle et les unités lexicales étaient « présentées sous forme de listes de mots hors contexte » (Le, 2013 : 68).
Deux nouvelles méthodes apparaissent ensuite : la méthode naturelle et la méthode directe, qui refusent la traduction et invitent à penser directement dans la langue étudiée. Dans le débat « fond vs forme » ou « fluency vs accuracy » (Lewis, 1993), les partisans de la méthode directe mettent en avant le sens et non la forme de l’énoncé. Cette méthode implique un grand nombre d’unités à enseigner, une « inflation véritablement effrénée du vocabulaire : toute leçon sur la cuisine, par exemple, inclut inévitablement le catalogue presque complet de la batterie de ses ustensiles » (Puren, 1988 : 195). L’unité didactique est désormais assurée par l’unicité du vocabulaire thématique, auquel sont empruntés les titres des leçons, comme dans l’exemple suivant, tiré d’un manuel des années 1900 : « 1ère leçon : la salle de classe, 2e leçon : la cour, 3e leçon : la maison ». Le principe du choix du vocabulaire relève en premier lieu de l’intuition directe (les objets autour de nous) puis aborde l’intuition indirecte (d’abord à l’intérieur du monde physique, puis en passant au monde de la société) et finalement l’intuition mentale (les idées). Cette progression a été d’ailleurs conservée jusqu’à nos jours, d’après Carras « tout a été retenu en supprimant toutefois l’intransigeance sur la traduction » (Carras, 2018 : 46).
Les années 1940 voient l’apparition d’une méthode dite audio-orale. Elle s’appuie sur les apprentissages des « drills » et choisit de suivre le « modèle de Skinner », inventeur de la technique éducative dite de l’enseignement programmé, basée sur le stimulus-réponse. Au coeur de cette méthode, le lexique, le sens et le métalangage sont mis de côté. « Les seules références (relatives à l’apprentissage du vocabulaire) qu’on trouve sont les dialogues mémorisés et l’analyse contrastive du domaine lexical faite par des linguistes ou par l’enseignant sans solliciter la participation des élèves » (Klett, 2019 : 2).
Dans le prolongement de ce « même paradigme béhavioriste » (Coste, 1970 :17), apparait la méthode audio-visuelle, selon laquelle la compréhension du sens du mot est essentielle. Toutefois, l’enseignement du vocabulaire y est lacunaire. Prenons le cas du Français Fondamental (FF) de Gougenheim : les listes de mots proposées aux apprenants y sont succinctes. Il arrive également que certains mots échappent à l’enseignement car leur signification ne les fait entrer dans aucune liste déjà établie (Coste, 1970).
La méthode structuro-globale audiovisuelle utilise des contextes variés et liste le vocabulaire par thèmes (Carras, 2018). Elle commence à appréhender la communication de façon plus « globalisante » (Bidarmaghz, 2019). Mis en oeuvre au coeur de cette approche, les principes onomasiologiques (enseignement partant d’un sens, d’une idée et menant aux formes utiles pour l’exprimer, contrairement aux principes sémasiologiques qui partent des mots vers le sens) transforment le schéma stimulus-réponse en observation–structuration-application (ce qui a été analysé chez Lewis). Néanmoins, cette méthode demeure encore dans un paradigme behavioriste.
Enseigner le lexique dans l’approche communicative
L’approche communicative, utilisée depuis les années 1970, met en avant le sens de la communication, ce qui est lié aux principes socio-constructivistes de l’acquisition d’une langue : l’interaction sociale et le soutien des autres y deviennent des éléments importants. Ainsi, les cours deviennent plus interactifs et valorisent le contexte de communication en laissant le choix du contenu de la réponse à l’apprenant (Cohen, 1990, Brown, 2001). Avec l’approche communicative, l’apprenant et ses besoins acquièrent une place plus importante qu’auparavant. Selon les didacticiens russes (avant tout, Schukin, 2003, Lebedinsky, 2011), cinq principes didactiques et méthodologiques permettent un apprentissage par approche communicative :
1. Lier la langue au raisonnement : tout matériel linguistique a une valeur communicative dans le processus de communication ;
2. Individualiser l’apprentissage : prendre en compte la motivation interne de l’apprenant ;
3. Principe de fonctionnalité : chaque activité langagière a sa fonction ;
4. Principe de situation : les situations de communication sont des unités de base à enseigner dans une communication dans une autre langue ;
5. Principe d’innovation : soutenir l’intérêt envers l’apprentissage d’une langue étrangère et développer la productivité des échanges.
Une méthode communicative : manuel Ruslan Russe 1
Situations de communication
Selon Puren, l’approche par la communication « émerge déjà dans la méthodologie audiovisuelle et dans l’approche lexicale » (Puren, 2004 :5). Il suffit de voir certaines méthodes (par exemple, Voix et images de France) qui proposaient déjà des unités selon le lieu où se déroulaient les dialogues. Des personnages, toujours les mêmes, conversaient ainsi dans un lieu bien défini et construisaient des dialogues déterminés. Les unités de lieux, associées à des unités de temps, d’action, de personnages et de conversation, ont d’abord servi de cadre fonctionnel et ont permis l’apprentissage d’un vocabulaire thématique. Chaque unité a offert la possibilité de dérouler le champ lexical du lieu présenté.
Puis les unités se sont dissociées les unes des autres. Ainsi, dans un lieu donné, des personnages ont pu entamer des conversations sans lien direct avec le lieu dans lequel ils avaient été situés. En effet, en analysant le manuel « Ruslan Russe 1 », nous pouvons voir que certains lieux de communication impliquent un dialogue fonctionnel (parler d’avions dans un aéroport, par exemple), tandis que d’autres ouvrent sur une dimension plus large. Il s’agit alors juste de poser un cadre de communication sans que les informations à transmettre ne soient entièrement conditionnées par ce cadre. Nous pouvons prendre l’exemple de la leçon 6 où les personnages sont au restaurant et y parlent de leurs passe-temps préférés.
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Table des matières
Introduction
Partie 1 – Enseigner la langue de Tolstoï en classe et en période de confinement
Chapitre 1. L’enseignement de langues en contexte LANSAD
1.1. Le secteur LANSAD et son développement
1.2. Questionnements et préjugés liés au secteur LANSAD
Chapitre 2. L’enseignement du russe en contexte de LANSAD
2.1. Bilan des inscriptions
2.2. Des profils hétérogènes
2.3. Effectifs enseignants
Chapitre 3. Trouver une méthode
3.1. Recherche et choix d’un manuel
3.2. Continuité pédagogique
3.3. Réalité pré-confinement : décisions et propositions
3.4. Réalité post-confinement : coopération et solutions
3.5. La problématique de recherche liée à ces éléments contextuels
Partie 2 – Enseigner le lexique dans une formation hybride
Chapitre 4. La question du lexique
4.1. Pourquoi se focaliser sur le lexique ?
4.2. Lexique et vocabulaire
4.3. Apprentissage et acquisition et du lexique
4.4. Emploi du vocabulaire et compétence lexicale
Chapitre 5. Hybrider un cours basé sur le manuel : accent sur le travail du lexique en ligne
5.1. Formation hybride : concepts clés
5.2. Conception d’une formation hybride : paramètres à prendre en considération
Chapitre 6. Apprentissage du lexique dans une formation hybride
6.1. Apports potentiels du mode distanciel (« en ligne ») pour travailler le lexique
6.2. Apports potentiels du présentiel pour travailler le lexique
6.3. Articulation possible entre les modes présentiel et distanciel pour l’apprentissage du lexique
Partie 3 – Réfléchir, chercher, concevoir
Chapitre 7. Recherche-développement et conception pédagogique
7.1. Étape 1 – Question de départ
7.2. Étape 2 – Exploration
7.3. Étape 3 – Problématisation
7.4. Étape 4 – Construction du scénario et de la version prototype
Chapitre 8. Conception d’un dispositif de formation : les étapes
8.1. A – Analyse
8.2. D – Design (Conception)
8.3. – D – Développement
Chapitre 9. Dispositif de formation et compétence lexicale
Chapitre 10. Tests pilotes et enquête de satisfaction
Conclusion
Bibliographie
Glossaire
Sigles et abréviations utilisés
Table des illustrations
Table des annexes
Table des matières
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